TGI PAU (1re ch. civ.), 9 janvier 2001
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 643
TGI PAU (1re ch. civ.), 9 janvier 2001 : RG n° 98/03350 ; 6/2000
(sur appel CA Pau (1re ch.), 25 février 2002 : RG n° 01/01124 ; arrêt n° 682)
Extrait : « En ce qui concerne l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, il est applicable aux contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs. Les consommateurs, au sens de la loi, sont les personnes physiques qui contractent pour leurs besoins personnels ou familiaux, ce qui n'est pas le cas de la commune de LESCAR, laquelle est une personne morale. La commune ne peut davantage se prévaloir de la qualité de non-professionnel dans la mesure où, en vertu d'une jurisprudence constante, les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures, de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle du co-contractant. Or, en l'espèce, la commune a bien loué les photocopieurs pour les besoins de son activité ».
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 9 JANVIER 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 98/03350. Jugement n° 6/2000.
DEMANDERESSE :
La NRG France
société anonyme au capital de XX euros, ayant son siège [adresse], agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général, domicilié en cette qualité au siège social, se trouvant aux droits de GESTETNER société anonyme, au capital de YY FF, dont le siège social est sis [adresse]. Représentée par Maître SPITERI du barreau de PAU et Maître CECCARELLI du barreau de PARIS.
DÉFENDERESSE :
La Commune de LESCAR
[adresse]. Représentée par la SCP BRIN - LABES du barreau de PAU.
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Melle DUPOUY, Vice-Présidente faisant fonction de Président,
En présence, à l'appel des causes et lors du prononcé de la décision, de Melle DESCAT, greffier.
DÉBATS : A l'audience publique tenue le 7 novembre 2000, les avocats des parties ont été entendus en leurs plaidoiries. A l'issue des débats, le Tribunal, conformément à l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile, a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré au 19 décembre 2000 prorogé au 9 janvier 2001, au jour susdit, le présent jugement a été rendu :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] JUGEMENT :
VU l'assignation délivrée le 30 novembre 1998 par la SA GESTETNER demandant au Tribunal, au vu des stipulations de deux contrats portant sur divers matériels de reprographie :
- de condamner la commune de LESCAR à lui verser, au titre du contrat n° WW, la somme de 29.315,45 francs au titre du loyer du troisième trimestre 1998 et la somme de 205.208,13 francs au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation,
- de condamner la commune de LESCAR à verser, au titre du contrat n° ZZ, la somme de 12.889,13 francs au titre du loyer du troisième trimestre 1998 et la somme de 38.667,37 francs au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation,
- de dire que les sommes sus-indiquées porteront intérêt au taux légal à compter du 28 octobre 1998, date de la signature de l'accusé de réception de la lettre de mise en demeure,
- d'ordonner la restitution du matériel loué sous astreinte de 1.000 francs par jour et par appareil,
- de condamner la commune de LESCAR à verser la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement,
VU l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 14 juin 1999, confirmée par arrêt du 18 mai 2000, déclarant le Tribunal de Grande Instance de PAU compétent pour statuer sur les demandes en paiement et restitution relatives à la résiliation des contrats liant la société GESTETNER à la commune de LESCAR,
VU l'ordonnance de clôture rendue le 23 octobre 2000,
VU les conclusions sur le fond déposées par la commune de LESCAR le 24 octobre 2000 sans date de signification, au vu desquelles elle demande au Tribunal de débouter la société GESTETNER de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile aux motifs, à titre principal, que les contrats seraient nuls pour non respect des dispositions du Code des Marchés Publics, et, subsidiairement, que la société GESTETNER aurait commis des fautes dans l'exécution des contrats, justifiant la résolution à ses torts exclusifs, outre que la clause prévoyant le versement d'une indemnité de résiliation serait, en toute hypothèse, nulle, comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation,
VU les conclusions en réponse et récapitulatives signifiées le 2 novembre 2000 par la SA NRG FRANCE se trouvant aux droits de la société GESTETNER par l'effet d'une fusion absorption au vu desquelles celle-ci maintient l'intégralité des demandes initiales, sur le fondement des articles 1134 et 1153 du Code Civil, à l'exception de la demande de restitution, aux motifs que l'article 321 du Code des Marchés Publics n'est pas applicable aux contrats en cause, lesquels ne mettent pas, à la charge de la commune, un montant d'obligation supérieur à 300.000 francs par an, qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution des contrats et que, d'ailleurs, la [minute page 3] reproche à cet égard, que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ne sont pas davantage applicables à la commune de LESCAR et que le montant des indemnités de résiliation n'est pas manifestement excessif mais correspond exactement au préjudice subi du fait de la résiliation anticipée des contrats,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les parties se sont accordées à l'audience sur la révocation de l'ordonnance de clôture, mesure à laquelle il sera effectivement procédé afin de permettre au Tribunal de prendre en compte l'ensemble des moyens développés.
Il convient de donner acte à la société NRG FRANCE de ce qu'elle se trouve aux droits de la société GESTETNER par l'effet d'une opération de fusion absorption devenue définitive le 31 mai 2000 et de ce qu'elle continue en son propre nom la procédure engagée à l'encontre de la commune de LESCAR.
Pour prétendre à la nullité des contrats, la commune de LESCAR se prévaut d'un seuil de 300.000 francs au-delà duquel une procédure particulière est prévue par le Code des Marchés Publics en ce qui concerne la publicité du contrat et la mise en concurrence des divers contractants possibles. Ce seuil résulte de l'article 321 du Code des Marchés Publics, lequel est, sur le plan du principe, applicable aux contrats en cause puisqu'ils ont été signés par une collectivité publique et concernent des fournitures et services. Toutefois, il résulte de l'article 321 du Code des Marchés Publics que l'appréciation du seuil de 300.000 francs se fait en fonction du montant annuel présumé de sorte que contrairement à ce que soutient la commune de LESCAR, même si le contrat de location a une durée supérieure à un an, il n'y a pas lieu de globaliser l'opération puisque le texte prévoit expressément et clairement une appréciation annuelle. De même, le fait qu'il y ait plusieurs contrats n'implique pas davantage qu'il y ait lieu de cumuler les montants respectifs dès lors qu'il y a aussi plusieurs matériels loués.
En conséquence, dans la mesure où le montant annuel de chacun des deux contrats litigieux est inférieur à la somme de 300.000 francs, la commune de LESCAR sera déboutée de sa demande tendant à en faire prononcer la nullité.
En ce qui concerne l'inexécution des obligations contractuelles de la société GESTETNER, la commune de LESCAR ne produit aucune pièce permettant de caractériser les fautes commises outre qu'il lui appartiendrait de démontrer que celles-ci seraient d'une importance telle qu'elles justifieraient la résiliation pure et simple du contrat sans indemnité. Il ne figure au dossier de la défenderesse que l'extrait du registre des délibérations du conseil municipal du 29 juin 1998, au vu duquel la dénonciation unilatérale du contrat GESTETNER a été décidée « compte tenu du caractère illégal du contrat... et du défaut de résultat de la société… ». Cette affirmation n'est pas susceptible de constituer une preuve pas plus que le fait que la société GESTETNER ait étudié, avec la commune de LESCAR, une implantation différente de matériels adaptés à ses besoins avec remplacement du parc de photocopieurs ce qui ne permet pas d'établir que les contrats litigieux faisaient l'objet d'inexécutions graves.
[minute page 4] En ce qui concerne l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, il est applicable aux contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs. Les consommateurs, au sens de la loi, sont les personnes physiques qui contractent pour leurs besoins personnels ou familiaux, ce qui n'est pas le cas de la commune de LESCAR, laquelle est une personne morale. La commune ne peut davantage se prévaloir de la qualité de non-professionnel dans la mesure où, en vertu d'une jurisprudence constante, les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures, de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle du co-contractant. Or, en l'espèce, la commune a bien loué les photocopieurs pour les besoins de son activité.
Dans ces conditions, les stipulations contractuelles doivent recevoir application, y compris en ce qui concerne l'indemnité de résiliation.
Enfin, l'indemnisation forfaitaire prévue par les parties n'apparaît pas manifestement excessive dès lors que la société propriétaire du matériel procède à ses achats en fonction de l'amortissement qu'elle est en droit d'attendre par le biais du versement des loyers. Il est également certain qu'elle doit disposer des moyens humains et matériels lui permettant d'exécuter ses prestations jusqu'au terme contractuel.
En conséquence, la commune de LESCAR sera condamnée au paiement, des sommes réclamées, avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 1998, date de signature de l'accusé de réception accompagnant la lettre recommandée de mise en demeure datée du 26 octobre précédent.
Compte tenu de l'ancienneté du litige, il apparaît nécessaire d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.
Enfin, il apparaît équitable de condamner la commune de LESCAR à verser à la société NRG FRANCE la somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile ordinaire, en premier ressort et en sa formation de Juge Unique,
Révoque l'ordonnance de clôture ;
Donne acte à la société NRG FRANCE de ce qu'elle vient aux droits de la société GESTETNER et continue la procédure engagée par celle-ci ;
Déboute la commune de LESCAR de ses demandes tendant à la nullité des contrats et leur résiliation pour inexécution ;
[minute page 5] La déboute de sa demande tendant à la nullité de la clause de résiliation ;
Condamne la commune de LESCAR à verser à la société NRG FRANCE les sommes suivantes :
- au titre du contrat n° WW, la somme de 29.315,45 francs en ce qui concerne le loyer du troisième trimestre 1998 et la somme de 205.208,13 francs en ce qui concerne l'indemnité de résiliation,
- au titre du contrat n° ZZ, la somme de 12.889,13 francs correspondant au loyer du troisième trimestre 1998 et la somme de 38.667,37 francs correspondant à l'indemnité de résiliation ;
Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 1998 ;
Ordonne l'exécution provisoire du jugement ;
Condamne la commune de LESCAR à verser à la société NRG FRANCE la somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne la commune de LESCAR aux dépens.
Prononcé à PAU, en audience publique tenue les jour, mois et an que dessus.
Le Greffier, Le Président,
Véronique DESCAT Catherine DUPOUY
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