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CA PARIS (pôle 1 ch. 2), 9 avril 2015

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 1 ch. 2), 9 avril 2015
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pole 1 ch. 2
Demande : 13/22754
Décision : 15/298
Date : 9/04/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 28/11/2013
Numéro de la décision : 298
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5158

CA PARIS (pôle 1 ch. 2), 9 avril 2015 : RG n° 13/22754 ; arrêt n° 298

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant, cependant, que LA MISSION ÉVANGÉLIQUE donne des « exemples » de clauses arguées d'abusives, dont certaines sont sans rapport avec le présent litige, portant sur le paiement de prestations de services, dont il n'est pas discuté qu'elles ont été fournies conformément à ce qui avait été convenu entre les parties (ex : art. 5.5 du contrat principal : « GLOBECAST pourra modifier tout paramètre technique et opérationnel, tout équipement ou moyen mis en œuvre pour fournir le service tel que décrit dans l'annexe 1, sans l'accord préalable du client, dès lors que cette modification n'affectera pas la qualité du service telle que décrite en annexe 2. En tout état de cause, cette modification ne donnera lieu à aucun dédommagement ou compensation financière de la part de GLOBECAST » ; Qu'il en est de même des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité, que par ailleurs aucune disposition légale ne prohibe d'une façon générale dans les contrats d'adhésion (art.8.1 du contrat principal ; 8.1 et 8.2 du contrat Easy Launch) ; Qu'il en est encore ainsi de la clause de déchéance du terme, comportant un intérêt moratoire majoré (art. 9.2.3 des deux contrats) ou de la clause imposant au client, en cas de résiliation, « le paiement de l'intégralité du prix qui aurait dû être versé par le client jusqu'au terme de la durée du contrat » (art.11.6 des contrats), ces clauses pouvant être regardées comme des clauses pénales susceptibles de modération, par le juge du fond, sur le fondement de l'article 1152 du code civil ;

Considérant encore que la faculté de résiliation unilatérale permettant à la société GLOBECAST de demander une indemnité de résiliation, n'est que la reprise des dispositions de l'article 1184 du code civil qui dispose que « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement », et que cette faculté de résiliation stipulée au profit de la société GLOBECAST (art. 11.1) trouve son pendant dans celle conférant au client le même droit de résiliation unilatérale en cas de manquement de GLOBECAST à une obligation contractuelle essentielle (art. 11.4), la stipulation d'une durée de préavis plus courte au bénéfice de la société GLOBECAST ne rendant manifestement pas le contrat nul ;

Qu'il n'incombe pas au juge de l'évidence de dire qu'une clause est réputée non écrite, ni de se prononcer sur la nullité du contrat en conséquence de la nullité d'une ou plusieurs clauses ;

Considérant que les stipulations contractuelles invoquées par l'appelante, pas plus que l'appréciation globale des contrats en cause à laquelle seul le juge du fond pourrait se livrer, de manière à caractériser le cas échéant le déséquilibre significatif, non plus que la force majeure alléguée (contrats passés durant la crise post-électorale et guerre civile en Côte d'Ivoire), ne sont pas de nature à rendre son obligation à paiement des factures, intérêts de retard et indemnités contractuelles de résiliation sérieusement contestable ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

PÔLE 1 – CHAMBRE 2

ARRÊT DU 9 AVRIL 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/22754. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 novembre 2013 - Autres juridictions ou autorités ayant rendu la décision attaquée devant la cour d'appel de Paris - RG n° 2013061264.

 

APPELANTE :

Association LA MISSION ÉVANGÉLIQUE LA SOURCE TV

Représentée et Assistée de Maître Gervais TETI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0365

 

INTIMÉE :

SA GLOBECAST FRANCE

Représentée et Assistée de Maître Emilie TRONCIN de la SELARL BERTHAULT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0234, substituée par Maître Asmae EL IDRISSI

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 mars 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Frédéric CHARLON, président, Madame Evelyne LOUYS, conseillère, Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère, Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 9 février 2011, la SA Globecast France (GLOBECAST) et La Mission Évangélique La Source (LA MISSION ÉVANGÉLIQUE) ont signé un contrat dont l'objet était d'acheminer le signal de la chaîne Source du centre d'émission Globecast vers le satellite Astra 4A. Le même jour, les parties ont signé un second contrat pour la fourniture d'un service complémentaire dit « Easy Launch » permettant l'agrégation de contenus pour constituer une chaîne.

À compter du mois d'avril 2011, LA MISSION ÉVANGÉLIQUE a cessé de payer les factures à la société GLOBECAST au titre des deux contrats.

Par acte du 21 mai 2013, la société GLOBECAST a assigné LA MISSION ÉVANGÉLIQUE en référé aux fins de provision.

Par ordonnance réputée contradictoire du 20 novembre 2013, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- condamné LA MISSION ÉVANGÉLIQUE à payer à la SA GLOBECAST à titre de provision :

* au titre du contrat IXX9/GCF,

- la contrevaleur en euros à ce jour de 143.550 USD au titre des factures impayées, outre les intérêts de retard contractuellement prévus à un taux égal à celui de la Banque Centrale Européenne au jour du jugement majoré de dix points et ce, à compter de la date d'échéance de chacune des factures concernées,

- la contrevaleur en euros à ce jour de 350.900 USD au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 16 mai 2012 ;

* au titre du contrat n° 1YY8/GCF,

- la somme de 13.121,81 euros au titre des factures impayées, outre les intérêts de retard contractuellement prévus à un taux égal à celui de la Banque Centrale Européenne au jour du jugement majoré de dix points et ce, à compter de la date d'échéance de chacune des factures concernées,

- la somme de 41.623,62 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 16 mai 2012,

- condamné LA MISSION ÉVANGÉLIQUE à payer à la SA GLOBECAST la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- condamné LA MISSION ÉVANGÉLIQUE aux dépens de l'instance.

 

L'Association LA MISSION ÉVANGÉLIQUE LA SOURCE TV a interjeté appel de cette décision le 28 novembre 2013.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2015.

Par dernières conclusions du 10 février 2015, auxquelles il convient de se reporter, LA MISSION ÉVANGÉLIQUE demande à la Cour de :

En la forme,

- déclarer son appel recevable pour être intervenu dans les formes et délais légaux,

In limine litis,

- constater qu'elle évoque des moyens de fond notamment la nullité des contrats principal et Easy Launch pour existence de clauses abusives,

- dire que l'appréciation du caractère abusif de ces clauses, lesquelles si elles sont avérées remettraient en cause le principe même des créances objets de la demande en paiement,

En conséquence, infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le juge des référés du tribunal de commerce est incompétent au profit du juge du fond du tribunal de grande instance de Paris,

- renvoyer l'intimée à se pourvoir devant le juge du fond,

- condamner l'intimée aux dépens de l'instance.

Elle fait valoir que les clauses du contrat principal et du contrat Easy Launch ont un caractère léonin ; que la société GLOBECAST impose sa seule volonté ; que cette dernière est en droit de modifier à tout moment l'une des clauses substantielles du contrat principal sans que l'autre partie ne puisse prétendre à une compensation financière ; que la société GLOBECAST s'exonère de sa responsabilité en cas de dommages, même s'ils étaient prévisibles ; qu'il s'agit donc de clauses abusives, réputées non écrites ;

Que le juge des référés aurait dû se déclarer incompétent au profit du juge du fond du tribunal de grande instance de Paris en application des dispositions de l'article 75 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 26 mars 2014, auxquelles il convient de se reporter, la société GLOBECAST demande à la Cour de :

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

- condamner LA MISSION ÉVANGÉLIQUE à lui régler la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique qu'elle détient à l'égard de LA MISSION ÉVANGÉLIQUE une créance incontestable qui concerne les factures impayées ainsi que les intérêts de retard ; que les deux contrats ont été résiliés par le défaut de paiement de son cocontractant ; que ce dernier sera donc tenu du paiement des indemnités de résiliation, à titre provisoire ;

Que seule la clause de résiliation lui permettant de demander une indemnité de résiliation est concernée par la présente instance ; que cette disposition, à l'article 11.1 du contrat, n'est que la reprise de l'article 1184 du code civil qui dispose que dans les contrats synallagmatiques, la condition résolutoire est toujours réputée stipulée ; qu'elle ne créé aucun déséquilibre mais vise seulement à garantir la bonne exécution du contrat et sa fin dans le cas où son cocontractant n'exécuterait pas ses propres obligations.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'en vertu de l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ;

Que la question n'est pas celle de la compétence « les dispositions relatives à l'exception d'incompétence étant dès lors inapplicables » mais celle des pouvoirs du juge des référés ;

Considérant que sauf dans les cas déterminés par la loi, le juge des référés commerciaux a le pouvoir d'ordonner l'exécution d'une obligation non sérieusement contestable, même lorsque les pouvoirs du juge du principal sont invoqués ou que ce dernier est saisi, et qu'il appartient au juge du provisoire, juge de l'évidence, de rechercher si la contestation soulevée par le défendeur est sérieuse, sans pouvoir déduire ce caractère de la seule nécessité voire existence d'une instance au fond, quand bien même celle-ci tendrait à l'annulation de la convention servant de base à la demande ;

Que l'appelante ne conteste ni l'existence ni le montant des obligations dont le paiement lui est réclamé, pièces à l'appui ;

Qu'elle invoque le caractère léonin des clauses des contrats tant principal que « Easy Launch », faisant valoir que les clauses de ces contrats révèlent d’« énormes disparités » entre les droits et obligations mis à la charge des parties, au profit de la société GLOBECAST et au détriment de la partie la plus faible, et qu'en vertu de l'article L. 132-1 du code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ; qu'elle ajoute que les clauses abusives sont réputées non écrites c'est-à-dire qu'elles sont censées n'avoir jamais existé, ce qui entraînerait un anéantissement rétroactif des contrats litigieux et le mal fondé des demandes en paiement de la société GLOBECAST ;

Considérant, cependant, que LA MISSION ÉVANGÉLIQUE donne des « exemples » de clauses arguées d'abusives, dont certaines sont sans rapport avec le présent litige, portant sur le paiement de prestations de services, dont il n'est pas discuté qu'elles ont été fournies conformément à ce qui avait été convenu entre les parties (ex : art. 5.5 du contrat principal : « GLOBECAST pourra modifier tout paramètre technique et opérationnel, tout équipement ou moyen mis en œuvre pour fournir le service tel que décrit dans l'annexe 1, sans l'accord préalable du client, dès lors que cette modification n'affectera pas la qualité du service telle que décrite en annexe 2. En tout état de cause, cette modification ne donnera lieu à aucun dédommagement ou compensation financière de la part de GLOBECAST » ;

Qu'il en est de même des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité, que par ailleurs aucune disposition légale ne prohibe d'une façon générale dans les contrats d'adhésion (art.8.1 du contrat principal ; 8.1 et 8.2 du contrat Easy Launch) ;

Qu'il en est encore ainsi de la clause de déchéance du terme, comportant un intérêt moratoire majoré (art. 9.2.3 des deux contrats) ou de la clause imposant au client, en cas de résiliation, « le paiement de l'intégralité du prix qui aurait dû être versé par le client jusqu'au terme de la durée du contrat » (art.11.6 des contrats), ces clauses pouvant être regardées comme des clauses pénales susceptibles de modération, par le juge du fond, sur le fondement de l'article 1152 du code civil ;

Considérant encore que la faculté de résiliation unilatérale permettant à la société GLOBECAST de demander une indemnité de résiliation, n'est que la reprise des dispositions de l'article 1184 du code civil qui dispose que « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement », et que cette faculté de résiliation stipulée au profit de la société GLOBECAST (art. 11.1) trouve son pendant dans celle conférant au client le même droit de résiliation unilatérale en cas de manquement de GLOBECAST à une obligation contractuelle essentielle (art. 11.4), la stipulation d'une durée de préavis plus courte au bénéfice de la société GLOBECAST ne rendant manifestement pas le contrat nul ;

Qu'il n'incombe pas au juge de l'évidence de dire qu'une clause est réputée non écrite, ni de se prononcer sur la nullité du contrat en conséquence de la nullité d'une ou plusieurs clauses ;

Considérant que les stipulations contractuelles invoquées par l'appelante, pas plus que l'appréciation globale des contrats en cause à laquelle seul le juge du fond pourrait se livrer, de manière à caractériser le cas échéant le déséquilibre significatif, non plus que la force majeure alléguée (contrats passés durant la crise post-électorale et guerre civile en Côte d'Ivoire), ne sont pas de nature à rendre son obligation à paiement des factures, intérêts de retard et indemnités contractuelles de résiliation sérieusement contestable ;

Que l'ordonnance entreprise sera confirmée ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

CONDAMNE l'Association LA MISSION ÉVANGÉLIQUE LA SOURCE TV à payer à la SAS GLOBECAST FRANCE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'Association LA MISSION ÉVANGÉLIQUE LA SOURCE TV aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT,