TGI GRENOBLE (6e ch.), 20 février 1997
CERCLAB - DOCUMENT N° 3154
TGI GRENOBLE (6e ch.), 20 février 1997 : RG n° 95/02177 ; jugement n° 101
(sur appel CA Grenoble (1re ch.), 18 août 1999 : RG n° 97/01789 ; arrêt n° 465)
Extraits : 1/ « M. X. invoque sa qualité de consommateur et le caractère abusif du contrat en application des dispositions de la loi de 1978 ; Il y a lieu de rappeler que toute personne reste un consommateur au sens de l'article 35 de la loi 78-23 du 10 janvier 1978 dès lors que le contrat en cause ne relève pas de sa propre compétence professionnelle et de dire, contrairement à l'argumentation de la SA GESTETNER, qu'un avocat qui s'en remet à un professionnel de la reprographie conserve sa qualité de consommateur à l'égard de celui-ci ».
2/ « Par suite, compte tenu du déséquilibre des « conditions générales » et de l'absence d'information avant la signature des conditions particulières de telle sorte qu'il apparaît que la SA GESTETNER avait abusé de sa position économique et s'était octroyé des avantages excessifs, le contrat doit être considéré comme non écrit et cette société doit être déclarée responsable des fautes contractuelles ; l'inexécution par M. X. de ses obligations sera retenue comme justifiée et la SA GESTETNER sera déboutée de ses demandes et condamnée à restituer les sommes perçues en exécution de ce contrat ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GRENOBLE
SIXIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 20 FÉVRIER 1997
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 9502177. Jugement n° 101.
ENTRE :
DEMANDEUR :
Monsieur X.
demeurant [adresse], Représenté et plaidant par Maître BLAYON, avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE, D'UNE PART
ET :
DÉFENDEUR :
LA SA GESTETNER SERVICES
dont le siège social est situé [adresse], Représentée par Maître MEYLAN, avocat inscrit au Barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître CECCARELLI, avocat au Barreau de PARIS, D’AUTRE PART
[minute page 2]
COMPOSITION DU TRIBUNAL : lors des débats et du délibéré : Philippe GREINER, Vice-Président, Véronique KLAJNBERG, Juge, Francis CARLE, Juge, assistés lors des débats par Pascale MAZOYER, Greffier.
LE TRIBUNAL : A l'audience publique du 23 janvier 1997, après avoir entendu les avocats en leur plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré, et le prononcé de la décision renvoyé au 20 février 1997, date à laquelle il a été statué en ces termes :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 31 mars 1995, M. X. faisait assigner la SA GESTETNER SERVICES en résiliation du contrat conclu le 2 septembre 1993 à compter du 18 avril 1994 ou subsidiairement en annulation de la clause abusive avec par voie de conséquence l'annulation du contrat, ou encore plus subsidiairement en annulation de l'article 10, en restitution des sommes perçues depuis le 18 avril 1994, en paiement de 10.000 Francs pour la résistance abusive et 10.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SA GESTETNER SERVICES concluait au rejet de ces demandes et réclamait, avec exécution provisoire et intérêts à compter des conclusions signifiées le 11 septembre 95, 9.426,51 Francs au titre des arriérés et 68.591,04 Francs d'indemnité de résiliation et 7.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SA GESTETNER demandait qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle intervenait au lieu et place de la SA GESTETNER SERVICES.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. X., avocat, expose avoir souscrit auprès de la SA GESTETNER SERVICES un contrat de location « Prix global copie » le 2 septembre 1992 et que celle-ci mettait à sa disposition pour 72 mois minimum un télécopieur et un photocopieur pour 3.154,17 Francs par trimestre ; le contrat prévoyait un minimum de 2.700 copies par trimestre au prix unitaire de 0,985 Francs HT ;
[minute page 3] Le 10 janvier 1994, soit après un trimestre, M. X. avait fait part à la SA GESTETNER SERVICES de ce que le nombre de copies était inadapté à son activité, que sa consommation réelle était plus près de 400 copie par trimestre, que ce nombre avait été mal estimé par la SA GESTETNER SERVICES ;
M. X. indique que, n'ayant reçu aucune réponse, il avait réitéré son courrier par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 1994 et que la SA GESTETNER SERVICES lui avait alors promis l'intervention d'un commercial mais que le 18 avril 1994, n'ayant toujours vu personne venir, il avait fait savoir à la SA GESTETNER SERVICES qu'il considérait le contrat comme caduc ;
La SA GESTETNER SERVICES lui aurait alors proposé un crédit-bail pour un fax-laser avec copie pour 54.418,48 Francs sur 48 mois mais il avait refusé cette offre au prix exorbitant ;
La SA GESTETNER SERVICES lui aurait alors réclamé les échéances du contrat initial jusqu'au 1er août 1994 ;
Le 24 octobre 1994, M. X. pouvait, en présence de Maître Y. Huissier, restituer le matériel à Z., responsable technique de GESTETNER ;
M. X. invoque que l'article 10 du contrat prévoit une faculté de résiliation au seul profit du prestataire de service, ce qui impliquerait pour lui une durée de contrat de 6 ans irrévocable, et demande à bénéficier de cette faculté en application de l'article 1184 du Code Civil
La SA GESTETNER oppose avoir répondu le 1er févier 1994 à M. X. qui avait demandé par courrier du 28 janvier 1994 une modification du contrat, note que la clause de résiliation pour non paiement des échéances est habituelle en matière de location, avec indemnité forfaitaire correspondant aux échéances restant à courir jusqu'à la fin du contrat comme le stipule l'article 10 du contrat ; la SA GESTETNER note que cette indemnité trouve son fondement dans le préjudice qui résulte du fait qu'elle a dû acquérir du matériel qui ne pourrait être revendu ni relouer et dont elle doit continuer à supporter la charge financière ;
Si la SA GESTETNER oppose que M. X. s’était soustrait à ses obligations et qu'il devait en assumer les conséquences, cela ne peut interdire de rechercher si le contrat contenait ou non des clauses abusives qui pouvaient justifier le refus d'exécution par le client qui en aurait été victime ;
Si la SA GESTETNER ajoute que M. X. n'a invoqué un caractère abusif du contrat qu'en janvier 1995, soit près d'un an et demi après sa signature, il apparaît que des négociations étaient en cours et que leur échec conduisait au présent procès ;
[minute page 4] M. X. indique que le contrat du 2 septembre 1993 avait en réalité été signé postérieurement à cette date, qu'il avait alors été soumis à l'approbation de la direction de GESTETNER et que son exemplaire lui avait été retourné après le 14 octobre 1993 contrairement à ce qui est noté dans l'acte, que cette pratique semblait courante chez la SA GESTETNER ;
M. X. ajoute qu'en application de l'article 9, la SA GESTETNER était tenue de répondre dans les trois mois à toute demande de modification de contrat mais qu'il lui avait fallu attendre plus de six mois après sa demande du 10 janvier 1994 pour que celle-ci lui propose un nouveau contrat par courrier du 5 juillet 1994 ; il note que la proposition sans suite du 1er février 94 d'intervention d'un technicien ne remplit pas l'obligation contractuelle ;
M. X. invoque sa qualité de consommateur et le caractère abusif du contrat en application des dispositions de la loi de 1978 ;
Il y a lieu de rappeler que toute personne reste un consommateur au sens de l'article 35 de la loi 78-23 du 10 janvier 1978 dès lors que le contrat en cause ne relève pas de sa propre compétence professionnelle et de dire, contrairement à l'argumentation de la SA GESTETNER, qu'un avocat qui s'en remet à un professionnel de la reprographie conserve sa qualité de consommateur à l'égard de celui-ci ;
En ce qui concerne la faculté de résiliation prévue par l'article 10 du contrat au seul profit de la SA GESTETNER, celle-ci oppose que son client conservait la faculté d'invoquer une résiliation judiciaire en application de l'article 1184 du Code Civil qui dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisferait pas à son engagement ;
En ce qui concerne la durée du contrat, la SA GESTETNER oppose qu'elle est prévue par le contrat pour 72 mois et que cela reste conforme aux dispositions de l'article 1709 du Code Civil ; la SA GESTETNER ajoute que l'article 9 permettait au client de demander une modification du contrat, que M. X. l'avait fait alors qu'il n'était pas à jour de ses loyers ;
Le nouveau contrat proposé par la SA GESTETNER, refusé par M. X., précisait qu'il s'agissait d'un avenant au contrat initial dont la durée était irrévocable ;
[minute page 5] Il y a lieu de noter que pour affirmer ensuite qu'en cas de modification du contrat, une nouvelle durée était négociée entre les parties, la SA GESTETNER fonde cet argument non sur le contrat initial mais su l'article 2 du contrat proposé à M. X. et refusé par celui-ci le Tribunal ne peut rechercher quels sont les rapports entre les parties sur la base d'une disposition isolée prise dans l'ensemble d'une offre contractuelle non suivie d'effet ; la SA GESTETNER admet que la novation ainsi invoquée n'a pas eu lieu ;
Ainsi, l'offre faite par la SA GESTETNER d'un nouveau contrat en remplacement de celui objet du litige ne suffit pas pour éluder l'examen de l'équilibre du contrat proposé par la SA GESTETNER SERVICES et souscrit par M. X. ;
Le contrat « Prix Global Copie » signé le 2 septembre 1993 fait apparaître, que la résiliation n'est prévue à l'article 10 qu'au profit du prestataire ; si cet article commence par énoncer une cause de résolution pour inexécution de ses obligations par le client, simple rappel du principe général de l'article 1184 du Code Civil, les conditions et effets de 1a résiliation sont stipulées au seul profit du prestataire : par simple envoi d'un courrier recommandé avec avis de réception la résiliation serait effective et le client serait alors tenu de tenir le matériel à la disposition du prestataire qui le reprendrait aux frais et risques du client qui resterait tenu de régler la totalité des redevances restant dues jusqu'à l'expiration de la durée irrévocable du contrat ;
De plus, l'alinéa 3 ajoute que le prestataire aurait également « le droit de résilier le contrat et de reprendre le matériel aux frais et risque du client en cas de résolution anticipée ou de résiliation de tout autre contrat conclu entre le prestataire et le client » ;
Les « conditions générales » font apparaître à chaque article les obligations du client, les sommes et pénalités qui peuvent être mises à sa charge, les frais et risques liés à l'installation (art. 7), l'utilisation ou au gardiennage (art. 6 et 8) du matériel mais encore le libre choix du prestataire ou l'exclusion de sa responsabilité dès lors qu'il s'agit de son obligation d'entretien (art. 5) ;
La modification du contrat prévue par l'article 9 reste pour le prestataire une faculté libre et que sa seule obligation est d’« examiner de bonne foi » et de « répondre dans les trois mois » sans que soit indiqué un quelconque cadre pour ce que devrait contenir sa réponse et cela constitue une clause potestative ;
Enfin, le contrat type de la SA GESTETNER comporte un article 6 aux termes duquel « le matériel et le fournisseur ont été choisis sous la seule responsabilité du client » ; cette disposition constituerait une exclusion de l'obligation générale de renseignement et de conseil du prestataire de service, déséquilibrant encore les obligations réciproques des parties ;
[minute page 6] En l'espèce, la SA GESTETNER SERVICES a proposé et fait souscrire à M. X. un contrat comprenant un nombre minimum de 2700 copies par « période de référence » avec la précision à l'article 3 des « conditions générales » que « les redevances correspondent à un nombre minimum de copies format A 4 à effectuer pendant chaque période trimestrielle, comme indiqué aux conditions particulières [...], et constituent un forfait qui est dû quand bien même le nombre de copies effectuées pendant la période serait inférieur au nombre minimum prévu » ; la SA GESTETNER, professionnel de la reprographie, ne fournit aucun élément de nature à établir qu'il aurait été procédé à une réelle étude des besoins du client, que le nombre minimum de copie avait ainsi été proposé dans le cadre d'une obligation de conseil et de renseignement du client ; la SA GESTETNER ne saurait invoquer les connaissances juridiques de son client pour s'exonérer de son obligation de conseil technique et économique ;
Par suite, compte tenu du déséquilibre des « conditions générales » et de l'absence d'information avant la signature des conditions particulières de telle sorte qu'il apparaît que la SA GESTETNER avait abusé de sa position économique et s'était octroyé des avantages excessifs, le contrat doit être considéré comme non écrit et cette société doit être déclarée responsable des fautes contractuelles ; l'inexécution par M. X. de ses obligations sera retenue comme justifiée et la SA GESTETNER sera déboutée de ses demandes et condamnée à restituer les sommes perçues en exécution de ce contrat ;
Compte tenu de ces éléments, il apparaît que la SA GESTETNER a fait preuve d'une résistance abusive et qu'il y à lieu de faire droit pour partie aux demandes d'indemnités formulées par M. X. ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort.
PRONONCE l'annulation du contrat conclu le 2 septembre 1993 entre la SA GESTETNER SERVICES et M. X. ;
ORDONNE la restitution par la SA GESTETNER à M. X. des sommes perçues depuis le 18 avril 94 ;
[minute page 7] DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la SA GESTETNER à payer à M. X. 5.000 Francs (CINQ MILLE FRANCS) pour la résistance abusive et 8.000 Francs (HUIT MILLE FRANCS) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la SA GESTETNER aux dépens.
LE JUGEMENT A ÉTÉ PRONONCÉ PAR F. CARLE
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :
M. CLAUSSES lors du prononcé Th. GREINER
- 5748 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Impossibilité de maintenir le contrat
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité
- 6980 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Surveillance – Télésurveillance – Contrat couplé à la fourniture des matériels