CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 6 mai 2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2911
CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 6 mai 2010 : RG n° 09/02723
Publication : Jurica
Extrait : « 3.1. Par application de ces principes comme des dispositions de l'article L. 141-4. du Code de la consommation, le juge peut donc relever d'office les irrégularités et manquements qu'il constate aux dispositions précitées et notamment aux articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation et il doit relever la fin de non recevoir tirée de l'article L. 311-37 du même Code sans qu'il n'y ait plus lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'un ordre public de protection ou de direction en raison des objectifs recherchés par ces directives.
3.2. En outre, il sera rappelé d'une part qu'aux termes des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation est réputée non n'écrite comme étant abusive une clause qui a pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et des obligations des parties au contrat. À cet égard une clause contractuelle qui dispense le prêteur d'une nouvelle offre préalable lors d'augmentations du crédit initial, qui interviendront donc sans acceptation préalable de l'emprunteur mais également sans possibilité pour celui-ci de se rétracter, crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat et doivent être réputé non écrites. […]
3.3. Par ailleurs, en matière de crédits utilisables par fractions, l'article L. 311-9 du Code de la consommation rappelle « l'obligation d'une offre préalable pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti ». Si lors d'un renouvellement du contrat initial cet article dispense le prêteur de soumettre à l'acceptation de l'emprunteur une nouvelle offre préalable, cette dispense ne s'étend toutefois pas aux nouvelles ouvertures de crédit auxquelles doivent être assimilées toute modification du montant du crédit ou du taux du crédit précédemment consenti, lesquelles constituent un nouveau contrat qui doit donc être conclu dans les termes d'une offre préalable répondant aux exigences des dispositions des articles L. 311-9-1 et L. 311-10 du même Code et aux modèles types en la matière ; l'acceptation ne peut être tacite mais doit résulter d'un acte univoque de l'emprunteur.
3.4. De plus, contrairement à ce que soutient la société de crédit, le mécanisme du découvert utile et du découvert maximum autorisé tel que prévu au contrat litigieux (conditions particulières et article 2 des conditions générales) n'est ni prévu aux articles L. 311-9 ou R. 311-6 du Code de la consommation ni conforme aux modèles types édictés pour ce type de crédit qui ne prévoient que l'hypothèse où le montant du crédit initialement choisi par l'emprunteur, qui demeure constant, est mis à la disposition de ce dernier par tranches successives et à des échéances régulières et préalablement fixées ; le contrat litigieux prévoit en effet à l'article 2 des conditions générales qu'à l'issue une période de 6 mois, qui peut être qualifiée d'observation, les augmentations du montant du crédit utile se feront sur demande de l'emprunteur ou proposition de préteur et en tout état de cause à la condition que l'emprunteur ne se trouve pas dans une des conditions prévues à l'article 8 ci-après des mêmes conditions. Ces stipulations non seulement irrégulières mais également abusives au regard des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation. En outre, les lettres d'information annuelle produites aux débats ne répondent pas aux exigences des dispositions légales en matière d'offre de crédit reconstituable. »
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 6 MAI 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/02723. Jugement (n° 08-000453) rendu le 6 novembre 2008 par le Tribunal d'Instance de CARVIN.
APPELANTE :
SA FINAREF
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social : [adresse]. Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour. Assistée de Maître Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉ :
Monsieur X.
demeurant [adresse]. N'a pas constitué avoué.
DÉBATS : A l'audience publique du 9 février 2010 tenue par Catherine PAOLI magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Catherine PAOLI, Conseiller, Sophie VEJUX, Conseiller
ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 6 mai 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement réputé contradictoire du Tribunal d'instance de CARVIN en date du 6 novembre 2008 ;
Vu l'appel formalisé le 15 avril 2009 par la SA FINAREF ;
Vu les conclusions déposées pour la SA FINAREF le 14 août 2009 au greffe de la Cour ;
Par acte d'huissier en date du 24 juillet 2008, la SA FINAREF, en exécution d'une offre préalable consentie le 6 mai 2004 du crédit utilisable par fractions d'un montant initial de 3.000 euros et remboursable à échéances mensuelles variant en fonction du montant utilisé, a assigné en paiement M. X. devant le Tribunal d'instance de CARVIN lequel, par jugement dont appel, après avoir constater l'acquisition de la forclusion de la créance de la société de crédit a déclaré cette dernière irrecevable en ses demandes.
La SA FINAREF conteste l'acquisition de la forclusion constatée par le tribunal faisant observer que le découvert maximum autorisé était de 10.000 euros et soutient que le mécanisme du découvert utile et du découvert maximum est parfaitement légal. Elle conclut donc à l'infirmation du jugement et demande à la Cour de condamner M. X. à lui payer la somme de 7.621,83 euros avec intérêts au taux contractuel de 18 % l'an à compter du 13 avril 2008 outre celle de 1.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
M. X. a été assigné à domicile ; les conclusions précitées lui ont été signifiées à cette occasion. Il n'a pas constitué avoué, il sera statué par arrêt de défaut le concernant.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 janvier 2010 ; l'affaire est venue à l'audience de plaidoirie du 9 février 2010 à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 6 mai 2010.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
1. En la forme, sur les pouvoirs et l'office du juge, il sera rappelé qu'aux termes de l’article 12 du Code de procédure civile, il est fait obligation à ce dernier de trancher le litige non seulement conformément aux règles de droit qui lui sont applicables mais également, au besoin, après avoir donné ou restitué leur exacte qualification juridique aux faits ou aux actes litigieux sans s'arrêter aux dénominations que les parties en auraient proposé. De plus, cette obligation pour le juge d'asseoir sa décision sur un raisonnement juridique adéquat doit également se lire à la lumière de l’article 125 du Code de procédure civile qui fait obligation au juge de relever d'office les fins de non recevoir lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le moyen d'irrecevabilité résulte d'un ordre public de direction ou de protection, et plus généralement à la possibilité désormais reconnue pour celui-ci de relever d'office toutes les dispositions d'ordre public du Code de la consommation. Enfin, lorsque le défendeur ne comparait pas comme en l'espèce, il est néanmoins statué sur le fond mais, par application de l'article 472 du nouveau Code de procédure civile, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
2.1. La directive européenne n° 87/102 du 22 décembre 1986 (modifiée par les directives n° 90/88 du 22 février 1990 et n° 98/7 du 16 février 1998) relative aux crédits à la consommation et n° 93/13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives ont fait l'objet d'une transposition en droit français à l'occasion de l'adoption de la loi du 23 juin 1989 puis d'une codification au livre III, titre I, Chapitre 1 et suivant du Code de la consommation (Art. L. 311-1 et suivants) pour la première et de la loi du 1er février 1995 pour la seconde codifiée aux articles L. 132-1 et suivants du Code de la consommation ; ces dispositions régissent la présente instance.
2.2. La Cour de Justice des Communautés Européenne a été amenée à préciser à plusieurs reprises dans l'un et l'autre de ces domaines, notamment dans les arrêts des 4 octobre 2007 (Franfinance, KparK/épx Rampion) et 4 mars 2004 (Cofinoga/Sachithanathan) en matière de crédit à la consommation ou les arrêts du 27 juin 2000 (Oceano Grupo) ou du 21 novembre 2002 (Cofidis/Fredout) que le but recherché par ces directives est une meilleure protection des consommateurs par l'imposition de certaines conditions valables pour toutes les formes de crédits ; cet objectif, double, doit donc tendre non seulement à la création d'un marché commun du crédit mais aussi à assurer la protection du consommateur. En raison des risques liés à l'ignorance de ses droits ou aux difficultés à les exercer dans laquelle le consommateur peut se trouver et afin de permettre l'émergence de ce marché unique et concurrentiel, la Cour a été amenée à préciser que pour que ce double objectif soit effectivement atteint il incombe au juge national d'appliquer d'office les dispositions transposant en droit interne les directives précitées, des lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaire à cet effet. De ce double objectif, la protection du consommateur et le marché commun et concurrentiel étant d'égale importance, il se déduit également qu'il n'y a plus lieu en droit interne de distinguer selon que ces dispositions relèvent d'un ordre public de direction ou de protection. La cour de justice des communautés européenne a encore rappelé récemment (arrêt du 4 juin 2009 Pannon GSM/Ersebet Sustikne Gyorfi) que cette obligation qui pesait sur le juge national s'exerçait sans qu'il soit nécessaire qu'au préalable le consommateur ait contesté avec succès la dite clause et ce afin de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, la conséquence en étant l'inopposabilité de la clause litigieuse au consommateur sauf si ce dernier, informé de cette conséquence par le juge, n'entend pas se prévaloir de ce moyen.
2.3. Par ailleurs, si chaque État dispose d'une autonomie procédurale dans la détermination des moyens et des modalités nécessaires à la mise en oeuvre des directives communautaires, ceux-ci doivent être propres à assurer non seulement la sauvegarde des droits que le justiciable tient de la directive transposée mais encore l'effectivité des buts poursuivis par cette dernière et ce, dans le respect des principes d'équivalence, d'effectivité et d'application uniforme du droit communautaire.
3.1. Par application de ces principes comme des dispositions de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge peut donc relever d'office les irrégularités et manquements qu'il constate aux dispositions précitées et notamment aux articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation et il doit relever la fin de non recevoir tirée de l'article L. 311-37 du même Code sans qu'il n'y ait plus lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'un ordre public de protection ou de direction en raison des objectifs recherchés par ces directives.
3.2. En outre, il sera rappelé d'une part qu'aux termes des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation est réputée non n'écrite comme étant abusive une clause qui a pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et des obligations des parties au contrat. À cet égard une clause contractuelle qui dispense le prêteur d'une nouvelle offre préalable lors d'augmentations du crédit initial, qui interviendront donc sans acceptation préalable de l'emprunteur mais également sans possibilité pour celui-ci de se rétracter, crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat et doivent être réputé non écrites.
D'autre part qu'aux termes de l’article L. 311-37 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat, les actions nées d'un contrat de crédit à la consommation doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance ; s'agissant d'une action en paiement, le point de départ du délai de forclusion est fixé à la date de l'exigibilité des sommes dont le recouvrement est poursuivi. Plus précisément, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le point de départ de ce délai se situe au moment où le montant du dépassement maximum initialement convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident caractérisant la défaillance de l'emprunteur.
3.3. Par ailleurs, en matière de crédits utilisables par fractions, l'article L. 311-9 du Code de la consommation rappelle « l'obligation d'une offre préalable pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti ». Si lors d'un renouvellement du contrat initial cet article dispense le prêteur de soumettre à l'acceptation de l'emprunteur une nouvelle offre préalable, cette dispense ne s'étend toutefois pas aux nouvelles ouvertures de crédit auxquelles doivent être assimilées toute modification du montant du crédit ou du taux du crédit précédemment consenti, lesquelles constituent un nouveau contrat qui doit donc être conclu dans les termes d'une offre préalable répondant aux exigences des dispositions des articles L. 311-9-1 et L. 311-10 du même Code et aux modèles types en la matière ; l'acceptation ne peut être tacite mais doit résulter d'un acte univoque de l'emprunteur.
3.4. De plus, contrairement à ce que soutient la société de crédit, le mécanisme du découvert utile et du découvert maximum autorisé tel que prévu au contrat litigieux (conditions particulières et article 2 des conditions générales) n'est ni prévu aux articles L. 311-9 ou R. 311-6 du Code de la consommation ni conforme aux modèles types édictés pour ce type de crédit qui ne prévoient que l'hypothèse où le montant du crédit initialement choisi par l'emprunteur, qui demeure constant, est mis à la disposition de ce dernier par tranches successives et à des échéances régulières et préalablement fixées ; le contrat litigieux prévoit en effet à l'article 2 des conditions générales qu'à l'issue une période de 6 mois, qui peut être qualifiée d'observation, les augmentations du montant du crédit utile se feront sur demande de l'emprunteur ou proposition de préteur et en tout état de cause à la condition que l'emprunteur ne se trouve pas dans une des conditions prévues à l'article 8 ci-après des mêmes conditions. Ces stipulations non seulement irrégulières mais également abusives au regard des dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation. En outre, les lettres d'information annuelle produites aux débats ne répondent pas aux exigences des dispositions légales en matière d'offre de crédit reconstituable.
4. Au cas d'espèce, le montant du découvert initialement consenti le 6 mai 2004 d'un montant de 3.000 euros a été dépassé le 10 novembre 2004 par l'effet d'un achat ou d'une utilisation de 1.000 euros ; l'examen de l'historique du compte montre que ce découvert n'a cessé de s'aggraver depuis et n'est jamais plus par la suite repassé en deçà du seuil initialement convenu par l'effet de versements du débiteurs ou d'un offre régulière dans les termes des textes précité.
Ce dépassement du plafond autorisé constitue, au sens des textes précités et de la jurisprudence subséquente, un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur, point de départ du délai de forclusion. Or, la signification de l'ordonnance d'injonction de payer ayant été effectuée le 23 juillet 2008, il y a lieu de constater que c'est par une exacte application des éléments de fait et de droit soumis à son appréciation que le premier juge a déclaré l'action de la société FINAREF irrecevable par l'effet de la forclusion
5. La société FINAREF succombe dans ses prétentions, elle supportera la charge des dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et par défaut ;
Confirme le jugement ;
Condamne la SA FINAREF aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER
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