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CA RENNES (1re ch. B), 18 juin 2010

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (1re ch. B), 18 juin 2010
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 09/05313
Date : 18/06/2010
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : TI BREST, 2 juillet 2009
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2513

CA RENNES (1re ch. B), 18 juin 2010 : RG n° 09/05313

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que l'article L. 132-1 du Code de la consommation dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que, selon l'article R. 132-1, est interdite comme abusive la clause ayant pour objet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ;

Considérant que la clause qui exclut en termes généraux toute indemnisation de M. X. en cas de faute de la société AGS Armorique et qui contredit la portée de l'engagement contractuel de ce dépositaire salarié prive le consommateur de façon inappropriée de ses droits légaux vis-à-vis du professionnel en cas d'exécution défectueuse par celui-ci de ses obligations contractuelles, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que la souscription d'un contrat d'assurance par M. X. auprès d'un tiers au contrat de garde-meubles ne peut valablement compenser ce déséquilibre contractuel ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a dit que l'acte de renonciation en cause était constitutif d'une clause abusive dont le garde-meubles ne pouvait en conséquence se prévaloir, cette clause devant être réputée non écrite ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 18 JUIN 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 09/05313. Infirme partiellement la décision déférée.

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Xavier BEUZIT, Président, Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller, Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,

GREFFIER : Madame Marie-Noëlle CARIOU, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : À l'audience publique du 20 mai 2010, devant Monsieur Jean-Pierre GIMONET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 18 juin 2010, date indiquée à l'issue des débats

 

APPELANTE : [minute Jurica page 2]

SARL AGS ARMORIQUE

[adresse], représentée par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués, assistée de Maître ZIWES, avocat

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

[adresse], représenté par la SCP D'ABOVILLE, DE MONCUIT SAINT-HILAIRE & LE CALLONNEC, avoués, assisté de la SCP GLOAGUEN & PHILY, avocats

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur X. a confié le 30 avril 2004 à la société AGS Armorique, l'entreposage et la garde de ses effets et meubles ; il s'est plaint de ce que ses biens avaient été endommagés par des taches d'eau et de moisissure quand il en a repris possession le 28 juillet 2006 ;

Par jugement du 2 juillet 2009, le tribunal d'instance de Brest a :

- dit que l'acte de renonciation à recours signé par les parties le 3 juillet 2004 était constitutif d'une clause abusive et a prononcé la nullité de cet acte ;

- condamné la société AGS Armorique à payer à M. X. la somme de 5 800 € en réparation de son préjudice ;

- rejeté toutes les autres demandes ;

- condamné la société AGS Armorique à payer à M. X. la somme de 610 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

La société AGS Armorique a interjeté appel de cette décision et, par conclusions du 17 mai 2010, a demandé à la cour :

- d'infirmer le jugement ;

- de déclarer M. X. irrecevable en toutes ses demandes ;

- subsidiairement, de débouter M. X. de ses demandes ;

- de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 2.000 € HT sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

- [minute Jurica page 3] plus subsidiairement, de déclarer satisfactoire sa proposition d'indemnisation à hauteur de 1.272,25 € par application de sa clause de limitation de responsabilité ;

Monsieur X. a demandé à la cour, par conclusions du 10 mai 2010, de confirmer le jugement et de condamner la société AGS Armorique à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

SUR LA RECEVABILITÉ DU RECOURS :

Considérant que M. X. a conclu le 30 avril 2004 avec la société AGS Armorique un contrat de garde-meubles dont les conditions générales stipulent que « l'entreprise est responsable des biens qui lui sont confiés dans les conditions édictées par les articles 1927 à 1933 du Code civil … » (Art. 14) et que la rétribution du garde meubles est calculée mensuellement sur le double critère de la valeur totale du mobilier et de l'espace occupé ;

Que, selon les conditions particulières du contrat, les frais de garde n'ont été calculés qu'en fonction de l'espace occupé et non suivant la valeur déclarée, le contrat précisant à cet égard que « le client prend sa propre assurance » ;

Considérant que le 3 juillet 2004, M. X. a signé avec la société AGS Armorique un acte de « renonciation à recours réciproque » libellé comme suit : 

« Il est convenu que les marchandises confiées en date du 28 06 04 à la société AGS BREST consistant en 31 m3 d'effets personnels et mobiliers sont assurés par le déposant.

Le dépositaire n'assume aucune responsabilité pour quelque cause que ce soit à l'égard desdites marchandises.

Les parties renoncent par conséquent réciproquement à recours entre elles pour tous dommages, quelle qu'en soit la cause.

Elles s'engagent à communiquer copie de la présente à leurs assureurs respectifs… et répondent à tout manquement à cet égard. » ;

Que M. X. fait valoir que cette clause est abusive ;

Considérant que l'article L. 132-1 du Code de la consommation dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que, selon l'article R. 132-1, est interdite comme abusive la clause ayant pour objet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ;

Considérant que la clause qui exclut en termes généraux toute indemnisation de M. X. en cas de faute de la société AGS Armorique et qui contredit la portée de l'engagement contractuel de ce dépositaire salarié prive le consommateur de façon inappropriée de ses droits légaux vis-à-vis du professionnel en cas d'exécution défectueuse par celui-ci de ses obligations contractuelles, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que la souscription d'un contrat d'assurance par M. X. auprès d'un tiers au contrat de garde-meubles ne peut valablement compenser ce déséquilibre contractuel ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a [minute Jurica page 4] dit que l'acte de renonciation en cause était constitutif d'une clause abusive dont le garde-meubles ne pouvait en conséquence se prévaloir, cette clause devant être réputée non écrite ;

Considérant que la preuve n'étant nullement rapportée d'une quelconque indemnisation de M. X. par son assureur, la société AGPM assurances, il ne peut être valablement soutenu que seule cette dernière a qualité pour agir en tant que subrogée dans les droits de son assuré ; que l'action en responsabilité de M. X. doit être déclarée recevable ;

 

SUR LA RESPONSABILITÉ DU DÉPOSITAIRE :

Considérant qu'aux termes de l'article 1927 du Code civil le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il aurait apportés dans la garde des choses qui lui appartiennent ;

Que si le dépositaire salarié n'est tenu que d'une obligation de moyens, il lui incombe en cas de détérioration de la chose de prouver qu'il y est étranger en établissant qu'il a donné à cette chose les mêmes soins que ceux qu'il auraient apportés à la garde de celles lui appartenant, sauf à prouver que cette détérioration existait avant la mise en dépôt où que le dommage n'est pas imputable à sa faute ;

Considérant que la société AGS Armorique estime que cette preuve ressort des conclusions du rapport de M. Z., expert mandaté par son assureur, qui a conclu le 19 décembre 2006 que la cause du sinistre était une moisissure formée sur des substrats organiques qui ont été emballés alors qu'ils n'étaient pas assez secs ;

Considérant que M. Z. a exposé que le sinistre était consécutif à une exposition prolongée à de l'humidité entraînant le développement de formations fongiques en milieu confiné ; qu'il a ajouté que les moisissures affectaient à la fois les objets conditionnés eux-mêmes, c'est-à-dire ceux qui se trouvaient dans les cartons, et les meubles qui avaient été enveloppés dans du papier AGS par le personnel AGS et que les moisissures n'affectaient pas la totalité des articles, mais seulement une partie et par endroits ; qu'il en a déduit à titre d'hypothèse que cet état de fait pouvait résulter d'un emballage et d'un conditionnement lors d'une période pendant laquelle la saturation de l'air en vapeur d'eau était particulièrement élevée et que la combinaison d'un changement brutal de températures avec cette hygrométrie avait entraîné un phénomène de condensation, avec une prolifération de moisissures sur tous les matériaux possédant des fortes qualités hygroscopiques ;

Mais considérant que l'expert Z. assoit son hypothèse sur l'état des emballages en papier et l'état intérieur de caisses garde-meubles dont il n'est pas établi qu'elles aient contenu les biens de M. X., faute pour la société AGS Armorique d'avoir invité son client à assister au déplombage des caisses, comme prévu par les dispositions de l'article 16 des conditions générales du contrat de garde-meubles ; que l'expert de l'assureur de M. X. relève, comme l'a retenu le premier juge, que, l'hypothèse émise par M. Z. ne permet pas d'expliquer pourquoi seuls certains effets textiles ou en cuir sont affectés par des phénomènes de moisissures alors que d'autres ne le sont pas et que d'autres matériaux que le cuir et le bois, notamment le réfrigérateur et le lave-linge, sont moisis et rouillés ;

Que la preuve n'est donc pas rapportée par la société AGS Armorique de ce que le dommage causé aux biens pendant la durée du contrat n'est pas imputable à sa faute ; qu'une telle preuve ne saurait résulter par ailleurs des attestations du gérant de la société AGS Armorique selon lesquelles, d'une part, aucun dégât des eaux n'est intervenu dans ses locaux durant la période considérée et, d'autre part, les biens de M. X. sont restés stockés au même endroit jusqu'au 27 juillet 2006 au soir ;

Considérant ainsi que c'est en vain que la société AGS Armorique invoque l'exclusion de [minute Jurica page 5] responsabilité de l'article 15 du contrat selon laquelle le garde-meubles ne répond pas des dommages résultant « de l'état hygrométrique de l'air ambiant (condensation) à l'intérieur des contenants et des appareils confiés et plus généralement de l'influence des facteurs climatiques naturels » ;

Que c'est également en vain qu'elle invoque l'exclusion de garantie résultant d'un vice propre de la chose qui n'est nullement établi ;

Considérant enfin que, contrairement à ce que soutient la société AGS Armorique, les biens endommagés n'ont pas été majoritairement emballés par M. X. qui reconnaît avoir rempli quelques cartons de linge mais fait valoir que ce sont les salariés de la société AGS qui ont procédé à la fermeture des cartons sans être démenti formellement par cette dernière ; que la société AGS Armorique ne verse aux débats aucun document contractuel établissant l'étendue de ses prestations de conditionnement des biens de M. X. ni même l'inventaire valorisé dont elle soutient qu'il préciserait pour chaque colis s'il a été emballé par le client en lui attribuant ou non la codification « U » ; qu'en cet état, il ne peut être établi une liste d'objets déterminés qui n'auraient pas été conditionnés par la société AGS Armorique et qui, comme tels, relèveraient de l'exclusion de responsabilité de l'alinéa 3 de l'article 15 des conditions générales du contrat de garde-meubles ;

 

SUR LA CLAUSE DE LIMITATION DE RESPONSABILITÉ DU DÉPOSITAIRE :

Considérant que la société AGS Armorique invoque les dispositions de la déclaration de valeur signée par M. X. faisant référence à des conditions imprimées en pages 1 et 4 du document ;

Considérant qu'aux termes d'une page dactylographiée versée aux débats en copie et ne portant ni numéro de page ni paraphe de M. X., il est indiqué :

« Dans le cadre de la responsabilité contractuelle, en cas de dommages ou pertes, l'entreprise sera responsable dans les conditions fixées à l'article 13 des conditions générales.

L'indemnisation, conformément à l'article 14 des conditions générales sera limitée à la valeur totale du mobilier et à 152,45 € par objet, ensemble d'objets… ou élément de mobilier.

Vous devez, pour l'assurance dommage, lister et valoriser les objets, ensemble d’objets… ou élément de mobilier dont la valeur est égale ou supérieure à 152,45 € » ;

Mais considérant que les conditions générales versées aux débats, figurant également sur une page produite en copie, intitulées « conditions générales de vente du contrat de déménagement », outre qu'elles ne portent pas de paraphe et que rien ne permet de les identifier comme étant « les termes et conditions imprimés sur les pages 1 et 4 du présent document » que M. X. a déclaré avoir acceptés en signant la déclaration de valeur, rappellent à titre préliminaire qu'elles s'appliquent « de plein droit aux opérations de déménagement objet du présent contrat » ; que, s'il est exact que le société AGS a fourni à son client des prestations de déménagement en sus de celles de garde-meubles, il n'en demeure pas moins que le présent litige est afférent à la seule exécution du contrat de garde-meubles ; que ces conditions générales ne sont donc pas applicables au litige ;

Que, dès lors, l'indemnisation limitée à la valeur de 152,45 € prévue pour l'application de l'indemnisation énoncée à l'article 14 des conditions générales de vente du contrat de vente de déménagement ne saurait s'appliquer à l'indemnisation des dommages causés aux biens au cours de l'exécution du contrat de garde-meubles ;

Que seules auraient pu s'appliquer les dispositions de l'article 17 du contrat de garde-meubles non invoquées par la société AGS Armorique ;

Considérant que tant l'expert mandaté par l'assureur de M. X. que celui mandaté par l'assureur [minute Jurica page 6] de la société AGS Armorique ont évalué les dommages causés aux biens de M. X. à la somme de 5 800 € ; qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AGS Armorique au paiement de ladite somme à titre de dommages-intérêts à M. X. ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour

Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte de renonciation à recours signé par les parties le 3 juillet 2004 ;

Dit que l'acte de renonciation à recours du 3 juillet 2004 doit être réputé non écrit ;

Déclare M. X. recevable en sa demande ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Déboute la société AGS Armorique de toutes ses demandes ;

Condamne la société AGS Armorique à payer à M. X. la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT