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CA POITIERS (2e ch. civ.), 15 décembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (2e ch. civ.), 15 décembre 2015
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 1re ch. civ.
Demande : 15/00272
Décision : 15/527
Date : 15/12/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/01/2015
Numéro de la décision : 527
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5374

CA POITIERS (2e ch. civ.), 15 décembre 2015 : RG n° 15/00272 ; arrêt n° 527

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « L'ensemble de ces éléments fait présumer, de manière suffisamment grave, précise et concordante, que ledit contrat a été conclu par démarchage à domicile, de sorte qu'il est régi par les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, ainsi que l'invoque M. X.

La banque SOLFEA dénie vainement l'applicabilité des dispositions du code de la consommation (régime du démarchage à domicile) au motif que la vente à EDF d'électricité produite par installation photovoltaïque constituerait un ensemble d'actes de commerce et qu'en conséquence seules seraient applicables les dispositions du Code de Commerce.

En premier lieu, l'article L. 121-22 § 4° du Code de la consommation exclut du domaine d'application du régime du démarchage à domicile les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession. Il s'en déduit que ne sont visés par cette disposition exclusive que les contrats conclus avec un acquéreur agissant à titre professionnel. Tel n'est pas le cas [de M. X.] qui n'exerce aucune profession industrielle, commerciale ou artisanale puisqu'il exerce celle de cariste salarié (mentionnée en 2ème page du contrat de crédit affecté) à laquelle ne se rattache aucunement l'utilisation d'une installation photovoltaïque.

Par ailleurs, dès lors que ses conditions légales d'application sont remplies, le régime du démarchage à domicile s'impose aux parties en ce qu'il est d'ordre public puisque sa violation est sanctionnée pénalement par l'article L. 121-28 du même code. Il est donc indifférent que la vente à EDF d'électricité produite par installation photovoltaïque puisse être qualifiée d'actes de commerce - selon la banque SOLFEA-, dès lors que ces actes de commerce isolés (cette qualification n'étant retenue que pour les seuls besoins du raisonnement) n'auraient pas été accomplis par M. X. à titre professionnel (si l'installation avait fonctionné).

Il résulte des motifs qui précèdent que le contrat conclu entre la SAS CES et M. X. est soumis au régime juridique du démarchage à domicile fixé par les articles L. 121-21 et suivants (anciens) du Code de la consommation. »

2/ « 2.3 - Par avis du 4 novembre 2014, la Cour a invité les parties à présenter leurs observations, par note en délibéré, sur les moyens tirés d'office, en application de l'article L. 141-4 du même code : - du taux effectif global de 5,75 % mentionné dans le contrat principal et stipulé dans le contrat de crédit affecté, susceptible d'être erroné (au lieu de 6,62 %) comme n'intégrant pas le coût des intérêts capitalisés mensuellement pendant la période de différé initial de 11 mois, - des conséquences susceptibles d'en résulter au regard des articles L. 121-23 § 6° et L. 311-32 du code de la consommation […] ; Il s'en déduit que le taux effectif global de 5,75 % mentionné dans le contrat principal conclu entre M. X. et la SAS CES (et stipulé dans le contrat de crédit associé conclu entre M. X. et la banque SOLFEA) est erroné en ce qu'il n'intègre pas le montant des intérêts capitalisés mensuellement pendant la période de différé initial de 11 mois, en violation de l'article L. 313-1 alinéa 1er du même code qui dispose : […] ».

3/ « En troisième lieu, la banque SOLFEA soutient vainement qu'il incomberait à M. X. de rapporter la preuve de l'inexactitude du taux effectif global contractuellement stipulé, alors que l'avis de la Cour du 4 novembre 2015 a expressément énoncé que le moyen tiré de l'inexactitude du taux effectif global contractuellement stipulé est relevé d'office par la Juridiction en application de l'article L. 141-4 du Code de la consommation. »

4/ « La mention, dans le contrat principal, d'un taux effectif global erroné du crédit affecté est assimilable à une absence de mention du taux effectif global, et est constitutive d'une irrégularité sanctionnée par la nullité de ce contrat principal en application du texte précité. La banque SOLFEA soutient à tort que cette nullité relative serait couverte par la volonté [de M. X.] d'exécuter le contrat, qu'il aurait réitérée à plusieurs reprises, de façon incontestable et en pleine connaissance de cause. Au sens de l'article 1338 du Code Civil invoqué par la banque SOLFEA, la ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet une action en nullité est conditionnée par la connaissance du vice affectant l'acte générateur de l'obligation. Tel n'est pas le cas en l'occurrence puisque l'irrégularité induisant la nullité du contrat (mention d'un taux effectif global erroné) n'a été révélée à M. X. que par l'avis précité de la Cour en date du 4 novembre 2014. »

5/ « 2.4 - Il résulte de l'article L. 311-1 § 2° du même code que le régime du crédit à la consommation est applicable à l'emprunteur ou consommateur que constitue une personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle (et régie par le § 4° du même article et par l'article L. 311-2 du même code). Il se déduit de ce texte que seule est exclue du domaine d'application du régime du crédit à la consommation l'activité commerciale exercée par l'emprunteur, cette activité impliquant un caractère habituel, principal, et/ou professionnel. De même, l'article préliminaire du Code de la consommation définit le consommateur comme étant toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. Il s'en déduit que le crédit affecté à l'acquisition d'une installation photovoltaïque sur l'immeuble d'habitation d'un emprunteur exerçant l'activité professionnelle de cariste salarié, est soumis au régime du crédit à la consommation, et que le fait que l'intéressé soit susceptible d'accomplir des actes de commerce isolés (selon la qualification invoquée par la banque SOLFEA) à titre non professionnel en vendant à EDF l'électricité produite par cette installation, ne caractérise par une exception légale à l'application de ce régime.

En outre, le régime du crédit à la consommation est d'ordre public en application de l'article L. 313-17 du même code, et l'article 6 du Code Civil interdit aux parties d'y déroger. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/00272. Arrêt n° 527. Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 20 novembre 2014 rendu par le Tribunal d'Instance de LA ROCHE SUR YON.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], ayant pour plaidant Maître Charlotte JOLY de la SCP BCJ BROSSIER - CARRE - JOLY, avocat au barreau de POITIERS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)

 

INTIMÉS :

Maître Patrick LEGRAS DE GRANCOURT En qualité de liquidateur de la Société SA Compagnie Énergie Solaire

Défaillant régulièrement assigné

BANQUE SOLFEA

agissant poursuites et diligences de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis, ayant pour avocat postulant Maître Henri-noël GALLET de la SCP GALLET ALLERIT, avocat au barreau de POITIERS, ayant pour avocat plaidant Maître Jean-Pierre HAUSSMANN, avocat au barreau d’ÉVRY

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre : Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller, Madame Catherine FAURESSE, Conseiller, qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT : - REPUTÉ CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement du Tribunal d'instance de la Roche-sur-Yon en date du 20 novembre 2014 (instance R.G. n° 11-13-000399) qui a :

- dit que le contrat de crédit souscrit par M. X. auprès de la banque SOLFEA le 11 janvier 2012 est un crédit à la consommation soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation,

- retenu sa compétence pour connaître du litige,

- dit n'y avoir lieu à annulation du contrat de crédit,

- condamné M. X. à payer à la banque SOLFEA une somme de 21.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- rejeté le surplus des demandes de la banque SOLFEA,

- déclaré irrecevable l'appel en garantie [de M. X.] à l'encontre de la SAS Groupe CES,

- rejeté la demande de délais de paiement présentée par M. X.,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné M. X. aux dépens,

 

Vu l'appel interjeté par M. X. selon déclaration du 23 janvier 2015, et ses dernières conclusions du 23 septembre 2015, demandant à la Cour de :

- prononcer la nullité du contrat conclu entre lui et la SAS CES pour non-respect des obligations légales,

- prononcer la nullité du contrat conclu entre lui et la SAS CES pour non-respect de l'obligation de délivrance conforme,

- en conséquence, prononcer l'annulation du contrat de prêt affecté accessoire,

- dire et juger que la faute de la banque SOLFEA la prive du droit à remboursement des sommes empruntées,

- dire et juger qu'aucune somme ne saurait être mise à la charge de l'appelant au bénéfice de la société SOLFEA,

- le mettre hors de cause,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts,

- dire et juger que la somme due ne peut excéder 21.500 euros,

- lui accorder un délai de paiement de 2 ans eu égard à sa situation,

- en tout état de cause, rejeter les demandes de la banque SOLFEA en dommages et intérêts et en paiement d'une indemnité fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner la société SOLFEA à verser à la SCP BCJ-BROSSIER-CARRE-JOLY une indemnité de 3.500 euros en application de l'article 37 §  2° de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve du renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

 

Vu les dernières conclusions du 6 octobre 2015 de la SA banque SOLFEA, demandant à la Cour de :

- dire et juger que les conclusions [de M. X.] sont irrecevables et relever en conséquence la caducité de la déclaration d'appel,

- dire de surcroît qu'en toute hypothèse les différentes demandes [de M. X.] relatives à la nullité ou la résolution du contrat principal sont irrecevables comme ayant été formées pour la première fois en cause d'appel,

- dire en toute hypothèse qu'il ne peut pas y avoir de nullité et tout cela pour les causes sus-énoncées, pas plus qu'il ne peut y avoir de résolution, ces différentes demandes étant, quelque soit le cas de figure, irrecevables et mal fondées,

- dire n'y avoir lieu à nullité du contrat accessoire de crédit,

- rappeler qu'il ne peut y avoir de nullité du contrat accessoire que s'il y a d'abord une nullité du contrat principal et cela conformément aux principes généraux du droit,

- dire que seules les dispositions du code de commerce sont applicables et à défaut de textes spécifiques, les dispositions du code civil et notamment les articles 1905 et suivants de ce même code civil,

- rappeler que tout auteur d'acte de commerce doit être avisé et vigilant et qu'il traite d'égal à égal avec les autres cocontractants,

- dire qu'en toute hypothèse M. X. a bien signé l'attestation de livraison et la demande de financement et que de surcroît il a obtenu pleine et entière satisfaction comme cela ressort de ses propres explications, du contrat de vente et du constat d'huissier,

- constater de surcroît [que M. X.] reconnaît n'avoir jamais déclaré ses créances,

- dire n'y avoir lieu par définition à perte des intérêts,

- refuser tout délai de paiement à M. X. que rien ne justifie,

- dire et juger que la volonté [de M. X.] a été réitérée à plusieurs reprises de façon incontestable et en pleine connaissance de cause,

- condamner Monsieur X. à payer à la banque SOLFEA une somme de 24.868,77 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,60 % l'an à compter du 14 juin 2013,

- subsidiairement, en cas de prononcé de la nullité ou de la résolution du contrat de financement par suite de la nullité ou de la résolution du contrat de vente, ou pour toute autre raison, condamner M. X. à payer et rembourser à la banque SOLFEA une somme de 21.500 euros, montant du capital prêté, avec intérêts de droit compter de la délivrance de l'assignation,

- plus subsidiairement, condamner M. X. à payer à la banque SOLFEA une somme de 21.500 euros, montant du capital prêté, sur le fondement de l'enrichissement sans cause et pour les causes sus-énoncées, avec intérêts de droit à compter de la délivrance de l'assignation,

- en toute hypothèse, condamner M. X. à payer à la banque SOLFEA les sommes de :

* 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et vexatoire,

* 2.500 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts ;

 

Vu la signification de la déclaration d'appel et des conclusions délivrée les 8/04, 17/04, 18/09 et 8/10/2015 à Maître LEGRAS de GRANDCOURT ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Compagnie Energie Solaire (CES), lequel n'a pas constitué avocat ;

* * *

Par acte sous seing privé du 11 janvier 2012, la SAS CES a conclu avec M. X. un contrat de fourniture et d'installation d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque au prix de 21.500 euros TTC.

Selon offre préalable acceptée le même jour, la banque SOLFEA a consenti à M. X. un prêt, affecté au financement du contrat précité, de 21.500 euros remboursable, après un différé total d'amortissement et d'intérêts capitalisés mensuellement de 11 mois, en 179 mensualités de 187 euros au taux nominal d'intérêt de 5,60 % l'an.

M. X. n'ayant réglé aucune mensualité de remboursement, la banque SOLFEA lui a notifié la déchéance du terme du prêt par lettre recommandée du 4 juin 2013, puis a agi à son encontre en remboursement du prêt en capital et intérêts par assignation du 2 octobre 2013.

Par jugement du 9 avril 2014, le Tribunal de commerce de Nanterre a ouvert la liquidation judiciaire de la SAS CES.

Par assignations du 13 août 2014, M. X. a agi à l'encontre de la SAS CES et de son liquidateur judiciaire essentiellement en garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.

Les deux instances ont été jointes devant le Tribunal d'instance de la Roche-sur-Yon.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS de la DÉCISION :

1 - Sur la procédure :

1.1 - L'incident tiré par la banque SOLFEA de la caducité de la déclaration d'appel est irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée, en application de l'article 914 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, à l'ordonnance du Conseiller de la mise en état en date du 12/10/2015 qui l'a rejeté et qui n'a pas été frappée de déféré.

1.2 - Dès lors que la banque SOLFEA n'a pas, dans le dispositif de ses conclusions susvisées, formé d'appel incident à l'encontre de la disposition du jugement entrepris par laquelle le Tribunal d'instance de la Roche-sur-Yon a retenu sa compétence matérielle, et qu'en vertu de l'article 954 alinéa 2 du Code de Procédure Civile la Cour n'est saisie que des prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties, il en résulte que les développements de la banque SOLFEA, sur plusieurs dizaines pages de ses conclusions, sur une prétendue compétence matérielle du Tribunal de commerce, sont sans objet.

 

2 - Sur le fond :

2.1 - A titre préliminaire, toutes les références ci-après aux articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation visent leur rédaction en vigueur au 11 janvier 2012, date de conclusion du contrat litigieux.

2.2 - Le contrat conclu le 11 janvier 2012 entre M. X. et la SAS CES est présenté sous la forme d'un contrat par démarchage à domicile.

Il désigne nominativement le démarcheur, conformément à la prescription de l'article L. 121-23 § 1° du Code de la consommation.

Il comporte en 3ème page la reproduction des articles L. 121-23 à L. 121-26 du même code, prescrite par l'article L. 121-23 § 7° du même code.

Il comporte en 4ème page un formulaire détachable de renonciation conformément à la prescription de l'article L. 121-24 du même code, comportant les mentions prescrites par les articles R. 121-3 et R. 121-5 du même code.

Enfin, le contrat énonce, par mention manuscrite, qu'il a été conclu au [ville 85], localité dans laquelle réside M. X.

Il n'est pas allégué par la banque SOLFEA que la SAS CES, dont le siège social est établi à [ville 92], aurait eu un point de vente ou un revendeur/installateur agréé au [ville 85].

L'ensemble de ces éléments fait présumer, de manière suffisamment grave, précise et concordante, que ledit contrat a été conclu par démarchage à domicile, de sorte qu'il est régi par les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, ainsi que l'invoque M. X.

La banque SOLFEA dénie vainement l'applicabilité des dispositions du code de la consommation (régime du démarchage à domicile) au motif que la vente à EDF d'électricité produite par installation photovoltaïque constituerait un ensemble d'actes de commerce et qu'en conséquence seules seraient applicables les dispositions du Code de Commerce.

En premier lieu, l'article L. 121-22 § 4° du Code de la consommation exclut du domaine d'application du régime du démarchage à domicile les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.

Il s'en déduit que ne sont visés par cette disposition exclusive que les contrats conclus avec un acquéreur agissant à titre professionnel.

Tel n'est pas le cas [de M. X.] qui n'exerce aucune profession industrielle, commerciale ou artisanale puisqu'il exerce celle de cariste salarié (mentionnée en 2ème page du contrat de crédit affecté) à laquelle ne se rattache aucunement l'utilisation d'une installation photovoltaïque.

Par ailleurs, dès lors que ses conditions légales d'application sont remplies, le régime du démarchage à domicile s'impose aux parties en ce qu'il est d'ordre public puisque sa violation est sanctionnée pénalement par l'article L. 121-28 du même code.

Il est donc indifférent que la vente à EDF d'électricité produite par installation photovoltaïque puisse être qualifiée d'actes de commerce - selon la banque SOLFEA-, dès lors que ces actes de commerce isolés (cette qualification n'étant retenue que pour les seuls besoins du raisonnement) n'auraient pas été accomplis par M. X. à titre professionnel (si l'installation avait fonctionné).

Il résulte des motifs qui précèdent que le contrat conclu entre la SAS CES et M. X. est soumis au régime juridique du démarchage à domicile fixé par les articles L. 121-21 et suivants (anciens) du Code de la consommation.

2.3 - Par avis du 4 novembre 2014, la Cour a invité les parties à présenter leurs observations, par note en délibéré, sur les moyens tirés d'office, en application de l'article L. 141-4 du même code :

- du taux effectif global de 5,75 % mentionné dans le contrat principal et stipulé dans le contrat de crédit affecté, susceptible d'être erroné (au lieu de 6,62 %) comme n'intégrant pas le coût des intérêts capitalisés mensuellement pendant la période de différé initial de 11 mois,

- des conséquences susceptibles d'en résulter au regard des articles L. 121-23 § 6° et L. 311-32 du code de la consommation.

Par note en délibéré du 5 novembre 2015, la banque SOLFEA fait valoir :

- qu'il n'y aurait pas d'anatocisme pendant la période de différé d'amortissement, les sommes ne produisant pas à leur tour d'intérêt,

- que « tout a été pris en considération dans le coût total du crédit et il n'y a pas d'erreur à quelque titre que ce soit »,

- que la preuve d'une éventuelle erreur ce calcul incomberait à l'appelant en application de l'article 1315 du Code Civil,

- subsidiairement, en cas d'irrégularité, que la banque SOLFEA pourrait encourir « la perte des intérêts contractuels ».

Le contrat conclu entre M. X. et la SAS CES mentionne en page 2, dans la rubrique « conditions de paiement », un TEG de 5,75 %.

Le contrat de crédit affecté conclu entre M. X. et la banque SOLFEA fait mention d'un prêt de 21.500 euros pour une durée de 190 mois, remboursable en 179 mensualités de 187 euros (sans assurance) au taux nominal d'intérêt de 5,60 % l'an moyennant un taux effectif global de 5,75 %.

Le tableau d'amortissement du prêt fait mention d'un différé d'intérêts et d'amortissement du capital pendant les 11 premiers mois, suivi de 179 mensualités de 187 euros.

Il révèle en outre :

- que, durant ces 11 premiers mois, le capital prêté de 21.500 euros est productif d'intérêts au taux contractuel de 5,60 % l'an, capitalisés mensuellement,

- qu'ainsi, avant la 12ème mensualité (première mensualité après différé), le capital amortissable est de 22.629,79 euros (21.500 euros en capital initial + 1.129,79 euros en intérêts capitalisés).

En premier lieu, dans sa note en délibéré, la banque SOLFEA nie inutilement l'évidente capitalisation mensuelle des intérêts opérée par elle pendant la période de différé d'amortissement.

Dans le tableau d'amortissement qu'elle a produit, les intérêts sont calculés comme suit durant la période d'amortissement (seules sont évoquées les 4 premières mensualités à titre d'échantillon) :

- mensualité 1 : 100,33 euros

- mensualité 2 : 100,80 euros

- mensualité 3 : 101,27 euros

- mensualité 4 : 101,74 euros

Ces sommes sont induites par les calculs d'intérêts suivants qui démontrent la capitalisation mensuelle des intérêts appliquée par la banque :

100,33 euros = 21.500 euros x 5,60 % / 12

100,80 euros = (21.500 euros + 100,33 euros) x 5,60 % /12

101,27 euros = (21.600,33 euros + 100,80 euros) x 5,60 % /12

101,74 euros = (21.701,13 euros + 101,27 euros) x 5,60 % / 12.

Dans l'hypothèse d'une absence de capitalisation des intérêts, la base de calcul de ces derniers aurait été fixe (21.500 euros, montant du capital prêté), et leur montant mensuel aurait été constant.

En second lieu, mathématiquement, un prêt de 21.500 euros remboursable, sans différé d'amortissement, en 179 mensualités au taux nominal d'intérêt de 5,60 % l'an induit des mensualités d'un montant de 177,45 euros, et un taux effectif global de 5,75 % (taux équivalent ou « actuariel » au sens de l'article R. 313-1 § III du Code de la Consommation, s'agissant d'un crédit à la consommation).

En revanche, un prêt de 21.500 euros remboursable, après un différé de 11 mois avec intérêts capitalisés mensuellement, en 179 mensualités de 187 euros, induit mathématiquement un taux effectif global de 6,62 % (taux équivalent).

Il s'en déduit que le taux effectif global de 5,75 % mentionné dans le contrat principal conclu entre M. X. et la SAS CES (et stipulé dans le contrat de crédit associé conclu entre M. X. et la banque SOLFEA) est erroné en ce qu'il n'intègre pas le montant des intérêts capitalisés mensuellement pendant la période de différé initial de 11 mois, en violation de l'article L. 313-1 alinéa 1er du même code qui dispose : Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

L'affirmation de la banque SOLFEA selon laquelle « tout a été pris en considération dans le coût total du crédit et il n'y a pas d'erreur à quelque titre que ce soit » est dénuée de portée, dès lors que, d'une part, elle n'est étayée par aucune démonstration mathématique de l'exactitude du taux effectif global contractuellement stipulé, et que, d'autre part, elle n'apporte aucune réfutation mathématique au montant du taux effectif global énoncé dans l'avis de la Cour du 4 novembre 2015 (6,62 % au lieu de 5,75 % contractuellement stipulé).

En troisième lieu, la banque SOLFEA soutient vainement qu'il incomberait à M. X. de rapporter la preuve de l'inexactitude du taux effectif global contractuellement stipulé, alors que l'avis de la Cour du 4 novembre 2015 a expressément énoncé que le moyen tiré de l'inexactitude du taux effectif global contractuellement stipulé est relevé d'office par la Juridiction en application de l'article L.141-4 du Code de la consommation.

L'article L. 121-23 du même code dispose en son alinéa 1er et son § 6° :

Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes : (...) 6° - (...) en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, (...) le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions de l'article L. 313-1.

La mention, dans le contrat principal, d'un taux effectif global erroné du crédit affecté est assimilable à une absence de mention du taux effectif global, et est constitutive d'une irrégularité sanctionnée par la nullité de ce contrat principal en application du texte précité.

La banque SOLFEA soutient à tort que cette nullité relative serait couverte par la volonté [de M. X.] d'exécuter le contrat, qu'il aurait réitérée à plusieurs reprises, de façon incontestable et en pleine connaissance de cause.

Au sens de l'article 1338 du Code Civil invoqué par la banque SOLFEA, la ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet une action en nullité est conditionnée par la connaissance du vice affectant l'acte générateur de l'obligation.

Tel n'est pas le cas en l'occurrence puisque l'irrégularité induisant la nullité du contrat (mention d'un taux effectif global erroné) n'a été révélée à M. X. que par l'avis précité de la Cour en date du 4 novembre 2014.

Il résulte des motifs qui précèdent que le contrat conclu le 11 janvier 2012 entre M. X. et la SAS CES est nul en raison de la mention d'un taux effectif global erroné du crédit affecté, cette nullité étant relevée d'office en application de l'article L. 141-4 du Code de la consommation.

2.4 - Il résulte de l'article L. 311-1 § 2° du même code que le régime du crédit à la consommation est applicable à l'emprunteur ou consommateur que constitue une personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle (et régie par le § 4° du même article et par l'article L. 311-2 du même code).

Il se déduit de ce texte que seule est exclue du domaine d'application du régime du crédit à la consommation l'activité commerciale exercée par l'emprunteur, cette activité impliquant un caractère habituel, principal, et/ou professionnel.

De même, l'article préliminaire du Code de la consommation définit le consommateur comme étant toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

Il s'en déduit que le crédit affecté à l'acquisition d'une installation photovoltaïque sur l'immeuble d'habitation d'un emprunteur exerçant l'activité professionnelle de cariste salarié, est soumis au régime du crédit à la consommation, et que le fait que l'intéressé soit susceptible d'accomplir des actes de commerce isolés (selon la qualification invoquée par la banque SOLFEA) à titre non professionnel en vendant à EDF l'électricité produite par cette installation, ne caractérise par une exception légale à l'application de ce régime.

En outre, le régime du crédit à la consommation est d'ordre public en application de l'article L. 313-17 du même code, et l'article 6 du Code Civil interdit aux parties d'y déroger.

Il résulte des motifs qui précèdent que le contrat de crédit affecté conclu entre la banque SOLFEA et M. X. est soumis au régime légal du crédit à la consommation, en confirmation du jugement dont appel.

2.5 - En vertu de l'article L. 311-32 alinéa 1er du même code, invoqué par M. X., le contrat de crédit affecté est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé.

En conséquence, la nullité du contrat conclu entre M. X. et la SAS CES résultant des motifs qui précèdent (§ 2.3) induit la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre M. X. et la banque SOLFEA.

2.6 - Les deux parties conviennent de ce qu'en droit, il se déduit de la nullité du contrat de crédit affecté provoquée par la nullité du contrat principal, que chacune des parties à l'opération doit être remise en l'état antérieur et, s'agissant du contrat de crédit, que l'emprunteur est tenu de restituer au prêteur les fonds empruntés, sauf en cas de faute de ce dernier dans l'exécution du contrat, faute le privant de son droit à remboursement envers l'emprunteur.

En l'occurrence, la banque SOLFEA a commis une première faute en ayant versé à la SAS CES les fonds prêtés sans avoir procédé préalablement aux vérifications nécessaires du contrat principal, qui lui auraient permis de constater que ce dernier était affecté d'une cause de nullité inhérente à la mention d'un taux effectif global erroné, irrégularité qu'elle était particulièrement à même de déceler en sa qualité d'organisme de crédit professionnel.

La banque SOLFEA a commis une deuxième faute en ayant versé à la SAS CES les fonds prêtés sur la base d'une attestation de fin de travaux dont le caractère suspect - et donc non probant - était aisément décelable par la banque, puisque la signature apposée sur cette attestation au nom de l'emprunteur n'était manifestement pas celle [de M. X.].

L'examen comparatif des trois signatures apposées par M. X. en deuxième, troisième et quatrième pages du contrat de crédit, et celle apposée par lui sur le contrat principal conclu avec la SAS CES, fait apparaître qu'elles présentent un graphisme semblable.

En revanche, l'examen de la signature apposée au nom de l'emprunteur sur l'attestation de fin de travaux fait apparaître que son graphisme présente des dissemblances flagrantes par rapport aux quatre pièces de comparaison précitées, en ce que :

- le graphisme des quatre pièces de comparaison s'achève, en partie droite, par une lettre « t » aisément identifiable, qui ne figure aucunement dans le graphisme suspect ;

- le graphisme suspect présente, dans le plan horizontal, une inclinaison marquée, en élévation de la gauche vers la droite, et dans le plan vertical, une inclinaison vers la gauche en partie supérieure, alors que le graphisme des pièces de comparaison ne présente aucune inclinaison significative dans l'un ou l'autre plan vertical et horizontal,

- le graphisme suspect comporte, à son extrémité droite, un trait oblique constituant l'achèvement d'une boucle de soulignement, trait qui ne figure aucunement dans les quatre pièces de comparaison.

M. X. fait donc valoir à bon droit que les fautes commises par la banque SOLFEA dans l'exécution du contrat la prive du droit de réclamer à l'emprunteur le remboursement du capital prêté.

La banque SOLFEA soutient vainement que la privation de son droit de réclamer à l'emprunteur le remboursement du capital prêté procurerait à ce dernier un enrichissement sans cause, alors : qu'en premier lieu et essentiellement, la privation de ce droit est précisément causée par les fautes commises par la banque ; et qu'en second lieu et en tant que de besoin, il n'est pas établi que l'installation photovoltaïque litigieuse soit en état de fonctionnement ni, donc, qu'elle procure à M. X. un enrichissement.

Il résulte des motifs qui précèdent que l'action en remboursement de la banque SOLFEA à l'encontre [de M. X.] doit être rejetée.

 

3 - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :

La banque SOLFEA, partie perdante, doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

La demande indemnitaire présentée par l'avocat de M. X. sera accueillie à hauteur de 2.500 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Déclare irrecevable l'incident tiré devant la Cour par la banque SOLFEA de la caducité de la déclaration d'appel.

Confirme le jugement du Tribunal d'instance de la Roche-sur-Yon en date du 20 novembre 2014, mais uniquement en ce qu'il a :

- dit que le contrat de crédit souscrit par M. X. auprès de la banque SOLFEA le 11 janvier 2012 est un crédit à la consommation soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation,

- retenu sa compétence pour connaître du litige.

Infirme ledit jugement en ses autres dispositions et, statuant à nouveau,

Dit et juge que le contrat de fourniture et pose d'une installation photovoltaïque conclu le 11 janvier 2012 entre la SAS CES et M. X. est soumis aux articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation régissant le démarchage à domicile, dans leur rédaction en vigueur à la date du contrat.

Constate la nullité dudit contrat de fourniture et pose d'une installation photovoltaïque conclu le 11 janvier 2012 entre la SAS CES et M. X.

Prononce en conséquence l'annulation du contrat de prêt affecté à ce contrat principal, conclu le 11 janvier 2012 entre la banque SOLFEA et M. X.

Dit et juge que les fautes commises par la banque SOLFEA la prive du droit à remboursement des sommes prêtées envers M. X.

En conséquence, rejette tous chefs de demande formés par la banque SOLFEA à l'encontre [de M. X.].

Condamne la banque SOLFEA à verser à la SCP BCJ-BROSSIER-CARRE-JOLY, avocat [de M. X.] bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, une indemnité de 2.500 euros (deux mille cinq cents euros) en application de l'article 37 § 2° de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Condamne la banque SOLFEA aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés selon les règles applicables en matière d'Aide Juridictionnelle.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT,