T. COM. PERPIGNAN, 5 novembre 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 246
T. COM. PERPIGNAN, 5 novembre 1996 : RG n° 96/566 ; jugement n° 1076 (?)
(sur appel CA Montpellier (2e ch. A), 7 mai 1998 : RG n° 96/0006327)
Extrait : « ATTENDU que cependant la réglementation des clauses abusives ne saurait être appliquée dans le présent cas, s'agissant d'un contrat conclu entre deux professionnels, la SA TRESSOL CHABRIER étant concessionnaire de la marque CITROEN et la SARL Société Exploitation des Établissements X., garagiste ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
ET DES PYRÉNÉES ORIENTALES
JUGEMENT DU 5 NOVEMBRE 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 96/566. Jugement n° 1076.
ENTRE :
La SA TRESSOL CHABRIER
dont le siège social est à [adresse], et pour elle, son représentant légal en exercice, y domicilié, DEMANDERESSE : comparaissant et plaidant par la SCP DE TORRES et PY, avocats associés au Barreau de Perpignan, d'une part,
ET :
La SARL Société d'Exploitation des Établissements X.
dont le siège social est à [adresse], Station A., et pour elle, son représentant légal en exercice, domicilié es-qualités audit siège social, DÉFENDERESSE comparaissant et plaidant par la SCP PARRAT, VILANOVA et PARRAT, avocats associés au Barreau de Perpignan, d'autre part,
Jugement de condamnation dommages et intérêts / concurrence
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : - M. POLIT F.F. [N.B. faisant fonction] de Président
- Mrs LEQUERTIER et FIGUERES, juges,
Assistés lors des débats de Mme VIGNE, F.F. de Greffier
LORS DU PRONONCÉ DU JUGEMENT : M. POLIT PRÉSIDENT
M.M. RENART ET FIGUERES JUGES
ASSISTÉS DE M. BOURNAZEAU, GREFFIER
Jugement - prononcé publiquement par M. POLIT PRÉSIDENT - signé PAR M. POLIT, PRÉSIDENT et par M. BOURNAZEAU, GREFFIER.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] LES FAITS ET LA PROCÉDURE :
Suivant acte sous seing privé en date à Perpignan du 2 janvier 1994, la qualité d'agent revendeur CITROEN a été allouée à la SARL X. à SAINT LAURENT DE LA SALANQUE, Station A. par la requérante qui est concessionnaire CITROËN pour les Pyrénées Orientales ;
Suivant courrier recommandé en date du 27 juin 1995, la SARL X. a porté à la connaissance de la requérante qu'elle ne renouvellerait pas son contrat d'agent revendeur après le 31 décembre 1995 ;
De ce fait et à partir du 1er janvier 1996, la SARL X. n'est plus agent revendeur CITROEN ;
A l'article 12 du contrat, il est noté : « Les véhicules CITROËN neufs en dépôt ou en stock chez l'agent revendeur seront immédiatement restitués ou remis au concessionnaire, qu'ils soient ou non facturés, cette restitution donnant lieu à l'annulation automatique et de plein droit des factures éventuelles correspondantes » ;
Il est par ailleurs noté à l'article 6.3 du contrat : « Dès cessation du contrat, l'agent revendeur retirera et fera immédiatement disparaître tout signe distinctif du constructeur et tout panonceau et toute inscription, enseigne et signalisation faisant mention du nom et/ou des marques du constructeur ; il s'interdit, en outre, de se prévaloir d'une façon quelconque notamment dans sa publicité commerciale, sur son enseigne, ses factures et papier à lettres du fait qu'il a été agent revendeur CITROEN » ;
La SA TRESSOL CHABRIER sachant que les compagnons d'atelier portaient encore des bleus de travail avec la mention CITROËN et que certaines demandes de travaux de clients faisaient encore référence à la marque CITROËN, a déposé requête à Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de Perpignan, le 2 avril 1996, afin de faire désigner tel huissier aux fins de:
- 1 - se rendre sur les lieux au siège social de la SARL Société d'Exploitation des Établissements X., [adresse],
- 2 - dresser constat de :
- mention ou référence à la marque CITROËN sur les tenues des ouvriers et sur tout document d'atelier et commercial y compris sur les murs des locaux,
- constater si les dossiers de demande de travaux des clients font référence à la marque CITROËN,
- vérifier que les tampons commerciaux appliqués sur les documents divers ne portent pas la mention CITROËN,
- vérifier si les demandes de travaux ouverts depuis le 1er janvier 1996 ne portent pas la’garantie VN ou garantie constructeur » si oui, relever les numéros des châssis,
- dire si des véhicules neufs CITROËN se trouvent dans les locaux ou aux abords de ceux-ci, et dans l'affirmative d'en relever le numéro de châssis ;
Suivant ordonnance en date du 12 avril 1996, Monsieur le Président du Tribunal de Commerce a désigné Maître Z. à cet effet ;
Suivant acte en date du 29 avril 1996, Maître Z. a dressé son constat ; Il en résulte que la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. est en infraction sur les points suivants : [minute page 3]
- plusieurs employés (5) portent des tenues de travail bleues jusqu'à mi-poitrine puis blanches portant dans le dos la marque CITROËN en lettres rouges,
- au mur du local technique est posé un panneau CONTRÔLE avec deux chevrons du logo CITROËN,
- dans les ateliers ainsi que dans les locaux de vente, sont visibles des présentoirs ne portant que des accessoires CITROËN avec logo sur les emballages,
Monsieur X. a déclaré que les ouvriers porteraient ses tenues selon le rythme de lavage des autres tenues ;
Il apparaît en outre, que l'huissier a procédé par sondage dans les ordres de réparation, et qu'il a constaté la présence de plusieurs ordres de réparation portant en première page au sommet, le logo CITROËN
C'est dans ces conditions que la SA TRESSOL CHABRIER s'est vue contrainte de s'adresser à justice et a fait délivrer assignation à la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. suivant exploit de Maître Z., huissier de justice à Perpignan, en date du 11 juin 1996, d'avoir à « comparaître en personne ou par fondé de pouvoir régulier, par devant le Tribunal de Commerce de Perpignan, [adresse], le mardi 3 septembre 1996 à 8 heures 30 pour :
Y VENIR la requise,
- S'ENTENDRE condamner sous astreinte de 10.000,00 francs par infraction constatée à :
* faire disparaître toutes mentions du logo CITROËN et du nom CITROËN des tenues de ses ouvriers et du panneau de contrôle,
* faire cesser d'utiliser les ordres de réparation portant en première page et au sommet le logo CITROËN,
- S'ENTENDRE condamner au paiement des sommes de :
* 50.000,00 francs à titre de dommages et intérêts,
* 1.507,54 francs montant des frais de requête et de constat,
- VOIR ordonner l'exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel et sans caution,
- S'ENTENDRE condamner au paiement d'une somme de 8.000,00 francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SARL Société d'Exploitation des Établissements X. conclut à voir le Tribunal :
- SE DÉCLARER incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de Perpignan,
- DÉCLARER en tous cas, la demande irrecevable,
- DIRE et juger en toute hypothèse l'article 6-3 affecté d'une nullité,
- CONSTATER l'absence de préjudice,
DÉBOUTER la demanderesse,
- S'ENTENDRE reconventionnellement condamner au paiement d'une somme de 5.000,00 francs par application de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens.
La SA TRESSOL CHABRIER conclut à lui voir allouer l'entier bénéfice de son exploit.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] SUR CE, le Tribunal :
ATTENDU que l'affaire a été inscrite au rôle et appelée ;
ATTENDU que la SA TRESSOL CHABRIER et la SARL Société d'exploitation des Établissements X. qui comparaissent par leur Conseil, ont été entendues en leurs dires, explications et conclusions, la clôture des débats prononcée et l'affaire mise en délibéré à l'audience du 8 octobre 1996 ;
- Sur la compétence :
ATTENDU que la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. soulève l'exception d'incompétence matérielle du Tribunal de Commerce au profit du Tribunal de Grande Instance de Perpignan au motif que les actions civiles relatives aux marques sont portées devant le Tribunal de Grande Instance par application des dispositions de l'article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle ;
ATTENDU que lesdites dispositions ne s'appliquent que dans les litiges portant sur la protection de la marque, brevet ou contrefaçon ; qu'au cas d'espèce, la SA TRESSOL CHABRIER n'est d'ailleurs pas propriétaire de la marque, mais concessionnaire ; qu’il s'agit d'un litige relatif à un contrat d'agent revendeur qui ne concerne pas uniquement l'usage d'une marque mais également un droit de revente qui est un acte commercial et l'inexécution d'obligations contractuelles par un commerçant ; que toute la jurisprudence rendue en matière de non respect par le concessionnaire ou revendeur de ses obligations, rappelle la compétence exclusive du Tribunal de Commerce ;
ATTENDU que dès lors, il échet d'accueillir en la forme l'exception d'incompétence soulevée par la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. mais de la rejeter comme infondée et de se déclarer compétent ;
- Sur la fin de non recevoir :
ATTENDU qu'il apparaît clairement à la lecture du procès-verbal de Maître Z., huissier de justice à Perpignan, en date du 29 avril 1996 que la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. continue d'exercer sous l'enseigne CITROËN ; que cette activité anticoncurrentielle a continué en janvier 1996 alors que, par lettre du 26 juin 1995, Monsieur X. précisait qu'il ne voulait pas reconduire son contrat d'agent revendeur ;
ATTENDU que dès lors, il échet de déclarer la SA TRESSOL CHABRIER recevable en son action à l'encontre de la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. ;
- Sur la nullité de la clause 6-3 du contrat du 20 janvier 1994 :
ATTENDU que la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. conteste la régularité de la validité de l'article 6-3 du contrat d'agent revendeur signé le 20 janvier 1994 ;
ATTENDU que cependant la réglementation des clauses abusives ne saurait être appliquée dans le présent cas, s'agissant d'un contrat conclu entre deux professionnels, la SA TRESSOL CHABRIER étant concessionnaire de la marque CITROËN et la SARL Société Exploitation des Établissements X., garagiste ; qu'il échet dès lors de débouter cette dernière de cette demande tendant à exonérer SA TRESSOL CHABRIER de [minute page 5] l'indemnisation sollicitée au titre de dommages et intérêts ;
ATTENDU qu'en l'état de sa lettre de rupture du contrat d'agent revendeur, en date du 26 juin 1995, la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. ne pouvait plus utiliser toutes les prérogatives et droits liés au contrat et notamment l'utilisation de la marque CITROËN ;
ATTENDU qu'il résulte des termes du constat dressé par Maître Z. que la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. continuait « d'exercer sous l'enseigne CITROËN, utilisait du matériel et notamment des présentoirs portant des accessoires CITROËN avec logo sur les emballages » ; qu'à la cessation du contrat, c'est à dire dès le 25 juin 1996, la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. par application de son article XII (qui stipule que tous les éléments fournis par le concessionnaire devront lui être restitués à la fin du contrat) se devait de ne plus faire usage de la marque du concessionnaire, ce qu'il n'a pas fait, comme en atteste le procès-verbal établi par Maître Z., en date du 29 avril 1996 ;
ATTENDU que la SARL Société d'Exploitation des Établissements X., suite à la résiliation du contrat, par l'utilisation indue de la marque CITROËN en violant ses obligations contractuelles a occasionné un préjudice certain à la SA TRESSOL CHABRIER ;
ATTENDU que dès lors, il convient d'ordonner à la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. de faire disparaître toutes mentions du logo CITROËN et du nom CITROËN des tenues de ses ouvriers et du panneau de contrôle, de cesser d'utiliser les ordres de réparations portant en première page et au sommet le logo CITROËN et sera condamnée à de justes dommages et intérêts, qu'il convient d'évaluer à la somme de 50.000,00 francs ;
ATTENDU que, compte tenu de la nature de la demande, il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;
ATTENDU que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC, et compte tenu des éléments fournis, d'allouer à la SA TRESSOL CHABRIER la somme de 7.000,00 francs qui lui sera versée par la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. ;
ATTENDU Que les dépens de la présente instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, notamment ceux afférents à la requête du 2 avril 1996 et du procès-verbal en date du 29 avril 1996 pour la somme de 1.507,54 francs, doivent être laissés à la charge de la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. qui succombe ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Sur la compétence,
L'ACCUEILLE en la forme l'exception d’incompétence soulevée par la SARL Société d'Exploitation des Établissements X.,
Au fond,
La REJETTE,
En conséquence,
SE DÉCLARE compétent, [minute page 6]
- Sur la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Société d'Exploitation des Établissements X.,
DÉCLARE recevable l'action de la SA TRESSOL CHABRIER à l'encontre de la SARL Société d'Exploitation des Établissements X.,
Sur la nullité de l'article 6-3 du contrat d'agent revendeur soulevée par la SARL Société d'Exploitation des Établissements X.,
DÉCLARE valable ladite clause,
Sur le préjudice,
CONDAMNE la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. à payer à la SA TRESSOL CHABRIER la somme de 50.000,00 francs (CINQUANTE MILLE FRANCS) à titre de dommages et intérêts,
DIT que compte tenu de la nature de la demande, il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,
Vu les dispositions de l'article 700 du NCPC,
ALLOUE à la SA TRESSOL CHABRIER la somme de 7.000,00 francs (SEPT MILLE FRANCS) qui lui sera versée par la SARL Société d'Exploitation des Établissements X.,
LAISSE les dépens de la présente décision, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment ceux afférents à la requête en date du 2 avril 1996 et les frais du constat établi par Maître Z., en date du 29 avril 1996, pour la somme de 1.507,54 francs (MILLE CINQ CENT SEPT FRANCS ET CINQUANTE QUATRE CENTIME) à la charge de la SARL Société d'Exploitation des Établissements X. qui succombe.
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5877 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : conclusion entre professionnels ou commerçants
- 5919 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : autres contrats
- 5942 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Commercialisation et distribution
- 6134 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée déterminée - Prorogation - Reconduction - Renouvellement
- 6312 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Distribution (contrats de)