TI GONESSE, 25 juin 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 3727
TI GONESSE, 25 juin 2009 : RG n° 11-09-000031 ; jugt n° 409
(sur appel CA Versailles (1re ch. sect. 2), 7 septembre 2010 : RG n° 09/06674)
Extrait : « Le bail souscrit entre LOGIREP et Madame X. est soumis aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 qui dispose en son article l’alinéa 3 « Les droits et obligations réciproques des bailleurs et des locataires doivent être équilibrés dans leurs relations individuelles comme dans leurs relations collectives. » Doit donc être considérée comme abusive toute clause qui entraîne un déséquilibre excessif dans les relations contractuelles entre bailleur et locataire.
En l'espèce, il ressort des courriels produits aux débats par la SA LOGIREP que Madame X. jusqu'au mois de mars 2007 n'était pas locataire et occupait le logement du chef de Monsieur Y. Il résulte notamment également des pièces produites et notamment des courriels de Madame A. du 30 janvier 2007 et de Madame B. du 3 novembre 2008 que depuis le départ de Monsieur Y., Madame X. a demandé la souscription d'un contrat de bail à son nom et que cela lui a toujours été refusé.
La SA LOGIREP a donc, en parfaite connaissance de cause, laissé dans les lieux un occupant sans titre, tout en refusant de lui consentir un bail. Ce n'est que lorsque le bailleur a réalisé qu'il n'obtiendrait pas l'accord de la commission d'expulsion qu'il a accepté de consentir un bail à Madame X. mais avec une clause de rétroactivité lui permettant de faire supporter à la nouvelle locataire la dette résultant de la période antérieure.
La clause de rétroactivité avait pour seul but de permettre au bailleur d'obtenir au moyen du versement d'un rappel APL, le paiement de la dette locative imputable au précédent locataire. Madame X. n'a manifestement accepté de signer ce bail car cette clause était la condition de la souscription d'un titre d'occupation et parce que l'opération était présentée comme dénuée de risque pour la locataire.
En conséquence, il apparaît que la clause de rétroactivité a été stipulée dans l'intérêt exclusif du bailleur afin d'obtenir le paiement, par Madame X. de la dette imputable au précédent locataire et ce sans aucun bénéfice pour Madame X. Cette clause qui crée un déséquilibre majeur dans les rapports locatifs est contraire aux dispositions de l'article 1 de la loi du 6 juillet 1989 et elle sera jugée abusive et donc réputée non écrite. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE GONESSE
JUGEMENT DU 25 JUIN 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-09-000031. Jugement n° 409.
Après débats à l'audience publique du Tribunal d'Instance de GONESSE tenue le 14 mai 2009, le jugement suivant a été rendu le 25 juin 2009 par mise à disposition au Greffe ; Sous la Présidence de Monsieur Thierry CASTAGNET, Juge du Tribunal de Grande Instance de Pontoise chargé du service du Tribunal d'Instance de Gonesse, assisté de Madame Sylvie ROUSSY, Greffier ;
ENTRE :
DEMANDERESSE :
SA LOGIREP,
[adresse], représentée par SCP PAUTONNIER et Associés, avocat du barreau de PARIS
ET :
DÉFENDERESSE :
Mademoiselle X.,
[adresse], assistée de SCP BESSIS & ASSOCIÉS, avocat au barreau de Val d'Oise
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Au mois d'août 2002, la SA LOGIREP a consenti à Monsieur Y., un bail à usage d'habitation sur un logement sis à [adresse].
Monsieur Y. a quitté les lieux en 2004 en laissant dans les lieux Madame X., alors occupante de son chef.
Le 22 mars 2007, la SA LOGIREP a consenti à Madame X. un nouveau bail portant sur l'appartement qu'elle occupait alors du chef de Monsieur Y. avec effet rétroactif au 1er septembre 2004.
Par acte d'huissier du 10 juillet 2008, la SA LOGIREP a fait délivrer à Madame X. un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail pour un montant de 10.216,42 € en principal représentant les loyers impayés.
Par acte d'huissier de justice du 7 janvier 2009, la bailleresse a fait assigner Madame X. devant le Tribunal d'Instance de GONESSE afin que celui-ci, par une décision assortie de l'exécution provisoire :
- Constate et subsidiairement prononce la résiliation du bail ;
- Ordonne l'expulsion de Madame X. ainsi que celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique ;
- L'autorise à disposer des meubles se trouvant dans les lieux ;
- Condamne Madame X. au paiement de la somme de 10.871,66 € au titre des loyers et charges et indemnités d'occupation impayés avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer ;
- Condamne Madame X. au paiement de la somme de 1.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
A l'audience du 14 mai 2009, la SA LOGIREP, représentée par son conseil, a maintenu ses demandes en actualisant sa réclamation au titre des loyers impayés à la somme de 9.555,66 € décompte arrêté à l'échéance du mois d'avril 2009 incluse.
La SA LOGIREP expose que c'est dans le souci de permettre à Madame X. de percevoir un rappel APL qu'il a été décidé de signer un bail à effet rétroactif au 1er septembre 2004, puisqu'elle habitait dans les lieux depuis plusieurs années et que la dette était à cette époque de 1.705,71 €.
Madame X. qui comparait assistée de son conseil s'oppose aux prétentions de la SA LOGIREP et demande au Tribunal de :
- Dire que le bail du 22 mars 2007 produira effet à la date de sa signature et non au 1er septembre 2004;
- Lui accorder un délai de 24 mois pour s'acquitter de sa dette locative et suspendre les effets de la clause résolutoire ;
Subsidiairement,
- [minute page 3] Lui accorder les plus larges délais pour quitter le logement.
Elle fait valoir :
Qu'elle a accepté de signer un bail rétroactif lui faisant supporter la dette locative de Monsieur Y., pensant de bonne foi que le rappel APL permettrait de couvrir cette dette qu'elle n'avait pas les moyens de régler ;
Qu'elle n'aurait pas signé ce bail si elle avait eu conscience de devoir supporter la dette de Monsieur Y. ;
Que LOGIREP a abusé de sa situation de faiblesse économique et intellectuelle et que la clause de rétroactivité doit être annulée comme abusive ;
Que subsidiairement il y a lieu de lui accorder les plus larges délais de paiement dans l'attente des suites de la procédure de surendettement qui a été engagée.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la date d'effet du bail du 22 mars 2007 :
Le bail souscrit entre LOGIREP et Madame X. est soumis aux dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 qui dispose en son article l’alinéa 3 « Les droits et obligations réciproques des bailleurs et des locataires doivent être équilibrés dans leurs relations individuelles comme dans leurs relations collectives. »
Doit donc être considérée comme abusive toute clause qui entraîne un déséquilibre excessif dans les relations contractuelles entre bailleur et locataire.
En l'espèce, il ressort des courriels produits aux débats par la SA LOGIREP que Madame X. jusqu'au mois de mars 2007 n'était pas locataire et occupait le logement du chef de Monsieur Y.
Il résulte notamment également des pièces produites et notamment des courriels de Madame A. du 30 janvier 2007 et de Madame B. du 3 novembre 2008 que depuis le départ de Monsieur Y., Madame X. a demandé la souscription d'un contrat de bail à son nom et que cela lui a toujours été refusé.
La SA LOGIREP a donc, en parfaite connaissance de cause, laissé dans les lieux un occupant sans titre, tout en refusant de lui consentir un bail.
Ce n'est que lorsque le bailleur a réalisé qu'il n'obtiendrait pas l'accord de la commission d'expulsion qu'il a accepté de consentir un bail à Madame X. mais avec une clause de rétroactivité lui permettant de faire supporter à la nouvelle locataire la dette résultant de la période antérieure.
[minute page 4] La clause de rétroactivité avait pour seul but de permettre au bailleur d'obtenir au moyen du versement d'un rappel APL, le paiement de la dette locative imputable au précédent locataire.
Madame X. n'a manifestement accepté de signer ce bail car cette clause était la condition de la souscription d'un titre d'occupation et parce que l'opération était présentée comme dénuée de risque pour la locataire.
En conséquence, il apparaît que la clause de rétroactivité a été stipulée dans l'intérêt exclusif du bailleur afin d'obtenir le paiement, par Madame X. de la dette imputable au précédent locataire et ce sans aucun bénéfice pour Madame X.
Cette clause qui crée un déséquilibre majeur dans les rapports locatifs est contraire aux dispositions de l'article 1 de la loi du 6 juillet 1989 et elle sera jugée abusive et donc réputée non écrite.
En conséquence le bail du 22 mars 2007 a pris effet le jour de sa signature.
Sur la résiliation du contrat de bail et l'expulsion du locataire :
A la date du 22 mars 2007 la dette locative était de 11.880,42 €.
Ce montant correspond à la période antérieure à la prise d'effet du bail et n'est donc pas imputable à Madame X.
A la date du commandement la dette était de 10.216,42 €, et la baisse de la dette globale démontre que depuis la prise d'effet du bail du 22 mars 2007 tous les loyers ont été payés.
La dette locative est donc inexistante et le commandement du 10 juillet 2008 délivré pour une dette non imputable au locataire n'a produit aucun effet.
La SA LOGIREP sera donc débouté de toutes ses demandes.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant par jugement contradictoire mis à disposition des parties au greffe et en premier ressort ;
DIT que la clause de rétroactivité contenue dans le bail du 22 mars 2007 est abusive et CONSTATE qu'elle est réputée non écrite ;
FIXE au 22 mars 2007, la date d'effet du bail consenti à Madame X. ;
CONSTATE que la dette concerne la période antérieure à la prise d'effet du bail ;
[minute page 5] DIT que le commandement de payer du 10 juillet 2008 n'a produit aucun effet ;
DÉBOUTE la SA LOGIREP de toutes ses demandes ;
CONDAMNE la SA LOGIREP aux dépens.
AINSI JUGE ET MIS A DISPOSITION DES PARTIES AU GREFFE LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE NEUF.
LE GREFFIER LE JUGE
- 5743 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Principe
- 5848 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6393 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (1) - Présentation générale
- 6394 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (2) - Conclusion du contrat et entrée dans les lieux
- 6395 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (3) - Obligations du locataire : paiement du prix