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CA GRENOBLE (1re ch.), 18 août 1999

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch.), 18 août 1999
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 97/01789
Date : 18/08/1999
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 2/04/1997
Décision antérieure : TGI GRENOBLE (6e ch.), 20 février 1997
Numéro de la décision : 465
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3109

CA GRENOBLE (1re ch.), 18 août 1999 : RG n° 97/01789 ; arrêt n° 465

Publication : Juris-Data n° 104917

 

Extraits : 1/ « Les premiers juges ont retenu avec raison qu'un avocat qui s'en remet à un professionnel de la reprographie conserve sa qualité de consommateur à l'égard de celui-ci. En effet, même si le photocopieur est un outil utile à l'activité d'avocat exercée par Monsieur X., ce matériel n'a pas de rapport direct avec l'activité juridique et judiciaire d'un avocat »

2/ « Le tribunal a, en outre, relevé à bon droit le déséquilibre des dispositions contractuelles au profit du seul prestataire de services. En effet, si le co-contractant peut faire résilier le contrat sur le fondement de l'article 1184 du Code Civil, les stipulations contractuelles réservent au seul prestataire de services la faculté de résilier le contrat de plein droit, c'est à dire sans procédure judiciaire assortie de surcroît d'une indemnité contractuelle correspondant à la totalité des redevances restant dues jusqu'à l'expiration de la durée irrévocable du contrat, le matériel devant par ailleurs être restituée. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 AOÛT 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 97/01789. Arrêt n° 465. Appel d'une décision (N° RG 95/2177) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 20 février 1997, suivant déclaration d'appel du 2 avril 1997.

 

APPELANTE :

SA GESTETNER SERVICES

[adresse], représentée par Maître Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour, assistée de Maître CECCARELLI, avocat au barreau de PARIS (D 1383)

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

[adresse], représenté par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour, assisté de Maître Brigitte BLAYON, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Odile FALLETTI-HAENEL, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Madame LANDRAUD, Conseiller.

[minute page 2] DÉBATS : À l'audience publique du 10 mars 1999, Madame Odile FALLETTI-HAENEL, Président chargé d'instruire l'affaire, assistée de Madame TERRAZ, a entendu les avoués en leurs conclusions et les plaidoiries des avocats, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience du MERCREDI 18 AOÛT 1999, après prorogation du délibéré.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suivant contrat de location « Prix Global Copie » du 2 septembre 1993, la Société anonyme GESTETNER SERVICES a mis à la disposition de Monsieur X. un fax et un photocopieur pour une durée minimum de 72 mois, moyennant un prix de 3.154,17 francs par trimestre, un nombre minimum de copies par trimestre (2.700) et le montant HT par copie (0,985 francs) étant prévus au contrat.

Le contrat stipulait en son article 9 que le client pouvait à tout moment demander au prestataire d'accepter des modifications quant au prix de chaque copie, au nombre de copies, à l'échange de matériel...

L'article 10 du contrat prévoyait au seul profit du prestataire de service la résiliation de plein droit en cas de non-paiement des loyers et la possibilité d'exiger la totalité des redevances dues jusqu'à expiration de la durée irrévocable indiquée au contrat (72 mois).

Après un trimestre de mise en place du matériel, Monsieur X. a, le 10 janvier 1994, fait part à la Société GESTETNER de l'inadéquation entre la consommation minimale de 2.700 copies par trimestre et sa consommation réelle de 400 photocopies et n'ayant pas eu de réponse, a réitéré les termes de son courrier par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 1994.

[minute page 3] La proposition de crédit-bail faite par la Société GESTETNER et jugée exorbitante par Monsieur X. ayant été refusée, la Société a alors réclamé les échéances courant jusqu'à la fin du contrat.

Monsieur X. s'opposant à cette demande et ayant restitué le matériel le 24 octobre 1994, a par exploit du 31 mars 1995 fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE la SA GESTETNER SERVICES au principal en résiliation du contrat, subsidiairement en annulation des clauses abusives du contrat.

Par jugement rendu le 20 février 1997, le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE :

- a prononcé l'annulation du contrat conclu le 2 septembre 1993 entre la SA GESTETNER SERVICES et M. X.,

- a ordonné la restitution par la SA GESTETNER à M. X. des sommes perçues depuis le 18 avril 1994,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- a condamné la SA GESTETNER à payer à M. X. la somme de 5.000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 8.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Suivant déclaration reçue au greffe le 2 avril 1997, la SA GESTETNER SERVICES a relevé appel de cette décision.

Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner M. X. à lui payer la somme de 9.462,51 francs au titre des loyers arriérés, celle de 68.591,04 francs avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la résiliation du contrat à titre d'indemnité forfaitaire de résiliation et celle de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 4] Elle soutient avoir satisfait à son obligation d'information et de conseil envers Monsieur X. que sa profession d'avocat mettait à même d'apprécier la portée de l'engagement pris par lui.

Elle conteste le caractère abusif de la clause contenue à l'article 9 du contrat et expose avoir exécuté son obligation de bonne foi alors même que Monsieur X. avait cessé de régler les échéances contractuelles.

Elle conteste aussi que la clause de l'article 10 prévoyant l'indemnité de résiliation soit abusive alors qu'elle n'exclut pas l'application de l'article 1184 du Code Civil et que la rupture du contrat est imputable au seul M. X. qui a cessé de son propre chef de payer ses loyers tout en continuant à utiliser le matériel.

Elle soutient que l'indemnité contractuelle acceptée par Monsieur X. n'est pas excessive, qu'elle correspond au préjudice subi par la Société qui ne peut espérer revendre ou relouer le matériel récupéré de son locataire, et qu'elle est destinée, en outre, à sanctionner la non-exécution du contrat.

M. X. conclut au mal fondé de l'appel, à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de la Société GESTETNER au paiement de la somme de 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il réplique :

* que la SA GESTETNER donne une interprétation erronée des faits,

* qu'elle a failli à son obligation d'information et de renseignement quant au nombre minimum de copies dont le chiffre a été imposé par elle à son co-contractant sans qu'il ait été procédé à une réelle étude des besoins des clients,

* que le contrat passé n'ayant pas de rapport avec son activité professionnelle, il a la qualité de consommateur,

* [minute page 5] que l'article 9 constitue une clause potestative témoignant d'un déséquilibre du contrat,

* que la Société GESTETNER n'a pas exécuté l'obligation résultant de l'article 9, sa proposition de modification du contrat n'ayant été faite que le 5 juillet 1994 soit plus de 3 mois après la demande formulée le 28 janvier 1994,

* que l'article 10 du contrat est abusif en ce qu'il prévoit au seul profit du prestataire la faculté de résiliation avec indemnité,

* que l'indemnité stipulée est d'un montant disproportionnellement élevé,

* que le non paiement des échéances est justifié parle non-respect de ses obligations par la Société GESTETNER.

A titre subsidiaire, il fait valoir que le contrat encourt la nullité pour non respect des prescriptions légales relatives à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile.

La SA GESTETNER demande acte de son changement de son siège social. Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande en annulation du contrat formée subsidiairement comme constituant une demande nouvelle formulée pour la première fois devant la Cour. À titre subsidiaire, elle conclut à son mal fondé dès lors que le contrat souscrit par Monsieur X. avait un rapport direct avec son activité professionnelle.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION DE LA COUR :

Les premiers juges ont, par une motivation pertinente que la Cour adopte intégralement, justement analysé les faits de la cause et répondu aux moyens des parties repris pour l'essentiel dans leurs écritures d'appel.

[minute page 6] Les faits ont été analysés sur la base des pièces produites dont la réalité n'est pas contestée par les parties à savoir :

- le contrat de location « Prix Global Copie » du 2 septembre 1993,

- la facture annuelle payable tous les 3 mois du 25 octobre 1993,

- la lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 1994 de Monsieur X. laquelle fait référence à un précédent entretien du 10 janvier 1994 et réitère sa demande de réaménagement du contrat,

- la lettre de la Société GESTETNER du 1er février 1994 avisant Monsieur X. de la visite d'un collaborateur commercial,

- la lettre recommandée avec accusé de réception du 18 avril 1994 de Monsieur X. par laquelle il fait état de la non-venue de l'interlocuteur annoncé, du défaut de conseil de son co-contractant quant au nombre de copies, de sa décision de mettre fin au contrat et de son offre de restitution du matériel,

- la lettre du 5 juillet 1994 de la Société GESTETNER proposant un crédit bail de 48 mois pour le FAX LASER,

- la lettre du 23 août 1994 par laquelle Monsieur X. refuse cette offre,

- le procès-verbal de constat de reprise du matériel en date du 24 octobre 1994,

- la lettre recommandée avec accusé de réception de la Société GESTETNER du 14 septembre 1994 pour obtenir paiement des loyers arriérés et celle du 10 octobre 1994 portant résiliation du contrat.

L'interprétation de ces documents est claire et ne donne pas lieu à discussion.

[minute page 7] Les premiers juges ont retenu avec raison qu'un avocat qui s'en remet à un professionnel de la reprographie conserve sa qualité de consommateur à l'égard de celui-ci. En effet, même si le photocopieur est un outil utile à l'activité d'avocat exercée par Monsieur X., ce matériel n'a pas de rapport direct avec l'activité juridique et judiciaire d'un avocat.

Ils ont également à juste titre retenu que la Société GESTETNER avait failli à son obligation de conseil et de renseignement du client en lui imposant un nombre minimum de 2.700 copies par période de référence. C'est en vain qu'elle soutient que ce chiffre lui aurait été donné par Monsieur X. et qu'elle est totalement étrangère à cette option alors que le prix unitaire des copies varie selon leur nombre et que le meilleur rapport quantité-prix offert pour les prestations proposées est de 2.700 copies.

En mettant en avant ce bon rapport sans rechercher si le nombre de copies correspond aux besoins de son co-contractant, la Société GESTETNER qui, comme l'a retenu le tribunal, ne fournit aucun élément de nature à établir qu'il aurait été procédé à une étude de ces besoins, a bien manqué à l'obligation de conseil et de renseignement du client lui incombant.

Le tribunal a, en outre, relevé à bon droit le déséquilibre des dispositions contractuelles au profit du seul prestataire de services.

En effet, si le co-contractant peut faire résilier le contrat sur le fondement de l'article 1184 du Code Civil, les stipulations contractuelles réservent au seul prestataire de services la faculté de résilier le contrat de plein droit, c'est à dire sans procédure judiciaire assortie de surcroît d'une indemnité contractuelle correspondant à la totalité des redevances restant dues jusqu'à l'expiration de la durée irrévocable du contrat, le matériel devant par ailleurs être restituée.

Le jugement sera en définitive purement et simplement confirmé, la Société GESTETNER étant condamnée à payer à Monsieur X. la somme supplémentaire de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 8] PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

DÉBOUTE la Société GESTETNER de son appel,

CONFIRME le jugement déféré,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SA GESTETNER SERVICES à payer à Monsieur X. la somme supplémentaire de 5.000 francs (cinq mille francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

LA CONDAMNE aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP GRIMAUD, avoués, sur ses offres de droit,

RÉDIGÉ et PRONONCÉ par Odile FALLETTI-HAENEL, Président, qui a signé Denise GIRARD, Greffière.

 

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