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CA DIJON (2e ch. civ.), 13 août 2015

Nature : Décision
Titre : CA DIJON (2e ch. civ.), 13 août 2015
Pays : France
Juridiction : Dijon (CA), 1re ch.
Demande : 13/01754
Date : 13/08/2015
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 13/09/2013
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5240

CA DIJON (2e ch. civ.), 13 août 2015 : RG n° 13/01754

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La société le Palatino soutient que ce contrat de location est dépourvu de cause, dans la mesure où cette cause était constituée par le contrat de prestation de service conclu avec la société Innovatys, et que ce contrat de prestation de service a été résilié en raison du défaut de fonctionnement satisfaisant de l'installation. Cette argumentation pèche cependant à plusieurs égards.

En premier lieu, il sera rappelé que la cause dans un contrat synallagmatique s'entend pour chacun des cocontractants de l'obligation devant être effectivement exécutée par l'autre. Dès lors, la cause d'un contrat de bail, examinée du point de vue du locataire, consiste dans l'obligation du bailleur de mettre à sa disposition la chose louée, en l'espèce le matériel de vidéo-surveillance. Elle ne peut en revanche consister dans l'exécution par un tiers d'un autre contrat. Or il n'est ni contesté ni contestable que le matériel a bien été mis à la disposition du locataire, puisqu'un procès-verbal d'installation a été établi et signé par les sociétés Le Palatino et Innovatys le 29 juin 2009.

En deuxième lieu, et même à admettre que la cause du contrat de location puisse être le contrat de prestation de service, l'existence de la cause doit s'apprécier au moment où l'obligation est souscrite. Or il est incontestable qu'à la conclusion du contrat de location, soit le 24 juin 2009, le contrat de prestation de service existait bien, puisque la société Le Palatino fait elle-même valoir qu'elle n'aurait résilié ce contrat que postérieurement, à savoir par un courrier du 29 juillet 2009.

En tout état de cause, il convient de relever que ce dernier courrier ne peut avoir eu pour effet d'entraîner la résiliation du contrat de prestation de service. Il doit en effet être rappelé que la résiliation d'un contrat ne peut intervenir que d'un commun accord des parties, lequel peut le cas échéant se matérialiser par la stipulation contractuelle d'une clause résolutoire, ou par une décision judiciaire. […]. Il ne saurait pas plus être argué d'une résiliation de plein droit par application de l'article 2 des conditions générales du contrat de prestation de service, qui stipule que « s'il s'avère, au moment de l'installation, que les locaux sont inaptes à l'installation de la configuration choisie par l'abonné/locataire, le contrat sera résolu de plein droit pour des motifs purement techniques, sans qu'il soit besoin d'aucune formalité ou notification à l'abonné/locataire. » En effet, cette hypothèse est expressément limitée au cas où une incompatibilité technique serait révélée au moment de l'installation. Or tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce, où l'installation a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal signé sans réserve par le représentant de la société Le Palatino, par lequel il est attesté que toutes les vérifications ont été effectuées par l'abonné, ce dont il résulte manifestement que le système était alors en état de fonctionnement.

Enfin, la société Le Palatino n'a pas agi judiciairement en résiliation du contrat de prestation de service, étant notamment constaté qu'elle n'a pas estimé utile d'attraire à cette fin la société Innovatys, ou à tout le moins les organes de sa procédure de liquidation judiciaire, à la présente instance. C'est ainsi à tort que la société le Palatino invoque l'absence de cause du contrat de bail. »

2/ « La société Le Palatino fait alors valoir que ces deux clauses doivent être considérées comme abusives par application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, selon lequel, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Toutefois, ces dispositions sont inapplicables en l'espèce, où la société Le Palatino a contracté avec la société Parfip dans le cadre et pour les besoins de son activité commerciale

3/ « Il en sera de même de sa demande tendant à la condamnation de la société Parfip à lui payer à titre de dommages et intérêts un montant équivalent à celles dues en application des articles 10.3 et 10.4 des conditions générales du bail au motif qu'elle aurait manqué à son obligation d'information et de mise en garde à son égard lors de la souscription du contrat de location comprenant des clauses d'indemnité manifestement disproportionnées à ses biens et ses revenus. L'intimée fonde en effet cette demande sur l'article L 132-1 du code de la consommation, dont il a déjà été indiqué précédemment qu'il ne lui était pas applicable dès lors qu'elle est elle-même intervenue dans la relation contractuelle en qualité de professionnelle.

Au surplus, il n'est pas démontré en quoi les clauses d'indemnités, dont la portée exacte apparaissait clairement à leur simple lecture, étaient disproportionnées aux biens et revenus de la société, dont il n'est aucunement justifiée, étant observé au demeurant que la mise en compte de la totalité de ces indemnités n'est pas disproportionnée au regard du montant global qui aurait dû été réglé si le bail était allé à son terme. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DIJON

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 13 AOÛT 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/01754. Décision déférée à la Cour : au fond du 20 juin 2013, rendue par le Tribunal de Commerce de Dijon : R.G. 1ère instance n° 2011011934.

 

APPELANTE :

SAS PARFIP FRANCE,

prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés au siège : représentée par Maître Pascale GATTI-CHEVILLON, membre de la SCP GATTI - CHEVILLON - MICHAUD, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 52, assisté de Maître Véronique KLOCHENDLER-LEVY, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SARL LE PALATINO,

prise en la personne de Madame X., gérante en exercice domiciliée en cette qualité au siège : représentée par Me Sylvaine GUERRIN-MAINGON, membre de la SCP BROCHERIEUX - GUERRIN-MAINGON, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 24

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mai 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame OTT, Président de chambre et Monsieur WACHTER, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de : Madame OTT, Président de chambre, Président, Monsieur WACHTER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du Président, Madame DUMURGIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame THIOURT,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 13 août 2015,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Madame OTT, Président de chambre, et par Madame THIOURT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SARL Le Palatino exploite à [ville L.] un dancing sous chapiteau.

Le 24 juin 2009, la société Le Palatino a conclu avec la société Easydentic, exerçant sous le nom commercial Innovatys, un contrat de prestation de visio-mobilité et un contrat de location, ces contrats ayant pour objet l'installation d'un système de surveillance à distance en temps réel via internet. Aux termes de ces contrats, il était stipulé le paiement de 60 loyers de 270 euros HT, soit 322,92 euros TTC, outre 601 euros HT à titre de frais d'installation du matériel.

Le matériel a été livré et installé le 29 juin 2009.

La société Innovatys a cédé le contrat de location à la SAS Parfip France le 30 juin 2009.

Dès le mois de juillet 2009, la société Le Palatino s'est plainte de l'inadéquation entre l'installation fournie et la structure du chapiteau, ainsi que du fait que la couverture internet de la commune de [ville L.] était de capacité insuffisante pour assurer le fonctionnement correct du système. Par courrier du 29 juillet 2009 adressé à la société Innovatys, elle a sollicité la résiliation du contrat.

La société Le Palatino a cessé de régler les loyers à compter du 2 novembre 2009.

La société Parfip France l'a alors fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris en résiliation du contrat de bail et en paiement des sommes arriérées.

Par jugement du 11 octobre 2011, le tribunal de commerce de Paris a constaté son incompétence territoriale, et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Dijon.

La société Parfip France a fait valoir que les contrats de prestation de service et de location étaient indépendants, et que le locataire était mal fondé à se prévaloir de l'inexécution des obligations du prestataire de service pour refuser le paiement des loyers.

La société Le Palatino s'est opposée à la demande, en considérant que les deux contrats étaient indissociables, et que l'impossibilité technique d'utiliser le matériel privait le contrat de location de cause.

Par jugement du 20 juin 2013, le tribunal de commerce :

- a dit et jugé que le contrat de location signé le 24 juin 2009 est résilié depuis le 29 juillet 2009, et en tout état de cause au plus tard depuis le 1er novembre 2009, date de l'arrêt du paiement des loyers ;

- a dit et jugé que la résiliation du contrat est imputable à la société Parfip France pour violation des articles 1719, 1720 et 1721 du code civil ;

- a constaté que conformément à la finalité économique de l'opération résultant de la commune intention des parties, la cause du contrat de location du 24 juin 2009 est constituée par le contrat de prestation de services de vidéo-protection conclu entre la société Innovatys et la société Le Palatino ;

- en conséquence, a dit et jugé que l'obligation de la société Le Palatino (locataire) de payer des loyers à la société Parfip (bailleur) pour la location du matériel et de la fourniture des services de vidéo surveillance est liée à celle de la société Parfip de délivrer le matériel et l'abonnement aux dits services à laquelle elle ne peut se soustraire ;

- a dit et jugé que l'installation de vidéo protection par internet étant inutilisable, le contrat souscrit auprès de la société Parfip France n'avait pas de cause de sorte que sa résolution devait être prononcée en application des articles 1131 et 1184 du code civil ;

- en conséquence, a dit et jugé que les sommes réclamées par la société Parfip France sont indues et l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes ;

- a condamné la société Parfip France à payer à la société Le Palatino la somme de 2.032,01 euros outre intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2009, date de dénonciation du contrat, en remboursement de sommes indûment perçues ;

- a donné acte à la société Le Palatino de ce que le dit matériel est à la disposition de la société Parfip France qui devra le récupérer à ses frais ;

- a condamné la société Parfip France à payer à la société Le Palatino la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- a dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en a déboutées ;

- a condamné la société Parfip France aux entiers dépens de l'instance.

La société Parfip France a relevé appel de cette décision le 13 septembre 2013.

 

Par conclusions notifiées le 31 janvier 2014, l'appelante demande à la cour :

Vu l'article 31 du code de procédure civile,

Vu l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu les dispositions des articles 1134, 1147 et 1165 du code civil,

A titre principal,

- d'infirmer le jugement déféré ;

- de débouter la société Le Palatino de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

- de constater que la société Parfip France est bien fondée en ses demandes ;

En conséquence,

- de prononcer la résiliation du contrat signé le 24 juin entre les parties, 8 jours après la mise en demeure en date du 24 mai 2010, avec toutes conséquences ;

- d'ordonner à la société Le Palatino la restitution du matériel au siège social de la société Parfip France, et ce à ses frais exclusifs, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans les dix jours de la signification du jugement à intervenir ;

- de condamner la société Le Palatino à payer à la société Parfip France la somme de 2.441,28 euros au titre du montant des loyers impayés (2.260,44 euros), majorés d'une indemnité de 8 % (180,84 euros) et à augmenter des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 mai 2010 ;

- de condamner la société Le Palatino à payer à la société Parfip France la somme de 15.823,08 euros, montant de l'indemnité de résiliation, à majorer d'une clause pénale contractuelle de 10 %, soit un total de 17.405,39 euros ;

A titre subsidiaire, et si par impossible la cour confirme la résiliation du contrat de location tel que prononcé par le tribunal de commerce de Dijon,

- de condamner la société Le Palatino à payer à la société Parfip France la somme de 18.803,52 euros correspondant aux échéances qu'elle aurait été fondée à percevoir jusqu'au terme contractuel, à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

- de condamner la société Le Palatino à rembourser à la société Parfip France la somme de 3.532,01 euros versée au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris ;

- de condamner la société Le Palatino à payer à la société Parfip France la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société Le Palatino aux entiers dépens de la procédure toutes taxes comprises.

 

Par conclusions notifiées le 10 janvier 2014, la société Le Palatino demande à la cour :

Vu les articles 1719, 1720 et 1721 du code civil,

Vu les articles 1131, 1134, 1184 et 1218 du code civil,

- de confirmer purement et simplement les dispositions du jugement déféré dans leur intégralité ;

- de dire et juger que le contrat de location signé le 24 juin 2009 est résilié depuis le 29 juillet 2009, et en tout état de cause au plus tard depuis le 1er novembre 2009 date de l'arrêt du paiement des loyers ;

- de dire et juger que la résiliation du contrat est imputable à la société Parfip France pour violation des articles 1719, 1720 et 1721 du code civil ;

- de constater que conformément à la finalité économique de l'opération résultant de la commune intention des parties, la cause du contrat de location en date du 24 juin 2009 est constituée par le contrat de prestation de services de vidéo protection conclu entre la société Innovatys et la société Le Palatino ;

- en conséquence, de dire et juger que l'obligation de la société Le Palatino de payer les loyers à la société Parfip France pour la location du matériel et de la fourniture des services de vidéo surveillance est liée à celle de la société Parfip France de délivrer le matériel et l'abonnement aux dits services à laquelle elle ne peut se soustraire ;

- de dire et juger que l'installation de vidéo protection par internet étant inutilisable, le contrat souscrit auprès de la société Parfip France n'avait pas de cause de sorte que sa résolution devait être prononcée en application des articles 1131 et 1184 du code civil ;

- en conséquence, de dire et juger que les sommes réclamées par la société Parfip France sont indues et de la débouter de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions ;

A titre subsidiaire,

- de dire et juger que la clause d'indemnité énoncée aux articles 10.3 et 10.4 du contrat de location est contraire à l'ordre public et est entachée de nullité ;

A titre infiniment subsidiaire,

- de réputer cette clause non écrite ;

Plus subsidiairement encore,

- de dire et juger que la société Parfip France a engagé sa responsabilité en qualité de professionnel averti et doit être condamnée à verser à la société Le Palatino des dommages et intérêts d'un montant équivalent aux sommes réclamées au titre des articles 10.3 et 10.4 du contrat de location ;

- de dire et juger que l'indemnité de résiliation ainsi que les clauses pénales majorant ces demandes doivent être ramenées à la somme de 1 euro eu égard à leur caractère manifestement excessif ;

En conséquence,

- de débouter la société Parfip France de l'ensemble de ses demandes ;

- de faire droit à la demande reconventionnelle formée par la société Le Palatino ;

En conséquence,

- de condamner la société Parfip France à payer la somme de 2.032,01 euros outre intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2009 ;

- de condamner la société Parfip France à payer à la société Le Palatino la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de rejeter la demande de restitution sous astreinte et aux frais de la société Le Palatino du matériel inutilisable ;

- de donner acte à la société Le Palatino de ce que ledit matériel est à la disposition de la société Parfip France qui devra le récupérer à ses frais ;

- de condamner la société Parfip France aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 29 janvier 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce, la cour :

Vu les dernières écritures des parties auxquelles la cour se réfère,

L'article 1134 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1131 du code civil dispose que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

L'article 1148 du même code énonce que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, que dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit, que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention, lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts, que la résolution doit être demandée en justice, et qu'il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

En l'espèce, force est à titre liminaire de constater que le dispositif de la décision déférée, qui a purement et simplement repris le libellé des demandes de la société Le Palatino, est particulièrement confus et contradictoire. Ainsi, après avoir dans un premier temps constaté que le contrat de location fondant la demande de la société Parfip était résilié depuis le 29 juillet 2009 ou depuis le 1er novembre 2009, deux dates alternatives entre lesquelles il n'a même pas estimé devoir trancher, le tribunal a ensuite jugé que ce même contrat devait être résolu pour défaut de cause.

Ce faisant, les premiers juges ont opéré une confusion manifeste entre la résiliation, qui vise à faire cesser pour l'avenir les effets d'un contrat, sans remettre en cause ses effets passés, la résolution, qui a pour objet de mettre un terme au contrat de manière rétroactive, et la nullité, qui anéantit rétroactivement le contrat en raison de l'absence d'une condition essentielle à sa formation. En tout état de cause, ils ne pouvaient en aucun cas prononcer la résolution d'un contrat après en avoir préalablement constaté la résiliation.

Cette contrariété de décision suffit à justifier l'infirmation du jugement attaqué dans toutes ses dispositions.

L'argument tiré du défaut de cause, qui vise à l'anéantissement du contrat, et donc à sa nullité, et non pas à sa résolution, comme persiste à le solliciter la société le Palatino, doit nécessairement être examiné avant toute demande, principale ou reconventionnelle, tendant à la résolution ou à la résiliation du contrat.

Il doit d'abord être rappelé, et cela résulte clairement des pièces contractuelles versées aux débats, que la société Le Palatino a signé le 24 juin 2009 non pas un, mais deux contrats avec la société Innovatys, à savoir un contrat de prestation de service et un contrat de location de matériel de vidéo-surveillance. Le contrat de location, et celui-là seul, a ensuite été cédé par la société Innovatys à la société Parfip, comme la possibilité en était expressément prévue aux conditions générales du contrat. Le contrat de prestation de service a quant à lui continué d'être assuré par la société Innovatys, ce qui est d'autant moins contestable que c'est à cette dernière société que la société le Palatino s'est adressée pour exposer les problèmes de fonctionnement de l'installation auxquels elle se heurtait.

La société le Palatino soutient que ce contrat de location est dépourvu de cause, dans la mesure où cette cause était constituée par le contrat de prestation de service conclu avec la société Innovatys, et que ce contrat de prestation de service a été résilié en raison du défaut de fonctionnement satisfaisant de l'installation.

Cette argumentation pèche cependant à plusieurs égards.

En premier lieu, il sera rappelé que la cause dans un contrat synallagmatique s'entend pour chacun des cocontractants de l'obligation devant être effectivement exécutée par l'autre. Dès lors, la cause d'un contrat de bail, examinée du point de vue du locataire, consiste dans l'obligation du bailleur de mettre à sa disposition la chose louée, en l'espèce le matériel de vidéo-surveillance. Elle ne peut en revanche consister dans l'exécution par un tiers d'un autre contrat. Or il n'est ni contesté ni contestable que le matériel a bien été mis à la disposition du locataire, puisqu'un procès-verbal d'installation a été établi et signé par les sociétés Le Palatino et Innovatys le 29 juin 2009.

En deuxième lieu, et même à admettre que la cause du contrat de location puisse être le contrat de prestation de service, l'existence de la cause doit s'apprécier au moment où l'obligation est souscrite. Or il est incontestable qu'à la conclusion du contrat de location, soit le 24 juin 2009, le contrat de prestation de service existait bien, puisque la société Le Palatino fait elle-même valoir qu'elle n'aurait résilié ce contrat que postérieurement, à savoir par un courrier du 29 juillet 2009.

En tout état de cause, il convient de relever que ce dernier courrier ne peut avoir eu pour effet d'entraîner la résiliation du contrat de prestation de service. Il doit en effet être rappelé que la résiliation d'un contrat ne peut intervenir que d'un commun accord des parties, lequel peut le cas échéant se matérialiser par la stipulation contractuelle d'une clause résolutoire, ou par une décision judiciaire. En l'occurrence, il n'est pas justifié d'un accord de la société Innovatys pour mettre fin au contrat, étant en particulier observé que les relations entre les parties se sont poursuivies postérieurement au courrier du 29 juillet 2009, ainsi qu'en attestent les correspondances échangées ultérieurement entre les parties, et les déplacements de la société Innovatys sur les lieux pour tenter de remédier aux problèmes techniques rencontrés. Il ne saurait pas plus être argué d'une résiliation de plein droit par application de l'article 2 des conditions générales du contrat de prestation de service, qui stipule que « s'il s'avère, au moment de l'installation, que les locaux sont inaptes à l'installation de la configuration choisie par l'abonné/locataire, le contrat sera résolu de plein droit pour des motifs purement techniques, sans qu'il soit besoin d'aucune formalité ou notification à l'abonné/locataire. » En effet, cette hypothèse est expressément limitée au cas où une incompatibilité technique serait révélée au moment de l'installation. Or tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce, où l'installation a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal signé sans réserve par le représentant de la société Le Palatino, par lequel il est attesté que toutes les vérifications ont été effectuées par l'abonné, ce dont il résulte manifestement que le système était alors en état de fonctionnement.

Enfin, la société Le Palatino n'a pas agi judiciairement en résiliation du contrat de prestation de service, étant notamment constaté qu'elle n'a pas estimé utile d'attraire à cette fin la société Innovatys, ou à tout le moins les organes de sa procédure de liquidation judiciaire, à la présente instance.

C'est ainsi à tort que la société le Palatino invoque l'absence de cause du contrat de bail.

Le constat relatif à l'absence de résiliation du contrat de prestation de service suffit par ailleurs à faire échec à l'argumentation subsidiaire que la société le Palatino tire de l'interdépendance des contrats pour solliciter la résiliation du contrat de bail par le contrecoup de la résiliation du contrat de prestation de service.

L'intimée se prévaut encore du manquement de la société Parfip aux obligations résultant des articles 1719, 1720 et 1721 du code civil.

L'article 1719 énonce que le bailleur est obligé de délivrer au preneur la chose louée, de l'entretenir en état de servir à l'usage pour laquelle elle a été louée, d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. L'article 1720 dispose quant à lui que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce et qu'il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives. L'article 1721 énonce qu'il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée.

Or, il est constant que la chose louée a bien été délivrée à la locataire, ainsi qu'il ressort du procès-verbal d'installation qui a déjà évoqué précédemment. Les autres obligations posées par les textes visés ne sont pas d'ordre public, et les parties peuvent en conséquence y déroger, ce qui est précisément le cas en l'espèce, où la maintenance du matériel a été expressément confiée à la société Innovatys, le contrat de bail prenant le soin de préciser dans l'article 3 de ses conditions générales, intitulé 'indépendance juridique des contrats', que 'le locataire a été rendu attentif à l'indépendance juridique du présent contrat de location et du contrat de prestation de service ou de tout autre contrat conclu entre le locataire et le prestataire. Le locataire accepte cette indépendance et reconnaît qu'il peut s'adresser à tout autre prestataire de son choix en cas de défaillance de la société Innovatys. En conséquence le loueur n'assume aucune responsabilité quant à l'exécution des dites prestations et le locataire s'interdit de refuser le paiement des loyers suite à un contentieux l'opposant au prestataire.’Cette stipulation était à l'évidence parfaitement connue de la société le Palatino, qui s'est bien adressée à la seule société Innovatys lorsqu'il s'est agi de trouver un remède aux dysfonctionnements techniques dont elle se plaignait.

C'est donc en contradiction avec les stipulations contractuelles, qui font la loi des parties, que la société le Palatino invoque désormais ces dysfonctionnements pour justifier la cessation du paiement des loyers.

L'article 10.1 des conditions générales du contrat de bail prévoit qu'en cas de non-paiement, même partiel, à sa date d'exigibilité d'une seule somme due par le locataire, comme en cas d'inexécution de l'une quelconque de ses obligations, le contrat sera résilié de plein droit 8 jours après l'envoi d'une lettre recommandée AR restée sans effet.

En l'occurrence, il est constant que la société le Palatino a cessé de régler les échéances de loyer à compter du mois de novembre 2009, et que le bailleur a vainement mis sa locataire en demeure de régler les loyers arriérés par lettre recommandée AR du 24 mai 2010 réceptionnée le 28 mai 2010. Par application de la clause résolutoire contractuelle, il sera constaté que le contrat s'est trouvé résilié 8 jours après l'envoi de la mise en demeure, soit le 2 juin 2010.

L'article 10.3 des conditions générales du bail énonce qu'en cas de résiliation pour les causes prévues aux articles 10.1 et 10.2, le locataire s'oblige à restituer immédiatement à ses frais exclusifs le produit ainsi que la documentation y afférent, à verser immédiatement au loueur toutes autres sommes dues en vertu du contrat (loyers, frais de retard...), le loueur se réservant en outre la faculté d'exiger le paiement d'une indemnité de résiliation égale au total des loyers TTC non encore échus majorés de 10 %.

L'article 10.4 prévoit quant à lui qu'en cas de retard dans le paiement de tout ou partie d'un loyer ou de ses accessoires quelle qu'en soit la raison, et nonobstant l'application de l'article 10.1, le locataire sera tenu au paiement d'indemnités et intérêts calculés sur chaque loyer comme suit : indemnité forfaitaire de 8 %, intérêts de retard au taux mensuel de 1,5 %, l'ensemble de ces indemnités et intérêts de retard étant majoré de la TVA.

La société le Palatino invoque la nullité de ces deux clauses, au motif d'abord qu'elles seraient dénuées de cause comme mettant à la charge de l'une des parties l'intégralité de ses obligations contractuelles alors que le contrat est résilié, et que son cocontractant est donc lui-même déchargé de ses obligations. Toutefois, cette argumentation est inopérante, dès lors que les sommes mises à la charge du locataire le sont à titre d'indemnité, ce qui, sur le principe, n'est pas critiquable, dès lors qu'il résulte nécessairement pour la société bailleresse un préjudice du fait de la résiliation du contrat, ne serait-ce que parce qu'elle a intégralement réglé au fournisseur le prix du matériel pour la mise à disposition duquel elle ne percevra plus de loyers. De plus, l'indemnité de résiliation prévue à l'article 10.3 des conditions générales et l'indemnité forfaitaire de 8 % sur les loyers échus et non réglés ainsi que la majoration des intérêts de retard prévues à l'article 10.4 s'analysent en des clauses pénales, qui sont en tant que telles soumises au pouvoir de modération du juge en cas de caractère manifestement excessif, conformément à l'article 1152 du code civil.

L'intimée soutient ensuite que ces clauses sont contraires à l'ordre public et aux articles 1134 et 1148 du code civil en ce qu'elles auraient pour effet de dissuader le locataire d'engager une action en résolution pour inexécution. Cette argumentation est tout aussi vaine, puisque la stipulation des clauses litigieuses est expressément limitée aux cas prévus à l'article 10.1, lequel ne concerne pas les situations dans lesquelles la résiliation serait imputable à un manquement de la bailleresse.

La société Le Palatino fait alors valoir que ces deux clauses doivent être considérées comme abusives par application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, selon lequel, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Toutefois, ces dispositions sont inapplicables en l'espèce, où la société Le Palatino a contracté avec la société Parfip dans le cadre et pour les besoins de son activité commerciale.

Ces clauses sont donc parfaitement valables, et doivent servir de base au calcul des sommes dues par la société Le Palatino en suite de la résiliation du contrat.

Le montant des loyers échus à la date de la résiliation, soit le 2 juin 2010, est indubitablement dû à la société Parfip, et correspond à une somme de 2.260,44 euros (322,92 euros x 7). Il convient d'y ajouter celle de 180,84 euros représentant l'indemnité forfaitaire de 8 % sur les loyers échus non réglés, qui ne présente aucun caractère manifestement excessif. Il sera constaté que l'appelante ne sollicite pas le bénéfice de la majoration des intérêts de retard, de telle sorte que la société Le Palatino sera condamnée à lui verser de ce premier chef la somme de 2.441,28 euros, qui produira intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2010, date de la mise en demeure.

La stricte application des stipulations contractuelles aboutit à une indemnité de résiliation s'élevant à 17.405,39 euros (montant des loyers non échus, soit 322,92 euros x 49 = 15.823,08 euros, augmenté de 10 %). Toutefois, compte tenu de la durée du contrat écoulée à la date de sa résiliation, et de la restitution du matériel ordonnée par ailleurs, cette indemnité apparaît manifestement excessive, et devra être réduite à de plus justes proportions. Elle sera fixée à la somme de 10.000 euros, que la société Le Palatino sera condamnée à verser à la société Parfip, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Enfin, la société le Palatino sera condamnée à restituer à ses frais à la société Parfip le matériel objet du contrat de location. En l'état, il ne sera pas fait droit à la demande d'astreinte formée sur ce point par l'appelante, dès lors que la société le Palatino déclare tenir le matériel à sa disposition.

Compte tenu de ce qui précède, la demande reconventionnelle de la société le Palatino en restitution des sommes versées au titre des loyers et des frais d'installation est à l'évidence mal fondée, et devra être rejetée.

Il en sera de même de sa demande tendant à la condamnation de la société Parfip à lui payer à titre de dommages et intérêts un montant équivalent à celles dues en application des articles 10.3 et 10.4 des conditions générales du bail au motif qu'elle aurait manqué à son obligation d'information et de mise en garde à son égard lors de la souscription du contrat de location comprenant des clauses d'indemnité manifestement disproportionnées à ses biens et ses revenus. L'intimée fonde en effet cette demande sur l'article L. 132-1 du code de la consommation, dont il a déjà été indiqué précédemment qu'il ne lui était pas applicable dès lors qu'elle est elle-même intervenue dans la relation contractuelle en qualité de professionnelle.

Au surplus, il n'est pas démontré en quoi les clauses d'indemnités, dont la portée exacte apparaissait clairement à leur simple lecture, étaient disproportionnées aux biens et revenus de la société, dont il n'est aucunement justifiée, étant observé au demeurant que la mise en compte de la totalité de ces indemnités n'est pas disproportionnée au regard du montant global qui aurait dû été réglé si le bail était allé à son terme.

La demande de la société Parfip tendant à la condamnation de la société Le Palatino à lui restituer les montants versés en exécution du jugement déféré est sans objet, étant rappelé que les dispositions du présent arrêt contraires à la décision de première instance constituent un titre suffisant pour en obtenir la restitution.

Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais de défense irrépétibles.

La société le Palatino sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Déclare la SAS Parfip France recevable et bien fondée en son appel ;

En conséquence :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 juin 2013 par le tribunal de commerce de Dijon ;

Statuant à nouveau :

Constate que le contrat de location conclu le 24 juin 2009 entre la société Parfip France, d'une part, et la SARL Le Palatino, d'autre part, est résilié à compter du 2 juin 2010, aux torts de cette dernière société ;

Condamne la société Le Palatino à payer à la société Parfip France les sommes de :

* 2.441,28 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2010 ;

* 10.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la société Le Palatino à restituer à ses frais à la société Parfip France le matériel objet du contrat de la location ;

Rejette la demande d'astreinte formée par la société Parfip France ;

Rappelle que le présent arrêt constitue pour la société Parfip France un titre suffisant pour obtenir restitution des sommes indûment versées au titre de l'exécution provisoire ordonnée par la décision infirmée ;

Rejette l'ensemble des demandes formées par la société Le Palatino à l'encontre de la société Parfip France ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Le Palatino aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,               Le Président,

 

Est cité par :