CA LYON (3e ch. A), 4 décembre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4983
CA Lyon (3e ch. A), 4 décembre 2014 : RG n° 13/08608
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La société PHARMACIE du FAUBOURG ne conteste pas que lors de la formation du contrat, son obligation de payer les prestations fournies par la société ALLIADIS avait pour cause l'obligation de la société ALLIADIS de fournir les prestations prévues par le contrat mais elle soutient que la cause du contrat a disparu au cours de son exécution en raison de l'évolution de la législation en matière de traçabilité des médicaments. Toutefois, elle ne produit aucun élément démontrant que l'évolution de la législation qu'elle invoque, sans plus de précision, a nécessité une refonte totale de son système informatique, que la société ALLIADIS ne pouvait pas exécuter ses prestations de maintenance du matériel informatique fourni et d'assistance du logiciel et que dès lors son obligation de payer ces prestations ne pouvait plus être exécutée et n'avait pas de cause. Elle ne l'a d'ailleurs pas prétendu en résiliant le contrat avec la motivation suivante : « l'évolution rendue obligatoire par la loi de notre système informatique nous a conduit à opter pour une autre application que la vôtre », le choix ainsi invoqué n'étant pas prétendu être la conséquence d'une impossibilité pour la société ALLIADIS d'exécuter le contrat. Le moyen de caducité du contrat soulevé par la société PHARMACIE du FAUBOURG n'est donc pas justifié. »
2/ « En cause d'appel, la société PHARMACIE du FAUBOURG n'invoque plus les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation de sorte que la discussion instaurée par la société ALLIADIS, sur l'application de ces dispositions, n'a pas d'objet.
La société PHARMACIE du FAUBOURG ne précise pas en quoi la définition de l'objet de la prestation d'assistance logiciel par l'article 5 du contrat, l'énumération par l'article 7 des prestations que fournisseur s'engage à fournir au titre de l'assistance logiciel et la durée du contrat fixée par l'article 9 contreviennent aux dispositions des articles 1134, 1147 et 1174 du code civil. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRET DU 4 DÉCEMBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/08608. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE Au fond du 26 septembre 2013 : R.G. n° 2012f227.
APPELANTE :
SELARL PHARMACIE DU FAUBOURG
immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous n° 418 XX- poursuites et diligences de ses représentants légaux ; Représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocats au barreau de LYON ; Assistée de la SELARL UNITÉ DE DROIT DES AFFAIRES, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉE :
SAS ALLIADIS prise en la personne de ses représentants légaux
Représentée par la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON
Date de clôture de l'instruction : 8 avril 2014
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 octobre 2014
Date de mise à disposition : 4 décembre 2014
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : Jean-Luc TOURNIER, président, Hélène HOMS, conseiller, Pierre BARDOUX, conseiller, assistés pendant les débats de Jocelyne PITIOT, greffier. À l'audience, Hélène HOMS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile. Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ; Signé par Jean-Luc TOURNIER, président, et par Jocelyne PITIOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé en date du 1er octobre 2008, la Selarl PHARMACIE du FAUBOURG a signé un contrat de prestations de services avec la SAS ALLIADIS, qui est spécialisée dans l'informatisation et la maintenance informatique des officines de pharmacie.
Ce contrat a été conclu pour une période de quatre ans renouvelable par tacite reconduction.
Par courrier du 30 juin 2010, la société PHARMACIE du FAUBOURG a informé la société ALLIADIS qu'elle souhaitait résilier le contrat à compter du 1er octobre 2010.
La société ALLIADIS lui a répondu, par lettre du 24 novembre 2010, que la résiliation du contrat ne pouvait intervenir qu'à sa date anniversaire soit le 1er octobre 2012.
La société PHARMACIE du FAUBOURG n'ayant pas réglé la facture de la prestation de services pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, la société ALLIADIS a procédé à diverses relances et mises en demeure avant de saisir le tribunal de commerce de Saint Etienne pour obtenir paiement de cette facture et de la facture pour la période suivante.
La société PHARMACIE du FAUBOURG s'est opposée à ces demandes en invoquant notamment l'absence de cause du contrat et subsidiairement le caractère abusif de la clause relative à sa durée.
Par jugement du 26 septembre 2013, le tribunal de commerce, a :
- dit que le contrat du 1er octobre 2008 a bien été régularisé par les parties pour les besoins informatiques de la société PHARMACIE du FAUBOURG en leur qualité de professionnels,
- dit que les dispositions relatives aux clauses abusives ne peuvent trouver à s'appliquer entre professionnels,
- dit que le contrat n'est pas dépourvu de cause,
- condamné la société PHARMACIE du FAUBOURG à payer à la société ALLIADIS la somme de 2.658,64 euros au titre de l'échéance du contrat de maintenance matériel et d'assistance logiciel du 24 janvier 2011 outre intérêts au taux contractuel de 9,6 % à compter de la date de mise en demeure du 6 mai 2011,
- condamné la société PHARMACIE du FAUBOURG à payer à la société ALLIADIS la somme de 2.029,47 euros au titre de l'échéance du contrat de maintenance matériel et d'assistance logiciel du 23 janvier 2012 outre intérêts au taux contractuel de 9,6 % à compter du prononcé du présent jugement,
- débouté la société PHARMACIE du FAUBOURG de toutes ses demandes,
- condamné la société PHARMACIE du FAUBOURG à verser à la société ALLIADIS la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens sont à la charge de la société PHARMACIE du FAUBOURG.
La société PHARMACIE du FAUBOURG a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 22 janvier 2014, la société PHARMACIE du FAUBOURG demande à la cour de :
- réformer en son entier la décision rendue,
- dire et juger que le contrat de prestations est dénué de cause,
à titre subsidiaire,
- dire nulles les clauses 5, 7, 9 du contrat comme contraires à la loi et donc, dire nul le contrat passé entre les parties,
- débouter la société ALLIADIS de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Baufume Sourbe.
Par conclusions déposées le 24 mars 2014, la société ALLIADIS demande à la cour de :
- constater que le contrat de prestation de services a été régularisé par la société PHARMACIE du FAUBOURG pour les besoins de son activité,
- dire et juger que :
* la société PHARMACIE du FAUBOURG a contracté en qualité de professionnel,
* les dispositions relatives aux clauses abusives ne peuvent trouver à s'appliquer s'agissant d'un contrat conclu entre professionnels,
- constater que le contrat de prestations de services régularisé entre les parties n'est pas dépourvu de cause, que ce soit au moment de sa conclusion ou en cours d'exécution,
en conséquence,
- débouter la société PHARMACIE du FAUBOURG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- condamner la PHARMACIE du FAUBOURG à régler à la société ALLIADIS la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Renaud Roche, Selarl Levy-Roche-Sarda, avocat sur son affirmation de droit.
Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées par les parties et ci-dessus visées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 avril 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la caducité du contrat pour absence de cause :
La société PHARMACIE du FAUBOURG ne conteste pas que lors de la formation du contrat, son obligation de payer les prestations fournies par la société ALLIADIS avait pour cause l'obligation de la société ALLIADIS de fournir les prestations prévues par le contrat mais elle soutient que la cause du contrat a disparu au cours de son exécution en raison de l'évolution de la législation en matière de traçabilité des médicaments.
Toutefois, elle ne produit aucun élément démontrant que l'évolution de la législation qu'elle invoque, sans plus de précision, a nécessité une refonte totale de son système informatique, que la société ALLIADIS ne pouvait pas exécuter ses prestations de maintenance du matériel informatique fourni et d'assistance du logiciel et que dès lors son obligation de payer ces prestations ne pouvait plus être exécutée et n'avait pas de cause.
Elle ne l'a d'ailleurs pas prétendu en résiliant le contrat avec la motivation suivante : « l'évolution rendue obligatoire par la loi de notre système informatique nous a conduit à opter pour une autre application que la vôtre », le choix ainsi invoqué n'étant pas prétendu être la conséquence d'une impossibilité pour la société ALLIADIS d'exécuter le contrat.
Le moyen de caducité du contrat soulevé par la société PHARMACIE du FAUBOURG n'est donc pas justifié.
Sur la nullité du contrat :
La société PHARMACIE du FAUBOURG soutient que la présence de clauses s'apparentant à des clauses de « stabilité » dans le contrat crée un parfait déséquilibre entre les parties car celui-ci est formé pour une durée ferme et définitive, sans que la société ALLIADIS soit tenue de modifier les conditions d'intervention, alors que les officines sont soumises aux réglementations en perpétuel mouvement et se voient donc dans l'obligation de re-contracter avec la société ALLIADIS qui fait partir un nouveau contrat de quatre ans.
D'autre part, dit-elle, suivant les clauses du contrat, l'exécution de la prestation de service de maintenance dépend de la seule volonté de la société ALLIADIS qui dispose d'un pouvoir discrétionnaire en la matière ce qui est une clause potestative sanctionnée par la nullité en application de l'article 1174 du code civil.
En conséquence, selon elle, les clauses contenues dans les articles 5,7 et 9 sont nulles et étant déterminantes du contrat, celui-ci, au visa des articles 1134, 1147 et 1174 du code civil, est également nul.
L'article 5 du contrat relatif à l'objet de « l'assistance logiciel » précise que l'assistance à l'utilisation des logiciels et des banques de données, indiquées en annexe 1 ainsi que le suivi et l'entretien dans le cadre du droit d'utilisation que le fournisseur a accordé au client ne comprend pas les éventuelles évolutions de logiciels incluant de nouvelles fonctionnalités ou des fonctionnalités non acquises par l'utilisateur et que toute extension du logiciel (nouvelles fonctionnalités acquises par l'utilisateur) donnera lieu à une facturation systématique, afin de garantir la couverture dans sa totalité.
L'article 7 énumère les obligations du fournisseur en matière d'assistance logiciel.
L'article 9 fixe la durée ferme et définitive du contrat à quatre ans et précise les conditions de son renouvellement.
En cause d'appel, la société PHARMACIE du FAUBOURG n'invoque plus les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation de sorte que la discussion instaurée par la société ALLIADIS, sur l'application de ces dispositions, n'a pas d'objet.
La société PHARMACIE du FAUBOURG ne précise pas en quoi la définition de l'objet de la prestation d'assistance logiciel par l'article 5 du contrat, l'énumération par l'article 7 des prestations que fournisseur s'engage à fournir au titre de l'assistance logiciel et la durée du contrat fixée par l'article 9 contreviennent aux dispositions des articles 1134, 1147 et 1174 du code civil.
En particulier, il n'est pas prévu par l'article 7 que l'exécution de la prestation de service de maintenance (en réalité des prestations d'assistance logiciel, les prestations de maintenance du matériel étant prévues par les articles 1 à 4) dépend de la seule volonté de la société ALLIADIS. Selon cet article, la société ALLIADIS s'oblige à intervenir chaque fois que nécessaire y compris sur site ou sur les fichiers mais en se réservant, pour ces dernières interventions, l'appréciation de l'opportunité de les exécuter ce qui relève du pouvoir d'appréciation des moyens d'intervention du professionnel et non d'un pouvoir discrétionnaire d'exécuter ou non ses prestations.
Quant à l'article 5 qui précise que les éventuelles évolutions de logiciels incluant de nouvelles fonctionnalités ou les fonctionnalités non acquises par l'utilisateur ne sont pas comprises dans le prix défini par les parties, il apporte une clarté dans la définition de l'objet de la prestation de maintenance logiciel et ayant été accepté par la société PHARMACIE du FAUBOURG, il fait sa loi laquelle n'est contraire à aucune des dispositions du code civil qu'elle vise.
Le moyen de nullité du contrat soulevé par la société PHARMACIE du FAUBOURG n'est donc pas fondé.
Sur les demandes de la société ALLIADIS :
En conséquence du rejet des moyens soulevés par la société PHARMACIE du FAUBOURG, et par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de faire droit aux demandes en paiement des factures impayées présentées par la société ALLIADIS.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société PHARMACIE du FAUBOURG partie perdante doit supporter les dépens, garder à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés et verser à la société ALLIADIS une indemnité pour les frais irrépétibles qu'elle l'a contrainte à exposer.
L'indemnité allouée par les premiers juges doit être confirmée et une indemnité complémentaire de 2.000 euros doit être ajoutée pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne la SELARL PHARMACIE du FAUBOURG à payer à la SAS ALLIADIS, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en cause d'appel, une indemnité de 2.000 euros,
Condamne la SELARL PHARMACIE du FAUBOURG aux dépens d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5828 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : renonciation après la conclusion du contrat
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5878 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : besoins de l’activité
- 5946 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Informatique
- 7288 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Condition potestative
- 7289 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Absence de cause (droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016)