TI SAINT-POL SUR TERNOISE, 31 mars 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 4149
TI SAINT-POL SUR TERNOISE, 31 mars 2009 : RG n° 11-08-00229
(sur appel CA Douai (8e ch. sect. 1), 27 mai 2010 : RG n° 09/03378)
Extraits : 1/ « Attendu que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes fait obligation au juge de relever d'office les moyens tirés du caractère abusif d'une clause stipulée dans un contrat de crédit ; et que l'article L. 141-4 du Code de la consommation permet désormais au juge de soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application ; qu'une clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type prévu par les articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation rompt l'équilibre contractuel voulu par le législateur et entraîne nécessairement au profit du prêteur professionnel un déséquilibre significatif révélant le caractère abusif de ladite clause ; que, dès lors, il entre dans l'office du juge de relever le caractère abusif de cette clause nonobstant la jurisprudence de la Cour de cassation qui doit être écartée en raison de la primauté du droit communautaire et de la loi ; qu'une fois le caractère abusif de la clause relevé d'office par le juge, celui-ci doit appliquer les sanctions prévues en droit interne et rien ne s'oppose à ce qu'une clause abusive, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, puisse en outre aggraver la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type ».
2/ « En prévoyant que l'emprunteur pourra, en cas de destruction ou de disparition du véhicule financé par le contrat de crédit, se voir opposer la résiliation du contrat de crédit avec obligation de rembourser le capital restant dû correspondant au prix de vente, alors même, d'une part, qu'il continue d'honorer ses remboursements et qu'aucune infraction contractuelle ne peut lui être reprochée et, d'autre part, que la destruction ou la disparition du bien peuvent résulter de la faute du vendeur et être de nature à engager la responsabilité de ce dernier ainsi qu'à entraîner, sa charge, une obligation de garantir le remboursement du crédit, cette clause crée bien un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur.
Attendu qu'outre qu'elle est abusive, cette clause aggrave bien la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type selon lesquelles la résiliation du contrat est encourue dans la seule hypothèse d'une défaillance de l'emprunteur dans les remboursements ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE SAINT-POL SUR TERNOISE
JUGEMENT DU 31 MARS 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-08-000229. Par mise à disposition au greffe du 31 mars 2009 ;
Délibéré au 10 mars 2009 et prorogé au 31 mars 2009 ;
Après débats à l'audience du 6 janvier 2009, a été rendu par Mme KASS-DANNO Stéphanie, Juge d'Instance, assistée de Mme LAKRAA Pascale, Greffier en Chef, le jugement suivant ;
ENTRE :
DEMANDEUR :
Société CREDIPAR
ayant siège [adresse], représentée par Maître ALLAIN, substituant Maître LE GENTIL Antoine, avocat du barreau de ARRAS
ET :
DÉFENDEUR :
Monsieur X.
demeurant [adresse], NON COMPARANT
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 18 juin 2004, la société CREDIPAR a consenti à Monsieur X. un crédit d'un montant en capital de 19.460 € accessoire à la vente d'un véhicule automobile, remboursable en 72 mensualités de 379,16 € incluant l'assurance et les intérêts au taux nominal de 9,95 % l'an.
Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société de crédit a provoqué la déchéance du terme.
Par acte d'huissier en date du 10 octobre 2008, la société CREDIPAR a fait assigner Monsieur X. afin d'obtenir avec exécution provisoire, sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
- 13.467,65 € en principal, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- 500 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
* * *
A l'audience du 4 novembre 2008, le tribunal a invité la société CREDIPAR à justifier de la régularité de l'offre de crédit conformément aux articles 1315 du Code civil, L. 313-6, L. 311-1 et suivants, L. 311-8 à L. 311-13, R. 311-6 à R. 311-7 et L. 311-33 du Code de la consommation.
* * *
A l'audience de renvoi du 6 janvier 2009, la société CREDIPAR a maintenu ses demandes.
Elle soutient que la clause relative à la résiliation du contrat n'est pas abusive ; qu'elle ne s'est pas appuyé sur cette clause pour fonder son action ; qu'en toute hypothèse, la seule sanction consiste en ce que la clause est réputée non écrite ; que Monsieur X. a reconnu avoir reçu une notice d'assurance ; et que le défaut de régularité de la notice d'assurance ne peut être sanctionné que par la déchéance du droit aux intérêts sans remettre en cause le bien-fondé de l'action ni le montant du principal réclamé.
Elle expose que des mesures recommandées ont été élaborées par la commission de surendettement d'Arras le 26 avril 2007.
* * *
Assigné à personne, Monsieur X. n'a pas comparu.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] EXPOSÉ DES MOTIFS :
I. Sur les conséquences du défaut de comparution du défendeur :
Attendu que selon l'article 472 du nouveau code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
II. Sur l'office du juge :
Attendu qu'en application de l'article L. 141-4 du Code de la consommation issu de la loi du 3 janvier 2008, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.
III. Sur la demande principale :
1) Quant aux irrégularités de l'offre
Attendu qu'aux termes de l'article L. 311-33 du code de la consommation, le prêteur qui ne saisit pas l'emprunteur ou la caution d'une offre conforme aux dispositions d'ordre public des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation est déchu du droit aux intérêts.
Sur l'aggravation de la situation de l'emprunteur
Attendu que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes fait obligation au juge de relever d'office les moyens tirés du caractère abusif d'une clause stipulée dans un contrat de crédit ;
et que l'article L. 141-4 du Code de la consommation permet désormais au juge de soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application ;
qu'une clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type prévu par les articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation rompt l'équilibre contractuel voulu par le législateur et entraîne nécessairement au profit du prêteur professionnel un déséquilibre significatif révélant le caractère abusif de ladite clause ;
que, dès lors, il entre dans l'office du juge de relever le caractère abusif de cette clause nonobstant la jurisprudence de la Cour de cassation qui doit être écartée en raison de la primauté du droit communautaire et de la loi ;
qu'une fois le caractère abusif de la clause relevé d'office par le juge, celui-ci doit appliquer les sanctions prévues en droit interne et rien ne s'oppose à ce qu'une clause abusive, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, puisse en outre aggraver [minute page 4] la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type ;
que dans une telle hypothèse, il convient de faire application de la règle selon laquelle la clause aggravant la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type, constitue une irrégularité sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, conformément à l'article L. 311-33 du Code de la consommation (Civ. 1ère, 1er décembre 1993, Bull. civ. I, n° 354), étant précisé que l'irrégularité du contrat s'apprécie au jour de sa formation.
Attendu qu'en l'espèce, l'article 11 des conditions générales du contrat de crédit prévoit la résiliation du contrat en cas de destruction ou de disparition du bien financé dans le cas où le prêteur peut réclamer les indemnités d'assurance ;
que, pourtant, il convient de relever qu'en application de l'article L. 311-21 du Code de la consommation, en cas de difficulté relative à l'exécution du contrat principal, le contrat de crédit ne se trouve annulé ou résolu de plein droit que lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu se trouve lui-même judiciairement annulé ou résolu ; qu'en conséquence, la destruction ou la disparition du véhicule ne sauraient entraîner la résiliation du contrat de crédit et l'exigibilité immédiate du capital restant dû, si le contrat de vente n'a pas été annulé ou résolu judiciairement ;
que, certes, l'établissement de crédit dispose d'un droit de gage sur le véhicule financé ; que, toutefois, ce droit de gage est seulement destiné à garantir le paiement de la créance en cas de défaillance de l'emprunteur, notamment, en conférant au créancier gagiste un droit sur les indemnités dues à l'emprunteur en cas de sinistre subi par le véhicule ; qu'en aucun cas, ce droit de gage ne permet de considérer la destruction ou la disparition du véhicule gagé comme un cas de défaillance de nature à entraîner la résiliation du contrat de crédit ;
que, par ailleurs, il ressort de l'article L. 311-22 du Code de la consommation, que si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat de principal survient du fait du vendeur celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt ; que tel serait le cas si la destruction ou la disparition du bien financé résultent d'un vice caché ;
qu'en conséquence, en prévoyant que l'emprunteur pourra, en cas de destruction ou de disparition du véhicule financé par le contrat de crédit, se voir opposer la résiliation du contrat de crédit avec obligation de rembourser le capital restant dû correspondant au prix de vente, alors même, d'une part, qu'il continue d'honorer ses remboursements et qu'aucune infraction contractuelle ne peut lui être reprochée et, d'autre part, que la destruction ou la disparition du bien peuvent résulter de la faute du vendeur et être de nature à engager la responsabilité de ce dernier ainsi qu'à entraîner, sa charge, une obligation de garantir le remboursement du crédit, cette clause crée bien un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur.
[minute page 5] Attendu qu'outre qu'elle est abusive, cette clause aggrave bien la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type selon lesquelles la résiliation du contrat est encourue dans la seule hypothèse d'une défaillance de l'emprunteur dans les remboursements ;
et que dans la mesure où la régularité du contrat s'apprécie au jour de sa formation, la cause de la déchéance du terme par la société CREDIPAR est sans incidence sur l'appréciation de l'irrégularité entachant le contrat depuis sa formation et sur sa sanction ;
qu'en conséquence, la déchéance du droit aux intérêts est bien encourue de ce chef.
Sur le défaut de notice d'assurance
Attendu qu'en vertu de l'article L. 311-12 du Code de la consommation, lorsque l'offre préalable est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.
Attendu qu'en l'espèce, l'offre est assortie d'une proposition d'assurance acceptée par Monsieur X. ;
que le prêteur pourrait très facilement justifier de la remise de la notice d'assurance si l'offre préalable avait réellement été émise en double exemplaire, ainsi que le prévoit l'article L. 311-8 du code de la consommation ;
que force est de constater que l'exemplaire produit par le prêteur est dénué de notice d'assurance ;
qu'il est bien évident que la reconnaissance de l'emprunteur quant à la détention d'un exemplaire de l'offre doté d'une notice d'assurance ne saurait démontrer la régularité de ladite notice ; qu'en effet la reconnaissance ou l'aveu de l'emprunteur ne peut porter que sur un élément de fait et non sur un point de droit, ainsi qu'il résulte des articles 1354 et suivants du code civil ; qu'en conséquence la reconnaissance ne peut constituer la preuve de l'existence d'un contrat (Com. 13 décembre 1993, Bull. civ. IV, n° 346) ou de sa régularité ;
qu'ainsi, la preuve de la régularité de l'offre de crédit n'étant pas rapportée, la déchéance du droit aux intérêts est encourue.
2) Quant au montant de la créance
Attendu que conformément à l'article L. 311-33 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital restant dû, après déduction des intérêts [minute page 6] réglés à tort ;
que cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 311-30 du code de la consommation et l'article D. 311-11 du code de la consommation.
Attendu qu'au vu des pièces produites par la société CREDIPAR, et notamment du décompte arrêté au 11 décembre 2006, sa créance s'établit comme suit :
- Capital emprunté : 19.460 €
- Montant des primes d'assurance dues jusqu'au premier incident de paiement non régularisé le 5 mars 2006 : 295,83 € (soit 19 x 15,57 €)
- Sous déduction des règlements effectués : 7.213,35 € (soit 19 x 379,65 €)
- Sous déduction du prix de vente du véhicule, étant précisé que la société CREDIPAR ne justifie pas du montant des frais exposés 14.700 €
- Total restant dû : 7.842,48 € ;
que Monsieur X. sera donc condamné à payer cette somme à la société CREDIPAR, en deniers ou quittances valables, avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2008, date de l'assignation, conformément à l'article 1153 du Code civil.
IV. Sur les autres demandes
Attendu qu'aucune circonstance particulière ne justifie que la présente décision soit assortie de l'exécution provisoire ;
que la demande sera donc rejetée conformément à l'article 515 du Code de procédure civile.
Attendu qu'en application de l'article 696 du Code de procédure civile, Monsieur X. succombant à l'instance, il sera condamné aux dépens ;
et qu'aucune circonstance tirée de l'équité ou de la situation respective des parties ne justifie qu'il soit fait droit à la demande en paiement de la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal statuant par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE Monsieur X. à payer, en deniers ou quittances, à la société anonyme CREDIPAR la somme de 7.842,48 € au titre du capital restant dû, suivant décompte arrêté au 11 décembre 2006, avec intérêts au taux légal à compter du 10 [minute page 7] octobre 2008 ;
REJETTE les autres demandes ;
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
CONDAMNE Monsieur X. aux dépens.
Le Greffier Le Juge d'instance
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