CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 26 juin 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4827
CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 26 juin 2014 : RG n° 13/00891
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2014-016770
Extraits : 1/ « La demande d'annulation de clause abusive est en effet une demande indéterminée qui a pour origine l'exécution d'une obligation d'une valeur de 400 euros, ce qui justifiait certes la compétence du juge de proximité mais imposait à celui-ci de statuer en premier ressort. La circonstance que le jugement attaqué ait été improprement qualifié de décision rendue en dernier ressort ne saurait avoir pour effet de priver la société Free du droit d'exercer un recours que la loi lui ouvre. »
2/ « Pourtant, le principe du versement d'un dépôt de garantie garantissant la bonne restitution en fin de contrat du matériel laissé en dépôt chez l'abonné est justifié par l'existence d'un risque objectif contre lequel l'opérateur, resté propriétaire des éléments de réseau mis à la disposition de ses clients, peut légitimement tenter de se prémunir. Dès lors, cette stipulation n'a pas pour effet de créer, au détriment de l'abonné qui opte pour des modalités de règlement ne présentant pas les mêmes garanties que le prélèvement automatique, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le premier juge a donc à tort estimé cette clause abusive. »
3/ « En revanche, Mme X. fait à juste titre observer que les conditions générales de ventes de la société Free n'ont jamais été acceptées par elle, et ne lui sont donc pas opposables. »
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 26 JUIN 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/00891. ORIGINE : DÉCISION du Juridiction de proximité de CHERBOURG en date du 31 janvier 2013.
APPELANTE :
LA SAS FREE
n° SIRET : 421 XX, prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître Mickael DARTOIS, substitué par Maître Aline LEMAIRE, avocats au barreau de CAEN, assistée de la SCP ANCELET DOUCHIN ELIE SAUDUBRAY, avocat au barreau de PARIS,
INTIMÉ :
Madame X.
[née] le [date] à [ville], représenté et assisté de Maître Christophe LOISON, avocat au barreau de CHERBOURG, (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
DÉBATS : À l'audience publique du 12 mai 2014, sans opposition du ou des avocats, Monsieur CHRISTIEN, Président, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur CHRISTIEN, Président, rédacteur, Madame BEUVE, Conseiller, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 juin 2014 et signé par Monsieur CHRISTIEN, président, et Mme LE GALL, greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 8 avril 2011, Mme X. a contracté par téléphone un abonnement d'accès à l'Internet auprès de la société Free.
Prétendant que l'opérateur refusait abusivement le paiement par mandat postal tant qu'elle n'aurait pas versé un dépôt de garantie en contrepartie de la remise du matériel d'accès à l'Internet et suspendait ses services lorsque les prélèvements, effectués sur un compte clôturé, lui revenaient impayés, Mme X. a, par déclaration au greffe du 29 août 2011, saisi la juridiction de proximité de Cherbourg en annulation de clause abusive et en paiement de dommages-intérêts.
Estimant abusive la clause des conditions générales de la société Free imposant le versement d'un dépôt de garantie en cas de paiement en espèces, le juge de proximité a, par jugement du 31 janvier 2013 :
- Condamné la société Free à accepter le règlement mensuel de Mme X. par mandat postal sans versement préalable de dépôt de garantie,
- Condamné la société Free au paiement d'une somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts,
- Condamné la société Free aux dépens.
La société Free a relevé appel de cette décision le 15 mars 2013, en demandant à la cour de :
- Déclarer son appel recevable,
- Débouter Mme X. de ses demandes,
- La condamner au paiement d'une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Mme X. demande quant à elle à la cour de déclarer l'appel irrecevable au regard du montant de la demande.
Subsidiairement, elle conclut à la confirmation du jugement attaqué et sollicite la condamnation de la société Free au paiement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 9 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ainsi qu'aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Free le 1er avril 2014, et pour Mme X. le 7 mars 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Il résulte de la combinaison des articles 40 du code de procédure civile, L. 231-3 et R. 231-1 du code de l'organisation judiciaire que le juge de proximité est compétent pour statuer, à charge d'appel, sur les demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4.000 euros.
Or, dans le dernier état de ses prétentions exprimées devant le juge de proximité par conclusions du 29 novembre 2012 reprises oralement à l'audience du 18 décembre suivant, Mme X. a demandé de voir déclarer illicite la clause imposant un dépôt de garantie de 400 euros pour payer par un autre mode que le prélèvement automatique et de condamner la société Free au paiement d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts.
La demande d'annulation de clause abusive est en effet une demande indéterminée qui a pour origine l'exécution d'une obligation d'une valeur de 400 euros, ce qui justifiait certes la compétence du juge de proximité mais imposait à celui-ci de statuer en premier ressort.
La circonstance que le jugement attaqué ait été improprement qualifié de décision rendue en dernier ressort ne saurait avoir pour effet de priver la société Free du droit d'exercer un recours que la loi lui ouvre.
Son appel est donc recevable.
Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation [N.B. minute jurica L. 131-1], les clauses stipulées dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs sont abusives dès lors qu'elles ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
En l'occurrence, Mme X. sollicite l'annulation de l'article 17.6 des conditions générales de vente de la société Free imposant à l'abonné qui n'opte pas pour un paiement par prélèvement automatique sur un compte bancaire le versement d'un dépôt de garantie de 400 euros destiné à garantir la restitution de l'élément de réseau mis à sa disposition.
Pourtant, le principe du versement d'un dépôt de garantie garantissant la bonne restitution en fin de contrat du matériel laissé en dépôt chez l'abonné est justifié par l'existence d'un risque objectif contre lequel l'opérateur, resté propriétaire des éléments de réseau mis à la disposition de ses clients, peut légitimement tenter de se prémunir.
Dès lors, cette stipulation n'a pas pour effet de créer, au détriment de l'abonné qui opte pour des modalités de règlement ne présentant pas les mêmes garanties que le prélèvement automatique, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Le premier juge a donc à tort estimé cette clause abusive.
En revanche, Mme X. fait à juste titre observer que les conditions générales de ventes de la société Free n'ont jamais été acceptées par elle, et ne lui sont donc pas opposables.
À cet égard, l'intimée expose avoir contracté par téléphone un abonnement d'accès à l'Internet auprès de la société Free et n'avoir fourni un numéro de compte, clôturé depuis qu'elle n'a plus comme seules ressources que le RSA, qu'à la demande expresse de son interlocuteur, dûment informé de cette situation, dans le seul but de vérifier son éligibilité à l'offre d'accès proposée.
Si les circonstances de la conclusion du contrat ne sont pas expressément confirmées par la société Free, il sera néanmoins observé que l'opérateur, qui n'a pas recueilli d'autorisation écrite de prélèvement automatique et a livré l'élément de réseau mis à la disposition de Mme X. sans versement préalable d'un dépôt de garantie, ne produit aucune pièce de nature à établir que sa cliente a contracté en connaissance de la clause des conditions générales de vente lui faisant obligation de verser un dépôt de garantie en cas de paiement par mandat postal ou carte bancaire.
C'est donc fautivement que la société Free persiste à réclamer un paiement de l'abonnement par prélèvement automatique tant que le dépôt de garantie ne sera pas versé et ne consent à accepter les versements par mandat postal ou carte bancaire qu'après suspension de la ligne.
Il en est résulté pour Mme X. un préjudice qui a été exactement réparé par le premier juge.
Pour ces motifs, et abstraction faite de la motivation erronée du premier juge relative au caractère abusif de la clause de dépôt de garantie, il convient de confirmer le jugement attaqué.
Mme X. est enfin bien fondée à solliciter l'application de l'article 37 de la loi du 9 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, de sorte que la société Free sera condamnée à verser à ce titre à son conseil une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de ces dispositions.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement rendu le 31 janvier 2013 par la juridiction de proximité de Cherbourg ;
Condamne la société Free à payer à maître Loison une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Free aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux règles de l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL J. CHRISTIEN
- 5750 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Autres effets - Réparation des préjudices - Consommateur - Clause imposée par le cocontractant
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 5750 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Autres effets - Réparation des préjudices - Consommateur - Clause imposée par le cocontractant
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6086 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Clauses inconnues du consommateur
- 6102 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Détermination des obligations - Obligations monétaires - Modes de paiement du prix
- 6268 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Internet - Fourniture d’accès Internet (1) - Formation et contenu initial du contrat
- 6271 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Internet - Fourniture d’accès (4) - Obligations du consommateur - Paiement du prix