CA RENNES (1re ch. B), 9 décembre 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 3018
CA RENNES (1re ch. B), 9 décembre 2010 : RG n° 09/06390 ; arrêt n° 696
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Considérant qu'aux termes de l’article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application ; qu'aux termes de l’article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué au fond, mais le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ; que c'est donc vainement que l'appelante reproche au premier juge d'avoir relevé la forclusion alors que M. X. n'avait invoqué aucun fait propre à la caractériser ». […]
2/ « - la clause appliquée en l'espèce autorise les parties à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit dans la limite de 50.000 Francs sur demande expresse de l'emprunteur, au-delà du fait que la preuve d'une demande expresse par l'emprunteur de dépassement du montant de la fraction disponible n'est pas rapportée, cette clause n'a d'autre effet que de prévoir expressément la possibilité d'une augmentation du découvert, alors que celle-ci doit impérativement être réalisée dans les termes d'une nouvelle offre préalable qui doit être acceptée et qui ouvre à l'emprunteur une faculté de rétractation,
- une telle mécanique contractuelle permet au prêteur d'aggraver l'endettement de l'emprunteur qui, privé de la protection instituée par la faculté de rétractation, risque un endettement mal contrôlé, et crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du prêteur et du consommateur,
- dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat,
- la clause appliquée en l'espèce constitue une clause abusive de variation du montant du crédit et doit être réputée non écrite ».
COUR D’APPEL DE RENNES
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 9 DÉCEMBRE 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/06390. Arrêt n° 696. Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Catherine LE BAIL, Président, Madame Françoise LE BRUN, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,
GREFFIER : Marie-Noëlle KARAMOUR, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 28 octobre 2010 devant Madame Catherine LE BAIL, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Rendu par défaut, prononcé publiquement le 9 décembre 2010 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE SA,
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués, assistée de la SCP DEPASSE/SINQUIN/DAUGAN/QUESNEL, avocats
INTIMÉ :
Monsieur X.,
Régulièrement assigné par acte d'huissier en date du 8 avril 2010 (PV recherches infructueuses article 659 du CPC) n'ayant pas constitué avoué
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
M. X. a accepté de la société CETELEM, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, dans le cadre des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation, le 10 novembre 1998, une offre préalable d'ouverture de crédit dit « revolving » de 1.600 Francs soit 243,92 euros de découvert utile, dans la limite de 50.000 francs soit 7.622,45 euros de découvert maximum autorisé, remboursable en échéances mensuelles variables au taux effectif global de 15,48 % l'an ;
Par acte du 13 janvier 2009, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, arguant du non-respect de l'échéancier, a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Nantes, en paiement de la somme de 4.618,17 euros en principal, outre les intérêts au taux effectif global de 15,48 % sur la somme de 4.304,33 euros à compter du 28 juillet 2008 et au taux légal pour le surplus, ainsi que celle de 305 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Bien que régulièrement assigné dans les termes de l’article 659 du Code de procédure civile, M. X. n'a pas comparu devant le tribunal ;
Vu l'appel interjeté par SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, des jugements prononcés les 20 mars 2009 et 10 juillet 2009 par le tribunal d'instance de Nantes qui a :
- le 20 mars 2009, ordonné la réouverture des débats à l'audience du vendredi 5 juin 2009 à 9 heures et sursis à statuer sur les demandes des parties,
- le 10 juillet 2009, déclaré BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE forclose et donc irrecevable en son action en paiement du solde restant dû sur l'ouverture de crédit consentie le 10 novembre 1998 à M. X., condamnant BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens ;
Vu les conclusions signifiées le 7 janvier 2010 par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;
Vu l'assignation en application de l’article 908 du Code de procédure civile, avec dénonciation des conclusions du 7 janvier 2010 signifiée le 8 avril 2010, dans les termes de l’article 659 du Code de procédure civile, à M. X. qui n'a pas constitué avoué ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Considérant que l'appelante fait grief au jugement déféré d'avoir relevé d'office la fin de non recevoir tirée de la forclusion alors que M. X. n'avait ni invoqué ni démontré de fait propre à caractériser la forclusion ; qu'elle ajoute qu'en tout état de cause, la décision est mal fondée dans la mesure où l'augmentation du découvert utile consenti à l'ouverture du compte ne peut être traitée comme un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur ; que le fait pour l'emprunteur d'utiliser le crédit consenti au-delà de la fraction disponible fixée à l'ouverture du compte ne constitue en rien un défaut de paiement, mais seulement l'exécution du contrat de crédit consenti à hauteur du découvert maximum autorisé fixé par le contrat ; que seul le défaut de paiement d'une échéance non régularisée ensuite peut manifester la défaillance de l'emprunteur et faire courir le délai de forclusion ;
Considérant qu'aux termes de l’article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions de ce Code dans les litiges nés de son application ; qu'aux termes de l’article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué au fond, mais le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ; que c'est donc vainement que l'appelante reproche au premier juge d'avoir relevé la forclusion alors que M. X. n'avait invoqué aucun fait propre à la caractériser ;
Considérant que le premier juge a pertinemment relevé, notamment, que :
- dans le cas d'une ouverture de compte permanent, le délai biennal prévu par l’article L. 311-37 du Code de la consommation court à compter de la première échéance impayée non régularisée,
- lorsqu'une ouverture de crédit utilisable par fractions a été consentie dans la limite d'un certain montant et que le solde débiteur du compte est supérieur au plafond contractuel, le juge ne peut faire courir le délai biennal de forclusion à compter de la résiliation du crédit sans s'être assuré que ce plafond n'a pas été dépassé antérieurement à la date de résiliation, auquel cas le dépassement du découvert maximum convenu manifeste la défaillance de l'emprunteur et constitue le point de départ du délai de forclusion, et que cette défaillance ne peut être regardée comme utilement effacée par l'octroi d'un crédit complémentaire intervenu dans des conditions irrégulières au regard de la législation en la matière,
- toute augmentation du découvert autorisé, toute modification du montant ou du taux du crédit précédemment accordé, en ce qu'elle touche à un des éléments constitutifs du contrat, doit faire l'objet d'une offre préalable comportant les mentions prescrites par l’article L. 311-10 du Code de la consommation,
- spécialement, tout dépassement du plafond de découvert prévu dans un contrat de crédit utilisable par fractions doit donner lieu à la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit,
- le contrat litigieux stipule :
* au recto :
- découvert utile : 1.600 Francs
- montant maximum de découvert autorisé 50.000 Francs
* au verso, concernant l'utilisation et le fonctionnement du compte « sur demande expresse de l'emprunteur, le découvert utile pourra être augmenté en une fois ou par fractions successives jusqu'au montant maximum du découvert autorisé sous réserve que (...) »
- la clause appliquée en l'espèce autorise les parties à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit dans la limite de 50.000 Francs sur demande expresse de l'emprunteur, au-delà du fait que la preuve d'une demande expresse par l'emprunteur de dépassement du montant de la fraction disponible n'est pas rapportée, cette clause n'a d'autre effet que de prévoir expressément la possibilité d'une augmentation du découvert, alors que celle-ci doit impérativement être réalisée dans les termes d'une nouvelle offre préalable qui doit être acceptée et qui ouvre à l'emprunteur une faculté de rétractation,
- une telle mécanique contractuelle permet au prêteur d'aggraver l'endettement de l'emprunteur qui, privé de la protection instituée par la faculté de rétractation, risque un endettement mal contrôlé, et crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du prêteur et du consommateur,
- dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat,
- la clause appliquée en l'espèce constitue une clause abusive de variation du montant du crédit et doit être réputée non écrite ;
Considérant que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que le montant du découvert utile de 1.600 Francs convenu entre les parties à la signature du contrat ayant été dépassé dès le mois de septembre 2001, et non régularisé, cette défaillance constitue le point de départ du délai de forclusion, et que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, qui a assigné M. X. en paiement par acte du 13 janvier 2009, est forclose en son action ;
Considérant que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et condamnée aux dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : Mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Déclare l'appel recevable,
Confirme les jugements prononcés les 20 mars 2009 et 10 juillet 2009 par le tribunal d'instance de Nantes,
Condamne la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier Le Président.
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5722 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Jurisprudence antérieure à la loi du 17 mars 2014
- 5723 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Conditions - Disponibilité des preuves
- 5734 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause réputée non écrite
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6632 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 3 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Respect du contrat
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives