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5875 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation (1995-2016) : autres critères

Nature : Synthèse
Titre : 5875 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation (1995-2016) : autres critères
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5875 (4 août 2023)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

DOMAINE D’APPLICATION - PERSONNES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION

PROFESSIONNELS CONTRACTANT À L’OCCASION DE LEUR ACTIVITÉ

CRITÈRES - CLAUSES ABUSIVES - COUR DE CASSATION (1995-2016) - AUTRES CRITÈRES

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2023)

 

Présentation. Postérieurement à l’arrêt du 24 janvier 1995 consacrant le critère du rapport direct, la Cour de cassation a continué à se référer à d’autres critères, sans donner d’explication sur leur articulation avec celui-ci. En analysant plus finement les arrêts concernés, certains tranchent la question de l’applicabilité de la protection en se référant exclusivement à des critères différents de celui du rapport direct (A). D’autres, en revanche, conservent la référence au rapport direct, mais l’appliquent en le combinant avec d’autres (B). En revanche, la Cour a très clairement exclu l’utilisation, à titre autonome ou combiné, du critère de la compétence (V. Cerclab n° 5880 et n° 5885).

A. CRITÈRES ALTERNATIFS : UTILISATION EXCLUSIVE

Besoins de l’activité. Immédiatement après le revirement du 24 janvier 1995, la première Chambre civile s’est référée au critère des besoins de l’activité : le demandeur ayant reconnu dans ses conclusions d’appel qu’il avait loué le véhicule pour les besoins de son entreprise, la cour d’appel en a justement déduit que le contrat signé par un commerçant pour les besoins de son commerce échappait à l’application de l’art. 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 qui ne concerne que les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs. Cass. civ. 1re, 21 février 1995 : pourvoi n° 93-14041 ; arrêt n° 355 ; Cerclab n° 2081 ; JCP 1995. II. 22502, note Paisant ; Contrats conc. consom. 1995, n° 84, note Leveneur. § § N.B. L’importance de cet arrêt ne doit sans doute pas être surestimée, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il n’a pas été publié au Bulletin. Ensuite, il est intervenu très peu de temps après le premier arrêt adoptant le critère du rapport direct, à une époque où la pérennité de celui-ci n’était pas forcément acquise, la consolidation de ce critère étant intervenue en janvier 1996. Avec le recul et en tenant compte des nombreuses décisions de la Cour de cassation ayant visé le critère du rapport direct, l’arrêt est resté isolé.

V. cependant dans le même sens, ultérieurement : en faisant application de l’ancien art. L. 132-1 c. consom. à un contrat conclu entre un Centre de gestion des entreprises, centre de gestion agréé, et une commerçante, pour les besoins de l'activité professionnelle de celle-ci, le tribunal a violé ledit texte. Cass. civ. 1re, 22 novembre 2007 : pourvoi n° 06-14333 ; arrêt n° 1350 ; Cerclab n° 2817.

Pour la présentation des décisions adoptant le critère des besoins de l’activité, à titre exclusif, même après l’arrêt du 24 janvier 1995, V. Cerclab n° 5878.

Exclusion des contrats conclus entre commerçants. V. en ce sens pour la Chambre commerciale : la cour d'appel qui a relevé que le contrat avait été conclu entre deux commerçants dans le cadre de relations professionnelles habituelles, ce dont elle a déduit que l'art. 2 du décret du 24 mars 1978 ne trouvait pas à s'appliquer, justifie légalement sa décision en retenant que la clause ne revêtait pas un caractère abusif : Cass. com. 23 novembre 1999 : pourvoi n° 96-21869 ; arrêt n° 1867 ; Bull. civ. IV, n° 210 ; Cerclab n° 1928 ; JCP 2000. II. 10326, note Chazal ; JCP E 2000, p. 463, note Neau-Leduc ; Contrats conc. consom. 2000, n° 40, note Leveneur ; ibid., n° 69, note Raymond ; Defrénois 2000. 245, obs. D. Mazeaud (clauses abusives ; impression d’un catalogue), rejetant le pourvoi contre CA Nancy (2e ch.), 12 septembre 1996 : RG n° 2981/94 ; arrêt n° 1853/96 ; Cerclab n° 1573 (même formule).

Pour la présentation des décisions adoptant ce critère, même après l’arrêt du 24 janvier 1995, V. Cerclab n° 5877.

Exclusion des contrats conclus entre professionnels ou en qualité de professionnel. Dès lors que le contrat entre un fournisseur informatique et un syndicat départemental de contrôle laitier n'a pu être conclu par ce dernier qu'en qualité de professionnel, les dispositions de l'ancien art. L. 132-1 C. consom., dans sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995, ne sauraient trouver application. Cass. civ. 1re, 15 mars 2005 : pourvoi n° 02-13285 ; Bull. civ. I, n° 135 ; R., p. 353 ; Cerclab n° 1990 ; D. 2005. 1948, note Boujeka ; ibid. AJ. 887, obs. Rondey ; ibid. Pan. 2840, obs. Amrani Mekki ; JCP 2005. II. 10114, note Paisant ; JCP E 2005. 769, note Bakouche ; Defrénois 2005. 2009, obs. Savaux ; Contr. conc. consom. 2005, n° 100, note Raymond ; LPA 12 mai 2005, note Bert ; RDC 2005. 740, obs. Fenouillet (arrêt réservant la vérification du caractère professionnel du contrat), pourvoi contre CA Paris (15e ch., sect. A), 15 janvier 2002 : Dnd§ N.B. Cette solution est parfois reprise par les juges du fond (V. Cerclab n° 5877), mais en se contentant d’affirmer que le contractant est un professionnel, ce type de motivation procède au fond par affirmation, sans fournir de critère ou d’indices justifant plus précisément ce caractère professionnel.

V. aussi : en confiant à l’agent immobilier mandat de vendre le fonds de commerce qu’il exploitait, le vendeur n’a pas agi en qualité de non-professionnel ou de consommateur. Cass. civ. 1re, 5 mars 2015 : pourvoi n° 14-13062 ; arrêt n° 244 : Cerclab n° 5070 ; D. 2015. 1030, note X. Henry (vente d’un fonds de commerce de pharmacie ; exclusion de la protection contre les clauses abusives).

Identité de spécialité. Quelques décisions tardives de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation ont temporairement adopté ce critère (V. aussi Cerclab n° 5881) : ayant relevé que la SCI, promoteur immobilier, était un professionnel de l’immobilier mais pas un professionnel de la construction, la cour d’appel a pu retenir que celle-ci devait être considérée comme un non-professionnel vis-à-vis du contrôleur technique en application de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. Cass. civ. 3e, 4 février 2016 : pourvoi n° 14-29347 ; arrêt n° 159 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 5484, rejetant le pourvoi contre CA Montpellier (1re ch. sect. A 01), 23 octobre 2014 : RG n° 13/04143 ; Cerclab n° 4889 (une SCI, promoteur immobilier, est un professionnel de l’immobilier, mais pas un professionnel de la construction et doit être considérée comme un non-professionnel vis-à-vis de l’architecte et du contrôleur technique ; clause non abusive), suite de Cass. civ. 3e, 19 mars 2013 : pourvoi n° 11-25266 : Cerclab n° 4890. § Même sens : Cass. civ. 3e, 7 novembre 2019 : pourvoi n° 18-23259 ; arrêt n° 893 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8170, rejet du pourvoi contre CA Dijon (1re ch. civ.), 26 juin 2018 : RG n° 16/01677 ; Cerclab n° 7639.

Mais la Cour a fini par abandonner ce critère : les dispositions de l’anc. art. L. 132-1 C. consom. ne s'appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant (Civ. 1re, 24 janvier 1995 : pourvoi n° 92-18.227 ; Bull. civ. I, n° 54 - Com., 1er juin 1999 : pourvoi n° 96-20962) ; rejet du pourvoi contre l’arrêt ayant écarté l’application de ce texte au contrat conclu entre une société exploitant un hôtel et un maître d’œuvre, pour étendre l'hôtel qu'elle exploitait, dès lors que, le contrat ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle du maître de l'ouvrage, celui-ci ne pouvait être considéré comme un non-professionnel dans ses rapports avec le maître d'œuvre, peu important ses compétences techniques dans le domaine de la construction. Cass. civ. 3e, 3, 25 mai 2023 : pourvoi n° 21-20643 ; arrêt n° 351 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 10296 (points n° 19 à 22), rejetant sur ce point, par substitution d’un motif de pur droit, le pourvoi contre CA Paris (pôle 4 ch. 5), 2 juin 2021 : Dnd.

Exclusion des contrats conclus entre sociétés commerciales. Une évolution notable s’est produite dans certains arrêts (non publiés pour les clauses abusives) excluant de la protection les contrats conclus entre sociétés commerciales, sans vérification de l’existence ou non du rapport direct. Bien que la Cour ne l’ait jamais expressément précisé dans ses motifs, il faut sans doute voir dans ses décisions une exclusion systématique qui réduit d’autant le domaine du critère du rapport direct. § N.B. L’opportunité de la solution adoptée se discute, dès lors que le caractère commercial d’une société n’est pas du tout synonyme de son importance (ex. parmi d’autres : les Eurl). L’ancien art. L. 121-16-1-III C. consom., résultant de la loi du 17 mars 2014, est sous cet angle plus réaliste (si on admet son applicabilité aux personnes morales) en ciblant la taille de l’entreprise et la nature du contrat conclu. La solution a été maintenue par l’art. L. 221-3 C. consom. dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016.

L’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. ne s’applique pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales. Cass. civ. 1re, 11 décembre 2008 : pourvoi n° 07-18128 ; Cerclab n° 2832 ; Contr. conc. consom. 2009, comm. n° 69, note Leveneur (mise à disposition d’un distributeur automatique de boissons ; N.B. l’arrêt est d’autant plus spectaculaire qu’il relève d’office de ce moyen, alors que le demandeur au pourvoi contestait l’absence de rapport direct avec l’activité). § Dans le même sens : Cass. com., 3 décembre 2013 : pourvoi n° 12-26416 ; Cerclab n° 4618 (clauses abusives ; télésurveillance), rejetant le pourvoi contre CA Versailles, 7 février 2012 : Dnd. § Pour la présentation des décisions adoptant ce critère, à titre exclusif, même après l’arrêt du 24 janvier 1995, V. Cerclab n° 5877.

Cette solution a été étendue dans le cadre de l’application de l’ancien art. L. 136-1 [L. 215-1 s.] C. consom. (version modifiée étendue aux non-professionnels) : l’art. L. 136-1 C. consom., qui s’applique exclusivement au consommateur et au non-professionnel, ne concerne pas les contrats conclus entre sociétés commerciales. Cass. com., 6 septembre 2011 : pourvoi n° 10-21583 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 3332 (contrat de prestations de services de « veille sur les marchés publics ») - Cass. com., 6 septembre 2011 : pourvoi n° 10-21584 ; Cerclab n° 3333 (idem). 

V. aussi pour les juges du fond, par exemple : l'ancien art. L. 136-1 [L. 215-1 s.] C. consom. ne concerne pas les contrats conclus entre sociétés commerciales. CA Nancy (2e ch. com.), 18 décembre 2013 : RG n° 12/02401 ; arrêt n° 2524/13 ; Cerclab n° 4645 (location d’espace publicitaire par une Sas), sur appel de T. com. Épinal, 11 septembre 2012 : RG n° 2012/3194 ; Dnd.

Troisième Chambre civile. La troisième Chambre civile de la Cour de cassation ne s’est jamais réfèrée au critère du rapport direct avec l’activité. V. : Cass. civ. 3e, 4 novembre 2004 : pourvoi n° 03-13002 ; arrêt n° 1102 ; Cerclab n° 1942 (contrat d’architecte pour l’extension de bâtiments professionnels ; rejet très elliptique du moyen invoquant l’ancien art. L. 132-1 C. consom., l’arrêt se contentant de reproduire les motifs de l’arrêt attaqué affirmant la validité de la clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un commerçant), rejetant le pourvoi CA Montpellier (1re ch. sect. AO2), 18 février 2003 : RG n° 01/00682 ; arrêt n° 728 ; Cerclab n° 928 (cette clause du contrat conclu entre un architecte et un commerçant inscrit au registre du commerce et des sociétés est valable ; arrêt ne contenant aucune référence au caractère abusif).

Pour une décision tardive et isolée retenant le critère de l’identité de spécialité : ayant relevé que la SCI, promoteur immobilier, était un professionnel de l’immobilier mais pas un professionnel de la construction, la cour d’appel a pu retenir que celle-ci devait être considérée comme un non-professionnel vis-à-vis du contrôleur technique en application de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. Cass. civ. 3e, 4 février 2016 : pourvoi n° 14-29347 ; arrêt n° 159 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 5484.

B. CRITÈRES ALTERNATIFS : UTILISATION COMBINÉE

Rapport direct et besoins de l’activité. Cette combinaison a été adoptée à plusieurs reprises par la Cour de cassation dans le cadre de la protection contre les clauses abusives, pour estimer qu’un contrat conclu pour les besoins de l’activité a un rapport direct avec celle-ci : Cass. com. 13 mars 2001 : pourvoi n° 98-21912 ; arrêt n° 519 ; Cerclab n° 1923 (exclusion de la protection pour un contrat de crédit-bail d’un véhicule automobile et son assurance ; après avoir rappelé l’attendu classique sur le rapport direct, l’arrêt approuve l’exclusion de la protection par la cour d’appel dès lors que celle-ci avait relevé que le contrat avait été conclu pour les besoins de ses activités) - Cass. civ. 2e, 18 mars 2004 : pourvoi n° 03-10327 ; arrêt n° 446 ; Bull. civ. II, n° 136 ; Cerclab n° 1978 (chapeau rappelant le critère du rapport direct ; cassation pour fausse application de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. de l’arrêt admettant l’application de ce texte, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat d'assurance était accessoire à des prêts professionnels souscrits pour les besoins de l'exploitation d'un fonds de commerce, ce dont il s'évinçait qu'ils ne relevaient pas de la législation sur les clauses abusives applicable aux consommateurs).