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CA RENNES (2e ch.), 31 janvier 2014

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 31 janvier 2014
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 11/02357
Décision : 14/47
Date : 31/01/2014
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 6/04/2011
Numéro de la décision : 47
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4690

CA RENNES (2e ch.), 31 janvier 2014 : RG n° 11/02357 ; arrêt n° 47

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2014-001498

 

Extraits : 1/ « Par application des dispositions de l’article L. 141-4 du code de la consommation, issu de la loi du 3 janvier 2008, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du dit code dans les litiges nés de son application. En conséquence, saisi par l'opposition formée par Madame X., le premier juge pouvait examiner d'office la régularité de l'offre de crédit initiale et de l’avenant du 9 novembre 2006 au regard des dispositions du code de la consommation applicables à celles-ci, la décision de réouverture des débats du 23 septembre 2010, ayant par ailleurs régulièrement permis aux parties, et notamment au créancier, de s'expliquer sur les moyens soulevés d'office par le tribunal. »

2/ « Il ressort de l'exemplaire de l'offre de crédit du 13 juillet 2001 que la déchéance du terme peut résulter de toute inexécution de l'une des clauses du contrat, notamment le défaut de paiement d'une échéance, mais qu'elle pourra aussi intervenir de plein droit également dans d'autres cas énumérés à l'alinéa 8 de la clause VI, par la non utilisation du compte pendant un an, l'invalidité permanente et totale, le décès, l'âge de 77 ans atteint par l'emprunteur, ... l'établissement définitif à l'étranger de l'emprunteur, le défaut de communication d'un changement d'adresse ou le changement de situation familiale, un incident de paiement déclaré à la Banque de France ou l'inscription au FICP. L’avenant du 9 novembre 2006, prévoit que dans la plupart des cas ci-dessus visés, la suspension du droit à découvert peut être effectuée par le prêteur, sans préavis.

En ce qu'elle prévoit, à la seule initiative du prêteur, une suspension du découvert, voire la résiliation du crédit pour des motifs qui sont étrangers au contrat de crédit (défaut de communication d'une modification de la situation familiale, incapacité ou survenance d'une limite d'âge, ou inscription au FICP) et qui ne mettent pas pour autant nécessairement en péril le remboursement des échéances dues au prêteur, cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et revêt de ce fait un caractère abusif. Elle aggrave également la situation du débiteur dès lors qu'aucune précision n'est apportée ni sur les conditions de sa mise en application, ni sur sa durée, pour ce qui concerne la suspension.

Elle est en outre susceptible de créer des difficultés dans la gestion financière de son crédit et de son budget par l'emprunteur, privé, à la discrétion du prêteur, des possibilités d'avoir recours à la réserve financière qui constitue l'objet du crédit. Elle peut en outre mettre en péril par la suite la reprise du contrat et de ses obligations par l'intéressé dans le cas de la suspension. Elle doit en conséquence être également déclarée illicite.

L'insertion de ces clauses illicites dans le contrat de crédit intervenu le 13 juillet 2001 et l’avenant du 9 novembre 2006, qui a pour effet de contourner la législation protectrice du consommateur, rend l'offre de crédit non conforme aux dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation et par conséquent justifie à elle seule l'application des dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation, soit l'application au prêteur de la déchéance du droit aux intérêts, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres irrégularités affectant l'offre de crédit, alléguées par l'emprunteur.».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 31 JANVIER 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/02357. Arrêt n° 47.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Catherine LE BAIL, Président, Madame Françoise LE BRUN, Conseiller, Madame Béatrice LEFEUVRE, Conseiller,

GREFFIER : Madame Stéphanie LE CALVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 21 novembre 2013, devant Mme Béatrice LEFEUVRE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 31 janvier 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE :

Société LASER COFINOGA SA, venant aux droits de la Sté MEDIATIS SA

Représentée par la SCP BREBION CHAUDET, Postulants, avocats au barreau de RENNES, Représentée par Maître Eric TABARD, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

 

INTIMÉE :

Madame X.

née le [date] à [ville], Représentée par la SELARL GOURVES & ASSOCIÉS, avocats au barreau de RENNES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Saisi par la société MEDIATIS d'une action en paiement formée contre Madame X., le tribunal d'instance de GUINGUAMP, par jugement du 20 janvier 2011, a ;

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts à l'encontre de la société MEDIATIS,

- condamné Madame X. à payer à la société MEDIATIS la somme de 3.139,83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2009,

- condamné Madame X. aux frais et dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

- rejeté la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes.

Le tribunal a soulevé d'office l'illicéité de la clause aggravative de la situation du débiteur, prévoyant la résiliation du prêt dans le contrat d'origine et sa suspension dans l’avenant du 3 novembre 2006, pour d'autres causes que la défaillance de l'emprunteur.

Le tribunal a également retenu que la preuve de la remise de l'offre préalable en double exemplaire, et l'existence du bordereau détachable de rétractation sur l'offre de l'emprunteur, n'était pas rapportée par le prêteur, lequel, pour ce motif, devait également se voir sanctionner par la déchéance du droit aux intérêts, dès lors que l'offre n'était pas conforme aux dispositions légales.

 

Par déclaration du 6 avril 2011, la société MEDIATIS, aux droits de la quelle se trouve désormais la société LASER COFINOGA, a formé appel de cette décision.

La société LASER COFINOGA demande à la cour ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé recevable la demande de la SA MEDIATIS aux droits de laquelle vient la SA LASER COFINOGA,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a soulevé d'office la déchéance du droit aux intérêts,

- de juger que le tribunal d'instance de GUINGAMP ne pouvait soulever d'office la déchéance du droit aux intérêts,

- de juger non fondé le moyen soulevé d'office par le tribunal d'instance de GUINGAMP,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts,

- de condamner Madame X. à verser à la société LASER COFINOGA venant aux droits de la SA MEDIATIS la somme de 9.713,52 euros outre les intérêts au taux de 16,25 % sur la somme de 8.998,11 euros à compter du 6 septembre 2009,

- de débouter Madame X. de sa demande de dommages et intérêts et très subsidiairement de la réduire de manière substantielle,

- de condamner Madame X. à verser à la société LASER COFINOGA la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame X. aux dépens de première instance et d'appel.

 

Madame X., intimée, demande à la cour ;

- de déclarer la société MEDIATIS mal fondée en son appel et de l'en débouter,

- de juger que la société MEDIATIS ne justifie pas de la recevabilité de son action au regard des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation,

- de déclarer en conséquence irrecevables comme forcloses les demandes de la société MEDIATIS,

A titre subsidiaire,

- de juger que la société MEDIATIS a manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de Madame X. sur les risques d'endettement afférents aux crédits qu'elle lui a successivement octroyés,

- de condamner en conséquence la société MEDIATIS au paiement de la somme de 9.713,52 euros à titre de dommages et intérêts,

- d'ordonner la compensation entre les créances respectives des parties,

A titre encore plus subsidiaire,

- de confirmer le jugement du tribunal d'instance de GUINGAMP en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

- d'accorder à Madame X. les plus larges délais de paiement pour s'acquitter de sa dette, en application des dispositions de l’article 1244-1 du code civil,

- de condamner la société MEDIATIS à payer à Madame X. la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société MEDIATIS aux dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'action et la forclusion invoquée :

La société CAPITAL ONE, aux droits de laquelle est venue la société MEDIATIS a par offre du 13 juillet 2001, accordé à Madame X. une ouverture de crédit utilisable par fractions assortie d'une carte de crédit, pour un montant de 30.000 francs (4.573 euros).

Le montant de la fraction disponible du découvert autorisé a été porté à 7.573 euros selon avenant du 9 novembre 2006.

Selon un nouvel avenant du 17 octobre 2008, le découvert autorisé a été porté à 9.170 euros.

La société MEDIATIS a prononcé la déchéance du terme par mise en demeure du 6 août 2009 revenue non réclamée, se prévalant d'un défaut de versement à compter d'avril 2009.

Le relevé du compte de Madame X. fait ressortir que postérieurement au dernier avenant d'octobre 2008, des échéances sont effectivement demeurées impayées en novembre, décembre 2008 et janvier 2009, suivies d'un seul versement de 569 euros insuffisant cependant pour régulariser les impayés antérieurs, sans pour autant que la plafond de 9.170 euros ne soit dépassé.

De ce fait, l'organisme de crédit était fondé à se prévaloir de la déchéance du terme, et dès lors que la signification, en date du 13 janvier 2010, de l'ordonnance d'injonction de payer du 30 décembre 2009, a interrompu le délai biennal de forclusion moins de deux ans après l’avenant du 17 octobre 2008, son action doit être déclarée recevable.

La régularité de l'intervention de la société LASER COFINOGA aux droits de la SA MEDIATIS depuis le 3 octobre 2011 est justifiée par les pièces produites aux débats.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré recevable en son action la société MEDIATIS, aux droits de laquelle se trouve désormais devant la cour la société LASER COFINOGA.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts et le montant des sommes dues :

Par application des dispositions de l’article L. 141-4 du code de la consommation, issu de la loi du 3 janvier 2008, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du dit code dans les litiges nés de son application.

En conséquence, saisi par l'opposition formée par Madame X., le premier juge pouvait examiner d'office la régularité de l'offre de crédit initiale et de l’avenant du 9 novembre 2006 au regard des dispositions du code de la consommation applicables à celles-ci, la décision de réouverture des débats du 23 septembre 2010, ayant par ailleurs régulièrement permis aux parties, et notamment au créancier, de s'expliquer sur les moyens soulevés d'office par le tribunal.

Il ressort de l'exemplaire de l'offre de crédit du 13 juillet 2001 que la déchéance du terme peut résulter de toute inexécution de l'une des clauses du contrat, notamment le défaut de paiement d'une échéance, mais qu'elle pourra aussi intervenir de plein droit également dans d'autres cas énumérés à l'alinéa 8 de la clause VI, par la non utilisation du compte pendant un an, l'invalidité permanente et totale, le décès, l'âge de 77 ans atteint par l'emprunteur, ... l'établissement définitif à l'étranger de l'emprunteur, le défaut de communication d'un changement d'adresse ou le changement de situation familiale, un incident de paiement déclaré à la Banque de France ou l'inscription au FICP.

L’avenant du 9 novembre 2006, prévoit que dans la plupart des cas ci-dessus visés, la suspension du droit à découvert peut être effectuée par le prêteur, sans préavis.

En ce qu'elle prévoit, à la seule initiative du prêteur, une suspension du découvert, voire la résiliation du crédit pour des motifs qui sont étrangers au contrat de crédit (défaut de communication d'une modification de la situation familiale, incapacité ou survenance d'une limite d'âge, ou inscription au FICP) et qui ne mettent pas pour autant nécessairement en péril le remboursement des échéances dues au prêteur, cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et revêt de ce fait un caractère abusif. Elle aggrave également la situation du débiteur dès lors qu'aucune précision n'est apportée ni sur les conditions de sa mise en application, ni sur sa durée, pour ce qui concerne la suspension.

Elle est en outre susceptible de créer des difficultés dans la gestion financière de son crédit et de son budget par l'emprunteur, privé, à la discrétion du prêteur, des possibilités d'avoir recours à la réserve financière qui constitue l'objet du crédit. Elle peut en outre mettre en péril par la suite la reprise du contrat et de ses obligations par l'intéressé dans le cas de la suspension. Elle doit en conséquence être également déclarée illicite,

L'insertion de ces clauses illicites dans le contrat de crédit intervenu le 13 juillet 2001 et l’avenant du 9 novembre 2006, qui a pour effet de contourner la législation protectrice du consommateur, rend l'offre de crédit non conforme aux dispositions des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation et par conséquent justifie à elle seule l'application des dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation, soit l'application au prêteur de la déchéance du droit aux intérêts, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres irrégularités affectant l'offre de crédit, alléguées par l'emprunteur.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur ce point.

Il s'ensuit que, par référence à l'historique du compte, dont les intérêts contractuels ainsi que les indemnités contractuelles doivent être déduits, Madame X. est redevable envers la société LASER COFINOGA de la somme de 3.139,83 euros, conformément au calcul effectué par le tribunal, avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2009.

 

Sur la demande de dommages et intérêts et de compensation des créances :

La responsabilité de l'organisme de crédit est invoquée devant la cour au soutien de la demande de dommages et intérêts pour manquement de la banque à son obligation de mise en garde de l'intéressée par rapport au risque d'endettement.

Bien qu'invoqué pour la première fois en cause d'appel, ce moyen, qui tend à opposer compensation avec la condamnation au paiement, doit être examiné.

La situation financière de l'intéressée, telle que décrite dans l'offre initiale du 13 juillet 2001, qui fait état de 7.000 francs (1.067,14 euros) de revenus, outre 4.700 francs (716,51 euros) allocations, et de charges de 5.000 francs (762,25 euros) par mois, alors que le montant des remboursements mensuels du crédit en cause allait de 110 euros à 136 euros selon l'utilisation du découvert, ne fait pas apparaître de risque aggravé d'endettement du fait du crédit souscrit sur lequel la banque aurait dû attirer l'attention de l'emprunteur.

L'historique du compte de l'ouverture de crédit démontre par ailleurs des paiements réguliers opérés par l'emprunteur, qui apparaît avoir été en mesure de régulariser rapidement sa situation lorsque des incidents de paiement se sont produits, et d'effectuer des versements d'un montant élevé dans certains cas, de 2.116,09 en juillet 2003 et de 569 euros en avril 2009.

En dernier lieu, Madame X. ne justifie pas de l'évolution de sa situation de revenus, de sorte qu'aucun élément ne vient démontrer que l'ouverture de crédit excédait ses capacités financières de remboursement lors des avenants postérieurs, et que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde à ce titre.

Dans ces conditions, il ne peut être fait droit à sa demande de dommages et intérêts et de compensation.

La demande de délais de paiement formée par l'intimée, non justifiée par la production de l'état de sa situation de revenus doit être rejetée.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions

Compte tenu de la succombance respective des parties sur leurs prétentions, elles garderont à leur charge leurs dépens d'appel respectifs.

Il ne sera pas fait droit aux demandes formées au titre des frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Déboute l'intimée de toutes ses demandes ;

Déboute les parties de leurs demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel.

Le greffier                 Le Président