TGI SAVERNE (ch. com.), 2 novembre 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 519
TGI SAVERNE (ch. com.), 2 novembre 2004 : RG n° 03/00180
(sur appel CA Colmar (1re ch. civ. sect. A), 26 septembre 2006 : RG n° 1 A 05/06013)
Extrait : « La société EST MENAGER ne rapporte pas la preuve de l'interdépendance entre les contrats de location de longue durée et le contrat de prestation de service ; Il est d'ailleurs prévu que le locataire, compte tenu de l'absence de spécificité du matériel fourni, peut s'adresser à un autre prestataire pour s'approvisionner en consommables ; Les clauses de l'article 5 du contrat de location de longue durée, dûment acceptées par la partie défenderesse, confirment l'indépendance des deux contrats en ce qu'elles disposent que : « Le locataire ne fait pas de la répartition entre la location du matériel et le coût des prestations une condition de son engagement. L'attention du locataire a par ailleurs été attirée sur l'indépendance juridique du contrat de location et de prestation liant le locataire au fournisseur. Il renonce ainsi à toute suspension ou réduction de loyer qui serait motivée par un litige avec le fournisseur ».
Il résulte de ces dispositions que le fait que la société FONTEX ne puisse plus assurer la prestation promise du locataire ne dispensait pas celui-ci de payer à la société KBC LEASE, le loyer dû et ce, jusqu'à l'échéance des contrats litigieux ; Le grief tiré de l'absence de cause des contrats est également erroné dès lors que le locataire ne conteste pas disposer d'un matériel en parfait état de fonctionnement ; Les clauses de l'article 5 n'apparaissent pas léonines si l'on admet qu'elles sont la conséquence de la liberté dont jouit le locataire dans le choix du matériel et du prestataire ; Elles sont en outre la contrepartie du fait que le bailleur a transféré au locataire les actions en garantie qu'il tient du contrat de vente ; Il apparaît par conséquent que la société KBC LEASE n'a pas failli à ses obligations et que la société EST MENAGER n'était donc pas autorisée à s'affranchir du paiement des loyers dus jusqu'à l'expiration des contrats. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SAVERNE
CHAMBRE COMMERCIALE - CONTENTIEUX
JUGEMENT DU 2 NOVEMBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 03/00180.
Dans l’affaire :
SA KBC LEASE FRANCE
dont le siège social est sis [adresse], représentée par Maître Michel VILAR, avocat au barreau de STRASBOURG, Maître Michel MOREAU, avocat au barreau de LYON, PARTIE DEMANDERESSE
SA EST MENAGER
dont le siège social est sis [adresse] représentée par Maître Bruno FLORENTIN, avocat au barreau de STRASBOURG, PARTIE DÉFENDERESSE
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats :
Président : Madame Nathalie RONCHEWSKI
Assesseur : Monsieur Aloyse WERLE
Assesseur : Monsieur François UHL
Greffier : Madame Marie-Simone BOUTTEVIN,
Lors du délibéré : les magistrats susnommés
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 7 SEPTEMBRE 2004
JUGEMENT du 2 NOVEMBRE 2004 prononcé publiquement par Madame RONCHEWSKI, Présidente de la Chambre commerciale en présence de Monsieur BONNAFOUS, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par acte du 24 avril 2003, la SA KBC LEASE FRANCE a fait citer la SA EST MENAGER devant la Chambre Commerciale de ce Tribunal aux fins de voir :
DÉBOUTER la société EST MENAGER de toute ses demandes fins et conclusions comme irrecevables et mal fondées.
Vu les contrats de location dont s'agit et le non respect des obligations contractuelles par la société EST MENAGER.
Constatant la résiliation des contrats de bail aux torts de la société EST MENACER.
CONDAMNER la société EST MENAGER à payer à la société KBC LEASE :
1. la somme totale de 7.919,43 € telle que décomposée dans le corps de l'assignation, outre intérêts de droit à compter de la délivrance de l'assignation et avec application de l'article 1154 du Code Civil.
2. la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
CONDAMNER la société EST MENAGER à restituer à la société KBC LEASE FRANCE les matériels objet de la location et tels que décrits dans les contrats, et ce, sous astreinte de 155 € par jour de retard qui commencera à courir 3 jours après la signification de la décision à intervenir, par application de l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991.
CONDAMNER la société EST MENAGER aux dépens de l'instance par application de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile.
ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir par application de l'article 515 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle expose que deux contrats de location d'une durée de 48 mois portant sur une fontaine à eau et une machine à café ont été signés les 26 avril 2001 et 12 mars 2001 entre la SA FONTEX, fournisseur, la SA EST MENAGER en qualité de locataire et elle-même en qualité de cessionnaire ; que depuis juin 2002, la société EST MENAGER ne règle plus les mensualités dues à KBC LEASE FRANCE malgré mise en demeure de sorte qu'en vertu de l'article 1134 du Code Civil elle reste redevable à son égard d'une somme totale de 7.919,43 € outre la restitution du matériel demeuré sa propriété ;
Elle rappelle que les deux contrats de prestation conclus avec la société FONTEX relatifs à la fourniture de prestations et à l'entretien du matériel et les deux contrats de locations matériel cédés par la société FONTEX à la société KBC LEASE sont indépendants dès lors qu'en cas de défaillance du prestataire, le locataire est libre de s'adresser à tout autre prestataire de son choix et qu'en toute connaissance de cause, la société EST MENAGER a accepté que seuls soient cédés les matériels, objets de la location (article 5) ;
[minute page 3] Elle ajoute que le contrat de location est bien causé puisque le locataire dispose d'un matériel en parfait état et qu'aux termes de l'article 5 du contrat, le locataire ne peut suspendre le paiement des loyers sous prétexte de problèmes liés à l'exécution du contrat de prestation ; qu'il est donc erroné de prétendre qu'elle aurait quant à elle failli à ses obligations alors même qu'elle indiquait par courrier du 11 juillet 2002 de la société EST MENAGER qu'elle était susceptible de remplacer la société FONTEX défaillante.
Elle fonde par conséquent sa demande sur les articles 1134 et 1147 du Code Civil.
La SA EST MENAGER conclut au débouté et à titre reconventionnel au paiement de 3.000 € à titre de dommages-intérêts outre 2.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle réplique que KBC LEASE FRANCE, organisme de crédit bail, propriétaire du matériel et créancier des échéances prévues au contrat de financement est devenue également débitrice d'une obligation d'entretien envers la société EST MENAGER à l'occasion de la cession par la société FONTEX du contrat de location de matériel au crédit bailleur ; qu'il s'en suit que KBC LEASE désormais débitrice de l'obligation d'entretien ne peut se délier d'une obligation essentielle du contrat en se fondant sur l'article 5 du contrat ; que la suspension des loyers, qui n'est pas motivée par un litige avec le fournisseur, mais bien par un litige avec le loueur est donc parfaitement fondée ; que l'obligation d'entretien pesant sur KBC LEASE est contenue dans le contrat que lui a transféré le fournisseur FONTEX ; et que de surcroît l'article 1162 du Code Civil dispose que dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
Elle en conclut que KBC LEASE, toujours redevable envers la société EST MENAGER n'est nullement en droit de pouvoir demander la résiliation du contrat aux torts exclusifs de son cocontractant.
Elle estime en revanche que les exigences de la demanderesse et la procédure judiciaire diligentée à son encontre lui cause un préjudice estimé à 3.000 €.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Il est constant que deux contrats de location de longue durée portant respectivement sur la location d'une machine à café et d'une fontaine à eau et sur une seule machine à café (se substituant à la première), ont été signés les 23 février et 5 mai 2001 entre la SA FONTEX, fournisseur, la SA EST MENAGER, locataire et la SA KBC LEASE FRANCE, cessionnaire ; que le matériel objet de ces deux contrats a fait l'objet de procès-verbaux de livraison du 12 mars et du 5 mai 2001 ; que suite à la liquidation judiciaire de la SA FONTEX, intervenue le 13 mai 2002, la société EST MENAGER a cessé de s'acquitter des loyers mensuels prévus aux contrats de location ;
La société EST MENAGER ne rapporte pas la preuve de l'interdépendance entre les contrats de location de longue durée et le contrat de prestation de service ;
[minute page 4] Il est d'ailleurs prévu que le locataire, compte tenu de l'absence de spécificité du matériel fourni, peut s'adresser à un autre prestataire pour s'approvisionner en consommables ;
Les clauses de l'article 5 du contrat de location de longue durée, dûment acceptées par la partie défenderesse, confirment l'indépendance des deux contrats en ce qu'elles disposent que : « Le locataire ne fait pas de la répartition entre la location du matériel et le coût des prestations une condition de son engagement. L'attention du locataire a par ailleurs été attirée sur l'indépendance juridique du contrat de location et de prestation liant le locataire au fournisseur. Il renonce ainsi à toute suspension ou réduction de loyer qui serait motivée par un litige avec le fournisseur ».
Il résulte de ces dispositions que le fait que la société FONTEX ne puisse plus assurer la prestation promise du locataire ne dispensait pas celui-ci de payer à la société KBC LEASE, le loyer dû et ce, jusqu'à l'échéance des contrats litigieux
Le grief tiré de l'absence de cause des contrats est également erroné dès lors que le locataire ne conteste pas disposer d'un matériel en parfait état de fonctionnement ;
Les clauses de l'article 5 n'apparaissent pas léonines si l'on admet qu'elles sont la conséquence de la liberté dont jouit le locataire dans le choix du matériel et du prestataire ;
Elles sont en outre la contrepartie du fait que le bailleur a transféré au locataire les actions en garantie qu'il tient du contrat de vente ;
Il apparaît par conséquent que la société KBC LEASE n'a pas failli à ses obligations et que la société EST MENAGER n'était donc pas autorisée à s'affranchir du paiement des loyers dus jusqu'à l'expiration des contrats.
En agissant ainsi le locataire, qui a failli à ses obligations, est seul responsable de la résiliation de contrat.
Il convient donc de condamner la défenderesse au paiement de la somme de 7.919,43 € calculée comme suit :
- Loyers impayés du 15 juin 2002 au 15 janvier 2003 : 902,53 €
- Intérêts de retard contractuels : 90,25 €
- Loyers à échoir du 15 février 2003 au 15 février 2005 : 3.760,52 €
- Indemnité de résiliation : 314,43 €
Sous total : 5.067,73 €
- [minute page 5] Loyers impayés du 10 juin 2002 au 10 janvier 2003 : 410,23 €
- Intérêts de retard contractuels : 41,02 €
- Loyers à échoir du 10 février 2003 au 10 avril 2005 : 2.215,23 €
- Indemnité de résiliation : 185,22 €
Sous total : 2.851,70 €
La société EST MENAGER sera également condamnée à restituer à la société KBC LEASE FRANCE le matériel, objet de la location, sous astreinte de 75 € par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse les frais irrépétibles de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il y a lieu de lui allouer à ce titre un montant de 600 €.
L'exécution provisoire est compatible avec la nature de la cause.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
CONSTATE la résiliation des contrats de location signés les 23 février 2001 et 5 mai 2001 aux torts de la SA EST MENAGER ;
CONDAMNE la SA EST MENAGER à payer à la SA KBC LEASE FRANCE une somme de 7.919,43 € augmentée des intérêts légaux à compter du 24 avril 2003, date de l'assignation ;
CONDAMNE en outre la SA EST MENAGER à restituer à la SA KBC LEASE FRANCE le matériel, objet de la location (machine à café et fontaine à eau), sous astreinte de 75 € par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement ;
[minute page 6] ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement ;
CONDAMNE la SA EST MENAGER au paiement d'une indemnité de 600 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la SA EST MENAGER aux dépens.
PRONONCE par Madame Nathalie RONCHEWSKI, Présidente, en présence de Madame Marie-Simone BOUTTEVIN,
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
- 5929 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Mise à disposition d’un distributeur de boissons
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