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CA ROUEN (ch. civ. et com.), 29 octobre 2015

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (ch. civ. et com.), 29 octobre 2015
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), ch. civ. et com.
Demande : 14/03420
Date : 29/10/2015
Nature de la décision : Avant dire droit
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5409

CA ROUEN (ch. civ. et com.), 29 octobre 2015 : RG n° 14/03420

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu qu'au soutien de leur exception d'incompétence les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy font valoir essentiellement que : - au regard de l'article L. 442-6 du Code de commerce, texte d'ordre public, la détermination du tribunal compétent n'est pas subordonnée à l'examen du bien-fondé des demandes, - il suffit que le droit des pratiques anticoncurrentielles soit invoqué comme moyen de défense, pour que la compétence spéciale s'applique, - par conséquent les premiers juges auraient dû relever d'office leur incompétence sans recherche préalable de l'existence ou non d'un déséquilibre significatif ;

Mais attendu que saisie d'une exception d'incompétence la cour d'appel doit tenir compte de tous les éléments de nature à avoir une influence sur la question de la compétence et les apprécier dans cette mesure ; Attendu qu'en conséquence, pour déterminer en l'espèce la juridiction compétente il convient de déterminer au préalable si les éléments de la cause montrent l'existence d’une pratique consistant à soumettre l'une des parties à chacun des contrats de maintenance à une ou des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations au sens de l'article L. 442- 6 du code de commerce ; […]

Mais attendu qu'il est constant que lors de la formation des contrats les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy étaient, chacune, représentée par son dirigeant de droit ; Que ces conventions ont été librement négociées entre d'une part la société Méthanergy et la société Margeriaz Energie et d'autre part la société Biomateq ; Que l'existence d’un désaccord entre d'une part la société Méthanergy et la société Margeriaz Energie et d'autre part le dirigeant qui les a représentées lors de la formation des contrats ne permet pas en lui-même de remettre en cause la validité de ces conventions ; Attendu qu'il n'est pas démontré en particulier que la société Biomateq soit intervenue dans la résiliation du contrat de maintenance conclu avec son prédécesseur, la société MTO Eurosgem, ni qu'elle ait ensuite imposé ou tenté d'imposer à ses deux cocontractantes des obligations créant un déséquilibre significatif ;

Attendu concernant la durée d'exécution des conventions que le fait que des contrats de maintenance conclus avec des tiers à la présente instance, (et en particulier celui du prédécesseur de la société Biomateq), porte sur une durée inférieure à celle des deux contrats de maintenance concernés, ne prouve pas en lui-même l'existence d'une irrégularité tenant à la durée d'exécution convenue entre les parties ; Qu'au surplus la société Biomateq fait valoir, sans être démentie sur ce point, que les contrats conclus avec EDF et avec la société chargée de la maintenance du moteur de chacun des deux sites ont une durée de 15 ans ;

Attendu que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy invoquent en outre, comme constituant une obligation créant un déséquilibre significatif, les conséquences financières d'une résiliation anticipée ; Mais attendu que ces conséquences ne sont pas expressément définies par les contrats concernés ; qu'elles résultent exclusivement des règles habituelles de réparation du préjudice mises en œuvre en cas de résiliation anticipée des contrats à durée déterminée ; Attendu par ailleurs que les clauses relatives à la possibilité de résiliation respectivement ouvertes aux parties résultent de la négociation des contrats ; que l'article 11 de ceux-ci prévoit ainsi pour chaque partie la possibilité de résilier le contrat en cas d'inexécution d'une obligation essentielle, le client (les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy) disposant en outre du pouvoir de résiliation de plein droit en cas de faute grave ; Que le fait de ne pas avoir prévu de faculté de résiliation anticipée au profit du client (les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy) résulte de la négociation contractuelle ; Que la clause contractuelle (article 13) intitulée « transfert des droits et obligations » qui permet à l'entreprise de céder ou d'apporter le contrat à toute société sans que le client ne puisse, sauf raison de sécurité, s’opposer au transfert, ne prévoit pas en elle-même, à la charge du client, une obligation créant un déséquilibre significatif ;

Attendu qu'au vu de qui précède il n'est pas établi que l'affaire soulève des questions portant sur la commission, par une partie au contrat, de pratiques anti-concurrentielles au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce et qui à ce titre relèveraient de la compétence exclusive des juridictions spécialisées en ce domaine ;

Que l'exception d'incompétence n'est donc pas fondée ».

2/ « Mais attendu que les contrats de maintenance concernés ont été librement négociés entre les parties ; qu'il n'est pas démontré de la part de la société Biomateq l’existence d'un comportement déloyal dans le cadre de la formation du contrat, la preuve du reproche invoqué ne pouvant se déduire de la seule présence des clauses relatives à la durée des conventions et au prix des prestations ».

 

COUR D’APPEL DE

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/03420. DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 23 juin 2014 : R.G. n° 13-6961.

 

APPELANTE :

SASU BIOMATEQ

représentée par Maître Yannick E. de la SELARL YANNICK E.-CHRISTIAN H., avocat au barreau de ROUEN, postulant ; assistée de Maître Laure V., avocat au barreau de ROUEN, plaidant

 

INTIMÉES :

SAS MARGERIAZ ENERGIE

Représentée par son Président

SASU METHANERGY

Représentée par son Président

représentées par Maître Sébastien M., avocat au barreau de ROUEN, postulant ; assistées de Maître Jean-Christophe C., avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 septembre 2015 sans opposition des avocats devant Monsieur FARINA, Président, en présence de Madame BERTOUX, Conseiller ; Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Monsieur FARINA, Président, Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller, Madame BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme LAKE, Greffier

DÉBATS : À l'audience publique du 10 septembre 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 octobre 2015

ARRÊT : CONTRADICTOIRE ; Prononcé publiquement le 29 octobre 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Monsieur FARINA, Président et par Mme J.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat du 20 juillet 2010 la société Margeriaz Energie a confié à la société Biomateq, pour une durée de quinze ans, moyennant une redevance annuelle de 49.398 euros l'entretien d'une installation de valorisation biogaz située sur le site de [ville G.] exploité par la société Etares.

Les prestations suivantes étaient confiées à la société Biomateq :

- visites sur site 3 fois par semaine,

- vidanges du groupe moteur,

- nettoyage,

- remplacement du charbon actif,

- astreinte,

- et outre ces interventions de maintenance, des dépannages facturés en supplément du forfait annuel au taux horaire de 87 euros ht.

Un avenant au contrat prévoit les autres prestations suivantes :

- réglage du réseau de captage de biogaz,

- visites de contrôle de l'échangeur thermique du moteur,

- soit au total 24 visites de réglages moyennant un forfait annuel de 6.960 euros.

Par contrat du 6 août 2010 la société Méthanergy a confié à la société Biomateq pour une durée de 3 ans moyennant une redevance annuelle de 28.440 euros l'entretien de l'installation de valorisation biogaz située sur le site de [ville F.] exploité par la société IKOS Environnement, et ce avec la mission principale suivante :

- visites du site deux fois par semaine,

- vidange du groupe des moteurs,

- nettoyage des aéro-réfrigérants,

- astreinte,

- interventions de dépannage facturées en supplément du forfait annuel (au taux horaire unique de 87 euros).

Par avenant du 29 octobre 2010 la durée de ce contrat a été portée à 6 ans.

Par courriers du 22 janvier 2013 la société Margeriaz et la société Méthanergy ont notifié à la société Biomateq la résiliation des deux contrats susvisés avec préavis de trois mois (expirant le 30 avril 2012).

Estimant ces résiliations injustifiées, la société Biomateq a assigné le 29 juillet 2013 en indemnisation de préjudice, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy devant le Tribunal de Commerce de Rouen.

Soutenant que la société Biomateq les avait soumises à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce, les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy, ont soulevé, sur le fondement de ce texte et de l'article D. 442-3 du même code (prévoyant, en présence de pratiques anti-concurrentielles, la compétence exclusive de juridictions désignées par décret) l'incompétence de la juridiction saisie.

Par jugement en date du 23 juin 2014, le Tribunal de commerce de Rouen :

- s'est déclaré compétent pour connaître du litige,

- a retenu le principe de la responsabilité de la société Méthanergy et de la société Margeriaz Energie,

- a débouté la société Biomateq de sa demande d'indemnisation faute de production d'éléments permettant d'évaluer le préjudice allégué,

- débouté la société Méthanergy et la société Margeriaz Energie de leurs demandes reconventionnelle en restitution de trop-perçu,

- rejeté les demandes en paiement formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- et partagé les dépens par moitié entre les parties.

 

La société BIOMATEQ a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 11 août 2015, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy ont commis des fautes en résiliant abusivement les contrats de maintenance les liant à la société Biomateq,

- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation à paiement de dommages-intérêts,

- et statuant de nouveau,

- dire que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy ont commis une faute en résiliant unilatéralement et abusivement les contrats qui les lient à la société Biomateq,

- en conséquence,

- condamner in solidum les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy à lui payer la somme de 383.349 euros de dommages-intérêts au titre de la perte de marge résultant de la résiliation anticipée des contrats,

- débouter la société Méthanergy et la société Margeriaz Energie de leurs demandes formées contre la société Biomateq,

- condamner in solidum la société Méthanergy et la société Margeriaz Energie aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par conclusions du 4 septembre 2015 les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy demandent à la cour de :

- au visa des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce,

- 1842 du code civil et L. 210-6 du Code de Commerce

- 1134 et 1147 du code civil,

- 9 et 146 du Code de procédure civile,

- au principal,

- infirmer la décision déférée en ce que le Tribunal de commerce de Rouen s'est déclaré compétent, et déclarer compétent le Tribunal de commerce de Tourcoing ;

- s'il était néanmoins statué :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que les sociétés Margeriaz energie et Méthanergy avaient engagé leur responsabilité contractuelle du fait de l'intervention d'un de leur technicien sur le site Etares, et dire qu'aucune faute ne peut leur être reprochée de ce fait,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que la rupture des contrats par la société Margeriaz Energie et par la société Méthanergy était brutale et dire qu'il n'est pas prouvé que cette rupture ait été fautive,

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que la société Biomateq ne rapporte pas la preuve de son préjudice indemnisable,

- en conséquence, rejeter les demandes de la société Biomateq

- subsidiairement,

- prononcer la résolution judiciaire des deux contrats aux torts exclusifs de la société Biomateq avec effet au 31 décembre 2012 ;

- rejeter en conséquence l'ensemble de ses demandes.

- et s'il était à nouveau statué :

- à titre reconventionnel :

-infirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté les demandes de paiement les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy au titre de la facturation injustifiée et de la restitution d'un trop-perçu,

- condamner la société Biomateq à payer à titre de restitution de trop-perçu et facturation injustifiée la somme de 114.000 euros à la société Margeriaz Energie et celle de 6.000 euros à la société Méthanergy,

- en tout état de cause,

- condamner la société Biomateq aux dépens de première instance et d'appel et la condamner au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus ample des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Cela étant exposé :

I) Sur l'exception d'incompétence :

Attendu qu'au soutien de leur exception d'incompétence les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy font valoir essentiellement que :

- au regard de l'article L. 442-6 du Code de commerce, texte d'ordre public, la détermination du tribunal compétent n'est pas subordonnée à l'examen du bien-fondé des demandes,

- il suffit que le droit des pratiques anticoncurrentielles soit invoqué comme moyen de défense, pour que la compétence spéciale s'applique,

- par conséquent les premiers juges auraient dû relever d'office leur incompétence sans recherche préalable de l'existence ou non d'un déséquilibre significatif ;

Mais attendu que saisie d'une exception d'incompétence la cour d'appel doit tenir compte de tous les éléments de nature à avoir une influence sur la question de la compétence et les apprécier dans cette mesure ;

Attendu qu'en conséquence, pour déterminer en l'espèce la juridiction compétente il convient de déterminer au préalable si les éléments de la cause montrent l'existence d’une pratique consistant à soumettre l'une des parties à chacun des contrats de maintenance à une ou des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations au sens de l'article L. 442- 6 du code de commerce ;

Attendu qu’en cause d'appel, les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy n'exposent pas, au soutien de leur exception d'incompétence, les éléments qui, selon elles, caractérisent la pratique anti-concurrentielle alléguée ;

Que cet exposé est présenté par la société Biomateq, qui reprend à cet égard la discussion intervenue sur ce point en première instance ; qu'il y a donc lieu de s'y référer ;

Attendu que sont ainsi mises en cause par les sociétés Méthanergy et Margeriaz Energie les obligations tenant :

- à la durée de chacun des contrats, soit respectivement 15 ans pour celui conclu avec la société Margeriaz Energie, et 6 ans pour l'autre contrat,

- à la possibilité (prévue par l'article 13 des contrats intitulé : « Transfert des droits et obligations ») pour la société Biomateq de sortir librement de chacun des contrats, alors que de son côté en leur imposant une durée anormale d'exécution de 15 et 6 ans, elle les soumet à l'obligation de payer en cas de résiliation anticipée d'importantes indemnités calculées en fonction de ces durées ;

Qu'à l'appui de leurs prétentions les sociétés Méthanergy et Margeriaz Energie exposaient que :

- ces conditions contractuelles de durée et de sortie de contrat sont en réalité des avantages disproportionnés, indûment consentis à la société Biomateq par M. J. qui, étant alors leur dirigeant, entretenait des relations personnelles avec le dirigeant de la société Biomateq,

- à cette fin et de façon inexpliquée, pour conclure avec la société Biomateq des contrats désavantageux pour les sociétés qu'il dirigeait, M. J. avait au préalable mis fin pour les deux sites (ETARES et IKOS) au contrat de maintenance qui venait d'être conclu, le 23 mars 2010 avec la société MTO Eurosgem,

- en outre, alors que cette rupture du contrat du 23 mars 2010 était motivée par une faute du technicien de la société MTO Eurosgem, ce même technicien qui a été repris par la société Biomateq pour l'exécution des deux contrats de maintenance litigieux ;

Mais attendu qu'il est constant que lors de la formation des contrats les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy étaient, chacune, représentée par son dirigeant de droit ;

Que ces conventions ont été librement négociées entre d'une part la société Méthanergy et la société Margeriaz Energie et d'autre part la société Biomateq ;

Que l'existence d’un désaccord entre d'une part la société Méthanergy et la société Margeriaz Energie et d'autre part le dirigeant qui les a représentées lors de la formation des contrats ne permet pas en lui-même de remettre en cause la validité de ces conventions ;

Attendu qu'il n'est pas démontré en particulier que la société Biomateq soit intervenue dans la résiliation du contrat de maintenance conclu avec son prédécesseur, la société MTO Eurosgem, ni qu'elle ait ensuite imposé ou tenté d'imposer à ses deux cocontractantes des obligations créant un déséquilibre significatif ;

Attendu concernant la durée d'exécution des conventions que le fait que des contrats de maintenance conclus avec des tiers à la présente instance, (et en particulier celui du prédécesseur de la société Biomateq), porte sur une durée inférieure à celle des deux contrats de maintenance concernés, ne prouve pas en lui-même l'existence d'une irrégularité tenant à la durée d'exécution convenue entre les parties ;

Qu'au surplus la société Biomateq fait valoir, sans être démentie sur ce point, que les contrats conclus avec EDF et avec la société chargée de la maintenance du moteur de chacun des deux sites ont une durée de 15 ans ;

Attendu que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy invoquent en outre, comme constituant une obligation créant un déséquilibre significatif, les conséquences financières d'une résiliation anticipée ;

Mais attendu que ces conséquences ne sont pas expressément définies par les contrats concernés ; qu'elles résultent exclusivement des règles habituelles de réparation du préjudice mises en œuvre en cas de résiliation anticipée des contrats à durée déterminée ;

Attendu par ailleurs que les clauses relatives à la possibilité de résiliation respectivement ouvertes aux parties résultent de la négociation des contrats ; que l'article 11 de ceux-ci prévoit ainsi pour chaque partie la possibilité de résilier le contrat en cas d'inexécution d'une obligation essentielle, le client (les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy) disposant en outre du pouvoir de résiliation de plein droit en cas de faute grave ;

Que le fait de ne pas avoir prévu de faculté de résiliation anticipée au profit du client (les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy) résulte de la négociation contractuelle ;

Que la clause contractuelle (article 13) intitulée « transfert des droits et obligations » qui permet à l'entreprise de céder ou d'apporter le contrat à toute société sans que le client ne puisse, sauf raison de sécurité, s’opposer au transfert, ne prévoit pas en elle-même, à la charge du client, une obligation créant un déséquilibre significatif ;

Attendu qu'au vu de qui précède il n'est pas établi que l'affaire soulève des questions portant sur la commission, par une partie au contrat, de pratiques anti-concurrentielles au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce et qui à ce titre relèveraient de la compétence exclusive des juridictions spécialisées en ce domaine ;

Que l'exception d'incompétence n'est donc pas fondée ;

 

II) Sur la nullité des contrats :

Attendu que dans le corps de leurs dernières conclusions les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy font valoir que les deux conventions concernées contiennent des irrégularités qui entraînent leur nullité ;

Mais attendu que dans le dispositif de ces conclusions, elles ne formulent, aucune demande à ce titre ;

Attendu que selon les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » ;

Que de ce qui précède il résulte que la cour n'est pas saisie de demandes d'annulation de conventions.

 

III) Sur la demande d'indemnisation de préjudice pour résiliation fautive :

A) Sur la responsabilité :

Attendu que la société Biomateq expose que s'agissant de contrats à durée déterminée la convention conclue avec la société Méthanergy devait se terminer le 31 juillet 2016, l'autre convention devant se terminer le 30 juin 2025 ;

Qu'elle fait valoir que :

- ces deux conventions ne pouvaient être résiliées unilatéralement de manière anticipée que dans les conditions prévues par l'article 11 de chacune d'elles, à savoir en cas de faute grave ou d'inexécution d'une obligation essentielle à la réalisation de la mission ;

- que contrairement aux dispositions de ce texte les lettres de résiliation adressées le 22 janvier 2013, n'ont pas été précédées d'une mise en demeure ;

- que ces courriers ne mentionnent aucun motif de résiliation ;

- qu'avant l'envoi de ces courriers aucun reproche ne lui avait été adressé,

Attendu que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy font valoir que :

- le non-respect des règles de forme prévues par l'article 11 des conventions n'entraîne pas l'impossibilité pour elles de se prévaloir de la clause de résiliation de plein droit,

- qu'en application de l'article 1162 du Code civil cette stipulation doit s'interpréter en leur faveur, en ce sens que le non-respect des règles de forme ne peut être sanctionné par une déchéance du droit d'invoquer la clause de résiliation contractuelle ;

- que des interpellations constitutives de mises en demeure au sens de l'article 1146 du Code civil ont été adressées à la société Biomateq avant que ne soit invoquée la résiliation de plein droit,

- subsidiairement l'insertion d'une clause de résiliation unilatérale n'interdit pas l'exercice d'une action en résolution judiciaire sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, la date de résiliation judiciaire devant alors être fixée au 31 décembre 2012 ;

Attendu que selon les dispositions de l'article 11 des contrats conclus avec la société Biomateq : « le présent contrat pourra être résilié de plein droit par le client en cas de faute grave ou d'inexécution par l'entreprise d'une obligation considérée comme essentielle à la réalisation de sa mission.

En tout état de cause le client ne pourra résilier le contrat qu'au terme d'un délai de 60 jours suivant l'envoi par le client d'une mise en demeure restée infructueuse.

La résiliation de plein droit du contrat sera, sous réserve des conditions ci-dessus, effective au bout de 30 jours après réception d'une mise en demeure de régulariser, par lettre recommandée avec avis de réception restée infructueuse, adressée à la partie défaillante » ;

Attendu que des termes ainsi employés, ressort la volonté des parties de subordonner la résiliation de plein droit au respect des conditions relatives à l'envoi préalable d'une mise en demeure de régulariser la situation adressée 60 jours auparavant, la résiliation de plein droit ne pouvant devenir effective qu'à l'expiration d'un délai de 30 jours après l'envoi d'une seconde mise en demeure de régulariser ;

Attendu que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy n'établissent pas avoir adressé dans les conditions prévues par l'article 11 du contrat, préalablement à l'envoi des lettres de résiliation, une mise en demeure à la société Biomateq ;

Que de même elles ne justifient pas des « interpellations suffisantes » qu'elles invoquent ;

Attendu que les conditions de mise en oeuvre de la procédure de résiliation de plein droit n'ayant pas été respectées la société Margeriaz Energie et la société Méthanergy ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article 11 susvisé ;

Attendu en outre qu'en l'absence de dispense expresse et non équivoque, une clause résolutoire ne peut être acquise sans la délivrance préalable d'une mise en demeure restée infructueuse (Cass. civ. 1re 3 janvier 2004) ;

Attendu que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy invoquent à titre subsidiaire, au soutien de leur demande de résiliation, les dispositions de l'article 1184 du Code civil ;

Attendu que selon les dispositions de ce texte : « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement » ;

Attendu que l'insertion d'une clause de résiliation de plein droit ne prive pas les parties du droit de demander la résiliation judiciaire sur le fondement du texte susvisé ;

Qu'il incombe au juge du fond de rechercher si le comportement du cocontractant est d'une gravité suffisante pour justifier la rupture unilatérale du contrat (cass. civ 1re 28 octobre 2003) ;

Attendu, en l'espèce, que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy formulent à l'égard de la société Biomateq les reproches suivants :

- manquement à l'obligation d'assurer la continuité du service,

- non-respect des consignes,

- défaut de fourniture d'un inventaire annuel, mauvaise tenue de registres, et plus généralement absence de proposition d'une solution pour remédier aux problèmes techniques et améliorer le fonctionnement des installations, au point qu'en raison des dysfonctionnements constatés sur le site exploité par la société IKOS, celle-ci a résilié en juillet 2013 le contrat qui l’unissait à la société Méthanergy,

- sur-facturation de prestations (écart entre heures effectuées et heures facturées) ; facturation de dépannages alors qu'ils étaient réalisés lors de visites de contrôle ; écart de prix facturé pour prestations identiques selon qu'elles sont réalisées sur le site exploité par la société IKOS ou sur le site exploité par la société ETARES,

- comportement déloyal :

- au moment de la formation du contrat : consistant à imposer à ses cocontractants une durée anormale d'exécution des contrats,

- au cours du contrat : consistant à procéder à des facturations injustifiées,

- pendant le préavis : consistant à avoir adressé directement aux responsables du site, la société ETARES, un courrier par lequel il lui était indiqué, de façon injustifiée, qu'à la suite d'une décision technique prise par la société Méthanergy les installations présentaient un danger pour la sécurité des personnes et des biens ;

Attendu que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy qui soutiennent avoir adressé des mises en demeure à la société Biomateq avant la notification de la résiliation des contrats ne produisent aucun élément de preuve sur ce point ;

Attendu qu'il convient d'examiner chacun des différents reproches précités ;

Attendu sur la continuité du service, que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy exposent qu'alors que la société Biomateq était tenue d'assurer un suivi constant des installations, l'examen des mains courantes où étaient notées les jours et heures d’interventions, montre l'absence du technicien pendant ses congés pour les périodes :

- du 20 février au 9 mars 2012 sur le site IKOS (contrat conclu avec la société Méthanergy ),

- et du 12 juillet 6 août 2012 le site ETARES (contrats conclus avec la société Margeriaz Energie) ;

Qu'elles soutiennent que malgré des plaintes réitérées la société Biomateq n'a pas remédié à cette situation ;

Mais Attendu en premier lieu qu'un courriel du 29 avril 2012 versé aux débats et invoqué par la société Biomateq, fait ressortir l'existence d'un accord entre la société Méthanergy et la société Biomateq (site IKOS) sur un remplacement mutuel de leurs techniciens pendant les périodes de congés ;

Que le fait que ce courriel évoque un problème de facturation, est sans influence sur le rappel qu'il contient, de l'accord entre les parties relativement à l'organisation des congés ;

Que les pièces produites, en particulier un courriel en date du 28 décembre 2012 montrent que l'auteur du courriel du 29 avril 2012, M. C. était l'un des interlocuteurs de la société Biomateq à la fois pour le site IKOS et pour le site ETARES ; qu'il en résulte que l'organisation des congés mise en place par la société Biomateq n'a soulevé aucune contestation de principe pendant l'exécution des contrats ;

Attendu en second lieu que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy ne produisent aucun élément de preuve des plaintes réitérées alléguées ;

Attendu que compte tenu de ces éléments, d'une part ce premier reproche n'est pas fondé, et d'autre part à le supposer justifié, il ne présenterait pas un degré de gravité tel qu'il rendrait impossible la poursuite des relations contractuelles ;

Attendu que les sociétés Méthanergy et Margeriaz Energie invoquent également au titre du manquement à l'obligation d'assurer la permanence du service, des écarts entre les heures facturées et les heures effectuées par le technicien de la société Biomateq aux dates suivantes : 13 janvier 2012, 15 mars 2012, 5 avril 2012 et 10 mai 2012 ;

Mais attendu que l'écart de facturation allégué est distinct du reproche portant sur la continuité du suivi des installations ; que s'il peut donner lieu le cas échéant à la restitution d'un trop-perçu, il est lui-même sans influence sur la question de la permanence de ce suivi ;

Attendu en outre que la société Biomateq fournit pour chacune des quatre dates invoquées des explications par lesquelles elle évoque :

- des erreurs matérielles, concernant la date du 13 janvier 2012, et celle du 15 mars 2012, des interventions ayant eu lieu en réalité les 12 et 13 janvier 2012 et 15 et 16 mars 1012 ;

- et l'absence de facturation d'une partie des heures mentionnées sur les mains courantes ;

Attendu sur le non-respect des consignes, qu'à l'appui de leurs prétentions les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy produisent des courriels en date respectivement du 18 décembre 2012 et du 7 février 2013 adressés au technicien de la société Biomateq ;

Attendu que le courriel du 18 décembre 2012 ne contient en lui-même aucun reproche ; qu'il s'inscrit dans le cadre d'une discussion entre deux techniciens, celui de la société ETARES évoquant un ensemble de réglages à réaliser ; qu'aucun élément du dossier n'établit que ces réglages n'aient pas ensuite été effectués ;

Que de même il n'est pas démontré que les réglages évoqués par le courriel du 7 février 2013 n'aient pas été réalisées par le technicien de la société Biomateq ;

Qu'il convient d'observer en outre que ce dernier courriel a été adressé à la société Biomateq après l'envoi des lettres de résiliation ;

Attendu sur la mauvaise tenue des registres alléguée, qu'il n'est produit sur ce point aucun élément de preuve de nature à apprécier la réalité du reproche et en particulier les conditions dans lesquelles les registres étaient tenus ;

Attendu sur l'absence de rapport d'intervention concernant le site d'ETARES ainsi que sur l'absence de récapitulatif annuel ou d'inventaire, et plus généralement sur l'absence de proposition pour remédier aux problèmes et améliorer le fonctionnement des installations, que la société Biomateq produit sur ce point un courrier du 5 juin 2012 contenant des propositions d'amélioration et de résolution de problèmes ;

Que par ce courrier elle signalait à la société Méthanergy la nécessité pour celle-ci de respecter un ensemble de recommandations techniques et ce en vue d'éviter une augmentation des dépannages ;

Que la société Méthanergy ne fournit pas d'élément d'appréciation concernant la suite qu'elle aurait donné à ce rappel de recommandations ;

Attendu qu'aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que la rupture du contrat liant la société Méthanergy à la société IKOS, exploitant du site, est due à des manquements imputables à la société Biomateq ;

Attendu concernant les rapports d'intervention et l'inventaire annuel, qu'il n'est pas établi que ces points aient été évoqués avec la société Biomateq par ses co-contractants au cours de l'exécution des contrats ; qu'à le supposer établi, le manquement que la société Biomateq aurait commis à ce titre, n'est pas, en lui-même, d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation des contrats ;

Attendu sur le comportement déloyal lors de la formation du contrat, que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy exposent que lors de la formation du contrat, le directeur général de la société Frey Méthanergy (aux droits de laquelle se trouve la société Méthanergy) et de la société Margeriaz Energie, a avantagé la société Biomateq en concluant avec celle-ci des contrats d'une durée anormale et à des conditions de prix supérieures à la normale ;

Mais attendu que les contrats de maintenance concernés ont été librement négociés entre les parties ; qu'il n'est pas démontré de la part de la société Biomateq l’existence d'un comportement déloyal dans le cadre de la formation du contrat, la preuve du reproche invoqué ne pouvant se déduire de la seule présence des clauses relatives à la durée des conventions et au prix des prestations ;

Attendu sur le comportement déloyal pendant l'exécution de la convention, que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy invoquent :

- d'une part la facturation de dépannages inclus dans le forfait ainsi qu'un écart entre le temps des prestations facturées et le temps passé tel qu'il résulte des mains courantes de visite renseignées par le technicien de la société Biomateq,

- d'autre part une augmentation du nombre de visites techniques à seule fin de percevoir la rémunération correspondante et, plus généralement, un comportement consistant à laisser se dégrader des installations pour pouvoir intervenir plus souvent,

- et par ailleurs une surfacturation des prestations pour le site Etares (concernant le contrat conclu avec la société Margeriaz Energie), puisque l'analyse comparative des coûts de visite montre pour ce site, un prix de prestations plus élevé, que celui pratiqué pour le site OKIS (concernant le contrat conclu avec la société Méthanergy) ;

Attendu sur le premier point qu'au soutien de leurs prétentions la société Margeriaz Energie et la société Méthanergy invoquent les annotations qu'elles ont apposées de façon unilatérale sur les factures de prestations ;

Qu'il convient d'observer qu'aucune observation n'avait été faite sur ce point avant l'envoi des courriers de résiliation du 22 janvier 2013 ;

Attendu que si l'existence d'un écart entre la quantité de prestations effectuées et celle des prestations facturées ou encore la facturation indue de prestations incluses dans le forfait, peuvent justifier l'établissement d'un décompte entre les parties et le cas échéant la restitution d'un trop-perçu, elles ne sauraient constituer en elle-même une faute d'une gravité telle qu'elle justifierait la résiliation du contrat de maintenance ;

Attendu sur le second point que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy ne produisent aux débats aucun élément de preuve à l'appui de leurs affirmations, l'augmentation du nombre de dépannages constatée ne constituant pas en elle-même cette preuve, dès lors que le fonctionnement général des installations dépend de l'intervention de plusieurs techniciens de sociétés différentes sur le site ; que par ailleurs il a été retenu ci-dessus que par courrier du 5 juin 2012 la société Biomateq avait rappelé la nécessité d'observer un ensemble de recommandations techniques ;

Attendu sur le troisième point que le tableau comparatif du coût de visite par site produit aux débats (pièce 24) reprend les données tarifaires définies par les parties dans chacune des deux conventions concernées ; que s'agissant de la convention des parties, le reproche adressé à ce titre n'est pas justifié ;

Attendu sur le comportement déloyal pendant le préavis, que la société Margeriaz Energie expose que la société Biomateq a adressé directement de façon malveillante à l'exploitant du site un courrier en date du 8 février 2013 par lequel de façon injustifiée, elle lui conseillait d'arrêter l'installation devenue, selon elle, dangereuse à la suite d'une intervention du technicien de la société Margeriaz Energie ;

Attendu que la société Biomateq fait valoir qu'elle n'a fait qu'alerter ses interlocuteurs sur une situation dangereuse créée par le technicien de la société Margeriaz Energie ;

Que le courrier de la société Biomateq du 8 février 2013a été adressé à la société Margeriaz Energie avec copie à la société Ikos exploitant du site, ainsi qu'à l'entreprise chargée de la maintenance du moteur ;

Attendu qu'il résulte de ce courrier ainsi que d'un courrier du 18 mars 2013 produit aux débats que la société Biomateq chargée de la maintenance des installations, n'est pas sortie de son rôle en signalant à la fois à son cocontractant et aux autres responsables du site une situation qu'elle estimait dangereuse, le fait que l'entreprise chargée de la maintenance du moteur, interrogée sur ce point par la société Margeriaz Energie, ait émis un avis technique différent ne suffisant pas à établir que la société Biomateq ait agi de mauvaise foi ou par malveillance ;

Que dans le courrier du 8 février 2013 la société Biomateq précise que quelques jours auparavant elle avait déjà eu l'occasion de s'entretenir avec la responsable de la société Etares sur les difficultés évoquées dans ce courrier, que celui-ci n'avait donc pas pour principal objet d'apprendre à la société Etares la situation qui y est relatée ;

Que le reproche concerné n'est pas fondé ;

Attendu que de l'ensemble des développements qui précèdent il résulte que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy ne démontrent pas que la société Biomateq ait commis des manquements contractuels d'un niveau de gravité suffisant pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles et entraîner en conséquence la résiliation des contrats, les problèmes de facturation ci-dessus analysés, ainsi que le défaut de rapport d'intervention et d’inventaire annuel, seuls reproches susceptibles d'être retenus, ne présentant pas un tel degré de gravité ;

Attendu de ce point de vue, que concernant l'état des relations contractuelles avant la rupture des contrats il convient de relever que non seulement les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy ne prouvent pas avoir formulé de reproches à la société Biomateq pendant l'exécution des contrats mais qu'il se déduit de courriers et courriels en date du 29 octobre 2012, 28 décembre 2012 ainsi que 7 février et 13 mars 2013 qu'elle n'avaient alors aucun manquement grave à lui reprocher ;

Attendu en effet que par le courriel du 29 octobre 2012 le représentant de la société Méthanergy écrivait à celui de la société Biomateq ‘ça pourrait être bien qu'on se voit un de ces quatre pour faire le point sur l'année écoulée.., si tu as des remarques à nous faire.’;

Que par courriel du 28 décembre 2012, qui ne contient l'énonciation d'aucun reproche, le représentant des sociétés Méthanergy et Margeriaz Energie proposait à la société Biomateq de nouvelles conditions de collaboration, avec essentiellement un forfait annuel moins élevé ;

Que cette proposition vient contredire l'idée d'un manquement grave de nature à rendre impossible la poursuite des relations contractuelles ;

Attendu que de même par les courriels des 7 février et 13 mars 2013 susvisés le représentant de ces deux sociétés a proposé à la société Biomateq une collaboration pendant un an sur les deux sites ;

Attendu que la société Biomateq demande en outre à la cour de dire que la société Margeriaz Energie a commis une faute en faisant intervenir sur le site d'Etares l'un de ses salariés pour accomplir des prestations techniques de la seule compétence de la société Biomateq ;

Qu'elle fait valoir que dans le seul but de limiter la charge financière des prestations de dépannage les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy ont tenté de lui imposer la présence, sur chacun des deux sites, de leurs techniciens pour effectuer les prestations contractuellement confiées à la société Biomateq ;

Qu'au soutien de ses affirmations elle expose que :

- à compter du 1er janvier 2013 elle avait constaté qu'un technicien de la société Méthanergy effectuait, sur le site d'Étares, des prestations prévues au contrat de maintenance « Biomateq »,

- par courrier du 28 décembre 2012 le représentant des sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy lui a proposé de nouvelles modalités de collaboration aboutissant en réalité à lui retirer certaines des prestations qui lui étaient confiées par contrat ;

Attendu qu'il résulte des dispositions contractuelles que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy conservaient sur chacun des sites des attributions propres ; que le fait pour la société Méthanergy d'avoir fait intervenir un de ses techniciens - ne constitue pas dès lors en lui-même une faute ;

Qu'aucun élément ne permet d'affirmer que ce technicien ait réalisé des prestations prévues au contrat conclu avec la société Biomateq ; que la faute alléguée à ce titre n'est donc pas établie ;

Attendu cependant que, pour l'appréciation du contexte de la résiliation, il convient de relever que le courriel du 28 décembre 2012 a précédé de peu la rupture des contrats ;

Attendu qu'en l'absence de motif suffisant de résiliation, la rupture de chacun des deux contrats est fautive ; que cette faute engage la responsabilité contractuelle des sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy et les oblige à réparer le préjudice en résultant ;

 

B) Sur le préjudice résultant de la rupture :

Attendu que la société Biomateq expose que :

- son préjudice tient à la perte de marge brute qu'elle aurait dû percevoir sur chacun des deux contrats si ceux-ci s'étaient poursuivis jusqu'à leur terme,

- en outre, du fait de la rupture du contrat conclu avec la société Méthanergy l'exploitant du site (la société ETARES) lui a notifié sa décision de ne pas reconduire le contrat de maintenance qu'elle avait directement conclu avec lui ;

- cette décision qui résulte de la résiliation injustifiée notifiée par la société Méthanergy la prive d'un forfait annuel de 22.080 euros ;

Qu'invoquant l'attestation de son expert-comptable en date du 16 juin 2015 elle sollicite pour l'ensemble de son préjudice, le paiement d'une indemnité de 383.349 euros due, selon elle, in solidum par les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy ;

Attendu que pour s'opposer à la demande, les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy font valoir principalement que :

- établie unilatéralement, l'attestation comptable invoquée, ne contient pas d’explications sur le calcul des dépenses qu'elle mentionne ; elle n'est accompagnée d'aucun justificatif,

- elles n'ont pas à supporter les conséquences de la résiliation du contrat « ETARES », seules les défaillances de la société Biomateq étant à l'origine de cette rupture ;

- dans l'attestation susvisée les chiffres retenus sont pris TTC alors qu'ils devraient l'être hors-taxes ;

- l'évaluation de la marge brute retenue dans l'attestation porte à la fois sur le forfait annuel de maintenance et sur les visites sur site pour lesquels une moyenne a été établie,

- or les frais non compris dans le forfait présentent par nature un caractère aléatoire, en sorte que le préjudice subi de ce chef ne constitue qu'un préjudice indirect non indemnisable ou au plus une perte de chance ;

- s'agissant de deux contrats distincts, aucune condamnation in solidum ne peut intervenir ;

Attendu sur le préjudice allégué au titre de la non reconduction du contrat ETARES, que par courrier du 15 novembre 2013, la société Etares a notifié à la société Biomateq sa décision de ne pas reconduire ce contrat pour une nouvelle période de trois ans ; que cette décision est ainsi motivée : « ce contrat avait pour objet le réglage des puits de bio gaz en adéquation avec l'unité de valorisation énergétique appartenant à la société Méthanergy.

Depuis la fin de votre partenariat pour la conduite du moteur avec la société Méthanergy, vous n'avez plus accès aux données essentielles permettant de réaliser vos prestations » ;

Attendu qu'il a été retenu ci-dessus que la rupture par la société Méthanergy du contrat qui l'unissait à la société Biomateq est fautive ;

Que les termes employés par le courrier du 15 novembre 2013 susvisé font ressortir que la décision de la société Etarés est la conséquence directe de la résiliation fautive du contrat par la société Méthanergy ;

Que la société Méthanergy doit en conséquence répondre du préjudice en résultant ;

Attendu que dans l'attestation susvisée l'expert-comptable de la société Biomateq calcule comme suit la perte de marge subie :

- 1) prestations de maintenance et de dépannage jusqu'au terme du contrat :

- société Méthanergy :...................................904.689 euros,

- société Margeriaz Energie :........................130.435 euros

- ETARES :.....................................................22.080 euros,

Total produits :...........................................1.057.204 euros

- 2) Dépenses directement liées aux contrats :

- charges de personnel :...............................565.855 euros

- frais de déplacement :...............................108.000 euros

- carburant :...................................................48.000 euros

- frais de mission :.........................................60.000 euros

Total dépenses :...........................................673.855 euros

3) perte de marge brute :.............................383.349 euros ;

Attendu que cette attestation ne comporte aucun commentaire de nature à expliquer les différents chiffres globaux qui y figurent tant au titre des produits qu'à celui des dépenses ;

Qu'elle n'est étayée par aucun élément de preuve susceptible de justifier les données chiffrées retenues ;

Attendu en outre qu'alors que chacune des sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy doit répondre des conséquences dommageables de la résiliation du contrat qu'elle a conclu avec la société Biomateq, l'attestation comptable susvisée n’individualise pas les dépenses par contrat ;

Attendu qu'en l'état la cour ne dispose pas des éléments d'appréciation suffisants pour statuer sur le montant du préjudice subi ;

Que la solution du litige dépendant de données techniques, il convient d'ordonner une expertise ;

Attendu qu'en raison du caractère certain de la créance d'indemnité, spécialement au titre de la perte de marge afférente au forfait annuel, il convient d'allouer à la société Biomateq, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, une provision ;

Attendu qu'à ce titre, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy seront, chacune, condamnées à payer à raison de la résiliation du contrat qui l'unissait à la société Biomateq une provision de 25.000 euros ;

 

IV) Sur la demande reconventionnelle :

Attendu que la société Margeriaz Energie invoque une créance d'un montant de 100.784 euros au titre d'une sur-facturation dont la preuve résulte notamment selon elle de la différence de tarif qui existe entre le coût des prestations facturées pour son contrat (site IKOS) et celui des prestations du site ETARES ;

Mais attendu sur ce point, qu'il a été retenu ci-dessus, que s'agissant de données tarifaires prévues par le contrat, aucune créance de trop versé ne peut être invoquée à ce titre ;

Attendu que ce chef de demande n'est donc pas fondé ;

Attendu que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy exposent par ailleurs que :

- les prestations facturées ne correspondent pas aux prestations effectuées,

- en outre, des dépannages ont été facturés alors qu'ayant été effectués pendant une visite de contrôle, leur coût était inclus dans le forfait annuel,

- la société Biomateq doit à ces titres les sommes de : 14.000 euros à la société Margeriaz Energie et de 6.000 euros à la société Méthanergy,

Qu'au soutien de leur demande elles versent aux débats :

- la copie des mains-courantes renseignées par le technicien de la société Biomateq,

- les factures annotées par elles de façon manuscrite ;

Attendu que la société Biomateq fait valoir que :

- en application de l'article 1315 du code civil les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy doivent rapporter la preuve des surfacturations alléguées,

- l'absence d'observation, à réception des factures, implique reconnaissance totale de la dette,

- en l'occurrence toutes les factures ont été payées sans que la société Margeriaz Energie ou la société Méthanergy n'émettent d'observations et ce n'est que deux ans après ces règlements que des contestations sont formulées ;

Mais attendu que les pièces produites montrent l'existence de différences concernant les durées d'intervention énoncées sur les main-courantes susvisées et les durées d'intervention facturées ;

Que des investigations d'ordre technique sont nécessaires pour déterminer le réajustement à pratiquer de ce chef ;

Que l'absence d'observations à réception des factures n'emporte pas en lui-même renonciation du droit de solliciter le réajustement lié à de fausses imputations comptables ;

Que la cour ne disposant pas des éléments d'appréciation suffisants pour statuer, l'expertise susvisée, portera également sur ce point, ainsi que sur la facturation de prestations hors forfait alléguée ;

 

V) Sur les autres demandes :

Attendu qu'il sera sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant contradictoirement et par décision mise à disposition au greffe,

Confirme la décision déférée en ce qu'elle :

- déclaré le Tribunal de commerce de Rouen compétent pour connaître de l'affaire,

- considéré que les sociétés Margeriaz Energie et Méthanergy avaient commis une faute en résiliant, chacune en ce qui la concerne, le contrat de maintenance l'unissant à la société Biomateq,

- rejeté la demande reconventionnelle en ce qu'elle porte sur les différences de coût qui existent entre les prestations du site IKOS et celles du site ETARES,

Infirme le jugement déféré en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare fondée en son principe la demande d'indemnisation formée par la société Biomateq au titre du préjudice résultant des résiliations injustifiées de contrats,

Déclare fondée en son principe la demande de la société Margeriaz Energie et de la société Méthanergy portant sur l'existence d'un écart entre les prestations effectuées et les prestations facturées,

Quant aux chefs du jugement déféré :

Ordonne une expertise

Commet pour y procéder, M. A. demeurant au [...], tél : [...] lequel pourra, en cas de besoin, s'adjoindre directement tout technicien d'une spécialité différente de la sienne, avec mission de :

- se faire remettre tous documents ou pièces utiles à l'accomplissement de la mission,

- entendre les parties ainsi que si nécessaire tous sachants

I) Concernant les conséquences de la rupture des contrats

- A) proposer, en détaillant les éléments de calcul retenus à ce titre, une évaluation de la marge brute jusqu'au terme du contrat conclu entre la société Biomateq et la société Margeriaz Energie

- fournir les éléments techniques permettant de déterminer la perte de marge brute en distinguant de façon précise :

- d'une part concernant les produits :

- le forfait annuel,

- et les dépannages,

- et d'autre part concernant les dépenses :

- les charges fixes,

et le cas échéant les charges variables.

- B) proposer en détaillant les éléments de calcul retenus à ce titre une évaluation de la marge brute jusqu'au terme du contrat conclu entre la société Biomateq et la société Méthanergy ;

- fournir les éléments techniques permettant de déterminer la perte de marge brute en distinguant de façon précise :

- d'une part concernant les produits :

- le forfait annuel,

- et les dépannages,

- et d'autre part concernant les dépenses :

- les charges fixes,

et le cas échéant les charges variables.

- C) proposer en détaillant les éléments de calcul retenus à ce titre une évaluation de la marge brute jusqu'au terme du contrat conclu entre la société Biomateq et la société ETARES

- fournir les éléments techniques permettant de déterminer la perte de marge brute en distinguant de façon précise :

- d'une part concernant les produits :

- le forfait annuel,

- et les dépannages,

- et d'autre part concernant les dépenses :

- les charges fixes,

et le cas échéant les charges variables.

II) Concernant les prestations facturées

- donner un avis motivé sur les écarts allégués entre d'une part la durée des prestations mentionnée sur les mains courantes renseignées par le technicien de la société Biomateq et d'autre part la durée de prestations facturée à ce titre par celle-ci,

- proposer, dans un tableau détaillé et précis, une évaluation des écarts relevés et en conséquence du réajustement à opérer,

- donner un avis motivé sur l'existence de facturation de prestations de dépannage réalisés à l'occasion des visites de contrôle et donc à ce titre non comprises dans le forfait annuel de maintenance,

- proposer le cas échéant, dans un tableau détaillé et précis, une évaluation de ces prestations,

- et proposer en conséquence le montant du réajustement à pratiquer sur les montants facturés,

DIT qu'au terme des opérations d'expertise, et par une note de synthèse, l'expert judiciaire devra mettre les parties en mesure de faire d'ultimes observations, qui seront annexées au rapport ;

FIXE à la somme de 4.000 euros (Quatre Mille Euros) la provision concernant les frais d'expertise qui devra être consignée par la société Biomateq avant le 15 décembre 2015 à titre d'avance sur les frais d'expertise,

DIT que faute de consignation de la provision dans ce délai ou prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;

DIT que l’expert sera saisi par l'avis que lui donnera le Greffe du dépôt de la consignation, qu'il effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile et qu'il déposera son rapport au Greffe de la cour avant le 25 mars 2016, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du magistrat chargé du contrôle ;

Condamne la société Margeriaz Energie à payer à la société Biomateq une provision de 25.000 euros à valoir sur la créance d'indemnité afférente au contrat de maintenance conclu entre ces deux sociétés

Condamne la société Méthanergy à payer à la société Biomateq une provision de 25.000 euros à valoir sur la créance d'indemnité afférente au contrat de maintenance conclu entre ces deux sociétés,

Sursoit à statuer sur les autres demandes, jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

Dit que l'affaire sera appelée après expertise à l'audience de mise en état du 5 avril 2016.

Réserve les dépens.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT