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CA MONTPELLIER (2e ch.), 10 février 2009

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (2e ch.), 10 février 2009
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 2e ch.
Demande : 08/06939
Décision : A092/0703
Date : 10/02/2009
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Numéro de la décision : 703
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2671

CA MONTPELLIER (2e ch.), 10 février 2009 : RG n° 08/06939 ; arrêt n° A092/0703

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2009-004480

 

Extrait : « Attendu que la clause laissant au brasseur - et à lui seul - le choix de solliciter, lorsque le débitant décide de cesser de s'approvisionner auprès de lui, soit la restitution du matériel donné en dépôt, soit son paiement en valeur d'origine, exclut l'application des dispositions des articles 1932 et 1933 du code civil, et n'est pas abusive puisque cette mise à disposition de matériel neuf permet au débitant de s'installer en limitant ses frais et de jouir de ce matériel le temps qu'il désire et que, par ailleurs, la valeur d'origine qui peut lui être réclamée, d'une part, est inférieure à sa valeur actualisée et, d'autre part, représente l'amortissement dont a été privé le brasseur durant le temps de la mise à disposition ».

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 10 FÉVRIER 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/06939. Arrêt n° A092/0703. Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 février 2006 TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN, R.G. n° 2005-585.

 

APPELANTS :

- Monsieur X.

né le [date] à [ville] de nationalité Française, représenté par la SCP GARRIGUE - GARRIGUE, avoués à la Cour assisté de la SCP FARRIOL - VIEU BARTHES, avocats au barreau de PERPIGNAN

- Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville] de nationalité Française, représentée par la SCP GARRIGUE - GARRIGUE, avoués à la Cour assistée de la SCP FARRIOL - VIEU BARTHES, avocats au barreau de PERPIGNAN

 

INTIMÉE :

SA BRASSERIE MILLES,

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social [adresse], représentée par la SCP TOUZERY - COTTALORDA, avoués à la Cour, assistée de la SCP BECQUE- MONESTIER - DAHAN, avocats au barreau de PERPIGNAN

[minute page 2]

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 8 janvier 2009

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 janvier 2009, en audience publique, M. Daniel BACHASSON, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Daniel BACHASSON, Président Madame Noële-France DEBUISSY, Conseiller Mme Luce BERNARD, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Colette ROBIN

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Mademoiselle Colette ROBIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La commune de [ville], qui est propriétaire d'un fonds de commerce de bar-brasserie, a conclu, le 27 janvier 1998, avec la société Brasserie Milles une « convention d'exclusivité de fournitures » aux termes de laquelle elle s'engageait, en contrepartie d'une subvention, à s'approvisionner exclusivement auprès de cette société.

Le 10 avril 1998, la commune a donné son fonds en location-gérance à M. et Mme X. par un acte sous seing privé qui faisait obligation à ceux-ci de respecter cette convention.

Par ailleurs, selon plusieurs contrats de prise en charge de matériel, la société Brasserie Milles a accepté de laisser en dépôt aux locataires-gérants divers équipements neufs (enseigne, mobilier, tireuse à bière) aussi longtemps qu'ils s'approvisionneraient auprès d'elle, étant précisé qu'à défaut, elle pourrait demander soit le paiement dudit matériel à sa valeur d'origine, soit sa restitution en parfait état.

[minute page 3] M. et Mme X. ayant cessé de lui passer des commandes et ayant laissé des factures impayées, et toutes les demandes en paiement étant restée vaines, la société Brasserie Milles les a fait assigner, selon exploit du 31 mars 2005, devant le tribunal de commerce de Perpignan en paiement de 9.234,23 euros au titre du matériel mis à disposition et de 1.596,21 euros au titre des factures impayées.

Par jugement contradictoire du 20 février 2006, le tribunal a fait droit à ces demandes.

M. et Mme X. ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

L'affaire, fixée à l'audience du 17 juin 2008, a fait l'objet, par arrêt du 13 août 2008, d'une mesure de retrait du rôle à la demande des parties en raison d'un mouvement de protestation des avoués consécutif à l'annonce de leur suppression.

Elle a été réinscrite au répertoire général de la cour le 1er octobre 2008.

M. et Mme X. ont conclu à l'infirmation du jugement entrepris, demandant à la cour de :

- noter que le contrat de fourniture exclusive est venu à expiration le 28 janvier 2003, et qu'à cette date, ils ont demandé vainement à la société Brasserie Milles de reprendre possession de son matériel, et ont dû supporter des frais de gardiennage dont ils demandent paiement à concurrence de 3.000 euros

- leur donner acte de ce que le matériel est à la disposition de la société Brasserie Milles,

- juger que les contrats de mise à disposition du matériel sont nuls,

- juger que la clause contractuelle prévoyant la possibilité pour la société Brasserie Milles de réclamer le paiement [minute page 4] du prix du matériel à sa valeur à neuf d'origine est abusive, et que seule peut être due sa valeur résiduelle,

- leur donner acte de ce qu'ils se reconnaissent débiteurs, au titre des factures impayées, de la somme de 776,83 euros,

- rejeter les neuf autres factures faute de justification des bons de livraison correspondants,

- leur allouer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que :

- le contrat initial ayant été conclu pour une durée de cinq ans est venu à expiration le 28 janvier 2003, et ils ont alors demandé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la société Brasserie Milles de récupérer son matériel, à quoi elle n'a pas donné suite,

- ce matériel encombre depuis plusieurs années une partie de la terrasse de leur local commercial et un local municipal, et ils ont dû prendre toutes mesures pour qu'il soit protégé de toutes dégradations, perte ou vol,

- aucune convention n'a pu être conclue en 1992 puisque, à cette époque, ils n'exploitaient pas le fonds,

- les contrats de mise à disposition du matériel sont abusifs en ce qu'ils ne sont pas limités dans le temps alors qu'ils devraient avoir une durée limitée ne serait-ce qu'en raison de la vétusté du matériel et de sa dégradation par l'usage qui en est fait, et cette durée indéterminée a pour conséquence de rendre obligatoire et illimité l'approvisionnement exclusif,

- la demande de la société Brasserie Milles en paiement de la valeur d'origine du matériel se heurte aux dispositions de l'article 1932 du code civil,

- s'ils se reconnaissent débiteurs des quatre factures du mois de décembre 2002 pour un total de 776,83 euros, en revanche, ils contestent les neuf autres, faute de justification de bons de commande et de livraison correspondants et, par ailleurs, la facture 519180 du 18 mai 1999 a été réglée avec les factures 516397, 518260 et 518259 d'un montant de 8.705,75 euros.

[minute page 5] La société Brasserie Milles a conclu à la condamnation de M. et Mme X. à lui payer les sommes de :

- 3.943,24 euros correspondant à la valeur de l'installation du tirage à bière,

- 426,86 euros correspondant à la valeur des enseignes,

- 9.234,23 euros correspondant à la valeur du mobilier,

- 1.596,21 euros au titre des factures impayées,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- les contrats de prise en charge du matériel sont totalement indépendants du contrat d'approvisionnement exclusif signé avec la commune, laquelle pouvait seule s'engager en tant que propriétaire du fonds, et seul le contrat d'approvisionnement exclusif est arrivé à échéance,

- ces contrats de prise en charge de matériel courent jusqu'à ce qu'ils soient dénoncés par le débitant qui décide de ne plus s'approvisionner auprès du brasseur, auquel cas ce dernier, et lui seul, a la faculté d'opter soit pour la restitution du matériel, soit pour son paiement en valeur d'origine,

- la mise à disposition de matériel constitue un avantage économique pour le débitant qui n'a pas à effectuer une mise de fonds pour s'équiper, et, par ailleurs, cet avantage existe encore même si le brasseur sollicite la restitution de la valeur du matériel, puisque le débitant va le payer à sa valeur d'origine, qui est moindre que celle actualisée d'un même matériel neuf, et alors qu'il l'a utilisé durant des années sans bourse délier et que, de son côté, le brasseur n'a pu l'amortir,

- le brasseur ayant choisi de solliciter le paiement du matériel, il a abandonné tout droit sur celui-ci et ne saurait dès lors supporter des frais de gardiennage,

- l'envoi de commandes préalables ne relève pas des usages de la profession, et, pour chaque livraison, le livreur remet au débitant une facture relative à la marchandise livrée, facture sur laquelle il est mentionné qu'elle figurera sur le relevé établi chaque quinzaine, le règlement devant intervenir dans le mois suivant,

- [minute page 6] M. et Mme X. qui ont reçu ces factures et les relevés correspondants n'ont jamais émis quelque contestation, si ce n'est lorsqu'ils ont été mis en demeure de payer.

C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2009.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1/ Sur la demande au titre du matériel :

Attendu que le contrat d'exclusivité de fournitures du 27 janvier 1998 a été signé pour une durée de cinq ans avec la commune, et non avec M. et Mme X. ;

Qu'en revanche, M. et Mme X. se sont engagés avec la société Brasserie Milles au titre de six conventions des 3 mars 1992, 8 avril, 6 mai, 27 juillet 1998, 25 juin 1999 et 25 avril 2001, intitulées « prise en charge de matériel », selon lesquelles ils ont reçu du brasseur du matériel d'une valeur déterminée en dépôt, en contrepartie de quoi ils se sont engagés à s'approvisionner auprès de lui « pendant toute la durée de la mise en dépôt », étant précisé que « dans le cas où le client cesserait d'effectuer ses approvisionnements à la Brasserie Milles, la Brasserie pourra à tout moment demander soit le paiement par le client à la Brasserie du matériel à sa valeur d'origine, soit la restitution du matériel en parfait état » ;

Attendu que ces conventions sont indépendantes du contrat d'exclusivité de fournitures et sont à durée indéterminée ;

Que, dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir qu'elles ont pris fin le 28 janvier 2003 ;

Attendu que la clause laissant au brasseur - et à lui seul - le choix de solliciter, lorsque le débitant décide de cesser de s'approvisionner auprès de lui, soit la restitution du matériel donné en dépôt, soit son paiement en valeur d'origine, exclut l'application des dispositions des articles 1932 et 1933 du code civil, et n'est pas abusive puisque cette mise à disposition de matériel neuf permet au débitant de s'installer en limitant ses frais et de jouir de ce matériel le temps qu'il désire et que, par ailleurs, la valeur d'origine qui peut lui être réclamée, d'une part, est inférieure à sa valeur actualisée et, d'autre part, représente l'amortissement dont a été privé le brasseur durant le temps de la mise à disposition ;

[minute page 7] Attendu que les appelants sont donc tenus par ces conventions, à l'exception toutefois de celle datée du 3 mars 1992 (mise à disposition de mobilier de terrasse pour un montant de 11.379,67 francs) puisqu'il ressort de l'extrait du registre du commerce et des sociétés produit que M. et Mme X. n'ont commencé l'exploitation du fonds que le 25 avril 1998 ;

Que, par ailleurs, dans son assignation introductive d'instance du 31 mars 2005, la société Brasserie Milles n'a réclamé au titre du matériel que la somme de 60.572,60 francs (9.234,23 euros) correspondant au mobilier de terrasse, et non le prix de l'enseigne et de l'installation de tirage à bière ;

Qu'il lui sera donc alloué le montant réclamé dont sera déduit le prix du mobilier objet de la convention de 1992, soit la somme totale de 7.499,41 euros (9.234,23 – 1.734,82) ;

Attendu que, la société intimée ayant choisi de solliciter le paiement du prix du matériel, elle a renoncé à sa restitution et à faire valoir tout droit à cet égard ;

Qu'en conséquence, M. et Mme X. ne sont pas fondés à réclamer des frais de gardiennage ;

 

2/ Sur la demande au titre des factures :

Attendu que l'intimée produit toutes les factures dont elle réclame le paiement et les relevés correspondants établis par quinzaine ;

Que seules quelques-unes d'entre elles comportent la signature du client attestant la réception de la marchandise livrée ;

Que, dès lors, seul est dû le montant afférent à ces factures n° 519180, 743128, 743129, 415 et 416, soit la somme totale de 874,40 euros, étant précisé que les appelants ne rapportent pas la preuve de leur affirmation selon laquelle la facture n° 519180 a été réglée ;

 

3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par moitié par chaque partie ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

[minute page 8] Confirme le jugement entrepris en son principe, mais l'infirme sur le montant des sommes allouées, sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sur la charge des dépens.

Et, statuant à nouveau,

Condamne M. et Mme X. à payer à la société Brasserie Milles les sommes de :

- sept mille quatre-cent quatre-vingt-dix-neuf euros et quarante et un centimes (7.499,41) au titre de la valeur du mobilier mis à disposition,

- huit cent soixante-quatorze euros et quarante centimes (874,40) au titre des factures impayées.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne chaque partie à supporter la moitié des dépens de première instance et d'appel, et autorise les avoués de la cause à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER            LE PRÉSIDENT