6182 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Négociation
- 6170 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Soumission ou tentative de soumission à un déséquilibre significatif
- 6180 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Principes généraux
- 6181 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Réciprocité
- 6029 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Acceptation des clauses - Clauses négociées
- 6183 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Nature et économie du contrat
- 6184 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Environnement contractuel
- 6185 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Contraintes d’exécution
- 6186 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Garanties d’exécution
- 6228 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Contenu du contrat - Conditions générales
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6182 (20 octobre 2022)
PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-1-I-2° C. COM.)
NOTION DE DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF - INDICES DU DÉSÉQUILIBRE
DÉSÉQUILIBRE INJUSTIFIÉ : NÉGOCIATION
Présentation. En droit de la consommation, l’art. L. 212-1 C. consom. (art. L. 132-1 ancien) n’a pas exclu, explicitement, la possibilité pour le juge de déclarer une clause négociée abusive, contrairement à la directive du 5 avril 1993, mais cette faculté reste totalement théorique (Cerclab n° 6029).
Un problème similaire se pose dans le cadre de l’art. L. 442-1-I-2° C. com., dans une double perspective, mais avec des solutions identiques :
* Négociation écartant la soumission. D’une part, la soumission ou tentative de soumission du partenaire commercial à des obligations déséquilibrées est, en principe, exclue lorsque la clause a été négociée (Cerclab n° 6170).
* Négociation écartant le déséquilibre. D’autre part, si l’absence de négociation peut être un indice de l’existence d’un déséquilibre, une clause négociée n’encourt pas un tel reproche. Pour une illustration de cette seconde approche, V. une décision estimant qu'il n'est pas contesté que le contrat a été librement conclu entre les parties et que ses stipulations n'ont pas été imposées, avant d’estimer qu’en conséquence la clause pénale par laquelle les parties ont évalué d'un commun accord forfaitairement et d'avance le montant des dommages et intérêts dus en cas de résiliation anticipée du contrat ne crée pas de déséquilibre significatif. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 18 mars 2016 : RG n° 13/16867 ; Cerclab n° 5550 (nettoyage et l'entretien des locaux d’un GIE ; rejet de la demande en nullité et en indemnisation), sur appel de T. com. Paris, 1er février 2013 : RG n° 2012048377 ; Dnd. § V. aussi : CA Rouen (ch. civ. et com.), 29 octobre 2015 : RG n° 14/03420 ; Cerclab n° 5409 (entretien d'une installation de valorisation biogaz ; rejet de l’exception d’incompétence, après avoir vérifié l’absence de pratiques anticoncurrentielles, l’arrêt écartant à cette occasion l’existence d’un déséquilibre significatif pour les clauses relatives à la possibilité de résiliation respectivement ouvertes aux parties, qui résultent de la négociation des contrats et prévoient notamment une possibilité de résilier en cas d'inexécution d'une obligation essentielle ou, pour le client, un le client disposant en outre du pouvoir de résiliation de plein droit en cas de faute grave ; l’absence de faculté de résiliation anticipée au profit du client résulte de la négociation), sur appel de T. com. Rouen, 23 juin 2014 : RG n° 13-6961 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 5 juillet 2017 : RG n° 15/05450 ; Cerclab n° 6987 (contrat de master concession pour la vente de vêtements en Russie ; clause exigeant une garatnie financière à hauteur de 75 % ; V. entre autres arguments : absence de preuve d’une soumission ou d’une situation de dépendance économique, le concessionnaire pouvant vendre d’autres vêtements et le taux ayant été négocié), sur appel de T. com. Paris, 10 février 2015 : RG n° 14/23155 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 5), 28 mai 2020 : RG n° 17/13136 ; Cerclab n° 8438 (contrat un groupe gérant des établissements de soins et un EHPAD, avec une entreprise de restauration collective ; absence de déséquilibre pour la clause de résiliation annuelle d’un contrat triennal, parce qu’elle a été négociée, qu’elle est usuelle et réciproque), sur appel de T. com. Lille, 30 mai 2017 : RG n° 2015018401 ; Dnd.
Absence de mise en demeure préalable écartant le déséquilibre. V. pour certains arrêts isolés et très contestables : le locataire ne peut invoquer l’art. L. 442-6-I-2° C. consom., dès lors qu’il ne justifie pas avoir mis en demeure son cocontractant, pour faire valoir un éventuel déséquilibre du contrat au sens de ce texte, et qu’après avoir exécuté les contrats sur une période de plus de six mois, il n'a fait aucunement état de difficultés liées à un déséquilibre entre les droits et obligations des parties jusqu'à ce jour. CA Paris (pôle 5 ch. 10), 12 avril 2021 : RG n° 19/14867 ; Cerclab n° 8926 (location financière de photocopieur pour une association syndicale locale ; N.B. litiges portant sur…l’indemnité de résiliation), sur appel de T. com. Meaux, 25 avril 2019 : RG n° 17/0063 ; Dnd. § Dans le même sens : CA Paris (pôle 5 ch. 10), 12 avril 2021 : RG n° 19/12591 ; Cerclab n° 9061 (rejet de la demande faute de justifier d’avoir mis en demeure son cocontractant pour faire valoir un éventuel déséquilibre du contrat au sens de l’art. L. 442-6 C. com ; après avoir exécuté le contrat pendant plus d’un an, le locataire fait uniquement état de difficultés liées au comportement du prestataire ; N.B litige portant sur le montant de l’indemnité de résiliation du contrat de location financière), sur appel de T. com. Paris, 6 juin 2019 : RG n° 2019000262 ; Dnd.
N.B. Cette position semble totalement infondée. La mise en demeure n’a jamais été exigée pour une action en responsabilité délictuelle et pas davantage pour une action en nullité ou a fortiori en déclaration du caractère non écrit. Par ailleurs, la seule exécution du contrat à une période où le contractant a été confronté à une situation de soumission ne peut valoir renonciation à agir comme l’illustrent les très nombreuses décisions où l’argument n’est invoqué qu’après la rupture du contrat.
Principe. La liberté de négociation commerciale trouve ses limites dans le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 novembre 2013 : RG n° 12/04791 ; Cerclab n° 4622 ; Juris-Data n° 2013-026814, pourvoi rejeté par Cass. com., 3 mars 2015 : pourvoi n° 14-10907 ; arrêt n° 239 ; Cerclab n° 5073 (moyen non admis). § V. aussi : CEPC (avis), 5 mars 2009 : avis n° 09-05 ; Cerclab n° 4271 (Cepc 09020502 : les nouvelles dispositions de l’anc. art. L. 442-6 [L. 442-1] C. com. s’inscrivent dans un principe de liberté de la négociation commerciale, laquelle trouve toutefois ses limites lorsqu’elle conduit à « un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties »).
Esprit de la LME : négociation à partir du socle des conditions générales du fournisseur ou du prestataire. Selon l’ancien art. L. 441-6-I C. com., alinéa 3, dans sa rédaction résultant de la loi du 6 août 2015, « Les conditions générales de vente constituent le socle unique de la négociation commerciale ». La solution figure désormais à l’art. L. 441-1-III C. com. selon lequel « les conditions générales de vente constituent le socle unique de la négociation commerciale »
A plusieurs reprises, la CEPC a estimé que, conformément à l’anc. art. L. 441-6 C. com., alinéa premier, dans sa rédaction applicable à l’époque, les conditions générales des producteurs, prestataires de services, grossistes ou importateurs, que ceux-ci sont tenus de communiquer, « constituent le socle à la négociation commerciale » et que l’esprit de la loi LME était donc de renforcer cette négociation. V. par exemple : CEPC (avis), 10 mars 2010 : avis n° 10-06 ; Cepc 10100302 ; Cerclab n° 4284 - CEPC (avis), 18 février 2010 : avis n° 10-04 ; Cepc 10021803 ; Cerclab n° 4276 (selon l’avis, le renforcement de la négociation résulte aussi de la suppression de l’interdiction des conditions discriminatoires) - CEPC (avis), 5 mars 2009 : avis n° 09-05 ; Cepc 09020501 ; Cerclab n° 4271 - CEPC (avis), 19 décembre 2008 : avis n° 08-06 ; Cerclab n° 4280 (dénoncer les conditions générales de vente du fournisseur avant même que s’engagent les négociations n’est pas conforme à l’esprit de la loi) - CEPC (avis), 30 septembre 2014 : avis n° 14-06 ; Cerclab n° 6587 (analyse de la conformité des conditions générales d’achat d’un constructeur français d’automobiles à la demande d’un syndicat de fournisseurs ; pourraient contrevenir à l’ancien art. L. 442-6-I-4° C. com. les stipulations affirmant le caractère exclusif, donc non-négociable des nouvelles CGA, avec rupture du contrat en cours si le fournisseur n’accepte pas des conditions contenant des conditions abusives) - CEPC (avis), 17 avril 2015 : avis n° 15-08 ; Cerclab n° 6591.
Pour un avis particulièrement motivé : si les « conditions générales » du fournisseur ne fixent pas la totalité des conditions de la relation commerciale entre fournisseur et distributeur, elles ne sauraient être globalement remises en cause par des conditions d’achat souvent qualifiées à tort de générales, alors que l’ancien art. L. 441-6 C. com. fait des « conditions générales » du fournisseur le point de départ et donc la base de toute relation contractuelle avec des distributeurs ; le sens des relations commande tout le dispositif des art. L. 441-1 s. C. com., c’est-à-dire le contrôle de la transparence de l’offre, et que le renversement du sens prévu par ce texte, ces règles de concurrence ayant pour finalité de faire ainsi jouer la concurrence non seulement entre les fournisseurs en leur imposant de communiquer leurs conditions de vente à l’ensemble des distributeurs mais également entre les distributeurs en les soumettant aux mêmes conditions de vente de la part de chaque fournisseur. CEPC (avis), 7 juillet 2004 : avis n° 04-04 ; Cerclab n° 4287 (l’avis précise les éléments pouvant compléter les conditions du fournisseur notamment des accords de coopération commerciale ou des conditions particulières de vente).
Sur le domaine du texte : les dispositions de l’anc. art. L. 441-6 C. com. ne sont pas applicables à un contrat de cession de fonds de commerce. Cass. com., 3 mars 2015 : pourvoi n° 14-11414 ; arrêt n° 215 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 5101, cassant partiellement CA Grenoble, 31 octobre 2013 : Dnd.
Pour les juges du fond : la formalisation des conditions générales de vente dans un document unique doit permettre à l'administration d'exercer un contrôle a posteriori sur la négociation commerciale et sur les engagements pris par les cocontractants ; dans les rapports noués entre un fournisseur et un distributeur, le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties s'apprécie au regard de la convention écrite prévue par l’ancien art. L. 441-7 C. com., laquelle précise les obligations auxquelles se sont engagées les parties et fixe, notamment, les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services, comprenant les conditions de paiement par exemple, telles qu'elles résultent de la négociation commerciale. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 12 juin 2019 : RG n° 18/20323 et n° 18/21153 ; Cerclab n° 8238. § Dans le même sens : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 16 mai 2018 : RG n° 17/11187 ; Cerclab n° 7617 (centrale de services et de référencement), infirmant T. com. Paris, 21 novembre 2016 : RG n° 2015027442 ; Dnd.
Obligation de communiquer les conditions générales : art. L. 441-2 anc. (anc. art. L. 441-6) et anc. art. L. 442-6-I, 9° C. com. Un fournisseur de produits est tenu de communiquer ses conditions générales de vente dans les conditions prévues à l’anc. art. L. 441-6 C. com. ; il ne peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle que s’il établit, selon des critères objectifs, que cet acheteur n’appartient pas à la catégorie concernée. Cass. com., 29 mars 2017 : pourvoi n° 15-27811 ; arrêt n° 480 ; Cerclab n° 6863 (visa de l’anc. art. L. 442-6-I, 9° C. com. ; décision intervenue dans secteur de la distribution des produits pharmaceutiques), cassant sur ce point CA Paris (pôle 5 ch. 5), 17 septembre 2015 : RG n° 13/08258 ; Dnd¸sur appel de TGI Paris (4e ch. sect. 2), 28 mars 2013 : RG n° 12/14522 ; Dnd. § Pour la décision de renvoi : un fournisseur de produits est tenu de communiquer ses conditions générales de vente dans les conditions prévues à l’anc. art. L. 441-6 C. com. et ne peut refuser à un acheteur la communication des conditions générales de vente applicables à une catégorie de clientèle que s'il établit, selon des critères objectifs, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée ; si le fournisseur a communiqué l'ensemble de ses conditions générales au commissionnaire, il a refusé de lui appliquer les conditions générales correspondant aux officines et d'en faire le socle de leur négociation commerciale en violation des dispositions de l'anc. art. L. 441-6 C. com. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 4 juillet 2019 : RG n° 17/13577 ; Cerclab n° 8239 (20.000 euros), pourvoi rejeté par Cass. com., 28 septembre 2022 : pourvoi n° 19-19768 ; arrêt n° 550 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 9878.
Légalité des trames contractuelles négociables. V. pour la CEPC : CEPC (avis), 5 mars 2009 : avis n° 09-05 ; Cepc 09020501 ; Cerclab n° 4271 (proposer des clauses pré-rédigées n’est pas interdit, dès lors que celles-ci peuvent être modifiées à l’issue d’une réelle négociation entre les parties).
Dans le même sens pour les juges du fond : absence de preuve que les CGA, comprenant notamment une clause imposant leur application de plein droit « en raison de la nature spécifique des commandes » et « de la nécessité de respecter le cahier des charges techniques » de l’acheteur, sauf dérogation temporaire contresignée, seraient contraires aux dispositions de l’anc. art. L. 446-1 C. com., dès lors que le déséquilibre significatif sur le fondement de l’anc. art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com. a été préalablement écarté, faute de preuve de l’impossibilité pour le vendeur de les négocier. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 30 octobre 2019 : RG n° 17/10872 ; Cerclab n° 8241 (contrat entre un fabricant de tissus et un fabricant et distributeur de vêtements), sur appel de T. com. Lille, 16 mai 2017 : RG n° 2015020434 ; Dnd. § Pour d’autres illustrations : un distributeur, centrale d’achat mandatée pour les achats d’une enseigne de supermarché, peut mettre à la disposition de ses fournisseurs des trames type de contrats, pratique dont le principe n'est pas contestable en soi et peut répondre à des nécessités exemptes de critiques. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 novembre 2013 : RG n° 12/04791 ; Cerclab n° 4622 ; Juris-Data n° 2013-026814 (déséquilibre sanctionné en l’espèce, faute de véritable négociation, la trame s’apparentant à un contrat d’adhésion), pourvoi rejeté par Cass. com., 3 mars 2015 : pourvoi n° 14-10907 ; arrêt n° 239 ; Cerclab n° 5073. § Refus de condamnation des clauses qui n'ajoutent rien au fait que toute négociation commerciale, quelles que soient les parties en cause, peut aboutir à une exclusion de tout ou partie des conditions générales, qu'elles soient de vente ou d'achat et qui renvoient à une négociation qui, en tout état de cause, aurait pu avoir lieu en leur absence et n'ont pas de valeur juridique réelle ; c'est à l'issue de cette négociation qu'un déséquilibre significatif pourrait éventuellement être constaté et non en vertu de clauses qui ne font qu'ouvrir un espace de discussion. T. com. Évry (3e ch.), 6 février 2013 : RG n° 2009F00727 ; Cerclab n° 4352 (rejet de l’argument du Ministre postulant, qu'en raison d'une « asymétrie dans les rapports de force entre la plupart des fournisseurs et les distributeurs » la négociation sera défavorable aux fournisseurs ; article des conditions générales du distributeur considérant que « les clauses ci-dessus énumérées de manière non exhaustive seront exclues ou rediscutées d'un commun accord au motif qu'elles peuvent être considérées comme déséquilibrées et/ou abusives ou ne relèvent pas de la négociation commerciale et/ou relèvent d'un autre document signé par les deux parties » et visant notamment les clauses relatives à l'exclusion de toutes possibilités de négocier tout ou partie des conditions générales de vente, aux conditions particulières pour la passation et/ou l'acceptation des commandes, à l'exclusion des réserves si celles-ci ne sont pas mentionnées sur les bons de livraison, à des délais abusivement écourtés pour contester le bien-fondé ou le règlement d'une facture, à l'impossibilité de négocier les prix et les remises, à l'application des conditions générales de vente aux services rendus par le distributeur, aux conditions logistiques incompatibles avec l'organisation du distributeur, à l'application des nouveaux tarifs dans un délai imposé et à l'exonération ou la limitation de responsabilité du fournisseur »).
Conséquences : refus de négociation. Compte tenu de cette évolution du droit positif, les refus de négociation ou l’imposition de conditions prérédigées peuvent être source de déséquilibre significatif.
* Cour de cassation. Ayant constaté l’intangibilité des conditions d’achat du groupe distributeur, leur systématisation excluant toute négociation véritable, et l’inversion de l’initiative de la négociation prévue par l’ancien art. L. 441-6 C. com., la cour d’appel a pu retenir l’existence d’un déséquilibre significatif, au sens de l’art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com., dans les droits et obligations des parties, au détriment des fournisseurs Cass. com., 27 mai 2015 : pourvoi n° 14-11387 ; arrêt n° 499 ; Cerclab n° 5167, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 4), 18 décembre 2013 : RG n° 12/00150 ; arrêt n° 350 ; Cerclab n° 4649 ; Juris-Data n° 2013-030435 (crée un déséquilibre significatif dans les obligations des parties le fait que les conditions générales d’achat du distributeur soient intangibles, leur systématisation excluant toute négociation véritable, et l'inversement de la situation de négociation voulue par le législateur dans l’anc. art. L. 441-6 C. com.). § Dans le même sens, pour la CEPC, visant l’arrêt de la cour d’appel : CEPC (avis), 17 avril 2015 : avis n° 15-08 ; Cerclab n° 6591 (refuser, avant l’ouverture des négociations, les CGV est illégal, au motif que la négociation commerciale a pour socle les CGV et les barèmes du fournisseur, et que les refuser avant l’ouverture de la négociation revient à ne pas vouloir traiter avec ce fournisseur ; avis reprenant la position de la cour sur le caractère déséquilibré de la clause faisant systématiquement primer les conditions générales d’achat).
* Juges du fond. Aux termes de l’ancien art. L. 441-6-I al. 3 [L. 441-1-III] C. com. « les conditions générales de vente constituent le socle unique de la négociation commerciale » ; crée un déséquilibre significatif la clause inversant, à partir d'un modèle-type figurant dans chacun des contrats, l'initiative de la négociation, et dont il découle que la société a imposé ses conditions d'achat à ses fournisseurs, sans possibilité de négociation. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 12 juin 2019 : RG n° 18/20323 et n° 18/21153 ; Cerclab n° 8238 (fabrication et distribution de vente de turbines dans le secteur de l’énergie ; application de la solution quelle que soit la nature du contrat, de vente pour un simple fournisseur ou de sous-traitance), infirmant T. com. Nancy, 29 juin 2018 : RG n° 2015007605 ; Dnd. § Pour d’autres illustrations : CA Paris (pôle 5 ch. 5), 4 juillet 2013 : RG n° 12/07651 ; Cerclab n° 4619 ; Juris-Data n° 2013-015022 (absence de preuve que la clause ait pu être négociée, les documents produits établissant des contestations des fournisseurs ou des propositions d’avenants, mais pas leur acceptation ; le fait pour une enseigne de la grande distribution, d'inscrire une clause qui instaure un déséquilibre manifeste dans les droits et obligations des parties dans le contrat type qu'elle conclut avec tous ses fournisseurs, donne à cette clause la portée d'un principe auquel ces derniers ne peuvent déroger qu'au terme d'une négociation, ce qui n'est, dans beaucoup de cas, pas à leur portée ; rejet aussi de l’argument tiré du fait que les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation des parties, qui ne retire pas pour autant sa force obligatoire à la convention signée par les deux parties), pourvoi rejeté par Cass. com., 29 septembre 2015 : pourvoi n° 13-25043 ; arrêt n° 818 ; Cerclab n° 5324 (problème non examiné). § V. aussi : T. com. Paris (13e ch.), 13 mars 2017 : RG n° 2015036509 ; Cerclab n° 6971 ; Juris-Data n° 2017-013672 (contrat de fourniture conclu entre un distributeur et un importateur de bonneteries et sous-vêtements ; absence de négociation découlant de l’absence de mise en annexe des conditions du fournisseur, contrairement à ce que prévoit le contrat, de la présence d’une clause prévoyant la possibilité de conclure un accord modifiant ces conditions et dont le contenu est déterminé par le distributeur).
* CEPC. V. en ce sens : CEPC (avis), 19 décembre 2008 : avis n° 08-06 ; Cerclab n° 4280 (question n° 1 ; est susceptible de relever de la notion de « déséquilibre significatif » au sens de l’anc. art. L. 442-6-I-2° [L. 442-1-I-2°] C. com. la pratique du distributeur consistant à dénoncer les conditions générales de vente du fournisseur avant même que s’engagent les négociations, qui n’est pas conforme à l’esprit de la loi LME, et dès lors que, s’il est dans la nature même de la mise en place d’un partenariat commercial que les dispositions des CGV du fournisseur puissent faire l’objet de négociations, les CGV constituent un document de référence particulièrement probant pour appréhender toute exigence formulée par l’un des cocontractants) - CEPC (avis), 5 mars 2009 : avis n° 09-05 ; Cerclab n° 4271 (CEPC 09020501 : proposer des clauses pré-rédigées n’est pas interdit dès lors que celles-ci peuvent être modifiées à l’issue d’une réelle négociation entre les parties ; CEPC 09020502 : les nouvelles dispositions de l’anc. art. L. 442-6 C. com. s’inscrivent dans un principe de liberté de la négociation commerciale, laquelle trouve toutefois ses limites lorsqu’elle conduit à « un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties »).
Dans un avis ultérieur, la CEPC a structuré son avis concernant les négociations entre fournisseurs et distributeurs, en faisant plusieurs distinctions :
1/ Existence de relations commerciales établies au sens de l’anc. art. L. 442-6-I-5° [L. 442-1-II] C. com.. Pour la renégociation annuelle du plan d’affaires entre la grande distribution et ses fournisseurs, la CEPC sous-distingue :
- Le contrat arrivé à terme contient une clause imposant une négociation. La clause doit être respectée, la négociation menée de bonne foi, sans quoi la responsabilité contractuelle de la partie récalcitrante pourrait être engagée et il pourrait être considéré comme l’auteur d’une rupture brutale. CEPC (avis), 18 février 2010 : avis n° 10-04 ; Cepc 10021803 ; Cerclab n° 4276.
- Le contrat arrivé à terme ne contient pas de clause de renégociation. « Si l’une des parties demande à poursuivre la relation commerciale, le refus opposé par l’autre partie d’ouvrir des négociations pourrait être appréhendé par le juge comme une volonté de rupture » (avis citant CA Paris, 3 juillet 2008). CEPC (avis), 18 février 2010 : avis n° 10-04 ; Cepc 10021803 ; Cerclab n° 4276.
- Quel que soit le contenu des accords précédents, le refus de négocier pourrait être analysé comme la tentative de soumettre un partenaire commercial à des obligations - celles résultant de nouvelles CGV - créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. CEPC (avis), 18 février 2010 : avis n° 10-04 ; Cepc 10021803 ; Cerclab n° 4276.
2/ « Si les parties au contrat ne sont pas dans une relation commerciale établie et en l’absence de clause contractuelle stipulant une obligation de négocier, chaque partie est libre de ne pas négocier sous réserve que ce refus ne procède pas d’une entente anticoncurrentielle ou d’un abus de domination ». CEPC (avis), 18 février 2010 : avis n° 10-04 ; Cepc 10021803 ; Cerclab n° 4276.
Possibilité d’écarter des clauses des conditions générales du fournisseur. Ne crée pas en elle-même une obligation source de déséquilibre significatif, la clause qui, après avoir précisé que la négociation a été menée sur la base des CGV du fournisseur, lesquelles sont annexées au contrat sans pour autant être acceptées en totalité, énumère « de manière non exhaustive » des clauses qui seront exclues ou rediscutées d'un commun accord, dès lors qu’elle ne contient aucune obligation positive, mais renvoie à de possibles négociations futures. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 décembre 2017 : RG n° 13/04879 et n° 13/11192 ; Cerclab n° 7372 ; Juris-Data n° 2017-027127 (clause visant notamment les clauses relatives aux conditions particulières pour la passation et/ou l'acceptation des commandes, à l'exclusion des réserves si ces dernières ne sont pas mentionnées sur les bons de livraisons, à des délais abusivement écourtés pour contester le bien-fondé ou le règlement d'une facture, à l'application des Conditions Générales de vente aux services rendus par le distributeur,- aux conditions logistiques incompatibles avec l'organisation du « distributeur et l'exonération ou la limitation de responsabilité du fournisseur), citant l’avis de la CEPC sollicitée dans l’affaire et affirmant que « les cocontractants peuvent légalement décider, d'un commun accord, d'écarter pour partie les conditions du fournisseur, sous réserve de ne pas créer un déséquilibre significatif au sens de [l’ancien art. L. 442-6 [L. 442-1-I-2°] C. com.] », pourvoi rejeté par Cass. com., 20 novembre 2019 : pourvoi n° 18-12823 ; arrêt n° 855 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8228. § N.B. L’arrêt ne reprend pas l’argument du ministre selon lequel les principes posés par les art. L. 441-6 et 7 [L. 441-1 s.] C. com. s’opposent à une remise en cause des droits et obligations en cours d’année. Or, en précisant que la liste des clauses n’est pas limitative, la stipulation pourrait effectivement être interprétée comme accordant au distributeur un droit d’écarter unilatéralement une clause en cours d’année, ce qui ne s’apparente pas au simple fait d’écarter certaines clauses des conditions générales du fournisseur au moment de la conclusion.
Prorogation d’un contrat dans l’attente de la négociation du suivant. Si, pendant la période intermédiaire séparant la fin du précédent contrat et la conclusion d’un nouvel accord, le contrat expiré est prolongé, le distributeur qui exige les mêmes avantages financiers que ceux obtenus au cours de la période échue, doit accorder des contreparties équivalentes à celles pour lesquelles ils avaient été accordés au cours de l’exercice précédent, une solution inverse pouvant modifier de façon substantielle l’économie du contrat et contrevenir aux dispositions des anc. art. L. 441-7, L. 442-2, et L. 442-6-I-1° et 2° [L. 442-1-I, 1° et 2°] C. com. CEPC (avis), 19 décembre 2008 : avis n° 08-06 ; Cerclab n° 4280 (question n° 2).