TI ALBERTVILLE, 8 janvier 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 3302
TI ALBERTVILLE, 8 janvier 2007 : RG n° 11-05-000176 ; jugement n° 4
(sur appel CA Chambéry (2e ch. civ.), 28 octobre 2008 : RG n° 07/00263)
Extraits : 1/ « Cette clause n'a d'autre effet que de prévoir expressément la possibilité d'une augmentation de découvert sans préciser que l'augmentation du découvert doit être impérativement réalisée dans les termes d'une nouvelle offre préalable qui doit être acceptée et qui ouvre à l'emprunteur une faculté de rétractation. De telles stipulations laissent à penser à l'emprunteur profane en matière de prêt que ce dernier peut dépasser l'ouverture du crédit initial sans nouvelle offre préalable et qu'il ne dispose pas à cette occasion d'une faculté de rétractation, ce qui permet au prêteur d'aggraver l'endettement de l'emprunteur, lequel est privé de la protection légale, et ce qui risque dès lors d'engendrer un endettement non contrôlé, créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, nonobstant le modèle type réglementaire, les effets néfastes et désastreux en matière de surendettement de ce type de clause pour les consommateurs n'étant pas connus par l'autorité réglementaire à l'époque de la rédaction de l'actuel modèle type.
La Commission des clauses abusives a adopté en séance plénière le 27 mai 2004 l'avis n° 04-03 déclarant ce type de clause abusive. La Cour de cassation dans son avis du 10 juillet 2006 (avis n° 006 0006) répondant à la question : […]. Il convient de relever que l'affaire soumise à avis par le juge d'instance du tribunal d'instance de Paris 12ème était de même nature que la présence espèce : ouverture de crédit par découvert en compte prévu pour un montant de découvert à l'ouverture du compte de 40.000 francs, le montant maximum autorisé étant de 140.000 francs. Il paraît donc particulièrement hasardeux de prétendre que la Cour de cassation a estimé dans son avis que le crédit initial était en réalité le maximum de découvert autorisé. »
2/ « Si la clause est jugée abusive, elle est réputée non écrite et le premier dépassement du découvert initial caractérise le point de départ du délai de forclusion comme déjà jugé par la cour de cassation (30 mars 2005, société COFINOGA contre F. : Bull 2005 I, n° 159, page 134). »
TRIBUNAL D’INSTANCE D’ALBERTVILLE
JUGEMENT DU 8 JANVIER 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-05-000176. Jugement n° 4.
DEMANDEUR(S) :
COFIDIS SA
[adresse], représenté(e) par Maître LALA-BOUALI Tefik, avocat au barreau de CHAMBÉRY, substitué par SCP GLOIS&-MENDES-GIL, Avocats au Barreau de Paris
DÉFENDEUR(S) :
Monsieur et Madame X.
[adresse], représenté(e) par Maître MURAT Philippe, avocat au barreau de ALBERTVILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : PARIS Frédéric
Greffier : THOMAS Agnès
DÉBATS : Audience publique du 14 décembre 2006
DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, mise à disposition des parties au greffe le 8 janvier 2007
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Exposé du litige :
Il convient de référer au jugement du 13 juillet 2006 ayant ordonné la réouverture des débats afin que les parties s'expliquent sur la question de la forclusion de l'action de la SA COFIDIS quant à l'exposé du litige à l'exception des éléments ci-après.
Par conclusions la SA COFIDIS confirme ses prétentions en reprenant ses moyens et arguments pour lesquels le juge renvoie expressément aux dites conclusions et précise notamment que :
- le délai de forclusion court à compter du premier incident de paiement non régularisé conformément à l'arrêt de la Cour de Cassation du 6 juin 2003 (pourvoi n° 01-12453),
- le dépassement du montant initial du découvert (découvert utile) ne nécessite pas l'émission d'un nouvelle offre préalable tant que le montant du découvert autorisé n'a pas été dépassé, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 juillet 2006 (pourvoi n° 04-20364),
- la Cour de cassation fait référence dans son avis du 10 juillet 1986 [N.B. conforme à la minute] au découvert maximum autorisé en évoquant qu'est abusive la clause prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation d'une nouvelle offre préalable,
- dans le cas d'espèce d'une part il ressort de l'historique de compte que les emprunteurs n'ont jamais dépassé le montant du découvert autorisé de 140.000 francs, ce qui rend l'action de COFIDIS recevable, d'autre part le premier incident de paiement non régularisé au vu de l'historique suscité est du 5 avril 2002.
Les époux X. dans le dernier état de leurs conclusions maintiennent leurs prétentions et y ajoutent l'irrecevabilité de l'action de COFIDIS, celle-ci étant forclose motif pris notamment que :
- le dépassement du découvert consenti initialement de 10.000 francs constitue le point de départ du délai de deux années, la créance étant devenue alors exigible conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, et que celle-ci dans l'arrêt du 6 juillet 2006 a pris en compte le montant du découvert initial et non le montant du découvert maximum autorisé de 140.000 francs comme le fait COFIDIS.
- il faut en réalité tenir compte du découvert maximum convenu selon l'arrêt de la Cour de cassation du 30 mars 2005.
- si l'on prend le maximum de 140.000 francs, le montant du découvert n'est jamais dépassé, et le délai de forclusion ne peut jamais courir,
- un crédit complémentaire intervenu dans des conditions irrégulières ne peut effacer la défaillance de l'emprunteur, la Cour de cassation dans son avis du 10 juillet 2006 considérant abusive la clause prévoyant l'augmentation du crédit initial sans acceptation par le prêteur d'une nouvelle offre de crédit,
- les paiements dont fait état COFIDIS n'ont pas régularisé l'incident de paiement compte tenu que les échéances payées ont été augmentées à partir de juillet 2001 et que le total des versements soit 16.200 francs ne pouvaient couvrir la somme due.
Les parties représentées chacune par leur avocat respectif ont plaidé à l'audience publique du 13 décembre 2006, précision faite que les parties sans s'exposer la totalité de leurs écritures se sont en fin de plaidoirie référer expressément à celles-ci dans leur intégralité.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Discussion :
L'offre préalable de crédit « Libravou » du 10 décembre 1999 a été accordée initialement [minute page 3] à hauteur de 10.000 francs (pièce 1 de COFIDIS).
Elle stipule au verso que « L'emprunteur dispose d'un droit à crédit égal au montant du découvert maximum autorisé de 140.000 francs. Dans un premier temps, il choisit d'en limiter l'usage au montant du découvert utile choisi par lui au recto. Ce découvert utile pourra ensuite être porté, à l'initiative et sur demande expresse de l'emprunteur par fractions successives (ou en une seule fois) jusqu'au montant du découvert maximum autorisé, sous réserve de l'accord préalable du prêteur. ».
Cette clause n'a d'autre effet que de prévoir expressément la possibilité d'une augmentation de découvert sans préciser que l'augmentation du découvert doit être impérativement réalisée dans les termes d'une nouvelle offre préalable qui doit être acceptée et qui ouvre à l'emprunteur une faculté de rétractation.
De telles stipulations laissent à penser à l'emprunteur profane en matière de prêt que ce dernier peut dépasser l'ouverture du crédit initial sans nouvelle offre préalable et qu'il ne dispose pas à cette occasion d'une faculté de rétractation, ce qui permet au prêteur d'aggraver l'endettement de l'emprunteur, lequel est privé de la protection légale, et ce qui risque dès lors d'engendrer un endettement non contrôlé, créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, nonobstant le modèle type réglementaire, les effets néfastes et désastreux en matière de surendettement de ce type de clause pour les consommateurs n'étant pas connus par l'autorité réglementaire à l'époque de la rédaction de l'actuel modèle type.
La Commission des clauses abusives a adopté en séance plénière le 27 mai 2004 l'avis n° 04-03 déclarant ce type de clause abusive.
La Cour de cassation dans son avis du 10 juillet 2006 (avis n° 006 0006) répondant à la question : La clause contractuelle prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle a de crédit constitue-t-elle une clause abusive ? de la façon suivante : EST D'AVIS QUE :
L'article L. 132-1 du code de la consommation répute non écrite comme abusive la clause, telle qu'interprétée par le juge, prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit.
Il convient de relever que l'affaire soumise à avis par le juge d'instance du tribunal d'instance de Paris 12ème était de même nature que la présence espèce : ouverture de crédit par découvert en compte prévu pour un montant de découvert à l'ouverture du compte de 40.000 francs, le montant maximum autorisé étant de 140.000 francs.
Il paraît donc particulièrement hasardeux de prétendre que la Cour de cassation a estimé dans son avis que le crédit initial était en réalité le maximum de découvert autorisé.
Dès lors le caractère non abusif de la clause ne saurait être tiré du moyen soulevé par COFIDIS tenant à ce que l'augmentation du crédit initial serait celui du découvert maximum autorisé de 140.000 francs soit le plafond légal au delà duquel le prêt n'est plus soumis aux dispositions des articles L. 311-2 et suivants code de la consommation.
Suivre ce raisonnement conduirait à méconnaître l'existence de la possibilité d'un crédit initial comme prévu par la loi sauf à considérer par artifice que le crédit initial correspond [minute page 4] forcément au maximum autorisé, alors même que le contrat prévoit une première fraction disponible, l'argument tiré de ce que les parties peuvent toujours se soumettre au delà de cette somme volontairement au code de la consommation n'étant pas fondé dans le cadre de contrats relevant d'un ordre public de protection et non de la pure liberté contractuelle.
D'ailleurs l'article L. 311-9 du code de la consommation impose désormais une offre préalable pour le crédit initial et pour toute augmentation du crédit consenti, ce qui signifie que le législateur a d'évidence pris en compte les effets causés par le type de clause considéré sur l'endettement des particuliers.
Si la clause est jugée abusive, elle est réputée non écrite et le premier dépassement du découvert initial caractérise le point de départ du délai de forclusion comme déjà jugé par la cour de cassation (30 mars 2005, société COFINOGA contre F. : Bull 2005 I, n° 159, page 134).
Sur le moyen tenant au point de départ du délai de forclusion la Cour de cassation dans un arrêt de cassation du 27 juin 2006 (pourvoi n° 04-19592) a jugé dans une affaire COFINOGA dans laquelle le crédit consenti était d'un montant initial de 5.000 francs dans la limite du maximum du découvert autorisé de 140.000 francs, « que pour condamner Mme X. à paiement, la cour d'appel de Paris a relevé que le premier impayé non régularisé se situait en mars 2000 et que le délai de forclusion avait été valable interrompu par la signification de l'ordonnance d'injonction de payer en date du 18 décembre 2001 ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le montant initialement prévu lors de l'ouverture du compte était de 5.000 francs et avait été augmenté sans qu'une nouvelle offre fût présentée à l'emprunteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
Compte tenu que le crédit initialement consenti en l'espèce est le crédit utile de 10.000 francs et non le découvert maximum autorisé, la clause prévoyant le dépassement du découvert jusqu'à 140.000 francs constitue une clause abusive de variation du montant du crédit, ce qui n'est en aucun cas contraire à l'arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2006 qui n'avait pas été saisi d'un moyen tenant à l'existence d'une clause abusive.
La date de dépassement du découvert autorisé étant située au 1er août 2000 au vu de l'historique de compte et l'action en justice étant du 5 janvier 2004, l'action est forclose depuis le 1er août 2002, étant précisé que les paiements des échéances visés par COFIDIS dans ses écritures et apparaissant sur l'historique de compte n'ont pas permis de régulariser le dépassement du découvert initial à hauteur du total restant dû en fonction de l'utilisation du compte avant l'expiration des deux années du délai de forclusion, le dépassement suscité non régularisé constituant le premier impayé non régularisé.
La partie perdante tenue aux dépens devra indemniser la partie adverse des frais exposés par elle et non compris dans ceux-ci s'élevant à la somme de 1.000 €.
L'exécution provisoire ne sera pas ordonnée, comme n'étant nécessaire.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs,
statuant publiquement, contradictoirement, et en premier ressort,
[minute page 5] Vu les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation,
Déclare la demande de la SA COFIDIS portant sur l'offre préalable de crédit « Libravou » du 10 décembre 1999 irrecevable, l'action en justice étant forclose.
Condamne la SA COFIDIS à payer aux époux X. la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
Rejette le surplus des demandes.
Condamne la SA COFIDIS aux dépens.
Et le présent jugement a été signé par le juge et le greffier,
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
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- 5992 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Conformité au régime légal : illustrations - Code de la consommation
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