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CA LYON (1re ch. civ. A), 30 avril 2015

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. A), 30 avril 2015
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1re ch. A
Demande : 13/02268
Date : 30/04/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/03/2013
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 23 janvier 2013
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5145

CA LYON (1re ch. civ. A), 30 avril 2015 : RG n° 13/02268

Publication : Jurica

 

Extrait : « 7. Il doit en être conclu que la clause dont les termes sont les suivants : «  Pour retirer son chéquier, le client a le choix entre plusieurs possibilités : * l'envoi par la voie postale sous pli simple ou sous pli recommandé, * le retrait à l'agence ou son compte est ouvert. Le choix est opéré par le client lors de la commande de son premier chéquier. Il lui est ensuite possible de modifier son choix à tout moment, soit par écrit, soit en s'adressant à son agence. Les frais applicables en cas d'envoi postal sont mentionnés dans le barème tarifaire. » est une clause valide en sa version du 2 avril 2013.

8. Il résulte aussi des pièces et du débat que les versions antérieures à celles du 1er septembre 2011 ne sont pas licites et n'étaient pas valides.

9. La cour constate que le Crédit Agricole avait admis ce caractère illicite puisque, malgré le pourvoi en cassation, elle avait modifié les termes de la clause en exécutant l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, de sorte qu'aujourd'hui il n'y a plus lieu d'en ordonner la suppression. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A

ARRÊT DU 30 AVRIL 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G : 13/02268. Décisions : - du Tribunal de grande instance de Grenoble en date du 8 juillet 2009 (4e ch.) : R.G. n  05/2253 - de la Cour d'appel de Grenoble en date du 22 novembre 2010 (1re ch.) : R.G. n  09/02931 - de la Cour de cassation en date du 23 janvier 2013.

 

APPELANTE :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHONE-ALPES

représentée par la SELARL PIRAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, assistée de la SELARL CDMF-AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉE :

Association UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS DE L'ISÈRE QUE CHOISIR (UFC)

représentée par la SCP TUDELA ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, assistée de la SCP BRASSEUR-M'BAREK-PAYET, avocat au barreau de GRENOBLE

 

Date de clôture de l'instruction : 12 décembre 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 décembre 2014

Date de mise à disposition : 26 mars 2015, prorogée au 30 avril 2015, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : Michel GAGET, président, François MARTIN, conseiller, Philippe SEMERIVA, conseiller, assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

À l'audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble en date du 8 juillet 2009 qui déclare illicites ou abusives certaines clauses pour en ordonner la suppression stipulée dans les contrats proposés par le Crédit Agricole Mutuel du Sud Rhône Alpes dans la version de l'année 2003 ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 22 novembre 2010 qui statue sur la version des contrats de convention de compte du 2 novembre 2009 qui s'est substituée aux versions anciennes ;

Vu l'arrêt de la cour de cassation en date du 23 janvier 2013 qui casse sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble pour certaines clauses reconnues comme valides et qui casse cette décision, d'une part en ce qu'il a déclaré abusif l'article 3-1.1 de la convention de compte, version du 2 novembre 2009, selon laquelle pour retirer son chéquier « le client a le choix entre plusieurs possibilités : l'envoi par voie postale des chéquiers ou le retrait de ceux-ci auprès de l'agence où son compte est ouvert », et d'autre part en ce qu'il condamne la banque à réparer le préjudice collectif de l'UFC à hauteur de 15.000 euros et son préjudice associatif à hauteur de 7.000 euros, plus la publication de la décision.

Vu la déclaration de saisine de la cour de renvoi en date du 21 mars 2013 faite par le Crédit Agricole Mutuel du Sud Rhône Alpes.

Vu les conclusions de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel du Sud Rhône Alpes, désignée dans la suite de cet arrêt sous le vocable Crédit Agricole, en date 17 janvier 2014 qui soutient la réformation du jugement du 8 juillet 2009 en toutes ses dispositions et qui sollicite le paiement de la somme de 20.000 euros de dommages intérêts, outre 10.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, avec en plus la publication de l'arrêt dans divers journaux dans la limite de 3.000 euros de frais à la charge de l'UFC 38 et sur le site internet de l'UFC 38 pendant un mois, au motif essentiel que la convention de compte du 2 avril 2013, actuellement en vigueur, ne contient aucune clause abusive ou illicite.

Vu les conclusions en date du 31 octobre 2013 de l'UFC de l'Isère qui fait observer :

1°) dans le cadre de sa saisine, sur renvoi, la cour doit constater que la banque a acquiescé aux critiques formées par l'UFC 38 quant à la clause restant en litige, acquiescement formalisé par l'édition nouvelle de 2013 de son contrat ;

2°) la cour doit constater que la clause était imprécise et ambigüe, donc abusive ;

3°) la suppression doit en être ordonnée sous astreinte ;

4°) le préjudice collectif subi par les consommateurs pendant 8 années doit être fixé à la somme de 40.000 euros ;

5°) le préjudice associatif doit être retenu pour 7.000 euros ;

6°) un donné acte doit être délivré en ce que la publication faite en son temps suffit et en ce qu'elle ne sollicite pas de nouvelle publication ;

7°) la demande de dommages intérêts du Crédit Agricole est irrecevable en appel, comme nouvelle, et en tout cas mal fondée ;

8°) il est sollicité la somme de 2.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture du 12 décembre 2014 ;

À l'audience du 17 décembre 2014, les conseils des parties ont présenté leurs observations orales après le rapport de Monsieur le président Michel Gaget.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

1. La cour statue, dans les limites de la cassation prononcée et du renvoi fait, sur le recours introduit par l'association UFC de l'Isère Que Choisir, sur le fondement de l'article L. 421-6 du code de la consommation, le 13 mai 2005, contre le Crédit Agricole, à savoir une action en suppression des clauses contenues dans la convention de compte de dépôt et dans le guide tarifaire proposé en 2003 pour le jugement attaqué et pour l'arrêt cassé dans la version du 2 novembre 2009.

 

I. Sur la clause restant en litige :

2. Le Crédit Agricole soutient que la clause qu'il propose dans la version du 2 avril 2013 en vigueur au jour où la cour statue n'est pas abusive et qu'elle est valide.

3. L'UFC de l'Isère Que Choisir conclut que la version de la clause dans les éditions antérieures à celle du 2 avril 2013 était abusive comme l'a retenu le premier juge et la cour d'appel de Grenoble pour sa version du 2 novembre 2009 et que le Crédit Agricole l'a admis puisqu'il a modifié le 2 avril 2013 sa version pour tenir compte des observations de l'association UFC de l'Isère Que Choisir.

4. Il est aussi ajouté que la clause telle qu'elle est stipulée dans la version du 2 avril 2013 est toujours abusive, en ce qu'elle est imprécise et ambigüe, dans la mesure où la banque ne justifie pas que le choix proposé au client lors de la première commande de chéquier et où l'ambiguïté demeure sur le choix entre l'envoi simple ou l'envoi postal.

5. Mais, comme le plaide le Crédit Agricole, la clause de la version du 2 avril 2013 n'a pas de caractère ambigu et imprécis au point de créer un déséquilibre et un abus dans la mesure même où le client peut exercer un choix entre le retrait au guichet ou l'envoi par la voie postale par LR avec AR ou l'envoi par lettre simple et où il doit opérer ce choix lors de la commande de son premier chéquier, choix dont il a la possibilité de le modifier, ensuite, à tout moment.

6. En effet les termes de la clause sont suffisamment clairs pour informer le client de la possibilité de faire un choix et du coût engendré pour son option, puisque la clause précise bien que les frais applicables en cas d'envoi postal sont mentionnés dans le barème tarifaire.

7. Il doit en être conclu que la clause dont les termes sont les suivants :

«  Pour retirer son chéquier, le client a le choix entre plusieurs possibilités :

* l'envoi par la voie postale sous pli simple ou sous pli recommandé,

* le retrait à l'agence ou son compte est ouvert.

Le choix est opéré par le client lors de la commande de son premier chéquier. Il lui est ensuite possible de modifier son choix à tout moment, soit par écrit, soit en s'adressant à son agence. Les frais applicables en cas d'envoi postal sont mentionnés dans le barème tarifaire. »

est une clause valide en sa version du 2 avril 2013.

8. Il résulte aussi des pièces et du débat que les versions antérieures à celles du 1er septembre 2011 ne sont pas licites et n'étaient pas valides.

9. La cour constate que le Crédit Agricole avait admis ce caractère illicite puisque, malgré le pourvoi en cassation, elle avait modifié les termes de la clause en exécutant l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, de sorte qu'aujourd'hui il n'y a plus lieu d'en ordonner la suppression.

 

II. Sur l'indemnisation réclamée par l'association :

10. En application de l'article L. 421-1 du code de la consommation, l'association réclame le paiement de la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice collectif subi pour les consommateurs par la présence dans les contrats de clauses abusives et le paiement de la somme de 7.000 euros en réparation de son préjudice associatif.

11. Le Crédit Agricole ne fait aucune observation en appel sur ces demandes sauf à conclure à la réformation du jugement attaqué qui avait alloué 30.000 euros pour le préjudice collectif et 5.000 euros pour le préjudice associatif.

12. Mais, comme le soutient l'association UFC de l'Isère Que Choisir, même si l'arrêt de la cour de cassation du 23 janvier 2013 a déclaré valide trois clauses qui ne devaient pas faire l'objet d'une suppression, il existe bien, depuis l'assignation du mois de mai 2005 en suppression de clauses abusives, un préjudice collectif causé aux consommateurs, généré par le fait que leur étaient opposés des clauses abusives dans les différentes versions du contrat jusqu'en septembre 2011.

13. Compte tenu des circonstances de l'espèce et du débat, le préjudice collectif doit être évalué à la somme de 30.000 euros retenue par les premiers juges.

14. Le préjudice associatif doit aussi être indemnisé à la somme de 5.000 euros pour l'activité déployée par l'association en vue d'obtenir un strict respect des droits des consommateurs.

15. L'équité commande aussi de lui allouer la somme de 2.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

 

III. Sur les publications :

16. L'association ne demande pas de nouvelle publication et soutient que celles qui ont eu lieu étaient justifiées par la présence des clauses abusives.

17. Le Crédit Agricole sollicite une nouvelle publication de cette décision dans des journaux et sur le site internet de l'association.

18. Mais comme l'explique l'association les publications ordonnées et exécutées avant l'arrêt de la cour de cassation se trouvaient amplement justifiées eu égard aux faits de l'espèce et à l'exécution légale des décisions de justice qui les ordonnaient. Leur exécution ne révèle pas d'un abus du droit d'exécuter une décision de justice exécutoire.

19. D'autre part, en l'état du litige, aucune publication à la charge de l'association ne se justifie, contrairement à ce que soutient le Crédit Agricole. Cette publication n'a aucune nécessité.

20. Les demandes de publication faites par le Crédit Agricole sont mal fondées.

 

IV. Sur la demande de dommages intérêts du Crédit Agricole :

21. Il est demandé le paiement en appel de la somme de 20.000 euros de dommages intérêts en réparation du préjudice dont le Crédit Agricole se plaint et qui serait en rapport direct avec l'attitude de l'association qui a pris le risque de porter atteinte à l'image du Crédit Agricole en faisant procéder à l'exécution de décisions de justice non définitives.

22. Cette demande faite pour la première fois en appel n'est pas une demande irrecevable devant la cour car elle constitue, au sens de l'article 566 du code de procédure civile, une demande qui est l'accessoire, la conséquence et le complément des prétentions présentées en défense par le Crédit Agricole.

23. Mais cette demande est mal fondée car elle ne se fonde pas sur une faute civile reprochable à l'association ou sur un abus commis par celle-ci dans l'exercice des décisions exécutoires rendues à son profit par les juridictions du fond. Le fait que l'association ait sollicité l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble n'est pas à l'origine d'une atteinte à l'image du Crédit Agricole qui, lui, a pris le risque de s'exposer à une action en suppression de clauses abusives en stipulant dans ses contrats des clauses irrégulières, discutables, abusives et illicites dans lesquelles il trouvait un avantage excessif.

24. L'équité commande de ne pas allouer de somme en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au Crédit Agricole qui succombe en outre dans son appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant dans les limites de la cassation prononcée le 23 janvier 2013 ;

- confirme le jugement du 8 juillet 2009 en ce qu'il déclare abusive la clause concernant le retrait du chéquier telle qu'elle était stipulée dans la version de 2003 ;

- ajoutant, dit que la clause litigieuse telle qu'elle était stipulée dans la version du 2 novembre 2009 du contrat était aussi abusive ;

- constate que la clause en question telle qu'elle a été modifiée à compter de septembre 2011 et dans la version du 2 avril 2013 est une clause valide ;

- dit, en conséquence, n'y avoir lieu à prononcer, ce jour, sa suppression ;

- déboute de ce chef l'association UFC Que Choisir ;

- confirme les dispositions du jugement attaqué en ce qu'il accorde la somme de 30.000 euros pour le préjudice collectif et celle de 5.000 euros pour le préjudice associatif ;

- dit n'y avoir lieu à ajouter d'autres dommages intérêts au profit de l'association UFC de l'Isère Que Choisir, sauf l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel du Sud Rhône Alpes à verser à l'association UFC de l'Isère Que Choisir la somme de 2.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclare recevable mais mal fondée la demande de dommages intérêts de la Caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel du Sud Rhône Alpes ;

- l'en déboute ;

- dit n'y avoir lieu à publication quelconque de cet arrêt ;

- condamne la Caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel du Sud Rhône Alpes aux dépens de cette instance ;

- autorise les mandataires des parties qui en ont fait la demande à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT

Joëlle POITOUX                  Michel GAGET