CA AIX-EN-PROVENCE (15e ch. B), 18 mars 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2870
CA AIX-EN-PROVENCE (15e ch. B), 18 mars 2010 : RG n° 09/08056 ; arrêt n° 2010/116
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que le contrat d'assurance auquel a adhéré Madame X. prévoit notamment que sont exclus les 12 premiers mois d'arrêt de travail consécutifs à des affections psychiques (telles que névrose, psychose, trouble de la personnalité, trouble psychosomatique, état dépressif) dans le cadre de la garantie arrêt de travail par maladie ou accident ; qu'il n'est pas contesté que l'arrêt de travail de Madame X. résulte d'une affection psychique ; […]
Attendu, en premier lieu que le seul fait que cette clause figure dans le contrat sous un intitulé « exclusions applicables » ne suffit pas pour établir qu'il s'agit d'une clause d'exclusion de garantie relevant des exigences formelles de l’article L. 112-4 du Code des assurances ;
Attendu, ensuite, que la clause litigieuse a pour objet non pas d'exclure du champ contractuel la garantie de la maladie affectant Madame X. mais seulement de limiter dans le temps la prise en charge du sinistre consécutif à cette maladie ; qu'il ne s'agit donc pas d'une clause d'exclusion et que, par voie de conséquence, les dispositions du texte susvisé sont sans application en l'espèce ;
Attendu que l'appelante soutient par ailleurs que la même clause est abusive par application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ; qu'elle se réfère à la recommandation n° 90-01 de la commission des clauses abusives préconisant que soient supprimées les clauses ayant pour effet ou pour objet de « prévoir un délai de carence d'une durée telle qu'il dénature les garanties du contrat », étant précisé que la recommandation ajoute « en considération notamment de la durée du prêt auquel elles se rapportent » ;
Attendu qu'en l'espèce Madame X. a souscrit un prêt de 20 ans, de sorte que le délai de carence de 12 mois n'apparaît pas disproportionné par rapport à la durée du prêt, ce qu'admet d'ailleurs l'intéressée ;
Attendu que la clause ne saurait davantage être considérée comme abusive en ce qu'elle opère une distinction entre les pathologies ; qu'en effet, comme le souligne avec pertinence l'assureur, une telle différenciation se justifie par la spécificité des maladies d'ordre psychique, que ce soit quant à leur durée ou leur diagnostic, au regard notamment des risques de fraude dans ce domaine ; que la garantie s'applique bien au-delà du délai de carence et que la clause ne fait pas obstacle à la mise en œuvre des autres garanties, de sorte qu'elle ne crée pas au détriment du consommateur, quelle que soit sa profession, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Attendu que, contrairement à ce qu'elle prétend, Madame X. avait bien la faculté de s'assurer auprès d'une autre compagnie d'assurances, son contrat de prêt prévoyant seulement l'obligation de contracter une assurance pour les risques décès, invalidité, arrêt de travail ou décès et invalidité absolue et définitive, sans lui imposer d'adhérer au contrat de groupe souscrit auprès de GENWORTH Assurances (conditions générales, art. 11) ».
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
QUINZIÈME CHAMBRE B
ARRÊT DU 18 MARS 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/08056. Arrêt n° 2010/116. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de NICE en date du 21 avril 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 11/08/4246.
APPELANTE :
Madame X.,
née en [date] à [ville], demeurant [adresse], représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour
INTIMÉE :
FINANCIAL ASSURANCE COMPANY LIMITED - GENWORTH ASSURANCES,
demeurant [adresse], représentée par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 18 février 2010 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Serge KERRAUDREN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Monsieur Serge KERRAUDREN, Président, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, Monsieur François BOISSEAU, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Sylvaine MENGUY.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 mars 2010.
ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 18 mars 2010, signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :
Le 9 mai 2003, Madame X. a contracté un prêt immobilier avec la société GE MONEY BANK et elle a adhéré au contrat d'assurance de groupe souscrit auprès de la société GENWORTH ASSURANCES en vue de garantir les risques décès, invalidité et arrêt de travail. A la suite d'arrêts de travail, Madame X. a demandé la prise en charge du remboursement des échéances du crédit à concurrence du montant prévu mais l'assureur lui a opposé un délai de carence de 12 mois. Contestant cette décision, Madame X. a saisi le tribunal d'instance de Nice aux fins, pour l'essentiel, de faire déclarer non écrite comme abusive la clause relative à ce délai et de voir prendre en charge par l'assureur 85 % des mensualités à l'issue d'un délai de carence de trois mois, soit à compter du 13 juin 2008.
Par jugement du 21 avril 2009, le tribunal a débouté Madame X. de toutes ses prétentions et l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à verser à la société FACL, dont le nom commercial est GENWORTH ASSURANCES, la somme de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Madame X. a relevé appel de ce jugement et elle a conclu en dernier lieu le 4 janvier 2010.
La société Financial Assurance Compagny Limited - FACL (GENWORTH ASSURANCES), quant à elle, a conclu le 24 août 2009.
La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu que le contrat d'assurance auquel a adhéré Madame X. prévoit notamment que sont exclus les 12 premiers mois d'arrêt de travail consécutifs à des affections psychiques (telles que névrose, psychose, trouble de la personnalité, trouble psychosomatique, état dépressif) dans le cadre de la garantie arrêt de travail par maladie ou accident ; qu'il n'est pas contesté que l'arrêt de travail de Madame X. résulte d'une affection psychique ;
Attendu que l'appelante prétend que la clause précitée est une clause d'exclusion dépourvue de validité sur le plan formel ;
Attendu, en premier lieu que le seul fait que cette clause figure dans le contrat sous un intitulé « exclusions applicables » ne suffit pas pour établir qu'il s'agit d'une clause d'exclusion de garantie relevant des exigences formelles de l’article L. 112-4 du Code des assurances ;
Attendu, ensuite, que la clause litigieuse a pour objet non pas d'exclure du champ contractuel la garantie de la maladie affectant Madame X. mais seulement de limiter dans le temps la prise en charge du sinistre consécutif à cette maladie ; qu'il ne s'agit donc pas d'une clause d'exclusion et que, par voie de conséquence, les dispositions du texte susvisé sont sans application en l'espèce ;
Attendu que l'appelante soutient par ailleurs que la même clause est abusive par application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation qu'elle se réfère à la recommandation n° 90-01 de la commission des clauses abusives préconisant que soient supprimées les clauses ayant pour effet ou pour objet de « prévoir un délai de carence d'une durée telle qu'il dénature les garanties du contrat », étant précisé que la recommandation ajoute « en considération notamment de la durée du prêt auquel elles se rapportent » ;
Attendu qu'en l'espèce Madame X. a souscrit un prêt de 20 ans, de sorte que le délai de carence de 12 mois n'apparaît pas disproportionné par rapport à la durée du prêt, ce qu'admet d'ailleurs l'intéressée ;
Attendu que la clause ne saurait davantage être considérée comme abusive en ce qu'elle opère une distinction entre les pathologies ; qu'en effet, comme le souligne avec pertinence l'assureur, une telle différenciation se justifie par la spécificité des maladies d'ordre psychique, que ce soit quant à leur durée ou leur diagnostic, au regard notamment des risques de fraude dans ce domaine ; que la garantie s'applique bien au-delà du délai de carence et que la clause ne fait pas obstacle à la mise en œuvre des autres garanties, de sorte qu'elle ne crée pas au détriment du consommateur, quelle que soit sa profession, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Attendu que, contrairement à ce qu'elle prétend, Madame X. avait bien la faculté de s'assurer auprès d'une autre compagnie d'assurances, son contrat de prêt prévoyant seulement l'obligation de contracter une assurance pour les risques décès, invalidité, arrêt de travail ou décès et invalidité absolue et définitive, sans lui imposer d'adhérer au contrat de groupe souscrit auprès de GENWORTH Assurances (conditions générales, art. 11) ;
Attendu en définitive que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Madame X. de ses prétentions ;
Attendu enfin qu'il est équitable d'indemniser l'intimée pour ses frais irrépétibles d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS ;
La Cour,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne Madame X. à payer à la société FINANCIAL ASSURANCE COMPANY LIMITED la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette toutes prétentions contraires ou plus amples des parties ;
Condamne Madame X. aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP d'avoués DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6011 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation de la personne du consommateur
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