CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 1er juillet 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4834
CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 1er juillet 2014 : RG n° 12/17924
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que les consorts X. ne sauraient invoquer le défaut de signature par leur frère de la confirmation d'adhésion pour refuser de tirer toutes conséquences de ce document alors que ce document, qu'ils ont produit aux débats, confirme l'existence du contrat sur lequel ils fondent leurs demandes ;
Considérant que s'il est exact, qu'au vu des mentions figurant dans le bulletin d'adhésion, les conditions générales du contrat n'ont pas été remises à Monsieur X. le jour de sa souscription, seul un extrait des conditions générales étant joint au bulletin d'adhésion, ce qui n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 112-2 du code des assurances, la mention figurant dans la lettre de confirmation du 17 juillet 2000 selon laquelle les conditions générales ref. 671.15 ont été adressées à Monsieur X. établit de manière suffisante que celles-ci lui ont été adressées et lui sont en conséquence opposables, sans que puissent être invoquées les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation puisqu'aucune clause contractuelle n'est en l'espèce appliquée ;
Considérant au demeurant que les termes utilisés dans les extraits des conditions générales annexées à la demande d'adhésion révèlent sans ambiguïté possible que Monsieur X., en souscrivant une garantie accident de la vie, a adhéré à une assurance de dommage, dont le plafond de garantie est limité, ainsi que cela lui était rappelé dans la confirmation d'adhésion, à la somme de un million d'euros, les consorts X. ne contestant pas par ailleurs que le fait que les préjudices devaient être indemnisés selon les règles de droit commun figurait sur l'extrait des conditions générales annexé au bulletin d'adhésion ; Considérant que même si le contrat ne prévoit aucune disposition spécifique à ce titre, les consorts X. sont recevables à exercer, en qualité d'héritiers de leur frère, l'action successorale en application de l'article 724 alinéa 1 du code civil ; qu'ils peuvent à ce titre réclamer l'indemnisation des préjudices, indemnisables au titre du contrat souscrit, nés dans le patrimoine de leur frère avant son décès ;
Considérant que la perte de chance de survie ne fait pas partie des préjudices indemnisables au titre du contrat, que les consorts X. ne justifient d'aucun préjudice économique qui serait né dans le patrimoine du défunt avant son décès ; Considérant que les souffrances endurées peuvent être indemnisées ;
Mais considérant que l'existence d'une souffrance morale éprouvée par la victime avant son décès n'est pas établie en l'espèce puisqu'il résulte de l'article de presse produit aux débats que Monsieur X. a été tué de trois décharges de chevrotines dans le dos, la tête et le bras, ce dont il résulte qu'il n'a pas vu le tireur, et qu'il est mort sur le coup ; Considérant qu'il convient en conséquence de débouter les consorts X. de leur demande au titre de l'action successorale ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 1er JUILLET 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/17924. Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 décembre 2007 - Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 2005/020226.
APPELANTS :
Monsieur Joseph X.
Monsieur Gérard X.
Madame Julia X. épouse Y.
Représentés par Maître Frédéric I. de la SELARL I. & T. - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055 ; Ayant comme avocats plaidants Maître Olivier P. et Maître Raphaëlle B. de la SELAS P. S. & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0170
INTIMÉE :
SA PACIFICA prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Maître Marc G. de la SCP G. B., avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 ; Assistée par Maître Laure A., avocat au barreau de PARIS, toque : P0435
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mai 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport, et de Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller. Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente, Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller, Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI
ARRÊT : contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, président et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 19 juin 2000, Monsieur Dominique X. a souscrit par l'intermédiaire de la Caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel de la Corse, un contrat PACIFICA « garantie des accidents de la vie » garantissant notamment les préjudices résultant d'événements accidentels survenus dans le cadre de la vie privée et entraînant le décès de l'adhérent, les accidents résultant d'attentats étant couverts.
Monsieur X. ayant été assassiné le 7 septembre 2000, les frères et sœur du défunt, Joseph, Gérard et Julia X. (les consorts X.) ont sollicité le bénéfice des garanties stipulées au contrat.
L'assureur ayant dénié sa garantie, excipant notamment d'une clause d'exclusion visant les dommages subis à l'occasion d'activités professionnelles, les consorts X. ont, par acte du 28 février 2005, fait assigner la société PACIFICA devant le Tribunal de commerce de PARIS.
Par jugement du 17 décembre 2007 ce Tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, dit que la société PACIFICA devait sa garantie aux demandeurs, en leur qualité d'ayants droit de Monsieur Dominique X., condamné la société PACIFICA à verser à chacun des demandeurs la somme de 8.000 euros en réparation de leur préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision, outre celle de 1.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 20 mai 2008, les consorts X. ont interjeté appel de cette décision.
L'affaire, retirée du rôle par ordonnance du 25 octobre 2010, a été réinscrite suivant demande en date du 8 octobre 2012.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 16 mai 2014, les consorts X. sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté que la société PACIFICA ne justifiait pas de cause d'exclusion de sa garantie au titre du contrat d'assurance litigieux, son infirmation pour le surplus et demandent à la Cour, statuant à nouveau, de condamner la société PACIFICA leur payer, en leur qualité d'héritiers de leur frère défunt, la somme d'un million d'euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de ces conclusions, en tout état de cause, débouter la société PACIFICA de ses demandes et la condamner à leur verser la somme de 10.000 euros, chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 9 mai 2014, la société PACIFICA demande à la Cour de confirmer le jugement, débouter les consorts X. de l'ensemble de leurs demandes au titre de l'action successorale, lui donner acte de ce qu'elle dispose suivant les termes du contrat d'assurance souscrit d'un recours subrogatoire à l'encontre du responsable du sinistre pour les sommes qu'elle aurait payées à son assuré ou à ses ayants droit, condamner les consorts X. in solidum à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 mai 2014.
Par conclusions de procédure signifiées le 19 mai 2014, la société PACIFICA demande à la cour de rejeter des débats les conclusions signifiées le 16 mai 2014 et la pièce communiquée le même jour en violation du principe du contradictoire.
Par conclusions de procédure signifiées le 22 mai 2014, les consorts X. concluent au débouté de la demande de rejet.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de rejet des conclusions signifiées le 16 mai 2014 et de la pièce numéro 21 communiquée le même jour :
Considérant que les conclusions signifiées par les appelants le vendredi ayant précédé la date de clôture, prévue le lundi 19 mai 2014, ne soulèvent ni moyens nouveaux, ni prétentions nouvelles, qu'elles ne font que requalifier leur demande au titre de la perte de chance de survie en préjudice moral du défunt conformément à ce qui a été soutenu par l'assureur dans ses conclusions signifiées le 9 mai 2014, dans lesquelles la société PACIFICA a d'ores et déjà présenté ses observations sur l'inexistence de ce préjudice de sorte que les nouvelles écritures des consorts X. n'appellent aucune réponse de sa part ;
Considérant que la communication, le 16 mai 2014, d'un article de presse accessible au public, relatant les circonstances du décès de Monsieur X., qui étaient connues de l'assureur, ne contrevient pas au principe du contradictoire ;
Considérant qu'aucune atteinte n'ayant été ainsi portée aux droits de la défense, la demande de rejet ne peut être accueillie ;
Sur la clause d'exclusion de garantie :
Considérant que les consorts X. font valoir que la garantie de l'intimée est due, la clause d'exclusion dont se prévalait l'intimée ne trouvant pas à s'appliquer dans la mesure où il ressort des éléments produits au débat que le défunt n'exerçait pas la profession de commerçant mais celle d'exploitant agricole, ni la fonction de gérant de l'établissement dans lequel il a été assassiné, nonobstant les parts sociales détenues par le de cujus et la lettre adressée par la section antiterroriste du Parquet du Tribunal de grande instance de Paris en date du 25 juillet 2005 ;
Considérant que cette argumentation est désormais sans objet ainsi que le souligne la société PACIFICA puisque celle-ci conclut à la confirmation du jugement ;
Sur le montant de la garantie et les demandes des consorts X. :
Considérant que les consorts X. font valoir que la clause relative aux préjudices indemnisés ne leur est pas opposable, au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, faute pour l'intimée de rapporter la preuve de la remise des conditions générales au défunt, la confirmation de l'adhésion faisant référence à ces dernières, n'ayant pas été signée par lui ; ils exposent en outre que le montant de un million d'euros constitue une indemnité forfaitaire devant leur être allouée et prétendent à l'indemnisation des préjudices subis par le défunt dans la mesure où ils exercent leur action en leur qualité d'héritiers de celui-ci ; qu'ils ajoutent que le défunt qui avait un patrimoine et des revenus était en droit de prétendre à une perte de chance de survie et à l'indemnisation de la souffrance psychologique qu'il a enduré du fait des circonstances particulièrement violentes de son décès, la souffrance de celui qui anticipe et qui sait qu'il va être assassiné est indéniable et ne peut qu'être atroce ;
Considérant que l'intimée répond, après avoir rappelé que la somme de un million d'euros ne constitue qu'un plafond de garantie, que les appelants ne peuvent se prévaloir que de leurs préjudices de droit commun subis par ricochet dans la mesure où, pour l'application du contrat, qui s'analyse en un contrat d'assurance de dommages, ils revêtent la qualité d'ayants droit et non pas d'héritiers du défunt ; elle ajoute que les appelants ne sauraient se prévaloir d'une perte de chance de survie, ce poste de préjudice n'étant pas prévu par la nomenclature Dinthillac, seule pouvant être indemnisée l'angoisse de la mort mais exclusivement lorsqu'un laps de temps suffisant s'est écoulé entre le fait générateur du dommage et le décès, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ni même d'un préjudice économique, dans la mesure où ils n'étaient que les frères et sœur du défunt ;
*
Considérant que les consorts X. ne sauraient invoquer le défaut de signature par leur frère de la confirmation d'adhésion pour refuser de tirer toutes conséquences de ce document alors que ce document, qu'ils ont produit aux débats, confirme l'existence du contrat sur lequel ils fondent leurs demandes ;
Considérant que s'il est exact, qu'au vu des mentions figurant dans le bulletin d'adhésion, les conditions générales du contrat n'ont pas été remises à Monsieur X. le jour de sa souscription, seul un extrait des conditions générales étant joint au bulletin d'adhésion, ce qui n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 112-2 du code des assurances, la mention figurant dans la lettre de confirmation du 17 juillet 2000 selon laquelle les conditions générales ref. 671.15 ont été adressées à Monsieur X. établit de manière suffisante que celles-ci lui ont été adressées et lui sont en conséquence opposables, sans que puissent être invoquées les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation puisqu'aucune clause contractuelle n'est en l'espèce appliquée ;
Considérant au demeurant que les termes utilisés dans les extraits des conditions générales annexées à la demande d'adhésion révèlent sans ambiguïté possible que Monsieur X., en souscrivant une garantie accident de la vie, a adhéré à une assurance de dommage, dont le plafond de garantie est limité, ainsi que cela lui était rappelé dans la confirmation d'adhésion, à la somme de un million d'euros, les consorts X. ne contestant pas par ailleurs que le fait que les préjudices devaient être indemnisés selon les règles de droit commun figurait sur l'extrait des conditions générales annexé au bulletin d'adhésion ;
Considérant que même si le contrat ne prévoit aucune disposition spécifique à ce titre, les consorts X. sont recevables à exercer, en qualité d'héritiers de leur frère, l'action successorale en application de l'article 724 alinéa 1 du code civil ; qu'ils peuvent à ce titre réclamer l'indemnisation des préjudices, indemnisables au titre du contrat souscrit, nés dans le patrimoine de leur frère avant son décès ;
Considérant que la perte de chance de survie ne fait pas partie des préjudices indemnisables au titre du contrat, que les consorts X. ne justifient d'aucun préjudice économique qui serait né dans le patrimoine du défunt avant son décès ;
Considérant que les souffrances endurées peuvent être indemnisées ;
Mais considérant que l'existence d'une souffrance morale éprouvée par la victime avant son décès n'est pas établie en l'espèce puisqu'il résulte de l'article de presse produit aux débats que Monsieur X. a été tué de trois décharges de chevrotines dans le dos, la tête et le bras, ce dont il résulte qu'il n'a pas vu le tireur, et qu'il est mort sur le coup ;
Considérant qu'il convient en conséquence de débouter les consorts X. de leur demande au titre de l'action successorale ;
Considérant au surplus que les consorts X. n'établissent pas l'existence d'une faute de l'assureur, qu'ils ne peuvent qu'être déboutés de leur demande en ce qu'elle paraît fondée, aux termes du dispositif de leurs écritures, sur la responsabilité contractuelle de l'assureur ;
Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de donner acte de l'assureur, dépourvue de toute portée juridictionnelle ;
Considérant qu'il paraît équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel ;
Considérant que les consorts X. qui succombent devront supporter les dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Dit n'y avoir lieu de rejeter des débats les conclusions signifiées le 16 mai 2014 par les consorts X. et la pièce numéro 21 communiquée le même jour ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute les consorts X. du surplus de leurs demandes ;
Déboute les parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Messieurs Joseph et Gérard X. et Madame Julia X. épouse Y. aux entiers dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
- 5852 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur partie au contrat
- 6084 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Obligations d’information - Mise en garde - Conseil
- 6086 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Clauses inconnues du consommateur
- 6141 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Renversement de la charge de la preuve
- 6142 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Encadrement des modes de preuve
- 6346 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de dommages - Accidents de la vie
- 6355 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de personne - Assurance individuelle de prévoyance