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CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch. B), 9 juillet 2015

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch. B), 9 juillet 2015
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 3e ch. B
Demande : 13/22404
Décision : 2015/242
Date : 9/07/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/11/2013
Décision antérieure : CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch. B), 18 décembre 2014
Numéro de la décision : 242
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5209

CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch. B), 9 juillet 2015 : RG n° 13/22404 ; arrêt n° 2015/242 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Monsieur Z., gérant de la SCI H., avait signé, le 24 juillet 2001, un contrat de réservation visant le permis de construire obtenu en 1998, au vu de documents publicitaires présentant, au dernier étage du bâtiment 2, côté jardin, une rambarde transparente. Ce contrat n'a pas eu de suite, et Monsieur Z. a signé, le 9 avril 2003, un second contrat de réservation, faisant référence au permis de construire obtenu le 15 novembre 2002. L'article III de ce second contrat de réservation précise que les caractéristiques des locaux résultent des documents suivants, remis au réservataire : les conditions particulières au contrat de réservation, la notice descriptive sommaire, le plan de l'appartement et les annexes. Les conditions particulières ne précisent pas la nature du garde-corps, et les parties ne produisent pas les plans et annexes remis à l'époque. La notice descriptive sommaire, quant à elle produite, fait état, pour les murs de façades de « garde-corps en métallerie prélaquée » et ne précise pas que certains garde-corps seront en béton. La cour constate en conséquence qu'il n'est pas démontré que le vendeur ait attiré l'attention de Monsieur Z., lors de la signature du second contrat de réservation, sur cette modification d'un élément qu'elle avait pourtant mis en valeur dans les documents publicitaires. […]

La cour retiendra donc que la SCI H. n'a pas été correctement informée, lors de la signature du contrat de réservation de 2003 et lors de l'acte authentique qui a suivi, du changement de matériau de la rambarde du 5ème étage

Cependant la SCI H., qui demande l'annulation d'une clause du contrat, ne se plaint pas d'un simple défaut d'information, mais d'un dol. Il lui appartient en conséquence de démontrer d'une part que le vendeur s'est abstenu de la prévenir du changement survenu dans l'intention de la tromper, d'autre part de démontrer que la transparence de la rambarde constituait pour elle un élément déterminant sans quoi elle n'aurait pas contracté ou seulement pour un moindre prix. […] En conséquence, l'existence d'un dol n'est pas démontrée, de sorte que les demandes, notamment celle tendant à l'annulation de la clause restreignant le délai d'action en réparation des défauts de conformité, que la SCI H. entendait obtenir à titre de sanction du dol, doivent être rejetées. »

2/ « Cette clause, qui place implicitement les non-conformités apparentes sous le même régime que les vices de construction apparents n'a fait qu'anticiper la loi du 25 mars 2009, qui a assimilé les deux régimes en complétant les dispositions des articles 1642-1 et 1648 du code civil. Elle ne peut donc être qualifiée d'abusive. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

TROISIÈME CHAMBRE B

ARRÊT DU 9 JUILLET 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/22404. Arrêt n° 2015/242. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 8 octobre 2013 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 11/11964.

 

APPELANTE :

SCI X.

immatriculée au RCS d'AIX EN PROVENCE sous le N°XXX, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège C/O GENERIM - [adresse], représentée par Maître Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Frédérique GARIBALDI-RIBES de la SCP M.GARIBALDI/ F.GARIBALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

 

INTIMÉES :

SCI H.

immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° ZZZ, prise en la personne de son gérant en exercice Monsieur Dominique CASTELLAN domicilié en cette qualité au siège [adresse], représentée par Maître Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Alain VIDAL-NAQUET de la SCP A VIDAL-NAQUET AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE,

SAS T. ARCHITECTES anciennement dénommée ATELIER A. P. ET ASSOCIÉS

immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° XXX, représentée et plaidant par Maître Laure CAPINERO constitué aux lieu et place de Maître Jean-Paul DAVIN de la SEP DAVIN JEAN PAUL - PERRIMOND JACQUES AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Maître Jacques PERRIMOND, avocat au barreau de MARSEILLE

SA BET Y. G.

immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° YYY, représentée et plaidant par Maître Dominique PETIT SCHMITTER de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 mai 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Marie-José DURAND, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : M. Jean-François BANCAL, Président, Mme Patricia TOURNIER, Conseillère, Mme Marie-José DURAND, Conseillère (rédactrice), qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2015

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2015, Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Faits et procédure :

La SCI X. a réalisé un programme immobilier à Marseille dénommé « Les Y. » composé de deux immeubles parallèles séparés par un jardin, le bâtiment 1 situé [adresse]. La SCI H. a acheté en l'état futur d'achèvement un appartement en duplex dans le bâtiment 2 aux 4ème étage (comportant les chambres) et 5ème étage (comportant le séjour), bénéficiant notamment d'une terrasse au 5ème étage de la façade côté jardin. Elle en a pris livraison le 28 mai 2007 avec des réserves, notamment la suivante, concernant la terrasse du niveau haut : « Garde-corps plein contrairement au document publicitaire ».

La SCI H. a obtenu en référé la désignation d'un expert judiciaire. Celui-ci a constaté que le balcon du 5ème étage était bordé d'un garde-corps en béton, terminé en partie supérieure par une lisse constituée d'un tube métallique en peinture laquée de couleur blanche, mais a conclu que les vues sur le Vieux Port n'avaient pas été modifiées par le changement de nature du garde-corps, et qu'elles étaient conformes aux schémas annexés au contrat de vente. L'expert a par ailleurs examiné des réclamations de l'acquéreur afférentes aux emplacements de parking et à l'absence de levée des réserves.

Après dépôt du rapport d'expertise, la SCI H. a fait assigner son vendeur, la SCI X., devant le tribunal de grande instance de Marseille. Le vendeur a appelé en garantie la SA BET Y. G. et la SAS T., anciennement société A. P. et associés.

 

Décision déférée :

Par jugement contradictoire du 8 octobre 2013, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- déclaré recevables comme non prescrites les demandes formées par la SCI H. contre son vendeur,

- déclaré abusive la clause figurant dans l'acte authentique de vente en date du 14 octobre 2003 aux termes de laquelle le vendeur se réserve expressément le droit de changer et modifier les prestations énumérées dans les documents descriptifs et éventuellement de les remplacer par des prestations d'un coût non supérieur et d'une qualité non inférieure à ce qui est prévu sans avoir besoin de l'accord du vendeur, ce en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la clause créant un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur,

- condamné la SCI X. à verser à la SCI H. les sommes de 100.000 euros en réparation de la non-conformité du garde-corps de la terrasse, 6.221,42 euros en réparation de la non-conformité des emplacements de parking et 250 euros pour absence de levée d'une réserve outre intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,

- débouté la SCI X. de ses recours en garantie contre le BET Y. G. et la société T. et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive contre la SCI H.,

- condamné la SCI X. à verser à chacune des trois autres parties la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la SCI X. aux dépens.

Par déclaration du 19 novembre 2013, la SCI X. a interjeté appel.

Par arrêt avant dire droit du 18 décembre 2014, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à s'expliquer sur l'application de diverses dispositions du code civil relatives à la prescription, notamment au regard d'une clause contractuelle plaçant implicitement les non-conformités sous le même régime que les vices de construction apparents.

Vu les conclusions de l'appelante en date du 24 avril 2015,

Vu les conclusions de la SCI H. (telle qu'elle se dénomme en réalité), en date du 27 avril 2015, qui augmente le quantum de certaines des demandes qu'elle formait en première instance,

Vu les conclusions du BET Y. G. en date du 23 avril 2015,

Vu les conclusions de la SAS T. en date du 6 mai 2015,

Vu la révocation, le 12 mai 2015, de l'ordonnance de clôture du 28 avril 2015, et la nouvelle clôture intervenue le 12 mai 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A/ Sur la demande tendant à l'annulation du jugement :

La SCI X. reproche au Tribunal d'avoir violé les obligations des articles 4, 5, 12 et 16 du code de procédure civile en modifiant les demandes qui lui étaient faites et en ajoutant deux postes de préjudice qui n'avaient pas été discutés contradictoirement : le préjudice esthétique et le préjudice d'enfermement.

Le tribunal a retenu la non-conformité du garde-corps par rapport aux documents contractuels puis, pour motiver l'évaluation globale du préjudice né de la diminution de valeur et du préjudice de jouissance, il a estimé :

« Le remplacement du garde-corps en plexiglas par un muret en béton porte atteinte à l'esthétique de la terrasse. Il limite nécessairement la vue et crée une sensation d'enfermement.

Cette non-conformité est de nature à entraîner une diminution de la valeur du bien et un préjudice de jouissance de la terrasse. »

Il n'a rien ajouté qui n'ait été dans le débat, dès lors que la SCI demanderesse, dans ses dernières conclusions de première instance, déplorait que l'expert n'ait pas voulu se prononcer sur les conséquences esthétiques du changement alors qu'il en avait la mission, et soulignait « la suppression de toute vue à partir de l'intérieur de l'appartement - le port étant caché par la rambarde en béton armé », ce que le tribunal a pu, sans méconnaître l'objet du litige ni le principe de la contradiction, traduire par une « sensation d'enfermement ».

La demande de la SCI X. tendant à l'annulation du jugement sera en conséquence écartée.

 

B/ Sur les demandes fondées sur le dol :

1° Sur la recevabilité :

Après réouverture des débats, la SCI H. invoque pour la première fois l'existence d'un dol commis par le vendeur, en visant les dispositions des articles 1382 du code civil en raison de la publicité mensongère ayant précédé le contrat, puis les dispositions des articles 1134, 1109 et 1116 du code civil, la SCI X. lui ayant caché que la nature du garde-corps avait été modifiée entre les deux contrats de réservation. Elle demande, en conséquence de ce dol, l'annulation des stipulations de l'acte authentique de vente ayant pour objectif d'assimiler les non-conformités aux vices de construction apparents et réduisant la garantie due par le vendeur de 10 ans à 1 an, et la condamnation de la SCI X. à réparer toutes les conséquences dommageables de la violation de l'obligation de délivrance.

La SCI X. soutient que cette nouvelle argumentation est irrecevable, aux motifs d'une part que la cour a limité la réouverture des débats aux problèmes de prescription, d'autre part que l'article 1304 du code civil fixe le délai de prescription de l'action en nullité des conventions à cinq ans.

Cependant, dès lors que l'arrêt avant dire droit du 18 décembre 2014 a révoqué l'ordonnance de clôture, les parties étaient en droit de conclure à nouveau sur l'ensemble du litige. Au surplus, l'invocation de ce nouveau fondement juridique tend en définitive, après annulation de la clause limitant le délai de prescription de l'action en réparation des défauts de conformité sollicitée par la SCI H., à la réparation de ces mêmes défauts, ce qui est, depuis l'assignation du 24 août 2011, l'objet de l'action intentée contre le vendeur.

Par ailleurs, dès lors que le point de départ du délai de prescription de l'action en annulation de la convention pour dol est le jour où le dol a été découvert, qu'il doit être fixé en l'espèce au 28 mai 2007 jour de la livraison car la SCI H., censée connaître les clauses du contrat signé le 14 octobre 2003, disposait alors de la plupart des éléments dont elle se prévaut aujourd'hui pour invoquer l'existence d'un dol, que le délai a été interrompu le 16 mai 2008 par l'assignation en référé en application de l'article 2244 ancien du code civil, qu'en application de l'article 26 III de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'instance en référé, introduite avant l'entrée en vigueur de la loi, a été jugée conformément à la loi ancienne de sorte que l'ordonnance désignant l'expert n'a pas suspendu le délai, mais constitue le point de départ d'un nouveau délai de cinq ans, et que l'assignation au fond a été délivrée le 24 août 2011, moins de cinq années plus tard, l'action fondée sur le dol n'est pas prescrite.

Il convient d'ajouter, puisque la SCI H. fonde également ses demandes sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, que la demande est également recevable sur ce fondement, le délai de prescription étant alors de dix années à compter de la manifestation du dommage, qui doit être fixée au 28 mai 2007, jour de la livraison.

Les demandes fondées sur le dol seront en conséquence déclarées recevables.

 

2° Sur le fond :

La société H., liée par contrat à la SCI X., et qui se plaint d'un dol, vice de consentement qui affecte ce contrat, ne peut fonder ses demandes sur les dispositions de l'article 1382 du code civil.

L'article 1116 du code civil dispose :

« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas, et doit être prouvé. »

La SCI H. reproche au vendeur de ne pas avoir attiré son attention sur la modification, qu'elle qualifie de substantielle, intervenue entre les deux contrats de réservation concernant le garde-corps, qui était transparent et qui est désormais en béton. Elle précise que si le vendeur lui avait dit la vérité, elle aurait eu la faculté soit de renoncer à acquérir, soit de formuler une offre d'achat à un moindre prix. Enfin, elle ajoute que le vendeur va, après l'acte authentique, déployer des efforts pour masquer le dol, dans sa lettre du 21 mai 2007 et dans son allusion à une contrainte imposée par l'architecte des bâtiments de France.

Il ressort des énonciations de l'acte authentique de vente que, le premier permis de construire obtenu le 22 décembre 1998 étant devenu caduc, une deuxième demande a été formulée, qui s'est conclue par un nouveau permis de construire accordé le 15 novembre 2002.

Le plan de façade de cœur d'îlot du bâtiment 2 tel que prévu dans le cadre du premier permis de construire, n'est pas produit. Cependant, il n'est pas contesté que la rambarde du balcon du niveau haut du duplex était prévue transparente, ainsi d'ailleurs que le montrent les documents publicitaires.

Il ressort des pièces produites par la SCI X. que lors du dépôt de la seconde demande de permis de construire, le plan de façade de cœur d'îlot du bâtiment [...] comportait encore, à ce niveau, des rambardes transparentes. Cependant, des pièces supplémentaires ont été fournies le 29 mars 2002, présentées dans le document de remise comme conformes aux recommandations de l'architecte des bâtiments de France. Les modifications y étaient présentées comme suit : « La proportion des ouvertures a été revue dans un rapport privilégiant la verticalité en modifiant légèrement la hauteur des baies et par un nouveau dessin des éléments de serrurerie. » Le dessin de façade qui y est joint montre que la rambarde du 5ème étage (niveau haut du duplex) est désormais pleine. Le nouveau permis de construire, obtenu le 15 novembre 2002, tient compte de cette modification.

Monsieur Z., gérant de la SCI H., avait signé, le 24 juillet 2001, un contrat de réservation visant le permis de construire obtenu en 1998, au vu de documents publicitaires présentant, au dernier étage du bâtiment 2, côté jardin, une rambarde transparente. Ce contrat n'a pas eu de suite, et Monsieur Z. a signé, le 9 avril 2003, un second contrat de réservation, faisant référence au permis de construire obtenu le 15 novembre 2002. L'article III de ce second contrat de réservation précise que les caractéristiques des locaux résultent des documents suivants, remis au réservataire : les conditions particulières au contrat de réservation, la notice descriptive sommaire, le plan de l'appartement et les annexes. Les conditions particulières ne précisent pas la nature du garde-corps, et les parties ne produisent pas les plans et annexes remis à l'époque. La notice descriptive sommaire, quant à elle produite, fait état, pour les murs de façades de « garde-corps en métallerie prélaquée » et ne précise pas que certains garde-corps seront en béton. La cour constate en conséquence qu'il n'est pas démontré que le vendeur ait attiré l'attention de Monsieur Z., lors de la signature du second contrat de réservation, sur cette modification d'un élément qu'elle avait pourtant mis en valeur dans les documents publicitaires.

L'acte authentique de vente signé le 14 octobre 2003 fait référence aux diverses pièces déposées chez le notaire le 8 septembre 2003, en particulier le plan de cœur d'îlot, dont il a été vu plus haut qu'il montrait, au cinquième étage, des garde-corps pleins. Cependant, dès lors que son attention n'avait pas été spécialement attirée sur cette modification lors du contrat de réservation, Monsieur Z. n'avait pas de raison particulière d'aller vérifier leur aspect. Certes, les plans de niveaux étaient annexés à l'acte, ainsi qu'il est mentionné page 8. Cependant, ainsi que le démontre l'examen du plan constituant l'annexe n° 6 produit par la société H., il est difficile, pour un non-professionnel de la construction, de déduire du seul examen des plans que les garde-corps sont pleins.

La cour retiendra donc que la SCI H. n'a pas été correctement informée, lors de la signature du contrat de réservation de 2003 et lors de l'acte authentique qui a suivi, du changement de matériau de la rambarde du 5ème étage.

Cependant la SCI H., qui demande l'annulation d'une clause du contrat, ne se plaint pas d'un simple défaut d'information, mais d'un dol. Il lui appartient en conséquence de démontrer d'une part que le vendeur s'est abstenu de la prévenir du changement survenu dans l'intention de la tromper, d'autre part de démontrer que la transparence de la rambarde constituait pour elle un élément déterminant sans quoi elle n'aurait pas contracté ou seulement pour un moindre prix.

Or la preuve du caractère intentionnel du défaut d'information n'est pas rapportée. Au contraire, il ressort des « vues » dessinées par l'architecte, figurant en annexe 9 de l'acte authentique, que le vendeur a apporté un soin tout particulier à informer les acquéreurs des appartements des 3ème, 4ème et 5ème étages de ce bâtiment 2 situé, il convient de le rappeler, non pas directement sur le Vieux Port, mais « en seconde ligne », de la réalité de l'angle de vue dont ils disposeraient sur le Vieux Port et sur la rive opposée.

De même, la preuve du caractère déterminant, pour l'acquéreur, de la transparence du matériau du garde-corps, n'est pas rapportée. Elle l'est d'autant moins que la cour constate, à l'examen des illustrations figurant dans le document publicitaire, que seul était visible, à travers la rambarde transparente, le bâtiment [...], et non pas le Vieux Port, et, à l'examen des photographies de l'expert et de celles qui sont annexées au constat d'huissier effectué le 04 février 2013 à la requête de la SCI H., que malgré la modification du matériau de la rambarde, la vue, même à l'intérieur du salon et en position assise, reste remarquable.

En conséquence, l'existence d'un dol n'est pas démontrée, de sorte que les demandes, notamment celle tendant à l'annulation de la clause restreignant le délai d'action en réparation des défauts de conformité, que la SCI H. entendait obtenir à titre de sanction du dol, doivent être rejetées.

 

C/ Sur les demandes tendant à la réparation de défauts de conformité et d'un vice apparent réservé :

L'acte authentique de vente du 14 octobre 2003 comporte en page 32 une clause intitulée « Contestation relative à la conformité » qui stipule :

« 'De convention expresse, toute contestation relative à la conformité des biens livrés avec les engagements pris par le vendeur devra être notifiée à celui-ci dans le délai d'un mois à compter de la prise de possession des lieux par l'acquéreur, ses ayants droit ou ayants cause.

Toute action concernant les défauts de conformité devra être introduite, à peine de forclusion dans un bref délai, en tout état de cause, ce délai ne pourra être supérieur à un an, du jour où l'acquéreur l'aura notifié au vendeur.

L'acquéreur pourra, au cours du délai prévu au présent article, notifier au vendeur par lettre recommandée, les défauts de conformité qu'il aura constatés.

Cette notification conservera au profit de l'acquéreur tous recours et actions contre le vendeur.

En revanche, une fois ce délai expiré, l'acquéreur ne pourra élever de nouvelles contestations relatives à la conformité. »

Cette clause, qui place implicitement les non-conformités apparentes sous le même régime que les vices de construction apparents n'a fait qu'anticiper la loi du 25 mars 2009, qui a assimilé les deux régimes en complétant les dispositions des articles 1642-1 et 1648 du code civil. Elle ne peut donc être qualifiée d'abusive.

En application de cette clause et dès lors que la livraison de l'appartement a eu lieu le 28 mai 2007, le délai pour agir expirait 13 mois plus tard, soit le 28 juin 2008. En application de l'article 2244 ancien du code civil, ce délai a été non pas suspendu mais interrompu par l'assignation en référé délivrée le 16 mai 2008 - visant tant les non-conformités affectant l'appartement que celles affectant les garages - et ce jusqu'à la décision ordonnant l'expertise, prise le 28 juillet 2008.

En application de l'article 26 III de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, dès lors que l'instance en référé a été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi, elle s'est poursuivie et a été jugée conformément à la loi ancienne. En conséquence, l'ordonnance de référé qui a ordonné l'expertise n'a pas entraîné d'effet suspensif de la prescription. Au contraire, elle a constitué le point de départ d'un nouveau délai d'une année, qui a expiré le 28 juillet 2009.

L'acquéreur ayant assigné son vendeur au fond le 24 août 2011, ses demandes en réparation des préjudices subis en raison des non-conformités affectant le garde-corps de la terrasse et les parkings sont irrecevables comme prescrites.

Pour les mêmes raisons, est irrecevable comme prescrite la demande en réparation du désordre réservé constitué par le dysfonctionnement de l'ouvrant gauche de la salle de séjour, vice de construction apparent qui quant à lui relève des dispositions des articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du code civil.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce que le premier juge a déclaré recevables les demandes formées par la SCI H. et en ce qu'il y a fait droit au moins partiellement.

 

D/ Sur les autres demandes :

La demande de la SCI H. tendant à voir déclarer abusive la clause figurant dans l'acte authentique de vente aux termes de laquelle le vendeur se réserve expressément le droit de changer et modifier les prestations énumérées dans les documents descriptifs et éventuellement de les remplacer par des prestations d'un coût non supérieur et d'une qualité non inférieure à ce qui est prévu sans avoir besoin de l'accord du vendeur, est devenue sans objet.

De même, sont devenues sans objet les demandes en garantie formées par la SCI X. contre le BET Garnier et la société T. et les demandes en garantie formées par ces dernières.

Si l'existence d'un vice du consentement et la violation par l'un des cocontractants d'une obligation résultant du contrat ne peuvent pas être confondues, ces fondements juridiques ne se contredisent pas et leur adoption n'a pas nui à la possibilité pour la SCI X. de se défendre normalement. Par ailleurs, la SCI X. ne produit aucune pièce susceptible d'établir que la SCI H. 1 ait agi de mauvaise foi. En conséquence, le rejet de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la SCI X. sera confirmé, et la nouvelle demande formée en appel sera rejetée.

Le jugement sera infirmé en ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation aux dépens. Les dépens de première instance, comportant les frais de référé et d'expertise, ainsi que les dépens d'appel seront mis à la charge de la SCI H. et les demandes en paiement de frais irrépétibles formées par toutes les parties, tant en première instance qu'en appel, seront rejetées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt avant dire droit du 18 décembre 2014,

Déboute la SCI X. de sa demande tendant à l'annulation du jugement déféré,

Infirme le jugement sauf en ce que le premier juge a débouté la SCI X. de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare recevables les demandes formées par la SCI H. fondées sur le dol,

Déboute la SCI H. de ses demandes fondées sur le dol,

Déclare irrecevables les demandes formées par la SCI H. fondées sur les non-conformités affectant le garde-corps de la terrasse et les emplacements de parking et sur un vice de construction réservé,

Constate que la demande formée par la SCI H. tendant à voir déclarer abusive la clause figurant dans l'acte authentique de vente aux termes de laquelle le vendeur se réserve expressément le droit de changer et modifier les prestations énumérées dans les documents descriptifs et éventuellement de les remplacer par des prestations d'un coût non supérieur et d'une qualité non inférieure à ce qui est prévu sans avoir besoin de l'accord du vendeur, est devenue sans objet,

Constate que les demandes en garantie formées par la SCI X., par la société BET Garnier et par la société T. sont sans objet,

Déboute la SCI X. de sa nouvelle demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Rejette toutes les demandes d'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI H. aux dépens de première instance, comprenant les frais de référé et d'expertise, et aux dépens d'appel, et accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à l'avocat de la société BET Y. G..

LA GREFFIÈRE                  LE PRÉSIDENT