CA COLMAR (1re ch. sect. A), 26 septembre 2006
CERCLAB - DOCUMENT N° 1396
CA COLMAR (1re ch. sect. A), 26 septembre 2006 : RG n° 05/06013
Publication : Juris-Data n° 315764
Extraits : 1/ « Attendu qu'aucune de ces clauses n'a pour effet de créer, au détriment de la société EST MENAGER, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et n'est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans la mesure où le prestataire de services n'est pas imposé par l'organisme financier mais est choisi par la locataire, où les dispositions légales relatives à l'entretien de la chose louée ont un caractère supplétif et où, ainsi que l'ont souligné les premiers juges, le bailleur a transmis au locataire la totalité des recours qu'il tient du contrat de vente (article 6) ».
2/ « Attendu que des dispositions contractuelles dénuées de toute ambiguïté affirment l'indépendance des contrats de location et de prestations ; qu'au demeurant, il n'est pas démontré que les prestations fournies par la société FONTEX auraient été d'une complexité telle que celle-ci aurait été la seule à être en mesure de les assumer ; qu'au contraire, la Cour observe que la société KBC LEASE FRANCE a, selon courrier recommandé daté du 11 juillet 2002 (annexe n° 13), suggéré à sa cliente de prendre attache avec la société 2AD pour la reprise des services assurés par le fournisseur défaillant ; qu'aucune interdépendance des divers contrats n'est caractérisée ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 05/06013. Décision déférée à la Cour : 2 novembre 2004 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPÉTENCE COMMERCIALE DE SAVERNE.
APPELANTE :
SA EST MÉNAGER
[adresse], représentée par Maître Laurence FRICK, avocat à la Cour. Plaidant : Maître FLORENTIN, avocat à Strasbourg
INTIMÉE :
SA KBC LEASE FRANCE
[adresse], représentée par Maître Serge ROSENBLIEN, avocat à la Cour. Plaidant : Maître VILAR, avocat à Strasbourg
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 juin 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. CUENOT, conseiller, et M. ALLARD, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. HOFFBECK, Président de Chambre, M. CUENOT, Conseiller, entendu en son rapport, M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme MUNCH, Greffier.
ARRÊT : Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile. - signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Christiane MUNCH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Selon contrat en date du 23 février 2001, la société KBC LEASE FRANCE a donné en location à la société EST MENAGER une fontaine à eau et une machine à café « expresso » fournies par la société FONTEX, moyennant le paiement de 48 loyers mensuels de 1.200 Francs HT. Selon contrat en date du 26 avril 2001, la société KBC LEASE FRANCE a donné en location à la société EST MENAGER une seconde machine « expresso » se substituant à la première, également fournie par la société FONTEX, moyennant le paiement de 48 loyers mensuels de 600 Francs HT.
Selon assignation délivrée le 24 avril 2003, la société KBC LEASE FRANCE a attrait la locataire devant le Tribunal de grande instance de Saverne pour obtenir le paiement de divers loyers échus et de l’indemnité de résiliation ainsi que la restitution du matériel.
La société EST MENAGER s’est opposée à cette demande en faisant valoir que la société KBC LEASE FRANCE, qui venait aux droits de la société FONTEX, était débitrice d’une obligation d’entretien et que, la demanderesse ne l’ayant pas exécutée, la suspension du paiement des loyers était justifiée.
Par jugement du 2 novembre 2004, la juridiction saisie a :
- constaté la résiliation des contrats de location signés les 23 février 2001 et 5 mai 2001 aux torts de la société EST MENAGER,
- condamné la société EST MENAGER à payer à la société KBC LEASE FRANCE une somme de 7.919,43 € augmentée des intérêts légaux à compter du 24 avril 2003,
- condamné la société EST MENAGER à restituer à la société KBC LEASE FRANCE le matériel, objet de la location (machine à café et fontaine à eau), sous astreinte de 75 € par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société EST MENAGER au paiement d’une indemnité de 600 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamné la société EST MENAGER aux dépens.
Les premiers juges ont principalement retenu :
- que la locataire ne rapportait pas la preuve de l'interdépendance entre les contrats de location et le contrat de prestation de service ; que l'indépendance des contrats avait d’ailleurs été reconnue par les conditions générales de la location ;
- que la défaillance de la société FONTEX ne dispensait pas la société EST MENAGER de régler les loyers dus jusqu'à l’échéance des contrats litigieux ;
- que la société EST MENAGER était seule responsable de la résiliation des [minute page 3] contrats.
Par déclaration reçue le 2 mai 2005, la société EST MENAGER a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions déposées le 23 février 2006, la société EST MENAGER demande à la Cour de :
- déclarer la société EST MENAGER recevable en son appel ;
- réformer le jugement entrepris ;
- prononcer la résiliation du contrat aux torts de la société KBC LEASE FRANCE ;
- débouter la société KBC LEASE FRANCE de ses prétentions ;
- condamner la société KBC LEASE FRANCE aux dépens des procédures de première instance et d’appel ;
- condamner la société KBC LEASE FRANCE au paiement d’une indemnité de 3.000 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- condamner la société KBC LEASE FRANCE à lui payer une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts.
Au soutien de son appel, elle fait valoir en substance :
- que le contrat de location ayant été cédé par la société FONTEX à la société KBC LEASE FRANCE, cette dernière vient aux droits et obligations du fournisseur et se trouve dès lors débitrice de l’obligation d’entretien ;
- que la société KBC LEASE FRANCE ne peut se délier d’une obligation essentielle du contrat de location ;
- que la suspension des loyers n’a pas été motivée par un litige avec le fournisseur, qui a rempli son obligation de délivrance, mais par un litige avec le loueur qui a manqué à son obligation d’entretien ; que la société KBC LEASE FRANCE n’est pas fondée à se retrancher derrière l'article 5 des conditions générales et l’article 6 n’est pas davantage opérant ;
- qu'il existe une indivisibilité entre les contrats de location et de prestations, l’entretien et les fournitures étant des obligations annexes à la location du matériel ; que ces deux contrats forment en réalité un contrat unique ;
- que les articles 6 et 7 des contrats de location, qui consacrent l’indépendance des contrats de location et de prestations, doivent être déclarés nuls en vertu du code de la consommation comme étant abusives et contraires à l’économie contractuelle.
Selon conclusions remises le 24 janvier 2006, la société KBC LEASE FRANCE rétorque :
- [minute page 4] que la société EST MENAGER a signé deux contrats de location avec la société FONTEX, qui ont été cédés à la concluante ;
- que la société EST MENAGER a signé deux contrats avec la société FONTEX relatifs à la fourniture de prestations et à l’entretien du matériel, qui n’ont pas été cédés à la concluante ;
- que les contrats de location et de prestations sont indépendants les uns des autres ;
- que la société KBC LEASE FRANCE n’est pas tenue à une obligation d’entretien ;
- qu’en application des stipulations contractuelles, que la locataire tente vainement de remettre en cause en invoquant le code de la consommation, la société EST MENAGER n’est pas fondée à se retrancher derrière la défaillance du prestataire de services pour suspendre le paiement des loyers.
En conséquence, elle prie la Cour de :
- débouter la société EST MENAGER de son appel ;
- condamner la société EST MENAGER à lui payer :
- la somme totale de 7.919,43 € outre intérêts de droit à compter de l'assignation,
- la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- condamner la société EST MENAGER à lui restituer les matériels loués, sous une astreinte de 155 € par jour de retard qui commencera à courir 3 jours après la signification de la décision à intervenir ;
- condamner la société EST MENAGER aux dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2006.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée ; qu'aucun élément du dossier ne démontrant qu'il aurait été tardivement exercé, l'appel qui a été interjeté suivant les formes légales, sera déclaré recevable ;
Attendu que la société EST MENAGER, qui motive la suspension du paiement des loyers par la défaillance de la société FONTEX dans l'approvisionnement et l'entretien du matériel [minute page 5] et qui affirme dans ses écritures avoir « apporté la preuve de l'indivisibilité des contrats de prestations de services et de location de matériel », admet au moins implicitement avoir conclu avec la société FONTEX des contrats d'entretien et de fournitures de consommables ;
Attendu qu'il résulte de la distinction opérée par les plans de remboursement adressés par la société KBC LEASE FRANCE à la locataire entre le loyer proprement dit et le prix des prestations de services que la société KBC LEASE FRANCE a, conformément à l'article 8 des conditions générales des locations, encaissé pour le compte du fournisseur la rémunération de ses prestations de maintenance ; que cette distinction confirme la conclusion de tels contrats entre les sociétés EST MENAGER et FONTEX, même si ceux-ci ne sont pas communiqués :
Attendu que l'article 5 des conditions générales auxquelles sont soumises les deux locations dispose notamment : « L'attention du locataire a par ailleurs été attirée sur l'indépendance juridique du contrat de location et de prestation liant le locataire au fournisseur. Il renonce ainsi à toute suspension ou réduction du loyer qui serait motivée par un litige avec le fournisseur. »
Que l'article 7 des mêmes conditions générales prévoit que « par dérogation de l'article 1721 du code civil, le locataire prend l'engagement de maintenir le matériel en parfait état de fonctionnement, d'entretien et de conformité aux règlements » ;
Attendu qu'aucune de ces clauses n'a pour effet de créer, au détriment de la société EST MENAGER, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et n'est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans la mesure où le prestataire de services n'est pas imposé par l'organisme financier mais est choisi par la locataire, où les dispositions légales relatives à l'entretien de la chose louée ont un caractère supplétif et où, ainsi que l'ont souligné les premiers juges, le bailleur a transmis au locataire la totalité des recours qu'il tient du contrat de vente (article 6) ;
Attendu que l'obligation d'entretenir les appareils loués pesant sur la société EST MENAGER, celle-ci n'est pas fondée à se plaindre d'un manquement de la bailleresse à cette obligation ;
Attendu que des dispositions contractuelles dénuées de toute ambiguïté affirment l'indépendance des contrats de location et de prestations ; qu'au demeurant, il n'est pas démontré que les prestations fournies par la société FONTEX auraient été d'une complexité telle que celle-ci aurait été la seule à être en mesure de les assumer; qu'au contraire, la Cour observe que la société KBC LEASE FRANCE a, selon courrier recommandé daté du 11 [minute page 6] juillet 2002 (annexe n° 13), suggéré à sa cliente de prendre attache avec la société 2AD pour la reprise des services assurés par le fournisseur défaillant ; qu'aucune interdépendance des divers contrats n'est caractérisée ;
Attendu qu'il résulte de ces considérations que la société EST MENAGER n'était pas autorisée à suspendre le paiement des loyers à compter du mois de juin 2002 au motif que l'entretien et l'approvisionnement n'étaient plus assurés ;
Attendu que l'article 9 des conditions générales prévoit une résiliation de plein droit, notamment en cas de défaut de paiement du loyer par le locataire, huit jours après une mise en demeure restée sans effet ; que la société KBC LEASE FRANCE a mis en demeure sa cliente de régler les arriérés, en lui rappelant le risque encouru (courriers recommandés en date du 6 février 2003, retirés le 10 février 2003) ; que les premiers juges ont constaté à bon droit la résiliation des deux contrats de location aux torts de la locataire ;
Attendu qu'aux termes de l'article 9 des conditions générales, la société KBC LEASE FRANCE peut prétendre au versement d'une « somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majoré d'une clause pénale de 10 % ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat tel que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 % » ;
Attendu que la société KBC LEASE FRANCE n'a mis en compte que les fractions correspondant aux seules locations (450 Francs HT et 825 Francs HT), à l'exclusion du coût des prestations de service ; que son décompte, au demeurant non discuté, sera entériné ;
Attendu qu'il n'est pas nécessaire de réévaluer l'astreinte prononcée par les premiers juges ;
Attendu que la société EST MENAGER succombant en ses prétentions sera condamnée aux dépens d'appel ; que les circonstances de la cause ne conduisent pas à faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l'intimée ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Déclare la société EST MENAGER recevable en son appel,
Le rejetant quant au fond, confirme le jugement entrepris ;
[minute page 7] Déboute la société KBC LEASE FRANCE de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la société EST MENAGER aux dépens.
Le greffier : Le Président :
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 5929 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Mise à disposition d’un distributeur de boissons
- 5990 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Clause non conformes
- 5991 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Conformité au régime légal : illustrations - Code civil
- 6138 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Indivisibilité ou divisibilité conventionnelle
- 6157 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Clauses léonines
- 6280 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location sans option d’achat
- 6311 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Distributeur de boissons (mise à disposition)
- 7287 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit antérieur aux arrêts de Chambre mixte
- 7289 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Absence de cause (droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016)