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CA VERSAILLES (12e ch. sect. 1), 29 octobre 2009

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (12e ch. sect. 1), 29 octobre 2009
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 12e ch. sect. A
Demande : 08/07356
Date : 29/10/2009
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. COM., 8 juillet 2008
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2009-015907
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4332

CA VERSAILLES (12e ch. sect. 1), 29 octobre 2009 : RG n° 08/07356

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2009-015907

 

Extraits : 1/ « Que l'action du ministre chargé de l'économie, exercée en application de l’article L. 442-6-III du Code de commerce qui tend à la cessation des pratiques qui sont mentionnées dans ce texte, à la constatation de la nullité des clauses ou contrats illicites, à la répétition de l'indu et au prononcé d'une amende civile, est une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence de sorte, qu'elle ne saurait être soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs ; Que l'action autonome prévue par l’article L. 442-6 du Code de commerce ne viole nullement les dispositions de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, dès lors qu'elle garantit les droits fondamentaux des opérateurs économiques, est justifiée par des impératifs légitimes d'intérêt général et laisse aux fournisseurs la poursuite de la défense de leurs droits et de la réparation de leur préjudice ».

2/ « Considérant que le GALEC ne saurait davantage soutenir que le ministre de l'économie et des finances n'aurait plus d'intérêt à agir puisque dix-sept fournisseurs ont manifesté leur volonté de ne pas demander la restitution des sommes qu'ils ont versées, qu'aucun fournisseur n'est partie à l'instance et que l'action du ministre n'a plus d'objet ou de cause, le substrat de l'amende civile faisant défaut ; Qu'en effet, l'action prévue à l'article L. 442-6 III, ainsi qu'il a été ci-dessus retenu, qui tend à la constatation de la nullité des clauses ou contrats illicites, à la répétition de l'indu et au prononcé d'une amende civile, est une action autonome, d'ordre public, de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n'est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs ».

3/ « Considérant que le GALEC, qui ne dément pas avoir passé avec ses fournisseurs pour les années 1999 à 2001 des accords de coopération commerciale comportant les services qu'il souhaitait fournir et les rémunérations concernés, ne justifie nullement avoir été victime de discrimination de la part de ses fournisseurs au seul motif qu'il n'aurait pas été informé des conditions négociées avec d'autres distributeurs ; Qu'en effet, les fournisseurs n'ont obligation ni d'équilibrer leurs budgets entre les différentes enseignes de la distribution, ni de leur proposer les mêmes services aux mêmes prix et qu'il leur est loisible d'octroyer des avantages qualitatifs à des distributeurs, à la condition toutefois que ces avantages ne soient pas appliqués de façon discriminatoire, soit en raison de rémunérations obtenues sans contrepartie réelle ou portant sur un service fictif, ou encore disproportionnée à la valeur du service rendu ;

Considérant en l'espèce, que cette condition n'est pas établie dès lors qu'il n'est pas contesté que les contrats de coopération commerciale en présence ont été proposés par les enseignes de la distribution et non par les fournisseurs ».

4/ « Considérant que force est de constater que les accords transactionnels signés en 2002 et 2003 répondent à la seule exigence du GALEC et lui ont permis, sans contrepartie, d'obtenir des fournisseurs, des rémunérations rétroactives ne correspondant à aucune prestation commerciale qu'il aurait réalisée au titre des années 1999 à 2001 ; Que, certes, le GALEC prétend qu'au titre des concessions qu'il a consenties, il a renoncé à toute indemnisation complémentaire de la part des fournisseurs ; qu'il ne justifie cependant pas sur quel fondement il aurait pu engager une action indemnitaire envers les fournisseurs, alors que les sommes versées n'ont eu pour but que de poursuivre et redynamiser une coopération commerciale et que les fournisseurs ne sont pas débiteurs à l'égard du GALEC d'une obligation de l'informer des conditions plus avantageuses consenties par les autres distributeurs ; Qu'en outre les indemnités perçues des fournisseurs ne compensent aucune prestation antérieurement accomplie par le GALEC qui ne le conteste pas puisque il a reconnu aux termes des préambules des accords qu'il aurait été en mesure de réaliser le même niveau de prestations que celui fourni par son concurrent direct... ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, peu important la qualification qui en a été faite, que les actes litigieux, faute de comporter des concessions réciproques, s'analysent en des accords, permettant le bénéfice rétroactif de coopération commerciale, prohibés à peine de nullité par les dispositions d'ordre public de l’article L. 442-6-II du Code de commerce ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

DOUZIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 08/07356. Code nac : 39A. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 novembre 2005 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE (7e ch.) : R.G. n° 04/F01493.

LE VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE NEUF, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

SA COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC - GALEC

ayant son siège [adresse], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Concluant par Maitre Jean-Michel TREYNET, avoué - N° du dossier 18968, Plaidant par Maître Laurent PARLEANI, avocat au barreau de PARIS, DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) du 8 juillet 2008 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES (12ème ch. section B) le 3 mai 2007

 

MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Représentée par Madame A., inspecteur, entendue en ses observations, en vertu d'un pouvoir en date du 1er septembre 2009 de Monsieur B., directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Yvelines, DÉFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI

 

EN PRÉSENCE DE : Monsieur Claude PERNOLLET, avocat général près la Cour d'Appel de VERSAILLES, entendu en ses observations pour le ministère public

 

Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 septembre 2009, Madame Dominique ROSENTHAL, président, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de : Madame Dominique ROSENTHAL, président, Madame Dominique LONNE, conseiller, Monsieur Claude TESTUT, conseiller, qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu la communication de l'affaire au ministère public en date du 3 octobre 2008 qui a conclu le 3 juin 2009,

Vu le jugement rendu le 15 novembre 2005, par le tribunal de commerce de Nanterre qui a :

* dit le ministre de l'économie et des finances recevable en ses demandes,

* dit le ministre de l'économie et des finances bien fondé en sa demande de nullité des accords transactionnels signés entre la société COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC, dite GALEC, et ses fournisseurs,

* reçu le ministre de l'économie et des finances en sa demande de restitutions au Trésor public, pour le compte des fournisseurs, des sommes versées à la société COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC, soit la somme de 23.313.681,51 euros,

* donné acte au ministre de l'économie et des finances de son engagement de restitution à la société COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC des sommes qui ne pourraient être remises aux fournisseurs,

* condamné la société COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC à payer au ministre de l'économie et des finances une amende civile de 500.000 euros,

* dit n'y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile,

* condamné la société COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC aux dépens.

 

Vu l'arrêt rendu le 3 mai 2007, par la cour d'appel de Versailles, qui infirmant le jugement entrepris, a, en retenant que par son action fondée sur les dispositions de l’article L. 442-6-III du Code de commerce, le ministre recherchait le rétablissement des fournisseurs dans leurs droits patrimoniaux individuels afin de défendre et de restaurer l'ordre public économique prétendument troublé par les transactions intervenues entre eux et le GALEC et qu'il avait introduit cette action de substitution sans en informer les fournisseurs titulaires des droits et qu'il a poursuivi la procédure sans les y associer alors que dix-sept d'entre eux avaient expressément exprimé leur volonté contraire, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention qui garantit à toute personne le droit que sa cause soit entendue équitablement devant un tribunal indépendant et impartial :

* déclaré le ministre de l'économie et des finances irrecevable en son action en nullité et en restitution,

* dit sans objet sa demande d'amende civile,

* condamné le ministre de l'économie et des finances à verser à la société COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

 

Vu l'arrêt du 8 juillet 2008, par lequel la Cour de cassation, sur le pourvoi formé par le ministre de l'économie et des finances, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles, remis la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée au motif d'une violation des dispositions de l’article L. 442-6-III du Code de commerce et de l'article 6 § 1 de la Convention.

 

Vu la déclaration de la société COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC saisissant la juridiction de renvoi.

Vu les dernières écritures en date du 8 septembre 2009, par lesquelles la société COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la Cour, au visa des articles 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 446-2 du Code de commerce, 2044 et suivants du Code civil, de :

* dire le ministre de l'économie et des finances irrecevable en ses demandes et à tout le moins mal fondé,

* débouter le ministre de l'économie et des finances de ses demandes,

* le condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Vu les dernières écritures en date du 1er septembre 2009, aux termes desquelles le ministre de l'économie et des finances, poursuivant la confirmation du jugement entrepris sauf sur le montant de l'amende civile, prie la Cour de :

* dire son action recevable et bien fondée,

* dire que la société GALEC a obtenu des fournisseurs mentionnés le bénéfice rétroactif de contrats de coopération commerciale,

* dire que ces contrats sont relatifs à des prestations qui n'ont jamais été rendues,

* dire que ces pratiques sont contraires aux dispositions de l’article L. 442-6 du Code de commerce,

* dire que la transaction invoquée par la société GALEC est un habillage juridique qui porte sur une matière d'ordre public et que le ministre n'y est pas partie,

* dire que le ministre peut poursuivre la nullité des contrats en cause en application des dispositions de l’article L. 442-6 du Code de commerce,

* constater la nullité des contrats en cause,

* dire que les pièces, par lesquelles des fournisseurs déclarent renoncer par avance au bénéficie d'une décision de justice, sont nulles,

* à titre principal, condamner la société GALEC à verser au Trésor public les sommes indûment perçues, celui-ci s'engageant à les reverser aux fournisseurs concernés,

* à titre subsidiaire, condamner la société GALEC à restituer les sommes indûment perçues directement aux fournisseurs concernés à hauteur de 23.313.680,51 euros et à en justifier le paiement effectif,

* prononcer une amende civile de 2 millions d'euros,

* ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, sous astreinte,

* condamner la société GALEC au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Vu les conclusions du Ministère public tendant à la confirmation de la décision de première instance et l'aggravation du montant de l'amende civile prononcée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

* la société COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC ou GALEC est la centrale de référencement du groupement des magasins portant l'enseigne E. LECLERC, qui regroupe 460 adhérents,

* le GALEC agit pour le compte de ses adhérents qui l'ont mandaté pour négocier auprès des fournisseurs les conditions d'achats et des conditions accessoires,

* au mois de septembre 2001, le GALEC a eu connaissance des conditions commerciales obtenues par la société B.FOUR auprès de ses fournisseurs de produits alimentaires frais pour les années 1998 et 1999,

* le GALEC, estimant avoir bénéficié de conditions moins favorables et discriminatoires, a négocié, entre le 12 février 2002 et le 25 mars 2003, plusieurs protocoles d'accord transactionnels avec les fournisseurs concernés,

* aux termes de ces protocoles, il a été convenu que la réparation du préjudice subi par le GALEC donnerait lieu au versement d'une indemnité transactionnelle, forfaitaire, ce groupement renonçant à toute demande d'indemnisation complémentaire,

* selon un échéancier, le recouvrement des sommes mentionnées dans ces protocoles devait se poursuivre jusqu'en 2004, à hauteur d'un montant global de 23.313.680,51 euros,

* c'est dans ces circonstances, que le ministre de l'économie et des finances, estimant les pratiques mises en œuvre par le GALEC contraires aux dispositions de l’article L. 442-6 du Code de commerce, a assigné celui-ci devant le tribunal de commerce de Nanterre ;

 

Sur la conformité de l'action et des demandes aux dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que le GALEC fait valoir que, si l’article L. 442-6 III du Code de commerce a institué l'action judiciaire du ministre pour permettre la mise en œuvre des droits d'un opérateur économique que celui-ci répugnerait à faire valoir en justice, il n'en demeure pas moins que le titulaire des droits doit avoir été informé et donner son assentiment, sauf à confisquer au profit d'autrui le droit fondamental d'accès à la juridiction reconnu par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ;

Qu'il ajoute que le ministre ne peut se substituer à une partie privée pour mettre en œuvre ses droits contractuels et qu'à supposer autonome l'action prévue par l’article L. 442-6 du Code de commerce, il n'en subsiste pas moins que cette action viole le dit article 6 § 1 ;

 

Considérant que l’article L. 442-6-I-2° du Code de commerce dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout commerçant... d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ;

Que selon les dispositions de l'article L. 442-6-II-a) sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un commerçant la possibilité de bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale ;

Qu'aux termes de l'article L. 442-6-III, l'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie... Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros ;

Considérant qu'au fondement de l'article L. 442-6-III précité, le ministre chargé de l'économie peut, dans le cadre de son action, demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées à l'article L. 442-6 et peut également pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou des contrats illicites et demander la répétition de l'indu et le prononcé d'une amende civile ;

Que l'action du ministre chargé de l'économie, exercée en application de l’article L. 442-6-III du Code de commerce qui tend à la cessation des pratiques qui sont mentionnées dans ce texte, à la constatation de la nullité des clauses ou contrats illicites, à la répétition de l'indu et au prononcé d'une amende civile, est une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence de sorte, qu'elle ne saurait être soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs ;

Que l'action autonome prévue par l’article L. 442-6 du Code de commerce ne viole nullement les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, dès lors qu'elle garantit les droits fondamentaux des opérateurs économiques, est justifiée par des impératifs légitimes d'intérêt général et laisse aux fournisseurs la poursuite de la défense de leurs droits et de la réparation de leur préjudice ;

 

Sur la demande de sursis à statuer :

Considérant que subsidiairement, le GALEC sollicite le sursis à statuer sur ses demandes dans l'attente de la décision à intervenir de la Cour européenne des droits de l'homme qu'elle a saisie d'une question préjudicielle le 15 octobre 2008 ;

Mais considérant que le ministre de l'économie et des finances soulève justement l'irrecevabilité de cette demande qui n'a pas été formée avant toute défense au fond ou toute fin de non-recevoir ;

 

Sur la recevabilité à agir de ministre de l'économie et des finances au visa de l’article L. 442-6 du Code de commerce :

Considérant que le GALEC soutient que le ministre de l'économie et des finances ne serait pas recevable en son action en nullité dès lors qu'il ne tiendrait pas, de la loi, le droit de solliciter l'annulation d'une transaction intervenue entre opérateurs économiques ;

Mais considérant que le ministre de l'économie et des finances conteste la qualification de transaction retenue par le GALEC et ses fournisseurs, de sorte que cette discussion, qui est acquise aux débats, doit être examinée sur le fond ;

Considérant que le GALEC ne saurait davantage soutenir que le ministre de l'économie et des finances n'aurait plus d'intérêt à agir puisque dix-sept fournisseurs ont manifesté leur volonté de ne pas demander la restitution des sommes qu'ils ont versées, qu'aucun fournisseur n'est partie à l'instance et que l'action du ministre n'a plus d'objet ou de cause, le substrat de l'amende civile faisant défaut ;

Qu'en effet, l'action prévue à l'article L. 442-6 III, ainsi qu'il a été ci-dessus retenu, qui tend à la constatation de la nullité des clauses ou contrats illicites, à la répétition de l'indu et au prononcé d'une amende civile, est une action autonome, d'ordre public, de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n'est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs ;

Considérant que le GALEC fait également valoir qu'aucune disposition ne permet au ministre de l'économie et des finances d'obtenir l'exécution de justice à son profit et que par définition, la répétition de l'indu ne peut que concerner les fournisseurs et non le ministre qui n'a pas le pouvoir de les représenter ; qu'il ajoute qu'en matière de créance de l'Etat, seul l'Agent judiciaire du trésor est compétent pour demander aux tribunaux judiciaires l'existence d'une créance ;

Mais considérant que le ministre de l'économie et des finances ne demande nullement l'exécution de la décision à son profit, mais au profit des fournisseurs ; que les difficultés posées par la mise en œuvre de la répétition de l'indu ne sauraient réduire à néant la protection de l'ordre public économique ; que dans ces circonstances, en l'absence de précisions apportées par l'article L. 442-6, force est de constater que la restitution des sommes indues aux fournisseurs par l'intermédiaire du Trésor public est seule à même de garantir l'exécution de la décision judiciaire ;

Considérant par voie de conséquence, que la décision déférée, qui a déclaré le ministre de l'économie et des finances recevable en son action, sera confirmée ;

 

Sur le fond du litige :

Considérant que le GALEC expose que, durant la période s'écoulant entre la loi Galland du 1er juillet 1996 et la loi Dutreil du 2 août 2005, a disparu la marge avant, constituée par la différence entre le prix d'achat au fournisseur et le prix de revente au consommateur, la négociation commerciale se jouant désormais sur la marge arrière qui comprend la rémunération des prestations de coopération commerciale ainsi que les ristournes et remises hors facture ;

Que, rappelant que la coopération commerciale s'est intégrée dans l'appréciation du coût de l'achat pour le distributeur et détermine la marge réalisée lors de la revente des marchandises, le GALEC fait valoir que la seule négociation de la marge arrière permet aux distributeurs d'exercer leur concurrence entre eux ;

Qu'il prétend avoir été victime de discrimination de la part de ses fournisseurs qui ont négocié avec son concurrent CARREFOUR un budget de coopération commercial supérieur à celui qu'il a obtenu ;

Qu'il soutient que l'importance des pratiques dénoncées, le montant du préjudice subi, les menaces d'action judiciaire, notamment dans le cadre de la saisine du Conseil de la concurrence, ont conduit les parties à se rapprocher et, après concessions réciproques, à signer, entre le 12 février 2002 et le 25 mars 2003, vingt-huit accords transactionnels aux termes desquels d'une part, les fournisseurs s'engageaient à verser une indemnité transactionnelle, forfaitaire et définitive, d'autre part, il était renoncé pour toutes les entités du mouvement E. LECLERC à toute demande d'indemnisation complémentaire au titre des relations commerciales entre les années 1999 et 2001 ;

Considérant que le ministre de l'économie et des finances réplique que ces accords transactionnels recouvrent en réalité, « par un habillage subtil », des contrats de coopération commerciale rétroactifs ne correspondant à aucun service rendu, de sorte qu'ils ne sont pas susceptibles de constituer une transaction ;

 

Considérant qu'il n'est pas démenti d'une part, qu'il appartient au juge de restituer leur exacte qualification aux actes litigieux que les parties en ont proposé et d'autre part, que l'existence de concessions réciproques conditionne la validité d'une transaction ;

Considérant que les protocoles incriminés rappellent que le GALEC considère que les relations commerciales qu'il a nouées avec le fournisseur étaient de même nature que celles existant entre le fournisseur et le concurrent direct du GALEC, et qu'à ce titre, le GALEC aurait été en mesure de réaliser le même niveau de prestations que celui fourni par son concurrent direct, si le fournisseur en avait fait état lors de ses négociations avec le GALEC. Dans ces conditions, le GALEC estime qu'il aurait pu bénéficier de la part du fournisseur, des mêmes budgets de coopération commerciale que ceux obtenus par son concurrent direct pour les années 1999 à 2001 incluses. Afin de mettre un terme à leur différend, les parties se sont rapprochées et moyennant des concessions réciproques, le fournisseur accepte de verser au GALEC une indemnité transactionnelle, forfaitaire et définitive. Le GALEC renonce, tant pour lui-même que pour toutes les entités du mouvement E. LECLERC, à toute demande d'indemnisation complémentaire à l'égard du fournisseur au titre des relations commerciales ayant pu exister entre les années 1999 à 2001 incluses ;

Considérant que le GALEC, qui ne dément pas avoir passé avec ses fournisseurs pour les années 1999 à 2001 des accords de coopération commerciale comportant les services qu'il souhaitait fournir et les rémunérations concernés, ne justifie nullement avoir été victime de discrimination de la part de ses fournisseurs au seul motif qu'il n'aurait pas été informé des conditions négociées avec d'autres distributeurs ;

Qu'en effet, les fournisseurs n'ont obligation ni d'équilibrer leurs budgets entre les différentes enseignes de la distribution, ni de leur proposer les mêmes services aux mêmes prix et qu'il leur est loisible d'octroyer des avantages qualitatifs à des distributeurs, à la condition toutefois que ces avantages ne soient pas appliqués de façon discriminatoire, soit en raison de rémunérations obtenues sans contrepartie réelle ou portant sur un service fictif, ou encore disproportionnée à la valeur du service rendu ;

Considérant en l'espèce, que cette condition n'est pas établie dès lors qu'il n'est pas contesté que les contrats de coopération commerciale en présence ont été proposés par les enseignes de la distribution et non par les fournisseurs ;

Que cette circonstance a d'ailleurs été relevée par deux fournisseurs, SODIAAL-YOPLAIT et FLEURY-MICHON qui ont tenu à faire porter dans les protocoles les mentions suivantes :

- Yoplait conteste fermement la réalité des faits visés ci-dessus, estimant qu'en sa qualité de fournisseur, elle n'avait pas à proposer spontanément au GALEC, en qualité de distributeur, l'achat de services spécifiques relevant de la coopération commerciale, dès lors que l'initiative de l'offre appartient au distributeur,

- Fleury-Michon a considéré qu'il n'y avait pas de discrimination en faveur de LECLERC car, notamment, lorsqu'elle négocie des accords de coopération commerciale avec des distributeurs, Fleury-Michon n'est pas en situation de vendeur mais d'acheteur de prestations. Or, Carrefour a su proposer des prestations de service... qui n'étaient pas nécessairement offertes par le GALEC... ou à des conditions parfois différentes ;

Considérant que force est de constater que les accords transactionnels signés en 2002 et 2003 répondent à la seule exigence du GALEC et lui ont permis, sans contrepartie, d'obtenir des fournisseurs, des rémunérations rétroactives ne correspondant à aucune prestation commerciale qu'il aurait réalisée au titre des années 1999 à 2001 ;

Que, certes, le GALEC prétend qu'au titre des concessions qu'il a consenties, il a renoncé à toute indemnisation complémentaire de la part des fournisseurs ; qu'il ne justifie cependant pas sur quel fondement il aurait pu engager une action indemnitaire envers les fournisseurs, alors que les sommes versées n'ont eu pour but que de poursuivre et redynamiser une coopération commerciale et que les fournisseurs ne sont pas débiteurs à l'égard du GALEC d'une obligation de l'informer des conditions plus avantageuses consenties par les autres distributeurs ;

Qu'en outre les indemnités perçues des fournisseurs ne compensent aucune prestation antérieurement accomplie par le GALEC qui ne le conteste pas puisque il a reconnu aux termes des préambules des accords qu'il aurait été en mesure de réaliser le même niveau de prestations que celui fourni par son concurrent direct... ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, peu important la qualification qui en a été faite, que les actes litigieux, faute de comporter des concessions réciproques, s'analysent en des accords, permettant le bénéfice rétroactif de coopération commerciale, prohibés à peine de nullité par les dispositions d'ordre public de l’article L. 442-6-II du Code de commerce ;

Considérant par voie de conséquence, que le jugement déféré, qui a annulé les contrats litigieux, condamné le GALEC à verser au Trésor public la somme de 23.313.680,51 euros, à charge pour celui-ci de les restituer aux fournisseurs, sera confirmé ;

Que cette décision mérite également confirmation sur le montant de l'amende civile exactement évaluée à la somme de 500.000 euros ;

 

Sur les autres demandes :

Considérant que l'exécution provisoire du présent arrêt, qui n'est susceptible que d'un pourvoi, ne saurait être ordonnée ;

Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que le GALEC ne saurait bénéficier des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ; qu'en revanche, l'équité commande de le condamner, sur ce même fondement, à verser au ministre de l'économie des finances et de l'industrie une indemnité de 3.000 euros ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- Y AJOUTANT,

- CONDAMNE le GALEC à payer au ministre de l'économie des finances et de l'industrie la somme de 3.000 euros (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles,

- REJETTE toutes autres demandes contraires à la motivation,

- CONDAMNE le GALEC aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Dominique ROSENTHAL, président, et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,                     Le PRÉSIDENT,