CA MONTPELLIER (2e ch. sect. A), 7 mai 1998
CERCLAB/CRDP – DOCUMENT N° 953
CA MONTPELLIER (2e ch. sect. A), 7 mai 1998 : RG n° 96/0006327 ; arrêt n° A982A 02375
Publication : Juris-Data n° 035278 ; Lamyline
Extraits : 1/ : « La clause stipulée à l'article 6-3 du contrat d'agent revendeur, telle que reproduite dans l'exposé des faits, ne peut être qualifiée d'abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'elle est incluse dans un contrat conclu entre deux sociétés commerciales agissant dans l'exercice de leur activité professionnelle. »
2/ « Par ailleurs, cette clause n'est pas abusive dès lors qu'elle n'a pas pour effet de procurer à la société TRESSOL CHABRIER un avantage excessif mais ne fait que fixer les modalités de cessation du contrat d'agent revendeur, celui-ci ne pouvant plus faire usage des éléments caractéristiques de la marque CITROËN sans pour autant ne pouvoir poursuivre son activité initiale. En effet, la société X., qui a pris l'initiative de la cessation du contrat d'agent revendeur, ne peut continuer à profiter des avantages consentis par le constructeur CITROËN aux agents dépendant de son réseau et ne démontre pas que le retrait du logo CITROËN sur les tenues de travail de ses salariés et sur les documents et panneaux de son entreprise lui a interdit de poursuivre son activité de garagiste ».
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 7 MAI 1998
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 96/0006327. A982A 02375. Infirmation. Contradictoire. Sur le jugement rendu par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PERPIGNAN le 5 novembre 1996 sous le n° 96/566.
APPELANTE :
SARL X. STATION ELF
[adresse], représentée en la personne de son gérant domicilié es-qualité audit siège social ayant pour avoué constitué Maître AUCHE-HEDOU (réf. : 16905), assisté de Maître VILANOVA, Avocat au barreau de Perpignan
INTIMÉE :
SA TRESSOL CHABRIER
Représentée par son Président Directeur Général domicilié es qualité audit siège social [adresse], ayant pour avoué constitué la SCP ESTIVAL-DIVISIA-SENMARTIN, assisté de Maître DE TORRES, Avocat au barreau de Perpignan
Ordonnance de clôture du 12 février 1998
[minute page 2] COMPOSITION DE LA COUR LORS DE DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : OTTAVY Jean-Loup, Président de Chambre, MININI Jeanne, Conseiller, PROUZAT Jean-Luc, Conseiller.
GREFFIER : DESPERIES Christiane lors des débats et du prononcé.
DÉBATS : en audience publique le DIX-NEUF FEVRIER MIL NEUF CENT QUATRE-VINGT-DIX-HUIT à 14H30. L'affaire a été mise en délibéré au 26 mars 1998 puis le délibéré prorogé au 7 mai 1998.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé en audience publique le SEPT MAI MIL NEUF CENT QUATRE-VINGT-DIX-HUIT par OTTAVY Jean-Loup, Président. Le présent arrêt a été signé par OTTAVY Jean-Loup, Président, et par le greffier présent à l'audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] LES FAITS ET LA PROCÉDURE :
Suivant contrat conclu le 2 janvier 1994, la société TRESSOL CHABRIER, concessionnaire CITROËN pour le département des Pyrénées-Orientales, a consenti à la société d'exploitation des Etablissements X., dite société X., la qualité d'agent revendeur CITROËN.
Suivant courrier recommandé en date du 27 juin 1995, la société X. a informé la société TRESSOL CHABRIER de sa volonté de ne pas renouveler le contrat d'agent revendeur après le 31 décembre 1995.
A compter du 1er janvier 1996, la société X. n'était plus agent revendeur CITROËN et devait donc se soumettre aux dispositions contractuelles définissant les conditions de cessation du contrat et notamment à la clause 6-3 précisant « dès cessation du contrat, l'agent revendeur retirera et fera immédiatement disparaître tout signe distinctif du constructeur et tout panonceau et toute inscription, enseigne et signalisation faisant mention du nom et/ou des marques du constructeur ; il s'interdit en outre de se prévaloir d'une façon quelconque, notamment dans sa publicité commerciale, sur son enseigne, ses factures et papier à lettres, du fait qu'il a été agent revendeur CITROËN ».
Ayant constaté que la société X. faisait usage postérieurement au 1er janvier 1996 des signes distinctifs du constructeur, la société TRESSOL CHABRIER a obtenu du Président du Tribunal de Commerce de Perpignan l'autorisation de faire dresser un constat des faits reprochés. Maître X., huissier de justice, a constaté le 29 avril 1996 qu'au siège social de la société X. :
* plusieurs employés (au nombre de cinq) portaient des tenues de travail bleues portant dans le dos la marque CITROËN en lettres rouges,
* qu'au mur du local technique était posé un panneau CONTROLE avec deux chevrons du logo CITROËN,
* que dans les ateliers et dans les locaux de vente étaient visibles des présentoirs ne portant que des accessoires CITROËN avec logo sur les emballages,
* que des ordres de réparation portaient en première page le logo CITROËN.
Suivant exploit d'huissier en date du 11 juin 1996, la société TRESSOL CHABRIER a attrait la société X. devant le Tribunal de Commerce de Perpignan afin d'obtenir sous astreinte la cessation de l'infraction constatée et la condamnation de cette société au paiement de dommages et intérêts.
La société X. a soulevé l'incompétence de la juridiction commerciale au profit de la juridiction civile et subsidiairement a conclu à la nullité de la clause contractuelle (article 6-3 du contrat d'agent revendeur) et au rejet de la demande [minute page 4] d'indemnisation en l'absence de tout préjudice subi par la société concessionnaire de la marque CITROËN.
Par jugement en date du 5 novembre 1996, le Tribunal de Commerce de Perpignan, après avoir écarté l'exception d'incompétence, a fait droit aux réclamations présentées par la société TRESSOL CHABRIER et a condamné la société X. au paiement des sommes de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts et de 7.000 francs au titre des frais non taxables exposés outre les entiers dépens comprenant les frais de requête et de constat d'huissier.
La société X. a relevé appel de cette décision.
Elle invoque la nullité de la clause prévue à l'article 6-3 du contrat d'agent revendeur et fixant les modalités de cessation du contrat en faisant observer que cette clause est abusive et léonine dès lors qu'elle lui interdit l'usage de matériel qu'elle avait acquis à la demande du constructeur. Elle fait en outre observer que l'utilisation du matériel portant encore la marque du constructeur n'a occasionné aucun préjudice à la société TRESSOL CHABRIER. Elle a donc conclu à la réformation de la décision de première instance et au rejet des réclamations présentées par la société concessionnaire CITROËN qui devra en outre lui verser la somme de 5.000 francs au titre des frais non taxables exposés pour la défense de ses intérêts.
La société TRESSOL CHABRIER a conclu à la confirmation de la décision déférée en faisant remarquer que la clause litigieuse conclue entre professionnels ne pouvait être déclarée abusive, celle-ci ne faisant en outre que prévoir les conditions de cessation du contrat. Elle a formé appel incident en faisant observer que les premiers juges avaient omis de statuer sur la demande de retrait des signes distinctifs du constructeur sous astreinte. Elle a demandé la fixation à 100.000 francs des dommages et intérêts réparant le préjudice subi. Enfin, elle a sollicité l'indemnisation de ses frais non taxables exposés en appel à hauteur de la somme de 10.000 francs.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE / MOTIFS DE LA DÉCISION :
La clause stipulée à l'article 6-3 du contrat d'agent revendeur, telle que reproduite dans l'exposé des faits, ne peut être qualifiée d'abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dès lors qu'elle est incluse dans un contrat conclu entre deux sociétés commerciales agissant dans l'exercice de leur activité professionnelle.
Par ailleurs, cette clause n'est pas abusive dès lors qu'elle n'a pas pour effet de procurer à la société TRESSOL CHABRIER un avantage excessif mais ne fait que fixer les modalités de cessation du contrat d'agent revendeur, celui-ci ne pouvant plus faire usage des éléments caractéristiques de la marque CITROËN sans pour autant ne pouvoir poursuivre son activité initiale. En effet, la société X., qui a pris [minute page 5] l'initiative de la cessation du contrat d'agent revendeur, ne peut continuer à profiter des avantages consentis par le constructeur CITROËN aux agents dépendant de son réseau et ne démontre pas que le retrait du logo CITROËN sur les tenues de travail de ses salariés et sur les documents et panneaux de son entreprise lui a interdit de poursuivre son activité de garagiste.
De son côté, la société TRESSOL CHABRIER, qui a démontré le non respect par la société X. de la clause relative à la cessation du contrat d'agent revendeur, a justifié d'un préjudice lié justement à l'usage abusif par cette société des signes distinctifs du constructeur dont elle seule avait la disposition après la rupture du contrat intervenu à compter du 1er janvier 1996.
La Cour réduit toutefois à 20.000 francs le montant de l'indemnisation due à la société TRESSOL CHABRIER dès lors que l'usage de la marque CITROËN a été limité à l'intérieur des bâtiments de la société X. et pendant une période restreinte. Par contre, il convient de faire droit à la réclamation complémentaire de la société TRESSOL CHABRIER tendant à la fixation d'une astreinte au cas où la société X. ne respecterait pas à l'avenir les dispositions contractuelles relatives à la cessation du contrat d'agent revendeur, l'astreinte étant limitée à la somme de 5.000 francs par infraction constatée et ce, à compter de la signification de la présente décision.
La Cour accorde enfin à la société TRESSOL CHABRIER la somme de 10.000 francs au titre des frais non taxables exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
Vu l'article 696 du nouveau code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière ordinaire, en dernier ressort et après en avoir délibéré.
Reçoit les appels en la forme.
Infirme dans la mesure utile le jugement rendu le 5 novembre 1996 par le Tribunal de Commerce de Perpignan.
Statuant à nouveau :
Condamne la société d'exploitation des Etablissements X., sous astreinte de 5.000 francs par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision, à faire disparaître toute mention du logo CITROËN et du nom [minute page 6] CITROËN des tenues de ses ouvriers et du panneau de contrôle et à cesser d'utiliser des ordres de réparations portant en première page et au sommet le logo CITROËN.
Condamne la société d'exploitation des Etablissements X. à payer à la société TRESSOL CHABRIER les sommes de 20.000 francs à titre de dommages et intérêts et de 10.000 francs au titre des frais non taxables exposés.
La condamne aux entiers dépens comprenant les frais de requête et de constat d'huissier et autorise la SCP d'Avoués ESTIVAL-DIVISIA-SENMARTIN à recouvrer directement ceux exposés en appel conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
- 5802 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : principe
- 5858 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Exclusion explicite
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5877 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : conclusion entre professionnels ou commerçants
- 5919 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : autres contrats
- 5942 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Commercialisation et distribution
- 6134 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Contrat à durée déterminée - Prorogation - Reconduction - Renouvellement
- 6312 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Distribution (contrats de)