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CA RENNES (1re ch. B), 22 avril 2011

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (1re ch. B), 22 avril 2011
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 10/01892
Date : 22/04/2011
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : TGI RENNES (1re ch. civ.), 2 mars 2010
Numéro de la décision : 281
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3021

CA RENNES (1re ch. B), 22 avril 2011 : RG n° 10/01892 ; arrêt n° 281

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant qu'aux termes de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, […] ; Considérant que la clause du prêt immobilier discutée par madame X. s'énonce comme suit : « Au cas où l'Emprunteur viendrait à cesser de faire partie du personnel de la Banque pour une raison quelconque, le présent prêt deviendrait immédiatement exigible et en totalité. La Banque se réserve toutefois, si elle y a convenance, la faculté de maintenir le prêt, mais il serait appliqué de plein droit, pour la durée du prêt restant à courir, le taux actuellement en vigueur dans la Banque pour les prêts de même catégorie consentis à la clientèle, soit 4,60 % » ;

Considérant que la clause qui prévoit la résiliation du contrat pour une cessation de l'appartenance de l'emprunteur au personnel de la banque prêteuse, envisagée en termes généraux et alors même que les échéances du contrat de prêt immobilier sont régulièrement acquittées, et qui prévoit seulement une faculté discrétionnaire de la banque de maintenir le prêt en y faisant application d'un taux d'intérêt plus élevé, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ainsi exposé, par une décision unilatérale de l'organisme prêteur à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie du contrat ;

Considérant que le premier juge a estimé à juste titre que c'était en vain que la banque soutenait que l'illicéité de la clause serait sans incidence puisqu'elle avait opté pour la poursuite du contrat à un taux majoré ; Qu'en effet, d'une part, le simple fait qu'il a été proposé à un emprunteur une offre de crédit contenant une clause abusive justifie son intérêt à agir sans qu'il importe de rechercher si la banque a jamais entendu se prévaloir à son égard de la clause de déchéance litigieuse ; Que, d'autre part, la clause forme un tout indissociable prévoyant à la discrétion de la banque la déchéance du terme ou la poursuite du contrat à un taux majoré, cette dernière alternative se traduisant d'ailleurs par une aggravation conséquente des conditions de remboursement (99 mensualités de 1.339,96 euros au lieu de 1.056,31 euros) ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 22 AVRIL 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G n° 10/01892. Arrêt n° 281.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Françoise SIMONNOT, Président, Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller, Madame Françoise LE BRUN, Conseiller,

GREFFIER : Mme Christine NOSLAND, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 31 mars 2011, devant Monsieur Jean-Pierre GIMONET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 22 avril 2011 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE :

Société BPO (Banque populaire de l'ouest)

représentée par la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, avoués, assistée de la SCP BESSY/GABOREL, avocats

 

INTIMÉE :

Madame X.

représentée par la SCP GAUTIER LHERMITTE, avoués, assistée de Maître Dominique BRIAND, avocat

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 23 mai 2005, madame X. a acceptée l'offre préalable de prêt de la somme de 138.400 euros destinée à financer l'acquisition et les travaux d'amélioration d'un immeuble sis à [ville P.] qui lui avait été présentée par la Banque populaire de l'ouest, son employeur ;

Elle a ainsi bénéficié d'un taux d'intérêt privilégié de 3,22 % l'an réservé aux membres du personnel de la banque ;

Les modalités de remboursement du prêt ont été modifiées par avenant du 8 mars 2007 sans que soit modifié le taux d'intérêt ;

Le 17 décembre 2007, madame X. a été licenciée par la Banque populaire de l'ouest qui lui a ensuite adressé le 3 janvier 2008 un nouveau tableau d'amortissement du prêt portant augmentation du taux d'intérêt à 4,60 % l'an et augmentation corrélative du montant des échéances mensuelles de remboursement ;

Par jugement du 2 mars 2010, le tribunal de grande instance de Rennes a :

- déclaré abusive et donc réputé non écrite la clause intitulée « Prêt aux membres du personnel BPO bénéficiant d'un taux privilégié », insérée au contrat de prêt du 23 mai 2005 conclu entre la Banque populaire de l'ouest et madame X. et libellée comme suit : « Au cas où l'Emprunteur viendrait à cesser de faire partie du personnel de la Banque pour une raison quelconque, le présent prêt deviendrait immédiatement exigible et en totalité. La banque se réserve toutefois, si elle y a convenance, la faculté de maintenir le prêt, mais il lui serait appliqué de plein droit, pour la durée du prêt restant à courir, le taux actuellement en vigueur dans la banque pour les prêts de même catégorie consentis à la clientèle, soit 4,60 % » ;

- dit en conséquence que le prêt devrait se poursuivre conformément au contrat initial modifié par l’avenant du 8 mars 2007 et au tableau d'amortissement annexé ;

- décerné acte à madame X. de ce qu'elle s'engage à continuer de rembourser le prêt auxdites conditions ;

- condamné la Banque populaire de l'ouest à payer à madame X. la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres demandes ;

- condamné la Banque populaire de l'ouest aux dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

La Banque populaire de l'ouest a interjeté appel de cette décision et, par conclusions signifiées le 11 février 2001, a demandé à la cour :

- d'infirmer le jugement ;

- de débouter madame X. de toutes ses demandes ;

- subsidiairement, de lui donner acte de son accord de principe pour réexaminer l'aménagement du tableau d'amortissement dans le respect des dispositions contractuelles ;

- de condamner madame X. à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel devant être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Madame X. a demandé à la cour, par conclusions signifiées le 16 décembre 2010 :

- au principal de confirmer le jugement ;

- subsidiairement, de constater l'absence d'une nouvelle offre préalable d'avenant et de respect de délai de réflexion de dix jours dans la notification des nouvelles modalités de remboursement du prêt du 3 janvier 2008 et de juger nul ce contrat ainsi modifié ;

- de juger qu'elle sera tenue en vertu du contrat de 23 mai 2005 modifié par l’avenant du 8 mars 2007 et conformément au tableau d'amortissement y annexé ;

- à tout le moins, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la Banque populaire de l'ouest à compter du 1er février 2008 et leur substitution par les intérêts au taux légal à compter de cette date ;

- d'enjoindre à la Banque populaire de l'ouest de communiquer un tableau d'amortissement modifié avec application des intérêts au taux légal ;

- de débouter la Banque populaire de l'ouest de toutes ses demandes ;

- de condamner la Banque populaire de l'ouest à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Considérant qu'aux termes de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Considérant que la clause du prêt immobilier discutée par madame X. s'énonce comme suit :

« Au cas où l'Emprunteur viendrait à cesser de faire partie du personnel de la Banque pour une raison quelconque, le présent prêt deviendrait immédiatement exigible et en totalité. La Banque se réserve toutefois, si elle y a convenance, la faculté de maintenir le prêt, mais il serait appliqué de plein droit, pour la durée du prêt restant à courir, le taux actuellement en vigueur dans la Banque pour les prêts de même catégorie consentis à la clientèle, soit 4,60 % » ;

Considérant que la clause qui prévoit la résiliation du contrat pour une cessation de l'appartenance de l'emprunteur au personnel de la banque prêteuse, envisagée en termes généraux et alors même que les échéances du contrat de prêt immobilier sont régulièrement acquittées, et qui prévoit seulement une faculté discrétionnaire de la banque de maintenir le prêt en y faisant application d'un taux d'intérêt plus élevé, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, ainsi exposé, par une décision unilatérale de l'organisme prêteur à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie du contrat ;

Considérant que le premier juge a estimé à juste titre que c'était en vain que la banque soutenait que l'illicéité de la clause serait sans incidence puisqu'elle avait opté pour la poursuite du contrat à un taux majoré ;

Qu'en effet, d'une part, le simple fait qu'il a été proposé à un emprunteur une offre de crédit contenant une clause abusive justifie son intérêt à agir sans qu'il importe de rechercher si la banque a jamais entendu se prévaloir à son égard de la clause de déchéance litigieuse ;

Que, d'autre part, la clause forme un tout indissociable prévoyant à la discrétion de la banque la déchéance du terme ou la poursuite du contrat à un taux majoré, cette dernière alternative se traduisant d'ailleurs par une aggravation conséquente des conditions de remboursement (99 mensualités de 1.339,96 euros au lieu de 1.056,31 euros) ;

Qu'il convient donc de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne la Banque populaire de l'ouest à payer à madame X. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT