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TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 25 octobre 1989

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 25 octobre 1989
Pays : France
Juridiction : TGI Paris. 1re ch. sect. 1
Demande : 21718/88
Date : 25/10/1989
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 6/12/1988
Décision antérieure : CA PARIS (1re ch. sect. A), 17 décembre 1990
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 416

TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 25 octobre 1989 : RG n° 21718/88

(sur appel CA Paris (1re ch. A), 17 décembre 1990 : RG n° 90/038)


Extraits : 1/ « Attendu qu'il n'est pas contesté en l'espèce, que Monsieur X. et Monsieur Y., clients du CCF se sont vu imposer par cette banque un prélèvement pour frais de gestion de leur compte susceptible d'entraîner la réparation d'un préjudice rendant recevable l'intervention de l'UFC ; Attendu au surplus que l'action de l'UFC ayant également pour objet de reconnaître le caractère abusif des clauses litigieuses est également recevable sur le fondement de l'article 6 de la loi du 5 janvier 1988 ».

2/ « Attendu que l'instauration par le CCF d'une rubrique nouvelle dénommée « arrêté de compte » recouvrant la facturation de frais de gestion du compte bancaire de certains clients, dont Monsieur X. et Monsieur Y., constitue une modification du contrat en cours, laquelle implique, contrairement à toute résiliation unilatérale, le consentement exprès du client consommateur ; Attendu que le CCF ne rapporte pas, en l'espèce, la preuve de l'accord des parties concernées ; qu'il n'est pas fondé à invoquer, dans le cadre spécifique des contrats d'adhésion, par le biais de renseignements généraux fournis sur Minitel ou par une plaquette disponible à chaque guichet imposant au client une démarche personnelle et positive des informations et des agissements suffisants, lesquels ont seulement une valeur indicative et non contractuelle ; Attendu qu'une telle clause non écrite ayant pour effet de consacrer un moyen détourné et discriminatoire d'instaurer un prélèvement pour frais de gestion de comptes ainsi qu'une pratique illicite modifiant l'économie générale du contrat incompatible avec le respect de la bonne foi contractuelle est nulle et constitue une clause abusive sur le fondement de l'article 6 de la loi du 5 janvier 1988, causant un préjudice grave aux intérêts collectifs des consommateurs ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

PREMIÈRE CHAMBRE - PREMIÈRE SECTION

JUGEMENT DU 25 OCTOBRE 1989

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21718/88. RP 53519. Assignation : 6 décembre 1988.

DEMANDEURS :

- L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS - UFC

Association Loi de 1901 dont le siège est à [adresse], agissant par sa Présidente, Mme NICOLI,

- Monsieur X.

nationalité : française, demeurant à [adresse],

- Monsieur Y.

nationalité : française, demeurant à [adresse],

représentés par : Maître Luc BIHL, avocat - E 195.

[minute page 2]

DÉFENDEUR :

- LE CRÉDIT COMMERCIAL DE FRANCE, SA,

dont le siège est à [adresse],

représenté par : M. le Bâtonnier Mario STASI, - C 136.

 

MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur LAUTRU, Premier Substitut.

COMPOSITION DU TRIBUNAL Magistrats ayant délibéré : Monsieur COULON, Président, Madame MAGUEUR, Juge, Monsieur DEBARY, Juge.

GREFFIER : Madame BAYARD.

DÉBATS : à l'audience du 27 septembre 1989, tenue publiquement,

JUGEMENT : prononcé en audience publique, contradictoire, susceptible d'appel.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Des clients du CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE, par abréviation C.C.F., ont découvert que leurs comptes étaient débités, chaque trimestre, de sommes variables, sous une rubrique nouvelle intitulée « arrêté de compte » [minute page 3] recouvrant des frais de gestion, entraînant même pour certains comptes un solde débiteur.

Estimant qu'ils se sont vus imposer, sans leur consentement, une modification unilatérale de leur contrat, Monsieur X. et Monsieur Y. ont fait assigner, le 6 décembre 1988, le C.C.F. et sollicitent sa condamnation à leur payer respectivement la somme de 3.000 francs à titre de dommages-intérêts. Considérant que les arrêtés de compte imposés unilatéralement par le C.C.F. à ses clients constituent une clause nulle et abusive causant un préjudice important aux intérêts collectifs des consommateurs qu'elle a pour mission de défendre, l'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS, par abréviation UFC, suivant l'assignation précitée, demande au Tribunal de dire que les modifications unilatérales apportées par le C.C.F. aux contrats le liant à des « cocontractants consommateurs » sont nulles et constituent des clauses abusives causant un préjudice grave aux intérêts collectifs des consommateurs, et sollicite la condamnation du C.C.F. au paiement en réparation de ce préjudice, de la somme de 120.000 francs et de celle de 6.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions, signifiées le 12 juin 1989, le C.C.F. oppose l'irrecevabilité des demandes ; il fait valoir que la recevabilité de l'intervention de l'UFC, au regard de l'article 5 de la loi du 5 janvier 1988 est subordonnée à un préjudice personnel subi par Monsieur X. et Monsieur Y. lesquels n'en rapportent pas la preuve et ne peut se fonder sur une demande d'un consommateur tendant à la nullité d'un contrat.

Le C.C.F. soutient d'autre part que la demande de l'UFC est également irrecevable au regard de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1988, au motif qu'un arrêté de [minute page 4] compte ne saurait être analysé comme une clause contractuelle et qualifiée de clause abusive.

Il fait observer enfin, à titre subsidiaire, que la convention de compte courant était une convention indéterminée à durée successive, résiliable à tout moment et qu'ayant régulièrement informé sa clientèle d'une rémunération du service de tenue de comptes, les demandeurs ne sont pas fondés à invoquer la nullité ou le caractère abusif des clauses incriminées et sollicite une allocation de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 6 juillet 1989, l'UFC, Monsieur X. et. Monsieur Y. soutiennent que la recevabilité de leur action trouve son fondement dans la modification unilatérale du contrat constitutive d'un préjudice dont la source est une clause abusive et que l'UFC intervient tant sur le fondement de l'article 5 de la loi du 5 janvier 1988 à l'appui de l'action de clients de la banque que sur celui de l'article 6 du ladite loi, dans le but de solliciter la suppression des clauses abusives dans les contrats imposés par le C.C.F. aux consommateurs.

Ils rappellent qu'une banque ne saurait modifier unilatéralement et arbitrairement les clauses d'un contrat sens l'accord préalable et exprès de son cocontractant et qu'en l'espèce, les clauses d'arrêtés de compte insérées par le C.C.F. constituent bien une clause illicite et abusive causant un préjudice grave aux intérêts collectifs des consommateurs.

Par conclusions signifiées le 24 août 1989, le C.C.F. fait valoir qu'ayant respecté ses obligations contractuelles à [minute page 5] l'égard de Monsieur X. et de Monsieur Y., ceux-ci n'ont aucun intérêt à agir et qu'en conséquence l'action de l'UFC est également irrecevable sur le fondement de l'article 5 de la loi du 5 janvier 1988.

Le C.C.F. rappelle que l'intitulé de l'inscription en débit du compte appelé « arrêté de compte » n'étant pas susceptible d'être analysé comme une stipulation contractuelle, l'UFC ne peut invoquer son caractère abusif en vertu des articles 3 et 6 de la loi du 5 janvier 1988.

Il maintient qu'il a, par le truchement d'un service minitel, la diffusion d'une plaquette d'information disponible à chaque guichet ou même l'envoi d'un courrier informé sa clientèle de l'imputation au débit des comptes des frais litigieux et que, s'agissant d'un contrat à exécution successive ne prévoyant aucun, terme, la résiliation unilatérale est offerte aux parties ; qu'en l'espèce, Monsieur X. a pris l'initiative de clôture son compte.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR LA RECEVABILITÉ :

Attendu que l'article 5 de la loi du 5 janvier 1988 permet aux associations agréées, dans l'hypothèse d'une simple faute civile, ou d'une inexécution contractuelle, d'intervenir devant les juridictions civiles si une demande initiale ayant pour objet la réparation d'un préjudice subi a été formée par un pour plusieurs consommateurs ;

Attendu qu'il n'est pas contesté en l'espèce, que Monsieur X. et Monsieur Y., clients du CCF se sont vu imposer par cette banque un prélèvement pour frais de gestion de leur compte susceptible d'entraîner la réparation d'un préjudice [minute page 6] rendant recevable l'intervention de l'UFC ;

Attendu au surplus que l'action de l'UFC ayant également pour objet de reconnaître le caractère abusif des clauses litigieuses est également recevable sur le fondement de l'article 6 de la loi du 5 janvier 1988 ;

 

SUR LE FOND :

Attendu que le CCF ainsi que chacun de ses clients, notamment Monsieur X. et Monsieur Y. sont liés par un contrat intitulé « demande d'ouverture de compte » contenant les règles de fonctionnement des comptes courants ; que l'article 3 dudit contrat indique que « les écritures passées dans un compte font l'objet de l'envoi d'un relevé » ;

Attendu que l'instauration par le CCF d'une rubrique nouvelle dénommée « arrêté de compte » recouvrant la facturation de frais de gestion du compte bancaire de certains clients, dont Monsieur X. et Monsieur Y., constitue une modification du contrat en cours, laquelle implique, contrairement à toute résiliation unilatérale, le consentement exprès du client consommateur;

Attendu que le CCF ne rapporte pas, en l'espèce, la preuve de l'accord des parties concernées ; qu'il n'est pas fondé à invoquer, dans le cadre spécifique des contrats d'adhésion, par le biais de renseignements généraux fournis sur Minitel ou par une plaquette disponible à chaque guichet imposant au client une démarche personnelle et positive des informations et des agissements suffisants, lesquels ont seulement une valeur indicative et non contractuelle ;

[minute page 7] Attendu qu'une telle clause non écrite ayant pour effet de consacrer un moyen détourné et discriminatoire d'instaurer un prélèvement pour frais de gestion de comptes ainsi qu'une pratique illicite modifiant l'économie générale du contrat incompatible avec le respect de la bonne foi contractuelle est nulle et constitue une clause abusive sur le fondement de l'article 6 de la loi du 5 janvier 1988, causant un préjudice grave aux intérêts collectifs des consommateurs ;

Attendu que le Tribunal trouve en la cause les éléments d'appréciation suffisants pour fixer à 3.000 francs le préjudice subi respectivement par Monsieur X. et Monsieur Y., et à 100.000 francs celui subi par l'UFC ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'UFC les frais qu'elle a engagés en la présente instance en sus des dépens, à concurrence de la somme de 6 000 francs ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL,

Déclare nulles les modifications unilatérales apportées par le CCF aux contrats le liant à des co-contractants consommateurs ;

Dit que les clauses intitulées « arrêtés de compte » par le CCF constituent des clauses abusives causant un préjudice grave aux intérêts collectifs des consommateurs ;

Condamne le CRÉDIT COMMERCIAL DE FRANCE à payer respectivement, à titre de [minute page 8] dommages et intérêts, la somme de TROIS MILLE francs (3.000) à Monsieur X. et à Monsieur Y., ainsi que celle de CENT MILLE francs (100.000) à l'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS - UFC ;

Condamne le CCF à payer à L'UFC la somme de SIX MILLE francs (6.000) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne le C.C.F. aux dépens.

Fait et jugé à PARIS, le 25 octobre 1989.