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CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 10 juin 2004

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 10 juin 2004
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch. sect. civ et com.
Demande : 01/01084
Date : 10/06/2004
Nature de la décision : Confirmation
Décision antérieure : TI CHERBOURG, 7 décembre 2000
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 576

CA CAEN (1re ch. sect. civ. et com.), 10 juin 2004 : RG n° 01/01084

Publication : Juris-Data n° 258013

 

Extraits : 1/ « La banque soutient que les moyens de contestation émis par Mme Y. sont irrecevables comme atteints par la forclusion en application de l'article L. 311-37 du code de la consommation en sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001. Cependant, la directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives, dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat. Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses nonnes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel. En application de ces principes, il convient de considérer que les emprunteurs peuvent invoquer pour leur défense, par voie d'exception, la nullité du contrat ou la déchéance du droit du prêteur aux intérêts sans encourir la forclusion de deux ans prévue par les anciennes dispositions de l'article L. 311-37 du cade de la consommation désormais abrogées. »

2/ « Mme Y. expose que l'offre de crédit n'est pas conforme à l'article R. 311-6 du code de la consommation. Cependant, concernant l'exigence de lisibilité, si la signature de Mme Y. figure au recto de l'offre de prêt il doit être souligné que le cadre réservé à la signature de l'emprunteur se situe à proximité de la mention suivante : « déclare avoir pris connaissance de toutes les conditions figurant ci-dessus, ci-dessous et au verso, lesquelles font partie intégrante du présent contrat ». Dès lors, c'est à tort que Mme Y. se prévaut d'un défaut de lisibilité de la convention.

Concernant la typographie, contrairement aux affirmations de Mme Y., le caractère des lettres de l'offre de crédit respecte les exigences du décret du 24 mars 1978, qui précise que l'offre préalable de crédit doit être imprimée « en caractères non inférieurs au corps 8 (hauteur minimale 2 mm) ». Ce moyen sera en conséquence rejeté. »

3/ « La clause pénale ne constitue pas une clause abusive dès lors que ne s'y ajoute pas une augmentation du taux d'intérêt à titre de pénalité et que son montant, de 8 % du capital restant dû et n'augmentant pas, même indirectement ou de manière déguisée, le taux d'intérêts est conforme aux dispositions légales et réglementaires, et son montant n'apparaît pas manifestement excessif. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE - SECTION CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 10 JUIN 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 01/01084.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

[adresse], représentée par Maître Jean TESNIERE, avoué, assistée de Maître François LEBOCQ CASTILLON, avocat au barreau de CAEN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [ville])

 

INTIMÉE :

Société SOFINCO

[adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués, assistée de Maître DE BREK, substituant Maître Pascal LEBLANC, avocat au barreau de CAEN

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur LE FEVRE, Président, Madame HOLMAN, Conseiller, rédacteur, Monsieur HALLARD, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 06 mai 2004.

GREFFIER : Mme VERA, Greffier de la 1ère Chambre 2ème section, lors des débats, et lors du prononcé,

ARRÊT prononcé par Monsieur LE FEVRE. Président, à l'audience publique du 10 juin 2004.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Mme X. veuve Y. a interjeté appel du jugement réputé contradictoire rendu le 7 décembre 2000 par le Tribunal d'instance de CHERBOURG dans un litige l'opposant à SA SOFINCO (la banque).

* * *

Le 29 avril 1997, la banque a consenti à M. et Mme Y. un prêt personnel d'un montant de 120.000 Francs (18.293,88 €) remboursable en soixante mensualités au TEG de 11,94 %.

M. Y. est décédé le 6 avril 1999.

Les échéances étant demeurées impayées à compter du 30 avril 1999, la banque a prononcé la déchéance du terme et mise en demeure le 12 octobre 1999, et après sommation de payer du 4 novembre 1999 demeurée infructueuse a, par acte du 21 juillet 2000, transformé en procès-verbal de recherches, fait citer Mme Y. devant le Tribunal afin d'obtenir paiement des sommes de :

- 89.275,79 Francs (13.610,01 €) en principal,

- 459,58 Francs (71,59 €) au titre des intérêts contractuels au 12 octobre 1999,

- 6.446,91 Francs (982.83 €) au titre de l'indemnité de 8 %,

- 3.000,00 Francs (457,35 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Par le jugement déféré, le Tribunal a constaté que le prêt était conjoint et non solidaire entre les époux, condamné Mme Y. à payer à la banque la somme de 47.556,48 Francs (7.249,94 €) avec intérêts au taux contractuel de 11,761 % à compter du 4 novembre 1999.

Vu les écritures signifiées :

* le 5 février 2004 par Mme Y. qui conclut à la réformation du jugement à la nullité de 1’assignation subsidiairement à l'irrecevabilité de l’action, très subsidiairement à la déchéance du droit aux intérêts et à la nullité de la clause pénale.

* [minute page 3] le 1er mars 2004 par la banque qui conclut à la confirmation du jugement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I - Sur la nullité de l'assignation :

Mme Y. expose que l'assignation est frappée de nullité comme ayant été délivrée à une adresse imaginaire, alors que la banque connaissait sa véritable adresse.

Sur le contrat de prêt figure l'adresse : « [adresse A] ». À cette adresse a également été envoyée la lettre recommandée du 12 octobre 1999, à laquelle Mme Y. a répondu le 19 octobre 1999 dans un courrier qui la rappelait.

La sommation de payer du 4 novembre 1999 a été délivrée par l'huissier à l'adresse « [adresse B] », et remise en mairie. Cependant le procès verbal de remise en mairie précise la confirmation du domicile par le voisinage.

L'assignation a été délivrée à cette dernière adresse, et préalablement à rétablissement du procès-verbal de recherches, l'huissier après avoir mentionné que le dernier domicile connu était celui mentionné dans l'assignation, s'est livré aux vérifications conformes à l'article 659 du nouveau code de procédure civile, lesquelles sont ainsi précisément décrites dans l'acte : enquête auprès des nouveaux occupants de cet ancien domicile, des services de mairie de la commune, des services de la Poste qui ont opposé leur droit de réserve, interrogation des services du minitel ; Mine Y. ne justifie pas, ainsi qu'elle le prétend, avoir informé la banque d'un changement de domicile ou avoir régulièrement fait suivre son courrier.

Mme Y. a eu effectivement connaissance de la procédure puisque le 13 octobre 2000, soit en cours de délibéré, elle a écrit au Tribunal pour demander qu'on la tienne informée, et qu'on lui fasse parvenir à l'adresse de sa fille située à CHERBOURG - par elle indiquée dans le courrier - les documents nécessaires pour qu'elle puisse se présenter - précisant que depuis février 2000 elle n'avait plus d'adresse et qu'elle était hébergée « chez les uns et chez les autres ».

[minute page 4] Alors que le jugement a été signifié le 9 avril 2001 (à l'adresse de sa fille), Mme Y. a interjeté appel dès le 11 avril 2001, se domiciliant dans cet acte « [adresse B] ».

Dès lors, il n'existe en la cause aucune irrégularité de procédure susceptible de porter grief à l’appelante, et ce moyen de nullité sera en conséquence rejeté.

 

II - Sur la recevabilité des moyens de défense :

La banque soutient que les moyens de contestation émis par Mme Y. sont irrecevables comme atteints par la forclusion en application de l'article L. 311-37 du code de la consommation en sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001.

Cependant, la directive 93/13 CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives, dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.

Le juge national, chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ses nonnes, en laissant inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition de la législation nationale, même postérieure, sans attendre l'élimination de ces dispositions par voie législative ou tout autre procédé constitutionnel.

En application de ces principes, il convient de considérer que les emprunteurs peuvent invoquer pour leur défense, par voie d'exception, la nullité du contrat ou la déchéance du droit du prêteur aux intérêts sans encourir la forclusion de deux ans prévue par les anciennes dispositions de l'article L. 311-37 du cade de la consommation désormais abrogées.

 

III - Sur le non respect du délai :

Il résulte des pièces contractuelles et du relevé bancaire produits que le virement de 120.000 Francs a été effectué par la banque le 2 mai 1997, alors que l'offre de crédit avait été acceptée le 29 avril 1997, et ainsi que les conditions de délai imposées par l'article L. 311-17 du code de la consommation n’ont pas été respectées.

[minute page 5] Cependant, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L. 311-33 du code de la consommation ne s'applique qu'au non-respect des dispositions prévues aux articles L. 311-8 à L. 311-13, et il ne saurait être fait application de cette sanction en raison d'irrégularités affectant le versement du crédit mis à la disposition de l'emprunteur.

Ce moyen sera en conséquence rejeté.

 

IV - Sur l'existence de l'obligation :

Mme Y. soutient que la demande en paiement est irrecevable, au motif qu'elle n'a pas reçu le montant de l'emprunt et n'en a pas profité.

Cependant, aux termes du contrat, Mme Y. a apposé sa signature comme co-emprunteur. Il est reconnu que la somme de 120.000 Francs a été virée sur le compte de M. Y. le 2 mai 1997, dès lors il est établi que la banque a mis à disposition les sommes objet du contrat, et leur utilisation subséquente par les emprunteurs est étrangère à leur obligation de remboursement.

Ce moyen, infondé, sera en conséquence rejeté.

 

V - Sur la présentation du contrat :

Mme Y. expose que l'offre de crédit n'est pas conforme à l'article R. 311-6 du code de la consommation.

Cependant, concernant l'exigence de lisibilité, si la signature de Mme Y. figure au recto de l'offre de prêt il doit être souligné que le cadre réservé à la signature de l'emprunteur se situe à proximité de la mention suivante : « déclare avoir pris connaissance de toutes les conditions figurant ci-dessus, ci-dessous et au verso, lesquelles font partie intégrante du présent contrat ».

Dès lors, c'est à tort que Mme Y. se prévaut d'un défaut de lisibilité de la convention.

Concernant la typographie, contrairement aux affirmations de Mme Y., le caractère des lettres de l'offre de crédit respecte les exigences du décret du 24 mars 1978, qui précise que l'offre préalable de crédit doit être imprimée « en caractères non inférieurs au corps 8 (hauteur minimale 2 mm) ».

[minute page 6] Ce moyen sera en conséquence rejeté.

 

VI - Sur la clause pénale :

La clause pénale ne constitue pas une clause abusive dès lors que ne s'y ajoute pas une augmentation du taux d'intérêt à titre de pénalité et que son montant, de 8 % du capital restant dû et n'augmentant pas, même indirectement ou de manière déguisée, le taux d'intérêts est conforme aux dispositions légales et réglementaires, et son montant n'apparaît pas manifestement excessif.

En conséquence son argumentation de ce chef, infondée, sera rejetée.

* * *

Les autres dispositions du jugement, non contestées seront confirmées par motifs adoptés.

En conséquence, le jugement sera confirmé.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Rejette le moyen de nullité ;

- Confirme le jugement ;

- Condamne Mme X. veuve Y. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT

N. VERA                   A. LE FEVRE