CA PARIS (pôle 4 ch. 4), 15 mai 2012
CERCLAB - DOCUMENT N° 3857
CA PARIS (pôle 4 ch. 4), 15 mai 2012 : RG n° 09/19495
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2012-010489
Extrait : « Considérant que l'article 10, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1970 modifiant et complétant la loi du 1er septembre 1948, dans sa rédaction issue de l'article 3-I de la loi du 6 janvier 1999 précitée, dispose qu'est licite la stipulation tendant à interdire la détention d'un chien appartenant à la première catégorie mentionnée à l'article L. 211-12 du code rural ; Considérant qu'il est constant que le chien de Mme X. appartient à la première catégorie mentionnée à l'article L. 211-12 du code rural […] ;
Considérant que la clause du bail renvoyant par principe aux énonciations du règlement intérieur la définition par le bailleur de prescriptions que le locataire s'engage à respecter ne présente pas de caractère abusif dans la mesure où, étant limitée dans l'intérêt de la sécurité, de l'hygiène et de la bonne tenue de l'immeuble, elle n'a pas pour objet ou pour effet de créer au détriment du locataire un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige ;
Considérant que Mme X. fait valoir que le règlement intérieur des immeubles est illicite dans la mesure où il permet au bailleur de modifier unilatéralement le bail en méconnaissance de la loi qui exige une dérogation contractuelle au principe conférant un caractère non écrit aux clauses interdisant la détention d'un animal familier ;
Mais considérant que par l'effet du renvoi au règlement intérieur, c'est la stipulation du bail qui tend, conformément à l'article 10 précité, à interdire la détention d'un chien appartenant à la première catégorie mentionnée à l'article L. 211-12 du code rural, de sorte que le grief d'illicéité du règlement intérieur est inopérant ; Considérant que l'interdiction de la détention d'un chien de première catégorie, dictée par un intérêt de sécurité collective, est conforme aux conditions posées par le bail ; qu'autorisée par le législateur, cette restriction contractuelle à l'usage des lieux loués n'en empêche pas la jouissance et n'est pas constitutive d'une atteinte à la vie privée dans la mesure où l'usage des lieux loués s'entend de celui des parties communes excédant la sphère privée ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 15 MAI 2012
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/19495. Arrêt n° 12/160. Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 juillet 2009 -Tribunal d'Instance de PARIS 20e : R.G. n° 11-09-000175.
APPELANTE :
Madame X.
Assistée de Maître Emmanuelle VARENNE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1775
INTIMÉE :
Etablissement Public à caractère industriel et commercial PARIS HABITAT-OPH nouvelle dénomination de l'OPAC DE PARIS,
prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP BOMMART FORSTER - FROMANTIN, avocats au barreau de PARIS, toque : J151, assistée de Maître Matthieu MENANT, avocat au barreau de PARIS, toque L 190
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 19 mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Geneviève LAMBLING, Présidente, Madame Marie KERMINA, Conseiller, Madame Claude JOLY, Conseillère, qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Geneviève LAMBLING, président et par Paule HABAROV, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte sous seing privé du 9 février 1990, l'Office Public d'Habitations à Loyer Modéré de la Ville de Paris, devenu l'Office Public d'Aménagement et de Construction de Paris (l'OPAC) a loué à Mme X. un appartement situé à [adresse].
Par acte d'huissier de justice du 24 décembre 2008, l'établissement public à caractère industriel et commercial Paris Habitat OPH (Paris Habitat OPH), nouvelle dénomination de l'OPAC, a assigné Mme X. devant le tribunal d'instance essentiellement aux fins de résiliation du bail pour troubles anormaux de voisinage et détention d'un animal de première catégorie.
Par jugement du 13 juillet 2009, le tribunal d'instance de Paris (20e arrondissement) a :
- prononcé la résiliation du bail,
- ordonné l'expulsion de Mme X. et de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier selon les modalités prévues à l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991,
- rejeté la demande de délai pour quitter les lieux,
- autorisé la séquestration des meubles et objets se trouvant dans les lieux aux frais et risques de qui il appartiendra,
- fixé l'indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux au montant conventionnel majoré de 15 % éventuellement indexé, charges et taxes en sus, et condamné Mme X. à les payer,
- condamné Mme X. aux dépens et au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme X. a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 1er octobre 2010, Mme X. demande à la cour de réformer le jugement, de condamner Paris Habitat OPH à lui payer la somme de 1.302 euros à titre de dommages et intérêts outre celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 30 juin 2010, Paris Habitat OPH demande à la cour, déboutant Mme X. de ses demandes, de confirmer le jugement et de lui allouer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Considérant que Paris Habitat OPH soutient qu'en détenant un chien de première catégorie au sens de l'article L. 211-12 du code rural qui est à l'origine de nuisances dès lors qu'il entretient une atmosphère de tension incompatible avec une jouissance paisible des lieux, Mme X. méconnaît gravement les stipulations du bail justifiant par là-même sa résiliation ;
Considérant que le bail conclu entre les parties stipule que le preneur s'engage à « respecter toutes les prescriptions que l'office croirait devoir établir dans l'intérêt de la sécurité, de l'hygiène et de la bonne tenue de l'immeuble ; il s'engage notamment à respecter les prescriptions du règlement de police intérieure des immeubles de l'office dont un exemplaire lui a été remis » et à « n'avoir dans les lieux aucun animal à l'exception des animaux domestiques familiers. (.. ) la détention de ces derniers (étant) subordonnée au fait que lesdits animaux ne causeront aucun dégât à l'immeuble ni aucun trouble de jouissance aux occupants de celui-ci. » ;
Considérant que l'édition de juin 2007 du règlement intérieur des immeubles produite par Paris Habitat OPH énonce que « la détention des animaux dangereux de première catégorie définie par arrêté pris en application de la loi du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants est formellement interdite dans les logements, leurs annexes ainsi que dans les parties communes des immeubles de l'OPAC de Paris. » ;
Considérant que l'article 10, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1970 modifiant et complétant la loi du 1er septembre 1948, dans sa rédaction issue de l'article 3-I de la loi du 6 janvier 1999 précitée, dispose qu'est licite la stipulation tendant à interdire la détention d'un chien appartenant à la première catégorie mentionnée à l'article L. 211-12 du code rural ;
Considérant qu'il est constant que le chien de Mme X. appartient à la première catégorie mentionnée à l'article L. 211-12 du code rural pour être, selon les termes de la loi qui n'appellent pas à caractériser le comportement du chien considéré, assimilable par ses caractéristiques morphologiques aux chiens de race American Staffordshire terrier sans être inscrit à un livre généalogique reconnu par le ministre de l'agriculture et de la pêche ;
Considérant que la clause du bail renvoyant par principe aux énonciations du règlement intérieur la définition par le bailleur de prescriptions que le locataire s'engage à respecter ne présente pas de caractère abusif dans la mesure où, étant limitée dans l'intérêt de la sécurité, de l'hygiène et de la bonne tenue de l'immeuble, elle n'a pas pour objet ou pour effet de créer au détriment du locataire un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige ;
Considérant que Mme X. fait valoir que le règlement intérieur des immeubles est illicite dans la mesure où il permet au bailleur de modifier unilatéralement le bail en méconnaissance de la loi qui exige une dérogation contractuelle au principe conférant un caractère non écrit aux clauses interdisant la détention d'un animal familier ;
Mais considérant que par l'effet du renvoi au règlement intérieur, c'est la stipulation du bail qui tend, conformément à l'article 10 précité, à interdire la détention d'un chien appartenant à la première catégorie mentionnée à l'article L. 211-12 du code rural, de sorte que le grief d'illicéité du règlement intérieur est inopérant ;
Considérant que l'interdiction de la détention d'un chien de première catégorie, dictée par un intérêt de sécurité collective, est conforme aux conditions posées par le bail ; qu'autorisée par le législateur, cette restriction contractuelle à l'usage des lieux loués n'en empêche pas la jouissance et n'est pas constitutive d'une atteinte à la vie privée dans la mesure où l'usage des lieux loués s'entend de celui des parties communes excédant la sphère privée ;
Considérant que, conformément au bail qui exige la communication du règlement intérieur au locataire, Paris Habitat OPH a notifié à Mme X., par acte d'huissier de justice du 14 octobre 2008, la modification du règlement intérieur consécutive à l'application de l'article 3-I de la loi du 6 janvier 1999, étant ici observé que la mise en demeure du 11 juillet 2008 n'a pas été notifiée à la locataire mais à sa fille ;
Considérant qu'il est constant qu'en dépit de la mise en demeure de faire cesser la situation contenue dans l'acte du 14 octobre 2008, Mme X. a persisté à détenir dans son logement, ses annexes et les parties communes, un chien appartenant à la première catégorie ; qu'il n'est pas allégué qu'à la date à laquelle la cour statue, le manquement aurait cessé ;
Considérant que, peu important les développements de Mme X. relatifs à l'absence de troubles de jouissance causés par son chien, le manquement constaté aux stipulations du bail est suffisamment grave pour justifier sa résiliation ; que le jugement sera confirmé de ce chef ainsi qu'en ses dispositions ordonnant l'expulsion et statuant sur ses modalités et condamnant Mme X. au paiement d'une indemnité d'occupation dont celle-ci ne critique pas le montant ;
Considérant que Mme X. ne démontre pas en quoi elle aurait été victime de menaces fautives de la part de Paris Habitat OPH ; qu'elle sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 1 302 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement étant de ce chef complété ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement étant sur ce point réformées ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement dans toutes ses dispositions sauf celles condamnant Mme X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur le seul chef de dispositif réformé :
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ajoutant au jugement :
Déboute Mme X. de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne Mme X. aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5818 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 2006-1872 du 13 juillet 2006
- 6038 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Environnement du contrat - Clientèle du professionnel
- 6061 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Respect des droits et libertés du consommateur - Vie privée
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
- 6111 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Modification du contenu du contrat - Modification unilatérale - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 - Conditions générales
- 6394 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (2) - Conclusion du contrat et entrée dans les lieux
- 6397 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (5) - Obligations du locataire : usages des lieux