CA TOULOUSE (2e ch. sect. 2), 18 mars 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4728
CA TOULOUSE (2e ch. sect. 2), 18 mars 2014 : RG n° 12/03453 ; arrêt n° 111
Publication : Jurica
Extrait : « Le contrat d'ouverture de compte, signé par M. X., le 24 septembre 2007contient une clause stipulant que les délais sont donnés à titre indicatif et qu'en aucun cas les retards ne pourront donner lieu à pénalités ou dommages-intérêts ni justifier l'annulation des commandes.
Cette clause ne tombe pas sous le coup des dispositions de l'article L. 121-20-3 du code de la consommation invoquées par M. X., lesquelles ne sont applicables qu'à un contrat entre un professionnel et un consommateur pour les contrats de ventes et fournitures de services à distance. De même les recommandations faites par la Commission des Clauses abusives qu'il vise concernent les contrats de vente conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs.
La clause opposée à M. X. est présumée licite entre professionnels et ne peut être réputée non écrite que si elle contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur. Or en l'espèce, l'obligation consiste en la fourniture de l'ouvrage commandé, et il ne ressort ni des mentions générales (« semaine de livraison souhaitée »), ni de mentions particulières figurant sur les documents contractuels, notamment les bons de commande, que la date de livraison demandée par M. X. avait un caractère impératif. D'ailleurs, le dépassement de la date souhaitée n'a provoqué aucune réaction ni mise en demeure de sa part.
La clause a ainsi été valablement opposée à M. X. par le tribunal pour rejeter sa demande en dommages-intérêts pour retard de livraison.
Devant la cour, M. X. se prévaut des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce aux termes duquel celui qui soumet ou tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties engage sa responsabilité et est tenu de réparer le préjudice subi. Il s'agit non d'une prétention nouvelle mais d'un moyen nouveau, parfaitement recevable. En revanche, il n'apparaît pas d'une part qu'il existait entre les parties un véritable partenariat économique, la SARL TECHNI PROFILS étant un simple fournisseur cocontractant que M. X. était libre de solliciter ; d'autre part, M. X. n'établit pas qu'il était contraint d'accepter cette clause et qu'il aurait vainement tenté de la renégocier. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 2
ARRÊT DU 18 MARS 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/03453. ARRÊT n°111. Décision déférée du 6 avril 2012 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE : R.G. n° 10/02303.
APPELANT :
Monsieur X.
Représenté par Maître Rachel LAHANA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
SA TECHNI PROFILS
Représentée par Maître Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE, Assistée de Maître Thierry DE TASSIGNY, avocat au barreau de PAU
INTERVENANTS :
SELARL FRANCOIS LEGRAND
mandataire judiciaire de la SA TECHNI PROFILS, Sans avocat constitué
Maitre Jean Marc LIVOLSI
es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL TECHNI PROFILS, Représentée par Maître Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE Assistée de Maître Thierry DE TASSIGNY, avocat au barreau de PAU
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 janvier 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. LEGRAS, Président et M.P. PELLARIN, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : P. LEGRAS, président, V.SALMERON, conseiller, M.P. PELLARIN, conseiller
Greffier, lors des débats : M. MARGUERIT
ARRÊT : - réputé contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties, - signé par P. LEGRAS, président, et par M. MARGUERIT, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant contrat du 24 septembre 2007, M. X. a créé un compte client auprès de la SARL TECHNI PROFILS. Il a commandé et reçu livraison de menuiseries pour 11.198,73 euros qu'il n'a pas réglées en opposant diverses objections. Ces ouvrages étaient destinés à être intégrés à une maison d'habitation en rénovation, dont M. X. avait la charge du lot menuiserie.
Par jugement du 6 avril 2012 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de TOULOUSE, saisi par décision d'incompétence du tribunal d'instance de MURET du 7 mai 2010 d'une demande en paiement de la SARL TECHNI PROFILS, a condamné M. X. au paiement de la somme précitée avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2009, ainsi qu'une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et a rejeté ses demandes reconventionnelles.
M. X. a interjeté appel de cette décision le 6 juillet 2012.
Il a appelé en cause la SARL LEGRAND, mandataire judiciaire au redressement judiciaire ouvert à l'égard de la SARL TECHNI PROFILS. Le mandataire judiciaire, assigné à sa personne par acte du 26 octobre 2012, ne comparaît pas.
L'appelant et l'intimée ont respectivement déposé leurs dernières écritures les 20 et 19 décembre 2013. L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 décembre 2013.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Il est fait expressément référence, pour l'exposé des moyens, aux conclusions précitées.
M. X. demande à la cour, au vu des fautes commises, de rejeter la demande de la SARL TECHNI PROFILS, de dire que la clause exonératoire de responsabilité de la SARL TECHNI PROFILS au titre des retards de livraison est nulle comme abusive et potestative, de prononcer la résolution des contrats passés avec la SARL TECHNI PROFILS, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 11.370,85 euros, de fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de cette société, de la condamner également à une somme de 3.000 euros pour atteinte à l'image commerciale de M. X., et de fixer ce montant à son passif, de fixer enfin au passif du redressement judiciaire une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile de condamner la SARL TECHNI PROFILS, Maître LIVOLSI en qualité d'administrateur judiciaire et la SARL LEGRAND en qualité de représentant des créanciers aux dépens, à titre subsidiaire d'ordonner une expertise et en ce cas de surseoir à statuer sur les demandes.
La SARL TECHNI PROFILS aux côtés de laquelle intervient Maître LIVOLSI en qualité de commissaire à l'exécution du plan, conclut à l'irrecevabilité, comme nouvelle, de la demande en résolution, ainsi que de l'action en responsabilité de la SARL TECHNI PROFILS fondée sur l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, sollicite le débouté de M. X., la confirmation du jugement, et réclame la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dûment autorisé en application des articles 442 et 445 du code de procédure civile, M. X. a produit et communiqué en cours de délibéré sa déclaration de créance au redressement judiciaire de la SARL TECHNI PROFILS à hauteur de 50.000 euros.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur la demande en paiement de la SARL TECHNI PROFILS :
Le montant réclamé par la SARL TECHNI PROFILS correspond à cinq factures émises le 25 octobre, 9 novembre 2007 et 23 janvier 2008, relatives à des bons de commande de menuiseries produits aux débats. La livraison n'en est pas contestée.
Devant le tribunal, M. X. invoquait uniquement en défense des préjudices pour manquements de la SARL TECHNI PROFILS à ses obligations (retard de livraison et malfaçons). Le tribunal a exactement retenu que le paiement de sommes commandées et livrées était dû, avant d'examiner la demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts invoquée par M. X., susceptible de se compenser avec les sommes dues.
Devant la cour, M. X. sollicite la résolution des contrats de vente, qui le dispenserait dès lors du paiement du prix. Cependant, indépendamment de la question de la recevabilité de la demande dont la SARL TECHNI PROFILS soutient qu'elle est nouvelle, une telle demande ne peut aboutir dès lors que la résolution aurait pour effet de contraindre M. X. à restituer les menuiseries vendues, ce qu'il ne propose pas et qu'il s'est placé dans l'impossibilité d'exécuter en intégrant ces matériaux à la construction appartenant à un tiers.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il condamne M. X. au paiement du montant total des factures.
- Sur la demande reconventionnelle de M. X. :
* Pour retard de livraison :
Les ouvrages commandés pour la semaine 47 soit entre le 19 et le 25 novembre 2007 ont été livrés pour l'essentiel avec un mois de retard soit le 21 décembre 2007.
Le contrat d'ouverture de compte, signé par M. X., le 24 septembre 2007contient une clause stipulant que les délais sont donnés à titre indicatif et qu'en aucun cas les retards ne pourront donner lieu à pénalités ou dommages-intérêts ni justifier l'annulation des commandes.
Cette clause ne tombe pas sous le coup des dispositions de l'article L. 121-20-3 du code de la consommation invoquées par M. X., lesquelles ne sont applicables qu'à un contrat entre un professionnel et un consommateur pour les contrats de ventes et fournitures de services à distance. De même les recommandations faites par la Commission des Clauses abusives qu'il vise concernent les contrats de vente conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs.
La clause opposée à M. X. est présumée licite entre professionnels et ne peut être réputée non écrite que si elle contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur. Or en l'espèce, l'obligation consiste en la fourniture de l'ouvrage commandé, et il ne ressort ni des mentions générales (« semaine de livraison souhaitée »), ni de mentions particulières figurant sur les documents contractuels, notamment les bons de commande, que la date de livraison demandée par M. X. avait un caractère impératif. D'ailleurs, le dépassement de la date souhaitée n'a provoqué aucune réaction ni mise en demeure de sa part.
La clause a ainsi été valablement opposée à M. X. par le tribunal pour rejeter sa demande en dommages-intérêts pour retard de livraison.
Devant la cour, M. X. se prévaut des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce aux termes duquel celui qui soumet ou tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties engage sa responsabilité et est tenu de réparer le préjudice subi. Il s'agit non d'une prétention nouvelle mais d'un moyen nouveau, parfaitement recevable. En revanche, il n'apparaît pas d'une part qu'il existait entre les parties un véritable partenariat économique, la SARL TECHNI PROFILS étant un simple fournisseur cocontractant que M. X. était libre de solliciter ; d'autre part, M. X. n'établit pas qu'il était contraint d'accepter cette clause et qu'il aurait vainement tenté de la renégocier.
* Sur la somme de 6.318,39 euros
Il s'agit du montant de la situation n° 3 dont M. X. prétend qu'elle ne lui a pas été réglée par les maîtres de l'ouvrage. Force est de constater comme l'a fait le tribunal que la preuve n'est pas rapportée d'un lien entre le non-paiement allégué et les manquements reprochés par M. X. à la SARL TECHNI PROFILS. D'ailleurs, le document à en-tête du maître d'œuvre, le cabinet d'architecte ANRICH-MAYLIN présente cette somme comme étant due par les maîtres de l'ouvrage, et il n'est à aucun moment justifié d'un refus de paiement motivé de la part de ces derniers.
* Sur la retenue de garantie, pour 1.361,56 euros
La réception du lot menuiserie est intervenue le 31 janvier 2008, avec diverses réserves énumérées de façon manuscrite. La retenue de garantie, légalement prévue, est destinée à garantir la reprise par l'entrepreneur des défectuosités mentionnées.
M. X. maintient devant la cour sa demande en paiement de cette retenue par la SARL TECHNI PROFILS, aux motifs de désordres dont elle aurait reconnu être responsable. Or, par des motifs complets et pertinents que la cour adopte, le tribunal a exactement retenu :
- que les réserves, qui ont justifié la retenue de garantie, sont sans lien avec les désordres reprochés à la SARL TECHNI PROFILS,
- qu'au surplus, à la suite de défectuosités signalées dans l'année de la réception à M. X., la SARL TECHNI PROFILS établit avoir proposé vainement M. X. une intervention (courrier du 28 septembre 2008 demeuré sans réponse, puis avoir fixé d'office une date d'intervention (courrier du 28 novembre 2008) qui a été refusée, et enfin avoir demandé que lui soit proposée une date (courrier du 26 janvier 2009) courrier demeuré sans réponse.
En dernier lieu, il convient de rappeler (article 2 de la loi 71-584 du 16 juillet 1971) que la retenue de garantie doit être reversée à l'entrepreneur à l'expiration du délai d'un an sauf opposition motivée du maître de l'ouvrage. Or en l'espèce, il n'est pas établi que les maîtres de l'ouvrage auraient fait opposition au paiement de la retenue de garantie, ni, a fortiori, que l'opposition serait en lien avec les désordres reprochés à la SARL TECHNI PROFILS.
Le jugement est en conséquence confirmé également en ce qu'il déboute M. X. de ses demandes à l'encontre de la SARL TECHNI PROFILS, la demande subséquente en dommages-intérêts pour atteinte à l'image commerciale n'étant pas plus fondée, et en ce qu'il rejette la demande d'expertise, inutile ; on relève en effet qu'à ce jour, M. X. n'établit pas qu'il ferait l'objet de réclamations de la part des maîtres de l'ouvrage pour désordres affectant ses travaux.
En application de l'article 700 du Code de procédure civile, il est alloué à la SARL TECHNI PROFILS l'indemnité fixée au dispositif de cette décision.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
- DONNE ACTE à Maître LIVOLSI de son intervention volontaire en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL TECHNI PROFILS.
- CONSTATE que M. X. justifie de sa déclaration de créance au passif de la procédure collective de la SARL TECHNI PROFILS.
- DÉBOUTE M. X. de sa demande en résolution des contrats de vente.
- CONFIRME le jugement déféré.
- CONDAMNE M. X. à payer à la SARL TECHNI PROFILS une indemnité de 1.200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNE M. X. au paiement des dépens dont distraction par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le Président,
M. Marguerit P. Legras
- 5930 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Matériels et matériaux
- 6169 - Code de commerce (L. 442-6-I-2° C. com. ancien) - Domaine de la protection - Victime : partenaire commercial
- 6170 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Soumission ou tentative de soumission à un déséquilibre significatif
- 6171 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Suppression de la condition de dépendance économique
- 6231 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Diminution de la responsabilité de l’auteur
- 6250 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Procédure - Voies de recours
- 6390 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs - Obligation essentielle