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CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 21 mars 2011

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 21 mars 2011
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 1re ch.
Demande : 09/02058
Date : 21/03/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 18/03/2009
Décision antérieure : TGI HAZEBROUCK (ch. civ.), 19 novembre 2008, TGI HAZEBROUCK (ch. civ.), 19 janvier 2009
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2658

CA DOUAI (1re ch. sect. 1), 21 mars 2011 : RG n° 09/02058 

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'article L. 121-22 du code de la consommation énonce que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 réglementant la vente par démarchage à domicile les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession. Le contrat de vente a été souscrit par la société X. en sa qualité de professionnelle et dans un but professionnel puisqu'il s'agissait de diversifier les ressources tirées de l'exploitation agricole. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 21 MARS 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 09/02058. Jugement (N° 08/00416) rendu le 19 janvier 2009 par le Tribunal de Grande Instance de HAZEBROUCK

 

APPELANTE :

SCEA X.

ayant son siège social [adresse], Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour, Assistée de Maître Hugues FEBVAY, avocat au barreau de DUNKERQUE

 

INTIMÉE :

Société MRM SA GLACE DE LA FERME, société de droit néerlandais

ayant son siège social [adresse], Représentée par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour, Assistée de Maître Philippe HERBECQ, avocat au Barreau de PARIS

 

DÉBATS à l'audience publique du 24 janvier 2011 tenue par Joëlle DOAT magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile ). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Evelyne MERFELD, Président de chambre, Pascale METTEAU, Conseiller, Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 mars 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 janvier 2011

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par bon de commande en date du 5 juin 2007, la SCEA X. a acquis auprès de la société de droit néerlandais MRM BV GLACE DE LA FERME une machine à fabriquer des glaces, moyennant le prix de 82 024, 07 euros TTC.

La livraison a été fixée au 29 août 2007.

La société X. n'a pas payé le prix et n'a pas pris livraison de la machine.

Par acte d'huissier en date du 16 avril 2008, la société MRM BV GLACE DE LA FERME a fait assigner la SCEA X. devant le tribunal de grande instance d'HAZEBROUCK, aux fins de s'entendre condamner celle-ci à lui payer la somme de 82.024,07 euros majorée des intérêts au taux conventionnel de 1 % par mois à compter du 19 novembre 2007, ainsi que la somme de 10.287,30 euros au titre de la pénalité conventionnelle de retard, et celle de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Par jugement réputé contradictoire en date du 19 janvier 2009, le tribunal a :

- condamné la société X. à payer à la société MRM BV GLACE DE LA FERME la somme de 82.024,07 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2007 jusqu'à parfait règlement au titre du paiement du prix de la machine à glace « Naturéis 60 » commandée par bon du 5 juin 2007,

- ordonné l'exécution provisoire à concurrence de la moitié du montant ainsi fixé,

- condamné celle-ci à verser à la société MRM BV GLACE DE LA FERME une indemnité de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société X. aux dépens,

- débouté pour le surplus des demandes.

La SCEA X. a interjeté appel de ce jugement, par déclaration remise au greffe de la Cour le 18 mars 2009.

Dans ses conclusions en date du 18 janvier 2011, elle demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement

- de dire que la société MRM BV GLACE DE LA FERME n'a pas respecté son obligation d'information et de conseil, notamment dans sa partie précontractuelle,

- de dire que ce non-respect constitue une réticence dolosive ayant vicié son consentement,

- de dire nul et de nul effet le contrat du 5 juin 2007 et de débouter la société MRM BV GLACE DE LA FERME de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, de dire qu'il y a absence de cause à l'obligation de contracter, qu'en conséquence, l'obligation ne peut avoir aucun effet et de débouter la société MRM BV GLACE DE LA FERME de l'ensemble de ses demandes,

- plus subsidiairement, de dire que la société MRM BV GLACE DE LA FERME n'a pas respecté ses obligations précontractuelles et contractuelles, d'ordonner, conformément aux dispositions des articles 1183 et 1184 et suivants du code civil la résolution du contrat et de débouter en conséquence la société MRM BV GLACE DE LA FERME de ses demandes,

- plus subsidiairement encore, de constater la nullité du contrat de vente du 5 juin 2007, compte-tenu du refus de financement bancaire de l'opération globale portant sur la création des locaux et le financement de la machine,

- de constater que ce contrat contient une clause d'approvisionnement exclusif non limitée dans le temps et sans que le prix des fournitures ne soit déterminé, ni déterminable, de dire que ce contrat est nul pour indétermination du prix et de débouter la société MRM BV GLACE DE LA FERME de ses demandes,

- à titre reconventionnel, de condamner la société MRM BV GLACE DE LA FERME au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,

- de la condamner au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société X. explique qu'elle est productrice de lait et qu'elle ne dispose d'aucune connaissance en matière de production de glaces, tandis que la société MRM BV GLACE DE LA FERME, en sa qualité de vendeur professionnel, est tenue d'une obligation précontractuelle d'information et de conseil, que cette société ne lui a communiqué aucune information avant de lui faire signer le bon de commande, notamment en ce qui concerne la création de locaux adaptés et l'octroi d'une exclusivité territoriale.

Elle soutient qu'elle n'a pu découvrir la nécessité de créer un local technique que par le classeur qui lui a été remis mais que l'importance des travaux à réaliser, pour un coût équivalent à celui de la machine, n'est apparu que postérieurement à la signature du contrat, tandis qu'aucune précision n'a été apportée sur l'exclusivité territoriale dont elle devait bénéficier, que, dans ces conditions, elle ne pouvait donner un consentement éclairé, donc valable, que la société MRM BV GLACE DE LA FERME a commis une réticence dolosive, de sorte que son consentement a été vicié, que les contraintes liées aux quotas laitiers et aux prescriptions normatives de denrées alimentaires vendues au public ont été occultées.

Elle affirme qu'elle n'avait jamais eu pour ambition de se reconvertir dans la fabrication des glaces, mais qu'elle a reçu la visite d'un démarcheur à domicile après avoir été attirée par des publicités et par une séance de présentation de la machine, que le but recherché était dès lors d'obtenir des bénéfices complémentaires, ce qui ne pouvait se concevoir que dans le cadre d'un investissement défini et d'une exigence de rentabilité, rendant nécessaire l'existence d'une zone d'exclusivité géographique, qu'aucun élément ne lui a été transmis en ce qui concerne cette zone d'exclusivité, tandis qu'elle a appris que plusieurs exploitations voisines productrices de lait avaient été également démarchées, qu'ainsi, le mobile déterminant de l'investissement n'existant plus, le contrat se trouve dépourvu de cause.

A titre subsidiaire, la société X. demande qu'il soit constaté, si la théorie de l'absence de cause fondée sur l'absence de mobile déterminant n'était pas retenue, que la société MRM BV GLACE DE LA FERME a manqué à ses obligations propres, en ne fournissant aucune information pré, ni post-contractuelle et ne respectant pas son obligation de définir une zone d'exclusivité géographique garantissant l'absence de concurrence entre les producteurs de glace.

Elle ajoute qu'elle a tenté d'obtenir un financement, mais que sa banque le lui a refusé, de sorte que l'opération était vouée à l'échec en l'absence de possibilité d'aménager des locaux spécifiques, ce qui constituait une opération connexe de celle de l'achat de la machine.

Elle fait valoir que ce contrat porte sur la vente d'une machine à glaces mais aussi sur un engagement de fournitures exclusives, sans limitation de durée, ni de détermination du prix, que le contrat est donc entaché de nullité.

Elle fait observer que les pourparlers pré-contractuels doivent répondre à une obligation de bonne foi dans les négociations, que l'étude de rentabilité présentée par la société MRM BV GLACE DE LA FERME était mensongère puisqu'elle ne prenait pas en considération l'ensemble des éléments intégrés dans le prix de revient des marchandises transformées, tout en surévaluant le chiffre d'affaires susceptible d'être généré.

Dans ses conclusions en date du 12 janvier 2011, la société MRM BV GLACE DE LA FERME demande à la Cour :

- de dire la société X. mal fondée en son appel et de la débouter de toutes ses demandes,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société X. à lui verser la somme de 82.024,07 euros et dit que cette somme sera majorée des intérêts conventionnels au taux de 1 % par mois à compter du 19 novembre 2007,

- de faire droit à son appel incident et infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 10.287,30 euros au titre de la pénalité conventionnelle de retard et de sa demande en dommages et intérêts,

- de condamner la société X. au paiement de ladite somme de 10.287,30 euros,

- de la condamner au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

- de dire que ces sommes produiront intérêts, en application de l’article 1154 du code civil, à compter du 19 novembre 2007,

- de condamner la société X. à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que le contrat de vente est parfait, en application de l’article 1583 du code civil, que le bon de commande signé le 5 juin 2007 par les deux parties traduit leur volonté de s'accorder sur la chose et sur son prix, que le bien vendu est clairement identifié et le prix parfaitement déterminé.

Elle affirme qu'elle n'a pas manqué à son obligation précontractuelle d'information, que la société X. est une société agricole professionnelle, que la machine vendue permet la fabrication de glaces avec le lait produit par la ferme, de sorte que la vente de la machine est en rapport direct avec la production de lait et la vente de produits laitiers, que la société X. ne peut donc être considérée comme un acheteur profane puisqu'elle a agi pour les besoins de son exploitation agricole dans un domaine connexe de celui de son activité principale, qu'elle ne rapporte pas la preuve de la prétendue technicité dans la fabrication des glaces, qu'en tout état de cause, la fabrication des glaces est faite par la machine elle-même, qu'enfin, la société X. qui est une spécialiste du lait et qui exploite une ferme de 135 hectares avec 49 vaches laitières ne peut prétendre ignorer la réglementation et les méthodes de conservation des produits laitiers, qu'ainsi, elle n'était pas astreinte à une obligation précontractuelle d'information spécifique.

Elle considère cependant avoir communiqué à l'acquéreur l'information la plus complète, faisant observer que les relations précontractuelles ont duré près de 30 jours, qu'elle a insisté sur la nature juridique des engagements et sur leurs implications commerciales et techniques, avant la signature du contrat du 5 juin 2007.

Elle rappelle que M. et Mme X. ont été invités à participer à une démonstration qui a eu lieu le 30 mai 2007 chez M. et Mme R., agriculteurs près de Dunkerque, qui venaient d'aménager un local neuf, que la société X. a ensuite expressément manifesté la volonté de se porter acquéreur de la machine et de devenir producteur de glaces et sorbets sous la marque Glaces de la Ferme et qu'elle a accepté la visite du commercial qui leur a bien expliqué le concept général proposé ainsi que les contraintes techniques liées à la configuration d'un local spécifique, dont il avait été fait état lors de la présentation, que le commercial a réalisé un plan sommaire avec des mesures des pièces du nouveau local qui devait être aménagé et que le croquis du 5 juin 2007 est annexé au contrat, que le bon de commande lui-même précise les éléments techniques liés à l'installation de la machine.

Elle déclare que l'argument selon lequel l'aménagement du local coûterait la somme de 80.000 euros ne repose sur aucun élément de preuve, en l'absence de devis et d'étude, que la société X. connaissait parfaitement, au moment où elle a signé, la nature de ses engagements et l'étendue des investissements résultant de l'exploitation du concept Glace de la Ferme.

La société affirme que l'exclusivité géographique n'a jamais fait partie du périmètre contractuel des parties, qu'aucun des documents contractuels ne stipule une clause d'exclusivité, que les seuls documents qui y font référence sont trois articles de presse contenus dans un classeur de présentation marketing du concept qu'elle diffuse auprès de ses clients une fois qu'ils ont signé le bon de commande, qu'il s'agit de documents publicitaires qui n'ont aucune valeur contractuelle.

Elle fait valoir que l'existence d'une contrepartie réelle au contrat de vente exclut la nullité pour absence de cause, que, dès l'instant où une contrepartie sérieuse est constatée, il importe peu qu'un fait qui, objectivement a pu exercer sur le consentement une influence déterminante, n'ait pas existé, qu'en l'espèce, la contrepartie du paiement du prix par la société X. est la fourniture de la machine et d'une liste de points de vente potentiels à proximité de l'exploitation, pour faciliter le développement commercial.

Elle indique que le contrat ne contient aucune clause relative au financement des installations et que la société X. ne produit aucun élément démontrant qu'elle a déposé une demande de prêt, ni qu'un prêt lui a été refusé.

La société MRM BV GLACE DE LA FERME précise que le contrat litigieux est un contrat de vente et que l'obligation précontractuelle d'information mise à sa charge ne saurait être assimilée à l'obligation précontractuelle d'origine légale pesant sur un franchiseur ou, plus généralement, sur un animateur de réseau ou de distribution, prévue par les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce, qu'en tout état de cause, même en ce cas, la loi ne met pas à la charge de l'animateur de réseau l'étude du marché local, ni une étude de rentabilité, le candidat à l'adhésion devant y procéder lui-même.

Elle estime qu'elle a fourni une information suffisante quant à l'installation du local technique qui n'avait rien de spécifique à la marque ou à l'enseigne et qu'elle n'a formulé aucune exigence particulière hormis des considérations purement techniques et réglementaires, qu'une véritable démonstration a eu lieu chez des fermiers qui exploitaient déjà la machine et que le candidat acquéreur a pu visiter les locaux de fabrication et discuter avec les autres agriculteurs invités et les époux R. exploitants.

Elle déclare verser aux débats ses conditions générales de vente stipulant une pénalité de 15 % en cas d'impayé et affirme qu'elle a subi un préjudice économique lié au refus de paiement de la machine, puisqu'une fois la machine vendue, elle fournit tous les produits dérivés liés à la vente des glaces (ingrédients, emballages, étiquettes) et qu'elle bénéficie d'un chiffre d'affaires mensuel moyen par client d'un montant de 1.400 euros.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer.

En application de l’article 1583 du code civil, elle est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur quoique la chose n'ait pas encore été livrée, ni le prix payé.

Le 5 juin 2007, la SCEA X. a signé avec la société MRM BV GLACE DE LA FERME un contrat intitulé demande de livraison conformément aux conditions générales de vente et de livraison portant sur :

- une machine Agrar Coag avec l'imprimeur et la commande (contrôle) NL 610 ou Natureis 60, pour un prix de 68.582 euros hors taxes,

- 500 recettes et quelques recettes spéciales, conseils pour la préparation d'un plan de marché, conseils pour préparer divers produits de crème glacée. Il est toujours obligatoire de faire figurer le nom et le logo de la Glace de la Ferme. Des modifications et nouvelles recettes ne sont autorisées qu'avec l'accord par écrit de MRM SA. En dehors du lait, crème et autres produits de votre ferme, vous serez obligé d'utiliser sans exception les produits additionnels livrés par MRM SA.

Le contrat précisait les caractéristiques de l'installation électrique et de l'alimentation en eau nécessaires à la mise en service de la machine.

Il y était annexé une liste de matériel (« paquet A »).

Aux termes du contrat, la livraison de la machine devait avoir lieu le 29 août 2007 et le paiement intervenir la veille de la livraison.

Par lettre en date du 27 juin 2007, la société MRM BV GLACE DE LA FERME a annoncé la livraison de la machine pour le 6 août 2007 et une démonstration à la date du 22 août 2007.

Puis, par lettre en date du 18 août 2007, la société MRM BV GLACE DE LA FERME a informé la société X. que la date définitive de la livraison était prévue pour le 7 septembre 2007.

Le 19 novembre 2007, la société MRM BV GLACE DE LA FERME a envoyé à la société X. une lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure de lui adresser un chèque d'un montant de 68.582 euros majoré de la TVA correspondant au paiement de la machine et du paquet A.

La société X. n'a pas répondu à la mise en demeure et n'a pas constitué avocat à la suite de l'assignation devant le tribunal, qui lui a été délivrée.

L'article L. 121-22 du code de la consommation énonce que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 réglementant la vente par démarchage à domicile les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.

Le contrat de vente a été souscrit par la société X. en sa qualité de professionnelle et dans un but professionnel puisqu'il s'agissait de diversifier les ressources tirées de l'exploitation agricole.

Mais le vendeur professionnel, même en présence d'un acquéreur professionnel, est tenu d'une obligation d'information et de conseil et il doit s'assurer de l'adaptation de la chose vendue aux besoins de l'acquéreur, et ce d'autant plus que la fabrication et la vente de glaces ne constituent pas une activité habituelle et connexe de celle d'exploitant agricole producteur de lait, les glaces fussent-elles fabriquées à partir de lait de ferme produit sur place.

La société MRM BV GLACE DE LA FERME fait valoir qu'elle n'était pas tenue d'une obligation d'information renforcée, s'agissant d'un simple contrat de vente à un professionnel, et que l'exclusivité géographique n'était pas comprise dans le champ contractuel.

Il ressort cependant des termes du contrat que ce n'est pas seulement une machine à fabriquer des glaces qui a été vendue, mais qu'ont également été vendus des produits accessoires et des fournitures, ainsi que l'engagement de vendre les produits sous la marque Glace de la Ferme.

Le contrat ne peut dès lors être assimilé à un contrat de vente de matériel pur et simple.

Précisément, il était vendu à la société X. un « concept » nouveau, qui nécessitait une information particulière et détaillée, notamment quant la création et l'aménagement d'une salle de fabrication spécifique, la zone géographique de vente concernée, les prévisions budgétaires de l'opération et plus généralement les gains à retirer de cette activité annexe.

Or, les documents d'information relatifs à la nécessité de disposer d'un local technique adapté à l'installation de la machine et à la fabrication des glaces, ainsi qu'à la possibilité de bénéficier d'une zone d'exclusivité territoriale, ces documents étant constitués d'articles de presse et publicitaires n'ont été portés à la connaissance de la société X. que postérieurement à la signature du contrat.

Il n'est pas démontré qu'à la date de signature du contrat, l'acquéreur avait bénéficié des informations nécessaires, alors qu'il avait simplement assisté à une séance de présentation et de démonstration chez un autre agriculteur six jours plus tôt.

La société MRM BV GLACE DE LA FERME affirme sans le justifier qu'il ne s'agissait pas d'une simple présentation, mais d'une véritable démonstration chez des agriculteurs qui possédaient déjà une machine et qui avaient aménagé à cet effet un local technique spécifiquement adapté, de sorte que la société X. avait connaissance de la nécessité de disposer d'une telle installation.

Le contrat, lui, ne contient aucune mention sur ce point.

Certes, un croquis manuscrit sommaire portant la date du 5 juin 2007 est produit, dont il n'est pas établi qu'il était annexé au contrat. Il comporte le dessin d'une pièce avec ses dimensions (6, 99 mètres x 6, 64 mètres), sa surface (46, 41 mètres carrés), sa fenêtre et son entrée.

Cependant, c'est seulement par lettre en date du 4 juillet 2007 que la société MRM BV GLACE DE LA FERME a fait parvenir à la société X. un véritable plan du local de production contenant un sas vestiaire, un entrepôt, un lieu de production et un magasin.

Aucune précision n'est donnée, ni dans le contrat, ni dans cette lettre, quant au coût de l'aménagement d'un tel local, lequel vient s'ajouter au prix d'achat de la machine à glace.

Par ailleurs, c'est la société MRM BV GLACE DE LA FERME elle-même qui, dans une lettre en date du 21 mai 2007, informait la société X. de l'existence d'une « exclusivité géographique », en ces termes :

« La machine spéciale à fabriquer de la glace que nous avons développée pour Glace de la Ferme est brevetée mondialement, ce qui nous permet de limiter le nombre d'agriculteurs produisant cette crème glacée de haute qualité. En conséquence, seulement un agriculteur par secteur aura le droit de produire ce produit délicieux.

(...) Nous tenons à vous préciser qu'aucune vente n'est faite lors de ces démonstrations, donc vous ne pouvez rien acheter et vous ne pouvez pas réserver de secteur ce jour. »

Néanmoins, aucune obligation à la charge du vendeur de concéder à l'acquéreur un secteur géographique exclusif ne figure au contrat, contrairement à ce que laissent supposer la lettre du 21 mai 2007 ci-dessus citée, ainsi que les articles de presse remis à la société MRM BV GLACE DE LA FERME, bien que la société MRM BV GLACE DE LA FERME explique qu'après paiement du prix et livraison de la machine, elle envoie une liste de 75 à 100 points de distribution, différente pour chaque exploitant.

C'est postérieurement à la signature du contrat, par lettre en date du 8 juin 2007, que des renseignements relatifs à l'estimation du chiffre d'affaires susceptible d'être réalisé, au gain prévisionnel annuel, à l'amortissement de la machine et à la capacité de production de celle-ci, ont été communiqués à l'acquéreur.

Dans la mesure où des produits autres que le lait et la crème entrant dans la fabrication devaient être fournis exclusivement par le vendeur de la machine et que l'exploitant agricole n'était pas un professionnel de la fabrication et de la vente des glaces, il incombait à la société MRM BV GLACE DE LA FERME qui proposait un « concept complet avec soutien pour la vente et la production », de donner avant la signature du contrat une information quant à la rentabilité prévisible de cette activité.

Enfin, la durée du contrat d'approvisionnement et de l'engagement de vendre des glaces sous la marque de la société MRM BV GLACE DE LA FERME n'est pas mentionnée au contrat.

En application de l’article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le manquement à une obligation précontractuelle d'information suffit à caractériser le dol par réticence à condition que s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

En ne révélant que postérieurement à la signature du contrat des éléments substantiels d'information, à savoir la nécessité d'aménager un local technique dont le coût allait s'ajouter à celui de l'acquisition de la machine elle-même, les conditions dans lesquelles les glaces étaient susceptibles d'être commercialisées et les indications relatives aux prix de revient et aux prix de vente, la société MRM BV GLACE DE LA FERME a intentionnellement dissimulé à la société X. des informations en sa possession qui étaient indispensables pour que cette société soit renseignée de manière complète sur l'ampleur des investissements à réaliser au regard de la rentabilité escomptée.

Le manquement intentionnel du vendeur à son obligation d'information a entraîné pour la société X. une erreur déterminante quant au coût global de l'opération dans laquelle elle s'est engagée en signant le contrat, de sorte que la preuve de la réticence dolosive de la société MRM BV GLACE DE LA FERME est rapportée.

Il convient en conséquence de prononcer la nullité du contrat et de débouter la société MRM BV GLACE DE LA FERME de l'intégralité de ses demandes.

Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a condamné la société MRM BV GLACE DE LA FERME au paiement de la somme de 82.024,07 euros TTC, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2007, et de celle de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières dont il n'est pas justifié en l'espèce, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel.

Les demandes formées par la société MRM BV GLACE DE LA FERME ayant été jugées fondées par les premiers juges, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la société X. doit être rejetée.

Il y a lieu de mettre à la charge de la société MRM BV GLACE DE LA FERME les frais irrépétibles supportés par la société SCEA X., à hauteur de 1.500 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire :

INFIRME le jugement

STATUANT A NOUVEAU,

PRONONCE la nullité du contrat pour réticence dolosive du vendeur,

DÉBOUTE la société MRM BV GLACE DE LA FERME de toutes ses demandes,

DÉBOUTE la société X. de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE la société MRM BV GLACE DE LA FERME aux dépens de première instance et d'appel et dit que, pour ceux d'appel, ils pourront être recouvrés par la SCP THERY et LAURENT, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société MRM BV GLACE DE LA FERME à payer à la société X. la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,               Le Président,

Nicole HERMANT. Evelyne MERFELD.