CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 5 septembre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3455
CA DOUAI (ch. 1 sect. 1), 5 septembre 2011 : RG n° 10/04822
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Attendu que le contrat prévoit une date de livraison et définit les cas dans lesquels ce délai peut être différé, ainsi que le mode de calcul du report de la date de livraison en cas de survenance de ces cas ; que s'il ne définit pas expressément le terme « intempérie », il convient de relever que cette notion s'entend communément des circonstances extérieures qui rendent effectivement l'accomplissement du travail impossible eu égard notamment à la nature ou à la technique du travail à accomplir ; qu'en tout état de cause, les clauses de prolongation du délai de livraison pour cause d'intempéries sont usuelles et insusceptibles d'être considérées comme abusives au sens du texte légal sus visé ;
Attendu que le fait que la date de livraison soit différée d'un temps égal à deux fois celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux ne doit pas être considéré comme abusif dès lors que le promoteur ne se retrouve pas pour autant libre de déterminer la date de livraison de l'immeuble, un terme étant fixé par ladite clause et les juridictions pouvant être saisies pour apprécier les motifs de report de délai invoqués ; que la longueur de la prolongation du délai trouve sa cause dans le fait qu'il s'agit d'un programme immobilier concernant la construction de plusieurs maisons individuelles et non celle exclusive du lot appartenant aux époux X. ; que la clause de révision du prix est prévue par l'article L. 261-11-1 du code de la construction et de l'habitation ; qu'associée à la clause de report du délai de livraison, elle ne doit pas être considérée comme abusive dès lors qu'elle n'a pas pour objet de créer au détriment du non-professionnel (acquéreur) un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, l'indice de référence échappant à la maîtrise du vendeur et pouvant connaître tout autant une hausse qu'une baisse de son cours ainsi que cela ressort des historiques produits aux débats par les parties ».
2/ « Attendu que l'acte de vente stipule que l'acquéreur s'oblige à souffrir sans indemnité les travaux de parachèvement ; que cette clause insérée dans un acte authentique échappe à l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, et ne peut dans ces conditions être qualifiée d'abusive ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 5 SEPTEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 10/04822. Jugement (N° 10-00576) rendu le 7 mai 2010 par le Tribunal d'Instance de LILLE.
APPELANTE :
SAS EUROSPEAN HOMES FRANCE
ayant son siège social [adresse], Représentée par la SCP THERY - LAURENT, avoués à la Cour, Assistée de Maître Maja ROCCO, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville]
demeurant [adresse], Représentés par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour, Assistés de Maître Laurent GUILMAIN, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS à l'audience publique du 9 juin 2011 tenue par Martine ZENATI magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Martine ZENATI, Président de chambre, Pascale METTEAU, Conseiller, Joëlle DOAT, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 5 septembre 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine ZENATI, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 mai 2011
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement rendu le 7 mai 2010 par le tribunal d'instance de Lille, qui a :
- dit que la clause de prolongation du délai de livraison insérée au contrat de réservation conclu entre la SAS Eurospean Homes France et les époux X. le 20 mai 2006, en ce qu'elle autorise le professionnel à bénéficier d'un temps égal à deux fois celui de l'événement considéré ayant mis obstacle à l'exécution des travaux, reliée à celle relative à la révision du prix de vente prévoyant comme indice de comparaison l'indice BT 01 publié « le jour de la signature de l'acte authentique », est abusive et doit en conséquence être écartée,
- condamné la SAS Eurospean Homes France à payer à M. X. et Mme X. née Y. une somme totale de 7.302 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouté M. X. et Mme X. née Y. du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts,
- condamné la sas Eurospean Homes France à payer à M. X. et à Mme X. née Y. la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,
- condamné la sas Eurospean Homes France aux dépens,
Vu l'appel régulièrement interjeté par la sas Eurospean Homes France,
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 5 avril 2011 par l'appelante,
Vu les conclusions déposées le 8 mars 2011 par M. X. et son épouse née Mme Y.,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 mai 2011.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que par acte sous seing privé en date du 20 mai 2006 les époux X. ont signé un contrat de réservation avec la SAS Eurospean Homes pour l'acquisition après achèvement d'une maison à édifier dans le cadre d'un programme immobilier dénommé le […] sur un terrain situé à [ville B.] ; que le contrat prévoyait une date d'achèvement des travaux au plus tard le 30 mars 2007, ainsi qu'une clause de prorogation de cette date « notamment dans l'hypothèse d'un cas de force majeure ou de toute autre cause légitime de suspension du délai de livraison » ;
Attendu que l'acte de vente ayant été signé le 24 août 2007, les époux X. agissent à l'encontre du promoteur-vendeur aux fins d'obtenir réparation du préjudice qu'ils auraient subi en raison de ce retard dans la livraison ;
Attendu qu'ils invoquent à cette fin sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation le caractère abusif de la clause du contrat de réservation relative au délai de livraison ainsi libellée :
« s'il survenait un cas de force majeure ou de cause légitime de suspension du délai de livraison, la date prévue pour la livraison serait différée d'un temps égal à deux fois celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux »,
de même que la clause d'indexation du prix ainsi rédigée :
« le prix est réactualisable, par application de 70 % de la variation de l'indice BT 01 (indice national du bâtiment tous corps d'état), l'indice de base étant le dernier publié à ce jour, et celui de comparaison, le dernier publié le jour de la signature de l'acte authentique de conclusion de la vente »,
estimant que ce dispositif imposerait une double pénalité aux acquéreurs, alors qu'il n'existerait aucune pénalité pour le promoteur, lui permettant de majorer artificiellement le prix de vente en majorant abusivement le délai issu du retard consécutif aux intempéries ;
Attendu que l'article L. 132-1 du code de la consommation dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat » ;
Attendu que le contrat prévoit une date de livraison et définit les cas dans lesquels ce délai peut être différé, ainsi que le mode de calcul du report de la date de livraison en cas de survenance de ces cas ; que s'il ne définit pas expressément le terme « intempérie », il convient de relever que cette notion s'entend communément des circonstances extérieures qui rendent effectivement l'accomplissement du travail impossible eu égard notamment à la nature ou à la technique du travail à accomplir ; qu'en tout état de cause, les clauses de prolongation du délai de livraison pour cause d'intempéries sont usuelles et insusceptibles d'être considérées comme abusives au sens du texte légal sus visé ;
Attendu que le fait que la date de livraison soit différée d'un temps égal à deux fois celui pendant lequel l'événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux ne doit pas être considéré comme abusif dès lors que le promoteur ne se retrouve pas pour autant libre de déterminer la date de livraison de l'immeuble, un terme étant fixé par ladite clause et les juridictions pouvant être saisies pour apprécier les motifs de report de délai invoqués ; que la longueur de la prolongation du délai trouve sa cause dans le fait qu'il s'agit d'un programme immobilier concernant la construction de plusieurs maisons individuelles et non celle exclusive du lot appartenant aux époux X. ; que la clause de révision du prix est prévue par l'article L. 261-11-1 du code de la construction et de l'habitation ; qu'associée à la clause de report du délai de livraison, elle ne doit pas être considérée comme abusive dès lors qu'elle n'a pas pour objet de créer au détriment du non-professionnel (acquéreur) un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, l'indice de référence échappant à la maîtrise du vendeur et pouvant connaître tout autant une hausse qu'une baisse de son cours ainsi que cela ressort des historiques produits aux débats par les parties ;
Attendu dans ces conditions, qu'infirmant la décision entreprise, les époux X. doivent être déboutés de leur demande d'annulation de la clause relative au report du délai de livraison pour cause d'intempéries ;
Attendu que la SAS Eurospean Homes France produit aux débats un récapitulatif de valeurs quotidiennes édité par Meteo France pour justifier de 21 jours d'intempéries entre les mois de décembre 2006 et mars 2007 ; qu'il ressort du courrier adressé le 12 mars 2007 aux époux X., cette société a estimé que, compte tenu que de ces 21 jours d'intempéries, le report de la remise des clés était fixé au 30 juin 2007 ; que postérieurement à ce courrier, le promoteur n'a aucunement avisé les acquéreurs de la survenance de nouvelles intempéries justifiant que l'acte de vente ait été signé le 24 août 2007 ; qu'il convient toutefois de remarquer que l'indice retenu pour la réévaluation du prix est celui du 30 juin 2007, de sorte que les époux X. ne peuvent invoquer aucun préjudice de ce chef ;
Attendu que 45 jours de retard non justifié dans la livraison de la maison d'habitation peuvent donc être imputés à la SAS Eurospean Homes France, étant relevé que le vendeur a consenti aux acquéreurs un geste commercial destiné à compenser les désagréments causés par les retard subis jusqu'au 30 juin 2007 par la réalisation à titre gracieux de prestations non contractuellement prévues ; que les époux X., qui invoquent la date initialement fixée du 31 mars 2007 comme point de départ de leur préjudice économique lié au retard de livraison, ne justifient pas qu'au 30 juin 2007 ils aient été privés d'une possibilité de vendre leur maison à [ville F.] qu'ils ont occupée dans l'attente de la livraison de leur maison à [ville B.] alors qu'ils produisent aux débats des justificatifs de mise en vente de leur bien postérieurs à la date de signature de l'acte d'acquisition du bien litigieux, se montrant dans ces circonstances dans l'impossibilité d'administrer la preuve d'un lien de causalité direct entre les frais inhérents au délai nécessité par cette vente et le retard de 45 jours dans la livraison de leur nouvelle habitation ; qu'ils seront dans ces conditions déboutés de leurs demandes relatives à l'indemnisation des préjudices économiques qu'ils invoquent liés aux charges de l'appartement de Fontenay sous Bois et au coût du crédit relais contracté ;
Attendu qu'ils invoquent un préjudice de jouissance lié à l'humidité importante des lieux nécessitant l'utilisation d'un appareil de déshumidification industriel sur une période de 8 semaines ; qu'ils font également valoir que la date de livraison tardive (24 août 2007) les a contraints d'organiser en urgence le déménagement de leur famille et la rentrée scolaire de leurs deux enfants, et que postérieurement à leur entrée dans les lieux ils ont du subir des travaux de finition tels que la pose de la cuisine et des parquets des chambres du premier étage ;
Attendu que l'acte de vente stipule que l'acquéreur s'oblige à souffrir sans indemnité les travaux de parachèvement ; que cette clause insérée dans un acte authentique échappe à l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, et ne peut dans ces conditions être qualifiée d'abusive ;
Attendu que les travaux de parachèvement s'entendent de ceux qui ne sont pas indispensables à l'utilisation de l'immeuble tels que définis par l'article R. 261-1 du code de la construction et de l'habitation, de sorte que les époux X. ne peuvent demander l'indemnisation d'un préjudice lié aux travaux d'aménagement réalisés dans leur habitation ;
Attendu qu'il ressort des pièces produites aux débats que, préalablement à la signature de l'acte authentique, ils ont été avisés de l'existence de malfaçons affectant la toiture de leur maison, malfaçons affectant d'autres constructions du même programme immobilier ; que si l'expertise technique diligentée à la demande du vendeur ne relève pas de désordres affectant l'immeuble lui-même, il est indéniable que les occupants ont eu à subir l'humidité des lieux, notamment en cas de survenance de pluies, ce qui est démontré par l'installation provisoire d'appareils destinés à déshumidifier l'habitation fournis dans un premier temps par le vendeur lui-même ; qu'au surplus la toiture ayant été refaite et les travaux étant terminés au mois d'avril 2008, un préjudice de jouissance tenant tant à l'humidité des lieux qu'au désagrément lié aux travaux destinés non pas au parachèvement mais à la réfection de malfaçons a indiscutablement été subi par les époux X. ; que ce préjudice, ainsi que le préjudice moral causé par la précipitation de leur entrée dans les lieux avant la rentrée scolaire de leurs enfants âgés de 3 et 6 ans sera indemnisé par l'allocation de la somme de 2.500 euros ;
Attendu que le jugement sera dans ces conditions infirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que la demande de publication de l'arrêt, qui ne peut être qualifiée de nouvelle en application des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile comme étant le complément des demandes d'indemnisation formées à l'encontre de leur vendeur, n'est pas justifiée alors que les intimés succombent dans l'essentiel de leurs prétentions et sera écartée ;
Attendu que l'équité commande de ne pas faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déboute M. X. et son épouse née Y. de leurs demandes tendant à voir déclarer abusives les clauses du contrat de réservation relative à la prorogation du délai de livraison et du contrat de vente relative au parachèvement,
Condamne la SAS Eurospean Homes France à verser à M. X. et à son épouse née Y. la somme de 2.500 euros en réparation de leur préjudice moral lié au retard de 45 jours dans la livraison de la construction et de jouissance subi après leur entrée dans les lieux,
Déboute M. X. et son épouse née Y. du surplus de leurs demandes,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à publication de la présente décision,
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera la charge des ses propres dépens de première instance et d'appel, distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
Delphine VERHAEGHE Martine ZENATI.
- 5836 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Forme du contrat
- 6008 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Articulation avec les clauses abusives
- 6010 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation à la date de conclusion
- 6039 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clauses usuelles
- 6106 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Modification du contenu du contrat - Modification unilatérale - Décret du 18 mars 2009 - Prix
- 6492 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente d’immeuble à construire (1) - Présentation générale
- 6493 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente d’immeuble à construire (2) - Retards de livraison