CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA BASTIA (ch. civ. B), 24 février 2010

Nature : Décision
Titre : CA BASTIA (ch. civ. B), 24 février 2010
Pays : France
Juridiction : Bastia (CA), ch. civ.
Demande : 08/01049
Date : 24/02/2010
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/12/2008
Décision antérieure : TGI BASTIA (ch. civ. 1), 2 décembre 2008
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 2887

CA BASTIA (ch. civ. B), 24 février 2010 : RG n° 08/01049

Publication : Jurica

 

Extrait : « Aux termes de l'article 12-3 du contrat de location : « en cas de vol, vous devrez nous remettre les clés du véhicule ainsi que la télécommande du système anti-vol, le cas échéant. En cas de non respect des dispositions du présent paragraphe 12 toute couverture optionnelle en vue de réduire ou d'écarter votre responsabilité sera de nul effet ».

L’article L. 132-1 du Code de la consommation dispose que […]. Le Tribunal a considéré qu'en faisant découler du seul défaut de restitution des clés, la pleine responsabilité du locataire en cas de vol, la clause de l'article 12-3 précitée entraîne un déséquilibre significatif en faveur de la société de location qui ferait supporter au seul locataire les entières conséquences du vol même s'il n'était pas rapporté la preuve d'une faute grave ou intentionnelle de celui-ci.

Il convient d'ajouter que la recommandation 96/02 de la commission des clauses abusives, relative aux locations du véhicule, autorise résolument cette lecture même si elle ne présente pas de caractère impératif puisqu'elle recommande que soient éliminées des contrats de location de véhicule automobile les clauses ayant pour objet ou pour effet de : n° 32 : « obliger le locataire à payer la valeur du véhicule au loueur à défaut de restitution des documents et des clés alors même que la non-restitution du véhicule ne lui est pas imputable ».

Tel est bien le cas en l'espèce et il apparaît ainsi que le Tribunal a, à bon droit, réputé cette clause non écrite ».

 

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE B

ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2010

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/01049. Décision déférée à la Cour : jugement du 2 décembre 2008 - Tribunal de Grande Instance de BASTIA - R.G n° 07/1055.

 

APPELANTE :

SA FILIPPI AUTO,

prise en la personne de son représentant légal en exercice, représentée par Maître Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour, ayant pour avocat Maître Gilles SIMEONI, avocat au barreau de BASTIA

 

INTIMÉE :

Mademoiselle X.,

née le [date] à [ville], représentée par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour, assistée de la SCP TOMASI - SANTINI-GIOVANNANGELI - VACCAREZZA - BRONZINI DE CARAFFA, avocats au barreau de BASTIA

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 janvier 2010, devant Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, et Monsieur Bernard WEBER, Conseiller, dont l'un d'eux a été chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, Monsieur Bernard WEBER, Conseiller, Monsieur David MACOUIN, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Marie-Jeanne ORSINI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 février 2010.

ARRÊT : Contradictoire. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile. Signé par Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA du 2 décembre 2008 qui « dit que la clause figurant sous l'article 12-3 du contrat de location signé le 10 août 2006 doit être déclarée abusive et comme telle réputée non écrite, déboute en conséquence la SA FILIPPI AUTO de l'ensemble de ses demandes dirigées contre Mademoiselle X. la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ».

Vu la déclaration d'appel de la SA FILIPPI AUTO déposée au greffe de la Cour le 10 décembre 2008.

Vu les dernières conclusions de l'appelante en date du 2 avril 2009 aux fins d'infirmation de la décision entreprise et de condamnation de Mademoiselle X. à lui payer la somme de 5.595,45 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2006, outre 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et dépens.

Vu les dernières conclusions de Mademoiselle X. en date du 8 septembre 2009 aux fins de confirmation du jugement dont appel et tendant au principal à voir déclarer non écrites la clause 12-3 insérée dans le contrat de location conclu entre la SA FILIPPI AUTO et Madame X. en son article 12 intitulé « Accidents, vol, vandalisme », et au subsidiaire à voir dire que Madame X. n'a commis aucune faute, susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle, en tout état de cause à voir dire que les sommes réclamées concernant la dépréciation du véhicule ne sont pas justifiées et à voir débouter la SA FILIPPI de l'ensemble de ses demandes, très subsidiairement tendant à se voir accorder des délais pour se libérer et dans tous les cas à voir condamner la SA FILIPPI à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 9 décembre 2009.

Le 10 août 2006, Madame X. a pris en location à CALVI auprès de la SA FILIPPI AUTO un véhicule Renault Clio qu'elle devait restituer le 17 août. Mais le 14 août 2006, le véhicule a fait l'objet d'un vol sans effraction alors qu'il était stationné sur un parking de L'ILE-ROUSSE.

Après avoir constaté le vol de son véhicule, Madame X. a réalisé qu'elle n'était plus en possession de la pochette contenue dans son sac et dans laquelle se trouvaient les clés du véhicule.

C'est dans ces conditions que le lendemain matin elle se rendait à la gendarmerie de BELGODERE pour y déclarer le vol ; lors de son dépôt de plainte elle indiquait aux gendarmes : « je pense que quelqu'un a dérobé cette pochette lorsque nos amis nous ont rejoint au restaurant, en effet c'est le seul moment pendant lequel le sac s'est trouvé sans surveillance. » Elle informait aussitôt la SA FILIPPI AUTO de la situation.

Cependant elle ne pouvait restituer les clés et par lettre recommandée du 16 août 2006, la SA FILIPPI AUTO l'informait de son obligation de remboursement du prix du véhicule en l'état de l'impossibilité de restituer les clefs et ce conformément aux clauses du contrat de location.

Par acte du 25 mai 2007 après avoir vainement tenté d'user de la procédure d'injonction de payer, la SA FILIPPI AUTO a assigné Madame X. devant le Tribunal de grande instance d'AJACCIO en paiement de la somme de 11.818,23 euros correspondant à la valeur du véhicule.

Mais la voiture était retrouvée le 22 février 2008 et après expertise du véhicule, la SA FILIPPI AUTO réduisait sa demande à 5.595,45 euros correspondant aux frais de réparation pour 1.606,97 euros, à la dépréciation du véhicule pour 3.619 euros, aux frais de remorquage pour 299,48 euros et aux frais d'expertise pour 70 euros.

Devant le Tribunal, Madame X. soutenait que la clause 12 du contrat prévoyant l'exclusion de toute couverture en cas de non restitution des clés était abusive et devait être déclarée non écrite et qu'en toute hypothèse le défaut de surveillance n'était pas établi.

La SA FILIPPI AUTO opposait que la clause litigieuse qui a pour but de se prémunir contre tout risque d'escroquerie ou de concertation frauduleuse est parfaitement conforme au Code de la consommation et n'est pas de nature à créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif.

Le Tribunal a fait droit à l'argumentation de Madame X. en déclarant la clause dont s'agit abusive et en jugeant qu'en toute hypothèse la faute grave de la victime du vol n'était pas constituée.

Les parties ont repris devant la Cour les moyens développés devant le Tribunal.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Aux termes de l'article 12-3 du contrat de location : « en cas de vol, vous devrez nous remettre les clés du véhicule ainsi que la télécommande du système anti-vol, le cas échéant. En cas de non respect des dispositions du présent paragraphe 12 toute couverture optionnelle en vue de réduire ou d'écarter votre responsabilité sera de nul effet ».

L’article L. 132-1 du Code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Le Tribunal a considéré qu'en faisant découler du seul défaut de restitution des clés, la pleine responsabilité du locataire en cas de vol, la clause de l'article 12-3 précitée entraîne un déséquilibre significatif en faveur de la société de location qui ferait supporter au seul locataire les entières conséquences du vol même s'il n'était pas rapporté la preuve d'une faute grave ou intentionnelle de celui-ci.

Il convient d'ajouter que la recommandation 96/02 de la commission des clauses abusives, relative aux locations du véhicule, autorise résolument cette lecture même si elle ne présente pas de caractère impératif puisqu'elle recommande que soient éliminées des contrats de location de véhicule automobile les clauses ayant pour objet ou pour effet de : n° 32 : « obliger le locataire à payer la valeur du véhicule au loueur à défaut de restitution des documents et des clés alors même que la non-restitution du véhicule ne lui est pas imputable ».

Tel est bien le cas en l'espèce et il apparaît ainsi que le Tribunal a, à bon droit, réputé cette clause non écrite.

Dès lors, en l'absence d'effraction, il convient de rechercher si le vol n'est pas imputable à Madame X., autrement dit si elle a commis un grave défaut de surveillance du sac contenant les clés ayant permis ou favorisé le vol du véhicule, l'assurance vol ayant été contractée (art. 4-2) sous réserve que le vol ne soit pas de nature intentionnelle ou consécutif à une faute grave.

Sur ce point la Cour doit rappeler que lors du dépôt de plainte, Madame X. a déclaré aux services de police : « je pense que quelqu'un a dérobé cette pochette lorsque nos amis nous ont rejoint au restaurant, en effet, c'est le seul moment pendant lequel le sac (dans le lequel se trouvait la pochette contenant les clés) s'est trouvé sans surveillance ».

Les termes de cette déclaration ne sont pas de nature à mettre en évidence une quelconque faute intentionnelle ou faute grave.

D'une part, les circonstances du vol demeurent à sa lecture hypothétiques malgré l'affirmation qu'elle contient, d'autre part et surtout, elle souligne la perte de vue du sac durant des instants d'une extrême brièveté, éléments qui ne peuvent caractériser la faute grave seule susceptible d'entraîner l'exclusion de la garantie vol.

Le jugement dont appel doit dès lors être confirmé en toutes ses dispositions.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée la totalité des frais exposés non compris dans les dépens et il lui sera donc alloué la somme de 1.000 euros en cause d'appel au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Société SA FILIPPI AUTO qui succombe supportera les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS ;

LA COUR :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA du 2 décembre 2009,

Y ajoutant,

Condamne la SA FILIPPI AUTO à payer à Madame X. la somme de MILLE EUROS (1.000 euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

La condamne aux dépens dont distraction au profit de la SCP JOBIN, avoués, pour les frais dont elle aurait fait l'avance.

LE GREFFIER                              LE PRÉSIDENT