CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 29 mai 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5295
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 29 mai 2015 : RG n° 13/00678
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « L'article L. 132-1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives n'a pas vocation à s'appliquer à M. X., le contrat de location et de maintenance de matériel conclu avec la société CYBERVITRINE ayant été souscrit pour les besoins de son activité professionnelle de pharmacien. M. X. n'est pas fondé à invoquer que les prestations souscrites sortent de son champ de compétence dès lors qu'elles sont destinées à développer son activité professionnelle de pharmacien par le biais de nouvelles technologies, l'objet du contrat étant la location d'un écran de visualisation ainsi que d'un équipement informatique permettant d'afficher des annonces publicitaires de produits qu'il commercialisait dans sa pharmacie ; ces prestations ont un rapport direct avec l'activité qu'il exerce ce qui suffit à exclure les dispositions du code de la consommation. Ce moyen sera rejeté. »
2/ « Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont indivisibles et les clauses des contrats inconciliables avec cette indivisibilité sont réputées non écrites ; La cause de la location financière étant constituée par le contrat de fourniture du matériel et les prestations de service y afférent, la résiliation de celui-ci est susceptible d'entraîner celle du contrat de location financière ;
Si lorsque le locataire invoque une inexécution par le prestataire de ses obligations, il doit pour que soit examiné le moyen tiré de la résiliation du contrat, appeler à la cause le prestataire de services ou en cas de liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur afin qu'il puisse s'expliquer sur les griefs qui lui sont opposés, en l'espèce, le liquidateur judiciaire de la société Cybervitrine a, par courrier du 28 octobre 2008, résilié le contrat de prestation de service en raison de la liquidation judiciaire, ce qui met fin à la convention de manière unilatérale, sans discussion possible ; cette résiliation unilatérale de la convention à la date du 28 octobre 2008 entraîne celle du contrat de location financière sans que s'impose la mise en cause du liquidateur. En conséquence, aucun loyer n'est dû par M. X. à compter du 28 octobre 2008. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 29 MAI 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/00678. Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 décembre 2012 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - R.G. n° 11/00878.
APPELANT :
Monsieur X.
Représenté par Maître Sébastien FLEURY de la SELURL SEBASTIEN FLEURY, avocat au barreau de PARIS, toque : R090 ; Représenté par Maître Caroline PIRES du cabinet ARAGO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R090 substituant Maître Sébastien FLEURY du cabinet ARAGO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R090
INTIMÉE :
SAS SIEMENS LEASE SERVICES
agissant en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège ; Représentée par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055 ; Représentée par Maître Ferhat ADOUI de la SCP DIEBOLT-ADOUI AVOCATS ASSOCIÉS à la cour de PARIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0288
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er avril 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, Paul André RICHARD, Conseiller Hors Hiérarchie, Marie-Annick PRIGENT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT : contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Présidente et par M Bruno REITZER, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
Monsieur X. exerçait la profession de pharmacien dans une officine qu'il avait ouverte à [ville D.] en 1989.
Le 6 avril 2007, Monsieur X. a passé commande auprès de la société Cybervitrine commercialisant des ordinateurs, logiciels et équipements informatiques destinés à l'animation de vitrines commerciales, de matériels informatiques.
Monsieur X. a signé le 12 juin 2007 avec la société ALLIANTHIS, un contrat de location portant sur un écran de visualisation ainsi qu'un équipement informatique destinés à afficher des annonces publicitaires pour les produits qu'il commercialisait dans sa pharmacie moyennant le versement de 60 mensualités de 560 euros HT soit 669,76 euros TTC. Ce contrat a été cédé à la société SIEMENS LEASE SERVICES, qui est intervenue à la convention en qualité de cessionnaire.
Le 25 juin 2008, Monsieur X. a cédé son officine de pharmacie et cessé son activité professionnelle. La société Cybervitrine a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 15 avril 2008 convertie en liquidation judiciaire le 6 mai 2008.
Par courrier du 28 octobre 2008, le liquidateur judiciaire de la société Cybervitrine a indiqué à Monsieur X. que le contrat de location conclu avec cette dernière était résilié.
Compte tenu du fait qu'il avait cessé son activité et que la société Cybervitrine n'était plus en mesure de poursuivre ses prestations depuis des mois, Monsieur X. interrompait le paiement des loyers et adressait aux sociétés Allianthis et Siemens un courrier de résiliation le 29 octobre 2008 en précisant qu'il tenait le matériel litigieux à leur disposition.
La société Allianthis a, par courrier du 31 octobre 2008, mis en demeure Monsieur X. de poursuivre l'exécution du contrat.
La société Siemens, a les 28 février et 9 mars 2011, mis en demeure Monsieur X. de payer les loyers impayés.
Par courrier du 5 avril 2011, la société Siemens a finalement résilié le contrat de location et a sollicité le paiement des loyers échus et restant à échoir ainsi que la restitution des matériels loués.
La société Siemens a assigné Monsieur X. devant le tribunal de commerce de Bobigny aux fins de solliciter la résiliation du contrat de location, la restitution du matériel, sa condamnation au paiement des loyers échus et restant à échoir ainsi qu'une indemnité contractuelle de résiliation.
Par jugement en date du 4 décembre 2012, le Tribunal de commerce de Bobigny a condamné sous le bénéfice de l'exécution provisoire, Monsieur X. au paiement à la société Siemens de la somme totale de 29.469,44 euros avec intérêts au taux d'intérêt légal majoré de cinq points à compter du 14 juin 2011 jusqu'à parfait paiement, d'une indemnité mensuelle de jouissance de 669,76 euros, à la restitution du matériel et au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 17 décembre 2014, Monsieur X., appelant, demande sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation et de l'article 1218 du code civil, de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- dire qu'il pouvait légitimement résilier le contrat de location conclu avec les sociétés Allianthis et Siemens compte tenu de sa cessation d'activité et de la résiliation du contrat de location et de maintenance conclu avec la société Cybervitrine,
- débouter la société Siemens de l'intégralité de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 24 novembre 2014, la société Siemens, intimée, demande de confirmer le jugement déféré et de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article L. 132-1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives n'a pas vocation à s'appliquer à M. X., le contrat de location et de maintenance de matériel conclu avec la société CYBERVITRINE ayant été souscrit pour les besoins de son activité professionnelle de pharmacien. M. X. n'est pas fondé à invoquer que les prestations souscrites sortent de son champ de compétence dès lors qu'elles sont destinées à développer son activité professionnelle de pharmacien par le biais de nouvelles technologies, l'objet du contrat étant la location d'un écran de visualisation ainsi que d'un équipement informatique permettant d'afficher des annonces publicitaires de produits qu'il commercialisait dans sa pharmacie ; ces prestations ont un rapport direct avec l'activité qu'il exerce ce qui suffit à exclure les dispositions du code de la consommation. Ce moyen sera rejeté.
Comme l'a retenu le Tribunal de commerce, M. X. ne peut prétendre que la seule cession de sa pharmacie justifie la résiliation unilatérale du contrat de location.
Le matériel loué par M. X. le 12 juin 2007 et installé dans ses locaux comprend du matériel de vidéoprojection destiné à l'animation de la vitrine. Il est reproché à M. X. de ne pas communiquer le contrat de prestation de service ; il est cependant produit un bon de commande en date du 6 avril 2007 portant sur le matériel. Il est précisé à l'article 1 des conditions générales du bon de commande que celui-ci a pour objet la mise à disposition en location d'un matériel défini aux conditions particulières mentionnées au recto, son installation et sa maintenance pendant toute la durée de la location d'une part et la réalisation des prestations décrites aux conditions particulières du contrat ; la nature même du matériel vendu lié à l'activité de pharmacien implique que des prestations de service sont associées à la location du matériel ce qui est corroboré par le coût du contrat soit 60 mensualités de 669,76 euros TTC. Ce contrat de prestation de service est évoqué à l'article 3 des conditions générales du contrat de location en date du 12 juin 2007 ; le liquidateur judiciaire par courrier du 28 octobre 2008, écrit à M. X. :
« Vous avez écrit soit à CYBERVITRINE soit à moi-même pour indiquer que vous n'étiez plus approvisionné en consommables ou SAV. Je vous confirme qu'aucune poursuite d'activité n'a été autorisée par le tribunal postérieurement au jugement de liquidation judiciaire, et pour ce qui me concerne, je n'entends pas poursuivre le contrat qui vous liait à la société Cybervitrine et le considère comme résilié ».
Les termes de ce courrier qui corroborent les autres pièces susvisées établissent que la société Cybervitrine dispensait dans le cadre du contrat de location en date du 12 juin 2007 des prestations de service intégrées à la convention.
Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont indivisibles et les clauses des contrats inconciliables avec cette indivisibilité sont réputées non écrites ;
La cause de la location financière étant constituée par le contrat de fourniture du matériel et les prestations de service y afférent, la résiliation de celui-ci est susceptible d'entraîner celle du contrat de location financière ;
Si lorsque le locataire invoque une inexécution par le prestataire de ses obligations, il doit pour que soit examiné le moyen tiré de la résiliation du contrat, appeler à la cause le prestataire de services ou en cas de liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur afin qu'il puisse s'expliquer sur les griefs qui lui sont opposés, en l'espèce, le liquidateur judiciaire de la société Cybervitrine a, par courrier du 28 octobre 2008, résilié le contrat de prestation de service en raison de la liquidation judiciaire, ce qui met fin à la convention de manière unilatérale, sans discussion possible ; cette résiliation unilatérale de la convention à la date du 28 octobre 2008 entraîne celle du contrat de location financière sans que s'impose la mise en cause du liquidateur.
En conséquence, aucun loyer n'est dû par M. X. à compter du 28 octobre 2008.
La décision du tribunal de commerce de Bobigny sera infirmée et la société Siemens sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 22.102,08 euros TTC au titre des échéances impayées, M. X. ayant cessé de régler les échéances à compter du 1er novembre 2008, et de la somme de 8.624 euros représentant l'indemnité de résiliation.
Le jugement sera confirmé quant à la restitution du matériel ; par contre, le matériel étant devenu obsolète, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé à la charge de M. X. une indemnité mensuelle pour la détention du matériel sans valeur marchande et alors même que la résiliation du contrat est imputable au fournisseur.
La société Siemens sera condamnée à payer à M. X. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande de ce chef en première instance et appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement sauf sur la restitution du matériel,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déboute la société SIEMENS LEASE SERVICES de ses demandes en paiement de la somme de 22.102,08 euros TTC au titre des échéances impayées, de la somme de 8.624 euros représentant l'indemnité de résiliation et de la somme de 669,76 euros au titre de l'indemnité de jouissance mensuelle pour la détention du matériel,
Condamne la société SIEMENS LEASE SERVICES à payer à M. X. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société SIEMENS LEASE SERVICES aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président
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