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TI BOULOGNE-BILLANCOURT, 25 novembre 1999

Nature : Décision
Titre : TI BOULOGNE-BILLANCOURT, 25 novembre 1999
Pays : France
Juridiction : Boulogne-Billancourt (TI)
Demande : 11-99-001062
Date : 25/11/1999
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 28/07/1999
Décision antérieure : CA VERSAILLES (1re ch. 2e sect.), 9 novembre 2001
Numéro de la décision : 1471
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 455

TI BOULOGNE-BILLANCOURT, 25 novembre 1999 : RG n° 11-99-001062 ; jugement n° 1471

(sur appel CA Versailles (1re ch. B), 9 nov. 2001 : RG n° 00/00778 ; arrêt n° 681)

 

Extraits : 1/ « [L’article 1304 du Code civil] dispose que l'action en nullité d'une convention est limitée à 5 ans. L'action en nullité du contrat de location en lui-même est en effet prescrite. Mais, en l'espèce, Monsieur X. ne sollicite pas la nullité du contrat de location, mais de l'une de ses dispositions. Son action est donc recevable. »

2/ « La société BD LEASE soutient que Monsieur X. n'a pas qualité à agir puisqu'il est un professionnel. Or, Monsieur X. exerce la profession de directeur. Le contrat de location concerne du matériel informatique. Son activité est étrangère au domaine informatique ; il doit donc être assimilé à un consommateur. »

3/ « Monsieur X. soutient que la clause prévoyant la résiliation du contrat moyennant un préavis de 9 mois est abusive, ce que la société BD LEASE conteste.

L'examen des conditions générales du contrat n'est pas aisé compte tenu de la taille des caractères. Toutefois, il ressort de l'examen des dispositions de l'article 10.1 que le preneur ne peut mettre fin au contrat qu'à l'issue de la durée de location, en l'espèce 5 ans, et à condition d'avoir fait connaître son intention 9 mois auparavant par lettre recommandée.

Le fait d'obliger le locataire à s'engager pour une période aussi longue et selon de telles modalités crée un déséquilibre au profit du loueur. En effet, la durée du préavis de 9 mois, au regard de la nature de la prestation offerte, à savoir la location de matériel, apparaît excessive. Un préavis d'une telle durée pourrait s'expliquer pour des prestations de services qui impliquent des frais de gestion du personnel pour le prestataire de service, mais tel n'est pas le cas. La réduction de la durée du préavis à trois mois parait en effet plus conforme à la nature du contrat en question.

Cette clause parait donc abusive à plusieurs titres : d'autre part, elle ne prévoit de possibilité de résiliation qu'à l'issue de la durée de la location, et enfin elle prévoit un préavis de 9 mois, dont la durée parait excessive au regard de la prestation offerte. En raison de son caractère abusif, cette clause est donc réputée non écrite.

Le contrat a été conclu le 12 juillet 1994 et Monsieur X. a sollicité la résiliation du contrat par lettre recommandée en date du 28 avril 1999, soit près de cinq ans après le début du contrat.

Par conséquent, le contrat est résilié depuis le 28 juillet 1999. La société BD LEASE est redevable à l'égard de Monsieur X. d'une somme de 9.250 francs au titre des loyers perçus. Dans ces conditions, l'article 11 prévoit la restitution du matériel en fin de période de location ; celle-ci peut donc être réclamée par la société BD LEASE à Monsieur X.. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE BOULOGNE-BILLANCOURT

JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 11-99-001062. Minute n° 1471.

 

DEMANDEUR :

Monsieur X., [adresse], représenté par Maître WOOG Stéphane, avocat au barreau de PARIS, [adresse]

 

DÉFENDEUR :

SA Société BD LEASE, [adresse], représenté(e) par Maître SOLOVIEFF Laurence, avocat au barreau de PARIS, [adresse]

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Mme M. H. DELTORT

Greffier : Melle F. BESNIER

DÉBATS : Audience publique du : 21 octobre 1999

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Par acte d'huissier en date du 28 juillet 1999, Monsieur X. a fait assigner la société BD LEASE devant ce tribunal afin de voir constater que la clause insérée à l'article 10.1 du contrat de location est abusive, dire qu'elle est non écrite, constater la résiliation du bail en date du 28 juillet 1999, condamner la société BD LEASE à lui restituer les sommes perçues après le 28 juillet 1999 et condamner la défenderesse à lui payer une somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Il indique qu'il a, le 12 juillet 1994, conclu un contrat avec la société ORDIBAIL, pour la location de matériel d'équipement informatique, moyennant un durée de 5 ans avec un loyer mensuel hors taxe de 4.125 francs la 1ère année et de 7.670 francs mensuellement les années suivantes. Il soutient avoir résilié le contrat par courrier en date du 28 avril 1999 et indique que la société BD LEASE, venant aux droits de la société ORDIBAIL, lui a opposé un préavis de 9 mois et lui a indiqué que la location se poursuivait pour une période 12 mois à compter du 1er octobre 1999.

Il estime que cette clause présente un caractère abusif compte tenu de la longueur du délai imposé et invoque les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation.

La société BD LEASE conclut à l'incompétence du Tribunal d'instance au profit du Tribunal de grande instance de Nanterre car les prétentions du demandeur sont indéterminées dans leur montant. A titre subsidiaire, elle soulève la prescription de l'action sur le fondement de l'article 1304 du Code civil, le délai ayant expiré le 12 juillet 1999. Elle estime également que l'action se trouve prescrite en application des dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation qui prévoit un délai de 2 ans pour agir. En tout état de cause, si l'action n'était pas prescrite, elle estime que compte tenu de sa qualité de professionnel, Monsieur X. ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation. A titre infiniment subsidiaire, elle relève que Monsieur X. a accepté cette clause en connaissance de cause, qu'il dispose d'une possibilité de résiliation annuelle et de faire évoluer le matériel.

Monsieur X. indique qu'il sollicite la restitution des sommes perçues depuis le 28 juillet 1999, soit une somme de 9.250 francs, que le Tribunal d'instance est donc bien compétent. Il indique qu'il n'a pas fondé sa demande sur les dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation, et que le délai de 2 ans pour agir ne saurait lui être opposée. Sur la prescription de l'article 1304, il fait valoir que la demande de nullité ne porte pas sur une convention, mais sur l'une de ses clauses et que par conséquent, cette prescription est inapplicable, qu'en tout état de cause, elle ne pourrait s'appliquer qu'à compter du 10 mai 1999. Sur sa qualité de professionnel, il s'appuie sur la jurisprudence en faisant valoir qu'il a agi hors de sa sphère habituelle d'activité. Sur le fond, il soutient que les conditions générales du contrat ne sont pas particulièrement apparentes, qu'il s'agit d'un contrat d'adhésion, qu'il n'est pas possible de renégocier le contrat, qu'au surplus, le matériel n'est pas apte à passer l'an 2000, que son activité est en baisse et que ses besoins ont évolué.

La société BD LEASE conteste l'inaptitude du matériel au passage à l'an 2000, et propose à Monsieur X. d'étudier des solutions mieux adaptées à sa situation.

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] MOTIFS DE LA DÉCISION :

Par acte sous seing privé en date du 12 juillet 1994, la société ORDIBAIL aux droits de laquelle vient la société BD LEASE, a donné en location à Monsieur X. des matériels d'équipement informatique pour une durée de 60 mois, moyennant un loyer mensuel la 1ère année de 4.215 francs hors taxe, et de 7.670 francs hors taxe par la suite.

Monsieur X. estime que la clause prévoyant un préavis de 9 mois pour la résiliation du contrat est abusive, et doit donc être considérée comme non écrite. La société BD LEASE lui oppose l'incompétence du Tribunal, la prescription de l'action, l'absence de qualité.

 

Sur l'incompétence du Tribunal d'instance :

La société BD LEASE soutient que la demande est indéterminée et que par conséquent, le Tribunal d'instance est incompétent. Monsieur X. réclame le montant des loyers versés depuis le 28 juillet 1999, et chiffre sa demande dans ses conclusions à 9.150 francs. Le Tribunal d'instance est donc bien compétent.

 

Sur l'application des dispositions de l'article 1304 du Code Civil :

Cet article dispose que l'action en nullité d'une convention est limitée à 5 ans.

L'action en nullité du contrat de location en lui-même est en effet prescrite. Mais, en l'espèce, Monsieur X. ne sollicite pas la nullité du contrat de location, mais de l'une de ses dispositions. Son action est donc recevable.

 

Sur l'application des dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation :

La société BD LEASE soutient que l'action est forclose. Or, cet article fait partie de la section VIII relative au chapitre consacré au crédit à la consommation. Le contrat en question n'est pas relatif à une opération de crédit, mais concerne la location de matériels informatiques. Les dispositions de cet article ne sont donc pas applicables en l'espèce.

 

Sur l'application des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation :

Cet article précise que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Il est indiqué que les clauses en question sont réputées non écrites et que le contrat reste applicable dans toutes ses autres dispositions.

La société BD LEASE soutient que Monsieur X. n'a pas qualité à agir puisqu'il est un professionnel. Or, Monsieur X. exerce la profession de directeur. Le contrat de location concerne du matériel informatique. Son activité est étrangère au domaine informatique ; il doit donc être assimilé à un consommateur.

[minute page 4] Monsieur X. soutient que la clause prévoyant la résiliation du contrat moyennant un préavis de 9 mois est abusive, ce que la société BD LEASE conteste.

L'examen des conditions générales du contrat n'est pas aisé compte tenu de la taille des caractères. Toutefois, il ressort de l'examen des dispositions de l'article 10.1 que le preneur ne peut mettre fin au contrat qu'à l'issue de la durée de location, en l'espèce 5 ans, et à condition d'avoir fait connaître son intention 9 mois auparavant par lettre recommandée.

Le fait d'obliger le locataire à s'engager pour une période aussi longue et selon de telles modalités crée un déséquilibre au profit du loueur. En effet, la durée du préavis de 9 mois, au regard de la nature de la prestation offerte, à savoir la location de matériel, apparaît excessive. Un préavis d'une telle durée pourrait s'expliquer pour des prestations de services qui impliquent des frais de gestion du personnel pour le prestataire de service, mais tel n'est pas le cas. La réduction de la durée du préavis à trois mois parait en effet plus conforme à la nature du contrat en question.

Cette clause parait donc abusive à plusieurs titres : d'autre part, elle ne prévoit de possibilité de résiliation qu'à l'issue de la durée de la location, et enfin elle prévoit un préavis de 9 mois, dont la durée parait excessive au regard de la prestation offerte. En raison de son caractère abusif, cette clause est donc réputée non écrite.

Le contrat a été conclu le 12 juillet 1994 et Monsieur X. a sollicité la résiliation du contrat par lettre recommandée en date du 28 avril 1999, soit près de cinq ans après le début du contrat.

Par conséquent, le contrat est résilié depuis le 28 juillet 1999. La société BD LEASE est redevable à l'égard de Monsieur X. d'une somme de 9.250 francs au titre des loyers perçus. Dans ces conditions, l'article 11 prévoit la restitution du matériel en fin de période de location; celle-ci peut donc être réclamée par la société BD LEASE à Monsieur X.

Monsieur X. a dû engager des frais pour faire valoir ses droits; il convient de lui accorder une somme de 2.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort,

Se déclare compétent,

Constate que la clause 10.1 du contrat de location souscrit le 12 juillet 1994 entre Monsieur X. et la société BD LEASE est abusive, et dit qu'elle est réputée non écrite,

Dit que le contrat de location est résilié depuis le 28 juillet 1999,

Condamne la société BD LEASE à payer à Monsieur X. la somme [minute page 5] de 9.250 francs,

Précise que la société BD LEASE peut solliciter de Monsieur X. qu'il lui restitue le matériel conformément aux conditions générales du contrat,

Condamne la société BD LEASE à payer à Monsieur X. la somme de 2.500 Francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la société BD LEASE au paiement des dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 25 novembre 1999.

Le greffier                    Le juge