CA RENNES (2e ch.), 31 mai 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5603
CA RENNES (2e ch.), 29 avril 2016 : RG n° 13/01159 ; arrêt n° 240
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Cependant, le prêt, d'un montant de 110.500 euros, se trouve exclu, par les articles L. 311-3-2° et D. 311-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause, du champ d'application des crédits à la consommation dont le montant ne pouvait, avant le 1er juillet 2010, être supérieur à 21 500 euros. En outre, les dispositions spéciales de l'article L. 313-15 issues de la loi du 1er juillet 2010, relatives aux crédits de regroupement conclus sur la base d'offres émises après le 1er septembre 2010, ne peuvent s'appliquer à la présente offre émise le 25 janvier 2010. »
2/ « La possibilité laissée à la société Créatis de céder le contrat de prêt par endossement comme un titre à ordre n'a toutefois pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, les époux X. soutenant sans en faire la démonstration qu'elle serait susceptible d'engendrer une diminution de garantie pour le consommateur.
D'autre part, étant rappelé que le contrat de prêt litigieux est exclu du champ d'application de la législation relative aux crédits à la consommation, il était loisible aux parties de convenir qu'en cas de remboursement anticipé par les emprunteurs, il serait dû au prêteur une indemnité destinée à indemniser forfaitairement le prêteur du bouleversement de l'économie du prêt. Au regard du taux d'intérêt annuel de 7 % et du préjudice effectivement subi par le prêteur dans le cas où le contrat n'est pas exécuté jusqu'à son terme, une clause fixant cette indemnité de résiliation à un semestre d'intérêts sur le capital remboursé par anticipation ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur.
En revanche, la clause imposant à l'emprunteur de respecter un préavis de deux mois en cas de mise en œuvre de son droit de remboursement anticipé est abusive, dès lors que le prêteur est de son côté autorisé à se prévaloir de l'exigibilité immédiate en cas de défaut de paiement des échéances moyennant un préavis de seulement un mois et que ces deux clauses créent donc un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur sans qu'il soit démontré en quoi l'exigence d'un préavis de deux mois est indispensable et proportionnée à la sauvegarde des intérêts de la banque.
Toutefois, il convient là encore de rappeler que le contrat de prêt litigieux est exclu du champ d'application de la législation relative aux crédits à la consommation, de sorte que le caractère illicite ou abusif d'une clause de l'offre préalable de prêt ne peut être sanctionnée par la déchéance du droit de la banque aux intérêts contractuels et qu'il résulte de l'article L. 132-1 du code de la consommation que la clause jugée abusive, dès lors qu'elle n'a qu'un caractère limité et que le contrat dans son ensemble peut subsister sans elle, est seulement réputée non écrite. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 29 AVRIL 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/01159. Arrêt n° 240.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, rédacteur, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller, Madame Béatrice LEFEUVRE, Conseiller,
GREFFIER : Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 23 février 2016
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 29 avril 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville]
Madame X. née Y.
née le [date] à [ville]
Représentés par Maître Dominique LE C.-B. de la SCP PHILIPPE C. DOMINIQUE LE C.-B., avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
La SA CREATIS
dont le siège social est [adresse], Représentée par Maître Dominique B. de l'association P., B., DE F. & H., avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 26 janvier 2010, la société Créatis a consenti aux époux X. un prêt de 110.500 euros au taux de 7 % destiné à regrouper divers crédits antérieurs, remboursable en 114 mensualités de 1.311,32 euros.
Saisie par les époux X. de leur situation, la commission de surendettement des particuliers des Côtes-d'Armor a élaboré le 29 septembre 2011 un plan conventionnel de redressement prévoyant, en ce qui concerne la créance de la société Créatis, son apurement en 4 échéances de 52,46 euros puis 92 échéances de 1.239,13 euros, mais la société Créatis s'est, par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 avril 2012, prévalue de la caducité de ces modalités de remboursement pour non-respect du plan.
Puis, par acte du 22 mai 2012, la société Créatis a fait assigner en paiement les époux X. devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc.
Par jugement réputé contradictoire du 27 novembre 2012, le premier juge a :
- condamné solidairement les époux X. au paiement de la somme principale de 110.353,49 euros, avec intérêts au taux de 11 % sur la somme de 109.872,83 euros à compter du 18 avril 2012,
- condamné solidairement les époux X. au paiement de la somme de 2.207,06 euros au titre de l'indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- débouté la société Créatis du surplus de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné solidairement les époux X. aux dépens.
Les époux X. ont relevé appel de cette décision le 18 février 2013, en demandant à la cour de :
- constater que le contrat de crédit est irrégulier et déchoir en conséquence la société Creatis de son droit aux intérêts contractuels,
- en tout état de cause, constater que la société Creatis a manqué à son obligation de mise en garde et la condamner en conséquence au paiement de dommages-intérêts d'un montant équivalent aux sommes qui leur sont réclamées,
- à titre subsidiaire, accorder aux époux X. un délai de grâce de deux ans, avec réduction du taux d'intérêt contractuel au taux légal et imputation des règlements sur le capital,
- débouter la société Creatis de toutes ses demandes contraires,
- condamner la société Creatis aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société Créatis conclut quant à elle à la confirmation du jugement attaqué et sollicite en outre la condamnation des époux X. au paiement d'une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il sera fait référence aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour les époux X. le 17 mai 2013, et pour la société Créatis le 4 juillet 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Pour réclamer la déchéance du droit de la banque aux intérêts contractuels en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure au 1er juillet 2010 applicable à la cause, les époux X. font valoir que l'offre de prêt n'était pas conforme à l'offre type figurant à l'annexe à l'article R. 311-6 du même code et se trouvait dépourvue de bordereau détachable de rétractation.
Cependant, le prêt, d'un montant de 110.500 euros, se trouve exclu, par les articles L. 311-3-2° et D. 311-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause, du champ d'application des crédits à la consommation dont le montant ne pouvait, avant le 1er juillet 2010, être supérieur à 21 500 euros.
En outre, les dispositions spéciales de l'article L. 313-15 issues de la loi du 1er juillet 2010, relatives aux crédits de regroupement conclus sur la base d'offres émises après le 1er septembre 2010, ne peuvent s'appliquer à la présente offre émise le 25 janvier 2010.
Les époux X. soutiennent encore que la banque serait déchue de son droit aux intérêts contractuels en raison de contradictions dans les mentions de TEG figurant dans les divers documents leur ayant été remis.
L'offre de prêt, qui constitue du jour de son acceptation le contrat liant les parties, mentionne, comme le tableau d'amortissement auquel elle renvoie, un TEG annuel de 8,85 % dont l'inexactitude n'est pas démontrée, et n'est au demeurant pas même invoquée, les époux X. se bornant à faire valoir qu'un troisième document de synthèse édité le 1er mars 2013 faisait ressortir le TEG à 4,487 %.
Cependant, rien ne démontre que ce document de nature manifestement prévisionnelle, dépourvu de signature et portant de surcroît sur un prêt d'une durée d'un mois, ait valeur contractuelle.
Les époux X. prétendent encore que les clauses de l'offre de prêt soumettant les emprunteurs désireux de rembourser ce crédit par anticipation à un préavis de deux mois ainsi qu'au paiement d'une indemnité de résiliation anticipée égale à un semestre d'intérêts sur le capital remboursé, ainsi que celle autorisant la banque à céder le contrat de prêt par simple endossement, seraient abusives.
La possibilité laissée à la société Créatis de céder le contrat de prêt par endossement comme un titre à ordre n'a toutefois pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, les époux X. soutenant sans en faire la démonstration qu'elle serait susceptible d'engendrer une diminution de garantie pour le consommateur.
D'autre part, étant rappelé que le contrat de prêt litigieux est exclu du champ d'application de la législation relative aux crédits à la consommation, il était loisible aux parties de convenir qu'en cas de remboursement anticipé par les emprunteurs, il serait dû au prêteur une indemnité destinée à indemniser forfaitairement le prêteur du bouleversement de l'économie du prêt.
Au regard du taux d'intérêt annuel de 7 % et du préjudice effectivement subi par le prêteur dans le cas où le contrat n'est pas exécuté jusqu'à son terme, une clause fixant cette indemnité de résiliation à un semestre d'intérêts sur le capital remboursé par anticipation ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur.
En revanche, la clause imposant à l'emprunteur de respecter un préavis de deux mois en cas de mise en œuvre de son droit de remboursement anticipé est abusive, dès lors que le prêteur est de son côté autorisé à se prévaloir de l'exigibilité immédiate en cas de défaut de paiement des échéances moyennant un préavis de seulement un mois et que ces deux clauses créent donc un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur sans qu'il soit démontré en quoi l'exigence d'un préavis de deux mois est indispensable et proportionnée à la sauvegarde des intérêts de la banque.
Toutefois, il convient là encore de rappeler que le contrat de prêt litigieux est exclu du champ d'application de la législation relative aux crédits à la consommation, de sorte que le caractère illicite ou abusif d'une clause de l'offre préalable de prêt ne peut être sanctionnée par la déchéance du droit de la banque aux intérêts contractuels et qu'il résulte de l'article L. 132-1 du code de la consommation que la clause jugée abusive, dès lors qu'elle n'a qu'un caractère limité et que le contrat dans son ensemble peut subsister sans elle, est seulement réputée non écrite.
Les époux X. font enfin valoir que la société Créatis aurait manqué à son devoir de mise en garde sur les risques d'endettement excessif.
Pour accorder son prêt du 26 janvier 2010, le prêteur s'est renseigné en se faisant notamment remettre le dernier avis d'imposition sur les revenus des emprunteurs disponible ainsi que des bulletins de salaire de Mme X., ouvrière, et des avis de paiement de pensions de M. X., retraité, ainsi que leur livret de famille montrant que leurs enfants, nés en 1983 et 1984, étaient adultes et un jugement du tribunal de grande instance de Guingamp du 10 novembre 2009 déclarant M. X. propriétaire de l'immeuble occupé par le couple.
Il en ressort que les revenus mensuels des époux X. étaient, lors de l'octroi du crédit, de l'ordre de 2 800 euros et que leurs charges obligatoires étaient réduites.
Étant en outre rappelé que le prêt consenti était destiné à regrouper les crédits accumulés antérieurement afin de restructurer la dette des emprunteurs antérieurement constituée, la charge de remboursement mensuelle de 1.311 euros n'était pas inadaptée à leurs facultés de remboursement.
La société Créatis n'était donc pas débitrice d'un devoir de mise en garde.
Il convient donc de confirmer en tous points le jugement attaqué ayant, par de pertinents motifs exempts de critique, arrêté la créance de la société Créatis à 110.353,49 euros, outre les intérêts au taux contractuel majoré de 11 % à compter du 18 avril 2012 et l'indemnité de résiliation de 2 207,06 euros.
Il n'y a pas lieu d'accorder aux époux X., qui ont déjà bénéficié des larges délais de la procédure, un nouveau délai de grâce.
Et, il n'y a pas davantage matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Dit n'y avoir lieu de déchoir la société Créatis de son droit aux intérêts contractuels ;
Confirme le jugement rendu le 27 novembre 2012 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en toutes ses dispositions ;
Déboute les époux X. de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les époux X. aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5824 - Code de la consommation - Autres textes - Application dans le temps - Crédit à la consommation
- 6024 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Inégalité
- 6041 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Professionnel - Contraintes de gestion
- 6136 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Transmission du contrat - Cession de contrat
- 6626 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Remboursement anticipé
- 6627 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Cession du contrat
- 6637 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Regroupement de crédits