CA METZ (ch. urg.), 9 mai 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 674
CA METZ (ch. urg.), 9 mai 1996 : RG n° 2826/95
(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 15 déc. 1998 : pourvoi n° 96-19898 ; arrêt n° 1958)
Extrait : « Attendu en ce qui concerne l'application de l'article L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation, que d'une part il n'est nullement avéré que le contrat litigieux ait été conclu à l'issu d'un démarchage pratiqué par la SA GESTETNER SERVICES. Que même en admettant le contraire, les dispositions précitées seraient sans effet sur la solution du présent litige alors que l'article L. 121-21 du Code de la Consommation ne vise que le démarchage pratiqué au domicile d'une personne physique, et non celui d'une personne morale telle que l'appelante cocontractante dont le fait qu'elle soit une association animant des activités culturelles et sportives sans but professionnel ni lucratif [est] sans incidence sur la possibilité de mise en œuvre des dispositions légales indiquées plus haut ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE DES URGENCES
ARRÊT DU 9 MAI 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2826/95. TGI METZ 1er juin 1995 : RG I. 2813/93.
APPELANT :
Maison des Jeunes et de la Culture X.
sise [adresse] représentée par Maître PATE et associés Avocats au Barreau de METZ
INTIMÉ :
SA GESTETNER SERVICES
dont le siège social est sis [adresse] représentée par son représentant légal, représentée par Maître THIEBAUT et associés Avocats à la Cour d'Appel de METZ
DATE DES DÉBATS : Audience publique du 28 mars 1996 tenue par Monsieur DORY, Président de Chambre, Magistrat rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 9 mai 1996.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Monsieur DORY, Président de Chambre.
ASSESSEURS : Monsieur GÉRARD, Conseiller ; Monsieur BOCKENMEYER, Conseiller.
GREFFIER PRESENT AUX DÉBATS : Madame LAMOUR.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par contrat du 13 mai 1992, la MJC X. a loué auprès de la Société GESTETNER SERVICES un photocopieur, un meuble et trois cylindres A3 pour une durée de soixante six mois moyennant une redevance trimestrielle calculée sur la base de 37.500 copies à 0,177 francs, soit 7.872,08 francs TTC.
Le matériel a été livré le 11 juin 1992.
Exposant que la MJC n'a payé ni le loyer échu au 1er juillet 1992, ni celui échu au 1er octobre 1992, après deux mises en demeure successives et se prévalant en conséquence de la résiliation du contrat, la Société GESTETNER SERVICES a, par acte délivré le 8 juillet 1993, assigné la MJC devant le Tribunal de Grande Instance de METZ aux fins de la voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer les sommes de :
- 15.744,16 francs avec intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter de l'échéance impayée au titre des loyers échus,
- 141.697 francs au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation,
- 6.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement en date du 1er juin 1995, le Tribunal de Grande Instance de METZ a :
Condamné la MJC X. à payer à la Société GESTETNER SERVICES SA les sommes de :
- 15.744,15 francs assortie des intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter de chaque échéance impayée au titre des loyers échus,
- 141.697 francs au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation ;
Le Tribunal a ordonné l'exécution provisoire de ce chef ;
Il a en outre condamné la défenderesse aux dépens et au paiement à la demanderesse de la somme de 3.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
[minute page 2] La MJC a interjeté appel le 20 juillet 1995 ;
A l'appui de son recours, l'appelante rappelle tout d'abord que le 21 avril 1992 elle a signé un bon de commande portant sur un photocopieur et ses accessoires pour un volume trimestriel de 30.000 copies au prix à la copie de 1,178 francs HT soit 5.340 francs,
Que le 13 mai 1992, un contrat intitulé « Prix Global Copie » était signé entre son Président et Madame X. représentant la Compagnie GESTETNER SERVICES,
Que ce contrat qui devait confirmer le bon de commande comportait d'une part des mentions nouvelles telles que la durée minimale de 66 mois et une nouvelle tarification fixée à 0,177 francs HT la copie sur la base de 37.500 copies par trimestre soit 6.637,50 francs HT ou 7.872,08 francs TTC ;
Que le matériel lui a été livré le 11 juin 1992, que dès le 16 juin 1992 son président a dénoncé le contrat en indiquant que les termes de celui-ci ne correspondaient ni aux résultats des discussions menées avec le représentant de la Société GESTETNER SERVICES, ni au bon de commande ;
Que le 12 octobre 1992 elle lui a elle-même restitué le matériel dans son emballage d'origine ;
L'appelante fait valoir que le contrat est nul en raison de l'indétermination du prix, que celle-ci tombe sous le coup des dispositions de l'article 28 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenue article L. 113-3 du Code de la Consommation ;
Que ce texte prévoyant une obligation dont l'inobservation est pénalement sanctionnée, son application au plan civil doit nécessairement entraîner la nullité du contrat ;
Elle ajoute encore qu'elle doit avoir la qualité de consommateur au sens de la Loi du 22 décembre 1972 et que par application des dispositions de celle-ci, le contrat litigieux doit être déclaré nul en ce qu'il contient des dispositions très différentes des offres initiales ou du bon de commande ;
La MJC soutient enfin que l'intimée n'a subi aucun préjudice alors qu'elle a récupéré le matériel dans son emballage dès octobre 1992 et a pu le rentabiliser pour les besoins de son commerce ;
[minute page 4] En conséquence l'appelante demande à la Cour de :
- réformer le jugement,
- constater au besoin prononcer la nullité du contrat litigieux ;
en conséquence :
- rejeter la demande et condamner la Société GESTETNER SERVICES aux dépens.
La Société GESTETNER SERVICES répond que le seul contrat liant les parties est celui qui a été revêtu de leurs deux signatures le 13 mai 1992, que les deux documents des 18 mars 1992 et 21 avril 1992 n'ont constitué que des offres auxquelles l'appelante n'a pas donné suite, le contrat du 13 mai 1992 lui en étant en définitive plus favorable que celles-ci ;
Elle objecte que le contrat ne contient aucune clause abusive ;
Que le mode de calcul de la redevance est clair et logique dans la mesure où elle même ne se borne pas à mettre à disposition un appareil mais en assure également la maintenance et fourniture des consommables ;
Elle répond encore que l'appelante ne peut se prévaloir des dispositions de la Loi du 22 décembre 1972 qui ne s'applique qu'aux consommateurs personnes physiques ;
Que de toute manière, la « rétractation » de la MJC est intervenue plus de 7 jours après la conclusion du contrat ;
Qu'en ce qui concerne la réglementation des clauses abusives, celle-ci ne concerne que les contrats à durée indéterminée,
Que la réglementation relative à l'affichage des prix vise quant à elle des produits ou prestations présentés dans des lieux ouverts au public ;
Que l'appelante n'apporte pas la preuve que son consentement aurait pu être affecté par l'indication d'un prix HT au lieu d'un prix TTC.
Elle soutient enfin que l'indemnité contractuelle de résiliation est justifiée tant en fait qu'en droit eu égard aux stipulations de contrat ;
[minute page 5] L'intimée demande en conséquence à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner l'appelante au paiement de la somme de 7.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens ;
La MJC réplique que la Société GESTETNER SERVICES n'a pas respecté les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation, notamment en ce qu'elle n'a pas établi un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de rétractation ;
Elle rappelle qu'elle n'est qu'une association animant des activités culturelles et sportives sans but lucratif et qu'elle doit donc bénéficier de la protection des consommateurs, alors qu'elle a annoncé sa renonciation au contrat de 3 jours après la réception de l'accord de GESTETNER SERVICES ;
Elle soutient derechef que le prix n'est pas déterminé si ce n'est en le calculant par des paramètres ;
Qu'il s'agit d'une cause de nullité ne serait-ce qu'en raison du vice de consentement ;
Elle considère que l'indemnité contractuelle n'est pas justifiée, alors que l'intimée a pu replacer le matériel non déballé et non utilisé dans un circuit normal de vente et de location ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Attendu qu'il est constant que le 13 mai 1992 la MJC « X. » et la SA GESTETNER SERVICES ont conclu un contrat intitulé « Prix Global Copie » dont les stipulations essentielles ont été rappelées plus haut ;
Qu'il est mentionné que le contrat entre en vigueur à la date de sa signature ;
Qu'il y a lieu d'observer que le 14 mai 1992 la Société GESTETNER SERVICES SA a adressé à l'appelante un courrier [minute page 6] qui, en substance, la remerciait d'avoir souscrit le contrat susindiqué et en rappelait les dispositions principales :
- coût à la copie 0,178 francs HT pour un minimum facturable de 37.500 copies au trimestre
- durée 66 mois
- contrat évolutif ;
Que la réponse de la MJC est parvenue un mois plus tard sous forme de résiliation unilatérale ;
Attendu que les conventions légalement formées tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faites ;
Attendu que l'appelante soutient que le contrat définitif n'est pas conforme au bon de commande qu'elle a signé le 21 avril 1992 et qui portait sur un volume trimestriel de 30.000 copies ne fait nullement mention d'une durée de 66 mois ;
Mais attendu que seul doit être pris en considération le dernier document contractuel signé par les parties et qui atteste de la réalité et de l'étendue de leurs obligations réciproques telles que déterminées par leur volonté commune définitivement arrêtée à l'issue des discussions précontractuelles ;
Attendu certes qu'il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol ;
Mais attendu qu'en l'espèce que d'une part l'erreur commise par l'appelante ne pourrait s'expliquer que le défaut de lecture même sommaire du contrat litigieux en date du 13 mai 1992 rédigé en termes particulièrement clairs en ce qui concerne ses stipulations substantielles, que cette erreur serait donc inexcusable, que d'autre part l'ensemble des pièces versées aux débats n'attestent pas de l'utilisation par la SA GESTETNER SERVICES d'agissements malhonnêtes et de manœuvres dolosives pour obtenir la souscription du contrat par l'appelante ;
[minute page 7] Attendu sur l'indétermination de prix que l'appelante se prévaut des dispositions de l'article L. 113-3 du Code de la Consommations suivant lesquelles, tout vendeur de produit ou tout prestataire de service doit informer le consommateur sur les prix ;
Mais attendu que ces dispositions n'édictent aucune sanction civile, telle que la nullité du contrat ;
Que d'autre part le Président de la MJC et représentant légal de celle-ci, évidemment rompu à diverses pratiques tant administratives que commerciales et comptables, était parfaitement en mesure de calculer le prix de 37.500 copies à 0,177 francs HT l'unité et d'y ajouter la TVA à 18,60 % ;
Que la simplicité de cette opération, à la portée de n'importe quel consommateur moyennement avisé et ne disposant pas des compétences d'un président d'association importante et déjà ancienne, exclut tout vice du consentement et toute nullité de ce chef ;
Attendu en ce qui concerne l'application de l'article L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation, que d'une part il n'est nullement avéré que le contrat litigieux ait été conclu à l'issu d'un démarchage pratiqué par la SA GESTETNER SERVICES.
Que même en admettant le contraire, les dispositions précitées seraient sans effet sur la solution du présent litige alors que l'article L. 121-21 du Code de la Consommation ne vise que le démarchage pratiqué au domicile d'une personne physique, et non celui d'une personne morale telle que l'appelante cocontractante dont le fait qu'elle soit une association animant des activités culturelles et sportives sans but professionnel ni lucratif [est] sans incidence sur la possibilité de mise en œuvre des dispositions légales indiquées plus haut ;
Attendu enfin que suivant l'article 7 du contrat intitulé « résiliation », celle-ci entraîne pour le client l'exigibilité immédiate, indépendamment des sommes échues impayées par le client au jour de la résiliation, d'une pénalité forfaitaire en dédommagement du préjudice subi par le bailleur du fait de la résiliation anticipée du contrat, égale aux redevances restant dues par le client au bailleur jusqu'à l'échéance contractuelle, tout terme commencé demeurant acquis au bailleur ;
[minute page 8] Que cette indemnité ne constitue ni un enrichissement injuste pour le bailleur ni la continuation du paiement des loyers par le preneur qui ne dispose plus du matériel loué, mais n'est que l'exécution d'une clause librement acceptée qui sanctionne le manquement d'une partie à ses obligations contractuelles ;
Que dans ces conditions cette clause doit trouver sa pleine et entière application sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article 1152 du Code Civil ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris ;
Que l'appelante qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel ;
Que cependant l'équité n'exige pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de la SA GESTETNER SERVICES.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevable l'appel régulièrement formé ;
Confirme le jugement entrepris ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Pénale au profit de la SA GESTETNER SERVICES
Condamne la MJC X. aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été prononcé publiquement le 9 mai 1996 par Monsieur DORY, Président de Chambre, assisté de Madame LAMOUR, Greffier et signé par eux.
- 5833 - Code de la consommation - Domaine d’application - Règles de preuve
- 5861 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Démarchage à domicile
- 5997 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Vérification de la pertinence de la recommandation
- 6020 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des contreparties : obligations principales
- 6282 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location de meuble (bail mobilier) - Meubles divers