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CA AGEN (1re ch. civ.), 20 novembre 2002

Nature : Décision
Titre : CA AGEN (1re ch. civ.), 20 novembre 2002
Pays : France
Juridiction : Agen (CA), 1re ch. civ.
Demande : 00/00219
Date : 20/11/2002
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : TGI AUCH, 2 février 2000, TGI AUCH, 14 décembre 1994, CASS. CIV. 2e, 18 mars 2004
Numéro de la décision : 1028
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 545

CA AGEN (1re ch. civ.), 20 novembre 2002 : RG n° 00/00219 ; arrêt n° 1028

(sur pourvoi : Cass. civ. 2e, 18 mars 2004 : pourvoi n° 03-10327 ; arrêt n° 446, cassation sur le domaine)

Publication : Legifrance

 

Extrait  : « Attendu que l'objet de l'assurance groupe est de garantir le prêteur contre le risque d'insolvabilité de l'emprunteur ; Que la condition complémentaire posée par l'assureur, vis à vis de l'assuré médicalement reconnue inapte à exercer la moindre activité professionnelle rémunératrice, du recours obligatoire et permanent à l'assistance d'une tierce personne pour l'accomplissement des actes ordinaires de la vie courante, est sans relation aucune avec sa solvabilité liée à la seule capacité de travailler ; que cette condition apparaît ainsi comme excessive dès lors qu'elle déséquilibre les obligations de l'assuré par rapport à celles de l'assureur et dans les faits vide de sa substance la garantie due par ce dernier par la limitation à l'excès de sa mise en œuvre ; Qu'il s'ensuit que l'assureur doit sa garantie dès que l'assuré, comme en l'espèce, est dans l'impossibilité médicalement reconnue d'exercer la moindre activité professionnelle ».

 

COUR D’APPEL D’AGEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2002

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 00/00219. Arrêt n° 1028.

Prononcé à l'audience publique du vingt Novembre deux mille deux, par Arthur ROS, Conseiller, LA COUR D'APPEL D'AGEN, lère Chambre dans l'affaire,

 

ENTRE :

CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE

prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège [adresse], représentée par Maître Philippe BRUNET, avoué, assistée de la SCP SEGUY-BOURDIOL, avocats, APPELANTE d'un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 02 février 2000, D'une part,

 

ET :

- Monsieur Jean Etienne X.

le […] à [adresse]

- Monsieur Thierry Y.

le […] à [adresse] demeurant chez M. X.

- Mademoiselle Christine X.

née le […] à [adresse], Demeurant chez M. X. [adresse]

- Mademoiselle Catherine Z.

née le […] à […], [adresse], ces trois derniers ayant accepté la succession de Madame Simone X. née Z. sous bénéfice d'inventaire.

représentés par Maître TANDONNET, avoué, assistés de Maître Jean Jacques FELLONNEAU, avocat

- CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE TOULOUSE -MIDI TOULOUSAIN

prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège [adresse], représentée par Maître Jean Michel BURG, avoué, assistée de Maître Christine LESTRADE, avocat

INTIMÉS, D'autre part,

 

[minute page 2] a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 26 septembre 2002, devant Bernard BOUTIE, Président de Chambre, François CERTNER et Arthur ROS, Conseillers, assistés de Monique FOUYSSAC, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte de Maître THEUX du 9 juin 1988, Simone X., a souscrit auprès du CREDIT AGRICOLE trois prêts à caractère professionnel. Elle a signé une demande d'admission au contrat groupe liant la banque à la CNP, rempli un questionnaire de santé et reçu une notice d'information, documents qui ont été annexés à l'acte notarié.

Placée en longue maladie courant 1989, l'emprunteuse n'a plus réglé les échéances et a fait l'objet le 25 mai 1991 d'un commandement de saisie immobilière contre lequel elle a formé opposition et appelé la CNP dans l'instance.

Par jugement du 14 décembre 1994, dont la CNP a relevé appel le 25 janvier 1995, le Tribunal de Grande Instance d'Auch a : dans sa motivation considéré que la condition de couverture du risque était remplie dès que l'assurée était concrètement dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle quelconque et ordonné une expertise à l'effet de vérifier si Madame X. se trouvait bien en invalidité permanente et absolue selon les conditions précisées dans les motifs.

L'expert a déposé un rapport le 31 janvier 1995, Madame X. est décédée le 16 octobre 1995.

La CNP a fait assigner ses héritiers devant la Cour. Par ordonnance du 31 mars 1998 le Conseiller de la mise en état a déclaré son appel irrecevable par application des articles 482 et 544 du N.C.P.C.

Les ayants-droit ont repris l'instance devant le Tribunal et demandé la condamnation de la CNP à régler les sommes réclamées par la banque en se fondant sur le jugement du 14 décembre 1994.

Par jugement du 2 février 2000, le Tribunal de Grande Instance d'Auch qualifiant de mixte le jugement du 14 décembre 1994 a jugé que la condition de la couverture du risque d'insolvabilité prévue par l'assurance groupe souscrite par Madame Simone X. auprès de la CNP était remplie dès lors que l'assurée était concrètement dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle quelconque :

- Homologué le rapport du Docteur A.,

- [minute page 3] Condamné la CNP à relever et garantir les consorts X. de leurs obligations fondées sur les trois prêts du 9 juin 1988 arrêtés aux sommes de :

- 248.905,00 Francs au titre du prêt 595.651 Francs

- 62.650,47 Francs au titre du prêt 158.137 Francs

- 65.906,16 Francs au titre du prêt 358.445 Francs

Dans des conditions de forme et de délais non critiquées la CNP a relevé appel de cette décision.

En réponse à l'argumentation des consorts X. qui soutiennent que la Caisse est forclose à remettre en cause devant la Cour la discussion relative à l'exclusion de la condition du recours à une tierce personne dès lors qu'en raison de son caractère mixte le jugement du 14 décembre1994 n'était susceptible que d'un appel immédiat et qu'elle n'a pas déféré à la juridiction du second degré l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant jugé irrecevable son appel formé le 25 janvier 1995, elle rétorque que s'agissant d'un jugement Avant Dire Droit en ce que son dispositif ne comporte qu'une mesure d'instruction il ne saurait être revêtu de l'autorité de la chose jugée, son appel n'étant pas immédiatement recevable et ne pouvant valablement être formé qu'après dépôt du rapport d'expertise ;

Au fond elle maintient que le contrat souscrit par Madame X. soumettait la garantie de la CNP à la réalisation de deux conditions cumulatives, une invalidité plaçant définitivement l'assurée dans l'incapacité d'exercer la moindre activité et le recours à l'assistance viagère d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie ; elle fait en outre valoir que Madame X. n'a pas fourni comme exigé par le contrat la preuve qu'elle bénéficiait d'une pension de 3ème catégorie en sa qualité d'assurée sociale et qu'à supposer cette condition remplie il n'est pas démontré que son état de santé nécessitait l'assistance définitive d'une tierce personne pour les actes ordinaires de la vie courante les Docteurs B. et C. ayant conclu que Madame X. pouvait accomplir seule les actes essentiels de la vie. S'opposant à la mesure d'expertise sollicitée à titre subsidiaire par les intimés la CNP demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, de juger que Madame X. ne remplissait pas les conditions requises pour la mise enjeu de la garantie IPA et de les débouter ;

Les consorts X. estiment quant à eux que la condition du recours à une tierce personne a été tranchée définitivement par le jugent du 14 décembre 1994. Ils en déduisent que la CNP est forclose à discuter ce point. Ils ajoutent que la clause exigeant le recours à une tierce personne pour que la condition de couverture du risque insolvabilité soit remplie est incontestablement abusive car imposée par un professionnel à un non professionnel et comme tel permettant l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Ils reprochent au CREDIT AGRICOLE d'avoir manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de Madame X. en ne vérifiant pas si les conditions de l'assurance groupe proposé ne rendaient pas illusoire le jeu de la couverture du risque d'insolvabilité,

[minute page 4] Ils entendent à titre principal déclarer recevable la fin de non recevoir soulevée et voir confirmer la décision dont appel, formant en outre diverses demandes à titre subsidiaire fondées sur la reconnaissance de la responsabilité de l'organisme prêteur et en tout état de cause sollicitent le paiement de 7.622,45 € pour frais irrépétibles par la CNP ou le CREDIT AGRICOLE ;

Le CREDIT AGRICOLE se défend d'avoir manqué à son devoir de conseil et considère les prétentions formées à son encontre par les consorts X. comme constituant une demande nouvelle ce que contestent ces derniers qui rappellent qu'ayant saisi le Tribunal de Grande Instance pour s'opposer aux demandes du CREDIT AGRICOLE dans le commandement de saisie immobilière leurs prétentions à l'encontre de la banque doit s'analyser en un moyen supplémentaire pour faire échec à sa réclamation ;

La banque demande à la Cour dans l’hypothèse de la confirmation du jugement de juger que les sommes dont la CNP doit garantie porteront intérêts à compter de la signification du commandement et d'ordonner la capitalisation desdits intérêts, de déclarer éventuellement les consorts X. irrecevables en leur demande à son encontre outre 25.000 Francs pour frais irrépétibles,

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Attendu que pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties il convient de se référer à leurs dernières conclusions ;

 

Sur la fin de non recevoir :

Attendu qu'il est de jurisprudence bien établie que ne peut être qualifié de mixte et donc susceptible d'appel immédiat, que le jugement qui tranche dans son dispositif une partie du principal et ordonne une mesure d'instruction les deux conditions étant cumulatives ;

Qu'en l'espèce force est de constater que le jugement du 14.12.1994 ne comporte dans son dispositif que mention de l'expertise de Madame X. ; qu'il ne saurait donc être qualifié de mixte comme justement soutenu par la CNP, la circonstance de ses motifs décisoires demeurant indifférente dès lors que la partie de la demande tranchée, ne figure pas formellement dans le dispositif, qu'ainsi non susceptible d'appel immédiat ladite décision, n'étant pas revêtue de l'autorité de la chose jugée, l'appelante est bien-fondée à discuter devant la Cour le principe même de sa garantie ;

 

Sur le fond :

Sur la garantie de la CNP :

Attendu que l'objet de l'assurance groupe est de garantir le prêteur contre le risque d'insolvabilité de l'emprunteur ;

Que la condition complémentaire posée par l'assureur, vis à vis de l'assuré médicalement reconnue inapte à exercer la moindre activité professionnelle rémunératrice, du recours obligatoire et permanent à l'assistance d'une tierce personne pour l'accomplissement [minute page 5] des actes ordinaires de la vie courante, est sans relation aucune avec sa solvabilité liée à la seule capacité de travailler ; que cette condition apparaît ainsi comme excessive dès lors qu'elle déséquilibre les obligations de l'assuré par rapport à celles de l'assureur et dans les faits vide de sa substance la garantie due par ce dernier par la limitation à l'excès de sa mise en œuvre ;

Qu'il s'ensuit que l'assureur doit sa garantie dès que l'assuré, comme en l'espèce, est dans l'impossibilité médicalement reconnue d'exercer la moindre activité professionnelle ;

Qu'il y a donc lieu à confirmation de la décision déférée sur ce point outre sur la nullité du commandement de saisie immobilière du 25 mars 1991 comme demandé par les consorts X., les sommes dont la CNP doit sa garantie portant intérêts au taux légal à compter de la signification du commandement et jusqu'à complet paiement lesdits intérêts étant capitalisés ;

 

Sur les dommages-intérêts demandés par les consorts X. vis à vis de la CNP pour saisie immobilière injustifiée :

Attendu que la procédure de saisie immobilière a été diligentée à l'encontre des consorts X. non par la CNP mais par le CREDIT AGRICOLE ; qu'ainsi leur demande dirigée contre l'assureur n'est pas fondée ; qu'il convient de les débouter,

Attendu que succombant en ses prétentions la CNP ne peut prétendre au bénéfice de l'article 700 du N.C.P.C. au contraire des consorts X. et de la CAISSE DU CRÉDIT AGRICOLE auxquels, sur le même fondement il convient d'allouer à chacun 3.811,23 euros ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Rejetant l'exception de forclusion présentée,

Réforme le jugement entrepris ayant qualifié de mixte la décision du 14 décembre 1994,

Le confirme pour le surplus.

Y ajoutant

Dit que les sommes dont la CAISSE NATIONALE de PRÉVOYANCE doit se garantir porteront intérêts à compter de la signification du commandement jusqu'au complet paiement, lesdits intérêts étant capitalisés.

[minute page 6] Déboute les consorts X. de leur demande de dommages et intérêts,

Déboute la CAISSE NATIONALE de PREVOYANCE prise en la personne de son Directeur de sa demande de frais irrépétibles

Condamne la CAISSE NATIONALE de PREVOYANCE prise en la personne de son Directeur à payer tant aux consorts X. qu'à la CAISSE du CREDIT AGRICOLE prise en la personne de son Directeur la somme de 3.811,23 euros (trois mille huit cent onze euros vingt trois cents) pour frais irrépétibles,

Outre aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître TANDONNET et Maître BURG, avoués.

Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre et Monique FOUYSSAC Greffière.