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TGI METZ (1re ch. civ.), 1er juin 1995

Nature : Décision
Titre : TGI METZ (1re ch. civ.), 1er juin 1995
Pays : France
Juridiction : TGI Metz. 1re ch. civ.
Demande : 2813/93
Date : 1/06/1995
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 8/07/1993
Décision antérieure : CA METZ (ch. urg.), 9 mai 1996
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 670

TGI METZ (1re ch. civ.), 1er juin 1995 : RG n° 2813/93

(sur appel CA Metz (ch. urg.), 9 mai 1996 : RG n° 2826/95)

 

Extraits : 1/ « En application de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 (article L. 132-1 du Code de la Consommation), les clauses analysées comme abusives n'ont pas pour conséquence d'entraîner l'annulation du contrat, mais se trouvent seulement réputées non écrites. Le moyen tendant à l'annulation globale du contrat de ce chef ne peut donc prospérer.

Seules seront examinées au regard de ce moyen les clauses prévoyant la possibilité pour le bailleur de résilier le contrat si le client n'acquitte pas les factures dans les trente jours de leur exigibilité et de lui réclamer une indemnité de résiliation (articles 2 § 4 et 7 du contrat), dans la mesure où leur invalidation aurait une incidence directe sur la solution du présent litige, contrairement aux autres.

Il est exact que la Commission des clauses abusives recommande la suppression de toute clause prévoyant une indemnité de résiliation si elle n'est pas réciproquement imposée à l'autre partie. Cette recommandation vise cependant les seuls contrats à durée indéterminée. En l'espèce, il s'agit d'un contrat à durée déterminée pour lequel la possibilité unilatérale de résilier contre indemnité est parfaitement régulière comme correspondant à une volonté de déterminer à l'avance le montant du préjudice résultant de l'inexécution du contrat jusqu'à son terme. Par ailleurs, le préjudice est dans le cas présent évalué à un montant égal à celui des redevances restant à échoir et, ne correspondant qu'au strict manque à gagner, ne peut être analysé comme un avantage excessif. La faculté de résiliation contre indemnité du bailleur sera donc reconnue régulière. »

2/ « La lettre de résiliation en date du 16 juin 1992 est donc intervenue hors délai. Cette circonstance justifie le rejet de ce moyen sans qu'il soit besoin d'examiner si le Président de la MJC était ou non susceptible de bénéficier des dispositions protectrices de cette loi. »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE METZ

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 1er JUIN 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1. 2813/93.

 

I - PARTIES

DEMANDERESSE :

La Société Anonyme GESTETNER SERVICES

dont le siège social est sis [adresse], représentée par son représentant légal, représentée par Maîtres SIDOT et associés, avocats postulants à METZ, et par Maître CECCARELLI, avocat plaidant à PARIS

 

DEFENDERESSE :

La Maison des Jeunes et de la Culture X.

sise [adresse], représentée par son Président, représentée par la SCP GANDAR, avocats à METZ

 

II - COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Monsieur SCHNEIDER, Vice-Président

Assesseur : Madame THOMAS, Juge

Assesseur : Monsieur D'ERSU, Juge

Greffier : Madame ARZ.

[minute page 2] Débats à l'audience du 27 avril 1995, tenue publiquement.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

III - PROCÉDURE

Par contrat du 13 mai 1992, la MJC X. a loué auprès de la Société GESTETNER SERVICES un photocopieur, un meuble et trois cylindres A3 pour une durée de soixante six mois moyennant une redevance trimestrielle calculée sur la base de 37.500 copies à 0,177 Francs, soit 7.872,08 Francs TTC.

Le matériel a été livré le 11 juin 1992.

Exposant que la MJC n'a payé ni le loyer échu au 1er juillet 1992, ni celui échu au 1er octobre 1992 après deux mises en demeure successives et se prévalant en conséquence de la résiliation du contrat, la Société GESTETNER a, par acte délivré le 8 juillet 1993, assigné la MJC aux fins de la voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer les sommes de :

- 15.744,16 Francs avec intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter de l'échéance impayée au titre des loyers échus,

- 141.697 Francs au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation,

- 6.000 Francs en application de l'article 700 du NCPC.

La MJC conclut à l'irrecevabilité et au mal fondé des demandes et subsidiairement, au rejet de la demande au titre de la clause pénale et sollicite reconventionnellement la condamnation de la Société GESTETNER à lui verser une indemnité de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Elle fait valoir :

- que le contrat du 13 mai 1992 n'est pas conforme au bon de commande du 21 avril 1992 et que c'est par une erreur constitutive d'un vice du consentement que son Président a signé le contrat,

- [minute page 3] que le contrat du 13 mai 1992 est nul pour indétermination du prix et manifestement abusif au regard des dispositions de la loi du 10 janvier 1978,

- que le Président de la MJC a utilisé la faculté de renonciation dans le délai de sept jours prescrit par la loi du 22 décembre 1972, dont il doit bénéficier en sa qualité de consommateur non professionnel,

- à titre subsidiaire, que les pénalités doivent être réduites puisque la société GESTETNER n'a subi aucun préjudice du fait de la restitution du matériel.

La Société GESTETNER réplique :

- que c'est sur les conditions contenues dans le contrat du 13 mai 1992 que s'est effectuée la rencontre des volontés,

- que les clauses contractuelles ne sont pas abusives,

- qu'elle subit un préjudice,

- que le Président de la MJC a agi pour les besoins d'une personne morale qui exerce une activité professionnelle et non pour la satisfaction de ses besoins personnels de consommateur et qu'il ne peut donc prétendre au bénéfice des dispositions de la loi du 22 décembre 1972.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mars 1995.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la demande en paiement :

* Sur le moyen de défense tiré de l'indétermination du prix :

Le contrat du 13 mai 1992 à l'origine de la réclamation de la Société GESTETNER, fourni en original et signé par les deux parties, indique :

- que le contrat est conclu pour une durée irrévocable de 66 mois,

- [minute page 4] que la redevance est trimestrielle,

- qu'elle est calculée sur la base d'un montant hors taxe par copie de 0,177 Francs. sur la base d'un nombre minimum de copies de 37.500 par trimestre.

Il est exact que l'article 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 (article L. 113-3 du Code de la Consommation) précisé par l'article 1er de l'arrêté du 3 décembre 1987 fait obligation à tout vendeur ou prestataire de service de faire apparaître « la somme totale TTC » qui devra effectivement être payée par le consommateur, obligation non remplie en l'espèce.

Cette obligation, assortie de sanctions pénales, ne l'est cependant pas de sanctions civiles expresses, telle la nullité du contrat.

Les indications figurant au contrat, ci-dessus rappelées, se révélant suffisantes pour déterminer le prix global à acquitter par le locataire, le moyen de nullité tiré de l'indétermination du prix ne sera pas retenu.

 

* Sur le moyen tiré de la non-conformité du contrat aux bons de commande :

Les documents en date des 18 mars et 21 avril 1992 ne peuvent être considérés comme des bons de commande engageant leurs signataires, le premier ayant été qualifié de simple « offre » et aucun des deux n'étant signé des deux parties.

La défenderesse ne peut en conséquence se prévaloir de la non-conformité du contrat à un bon de commande préalable reflétant la rencontre de volonté des parties.

 

* Sur le moyen tiré d'un vice du consentement :

Le vice du consentement invoqué, l'erreur sur le prix, ne peut être retenu du fait de la parfaite clarté des dispositions contractuelles à cet égard, démontrée par le fait qu'il n'est soulevé aucune ambiguïté sur le mode de calcul de la redevance.

[minute page 5] En évoquant « les fluctuations incessantes ... révélatrices de la volonté de la Société GESTETNER d'introduire dans l'esprit de son cocontractant le flou le plus total quant à la possibilité de déterminer le prix », la MJC se prévaut en réalité d'un dol, c'est-à-dire de manœuvres à son encontre pour l'induire en erreur sur le prix.

Le fait que les conditions contractuelles soient plus coûteuses que celles proposées dans l'offre du 18 mars 1992 ne suffit pas en soi à caractériser une intention malveillante de la Société GESTETNER, d'autant que l'augmentation de prix a eu pour corollaire l'avantage pour la MJC de disposer d'un forfait de copies plus important pour un coût unitaire moindre, ce à quoi elle devait avoir intérêt quand elle n'a pas donné suite à la proposition initiale.

De surcroît, le document du 21 avril 1992 ne comporte aucune indication de prix, contrairement à ce qui est affirmé, ce qui entache d'exagération à la limite de la mauvaise foi l'argument tiré des « fluctuations incessantes » de la société bailleresse.

Ce moyen sera donc rejeté.

 

* Sur le moyen tiré du caractère abusif de certaines clauses du contrat :

En application de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 (article L. 132-1 du Code de la Consommation), les clauses analysées comme abusives n'ont pas pour conséquence d'entraîner l'annulation du contrat, mais se trouvent seulement réputées non écrites.

Le moyen tendant à l'annulation globale du contrat de ce chef ne peut donc prospérer.

Seules seront examinées au regard de ce moyen les clauses prévoyant la possibilité pour le bailleur de résilier le contrat si le client n'acquitte pas les factures dans les trente jours de leur exigibilité et de lui réclamer une indemnité de résiliation (articles 2 § 4 et 7 du contrat), dans la mesure où leur invalidation aurait une incidence directe sur la solution du présent litige, contrairement aux autres.

Il est exact que la Commission des clauses abusives recommande la suppression de toute clause prévoyant une indemnité de résiliation si elle n'est pas réciproquement imposée à l'autre partie.

[minute page 6] Cette recommandation vise cependant les seuls contrats à durée indéterminée.

En l'espèce, il s'agit d'un contrat à durée déterminée pour lequel la possibilité unilatérale de résilier contre indemnité est parfaitement régulière comme correspondant à une volonté de déterminer à l'avance le montant du préjudice résultant de l'inexécution du contrat jusqu'à son terme.

Par ailleurs, le préjudice est dans le cas présent évalué à un montant égal à celui des redevances restant à échoir et, ne correspondant qu'au strict manque à gagner, ne peut être analysé comme un avantage excessif.

La faculté de résiliation contre indemnité du bailleur sera donc reconnue régulière.

 

* Sur l'usage par le Président de la MJC d'une faculté de résiliation :

La loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 sur le démarchage prévoit en faveur du démarché une faculté de renonciation au contrat qui doit s'exercer « dans les sept jours .... à compter de la commande ou de l'engagement ».

En l'espèce, ce délai a commencé à courir le 14 mai 1992 à 0 heure, lendemain du jour de la conclusion du contrat, lequel stipule clairement qu'il entre en vigueur « à la date de sa signature ».

La lettre de résiliation en date du 16 juin 1992 est donc intervenue hors délai.

Cette circonstance justifie le rejet de ce moyen sans qu'il soit besoin d'examiner si le Président de la MJC était ou non susceptible de bénéficier des dispositions protectrices de cette loi.

 

* Sur la demande de rejet de la réclamation au titre de la clause pénale :

L'article 1231 du Code Civil donne au juge un pouvoir modérateur dans l'application d'une clause pénale, à condition que l'engagement ait été exécuté en partie.

[minute page 7] Dans le présent cas, le contrat n'a reçu aucune exécution même partielle de la part de la MJC, qui ne s'est acquittée d'aucune redevance.

Ce moyen est donc inopérant et sera rejeté.

En conséquence de tout ce qui précède, il sera fait droit à l'intégralité des demandes en principal, conformes aux stipulations contractuelles.

 

Sur l'exécution provisoire :

Compatible avec la nature de l'affaire et nécessaire pour assurer le prompt règlement d'un litige déjà ancien, l'exécution provisoire sera ordonnée.

 

Sur l'application de l'article 700 du NCPC et les dépens :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la Société GESTETNER partie de ses frais irrépétibles.

La partie défenderesse sera en conséquence tenue de lui verser une somme de 3.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.

Partie perdante, la MJC sera condamnée aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;

Condamne la MJC X. à payer à la Société GESTETNER SERVICES SA les sommes de :

- QUINZE MILLE SEPT CENT QUARANTE QUATRE FRANCS et QUINZE CENTIMES (15.744,15 Francs) assortie des intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter de chaque échéance impayée au titre des loyers échus,

- CENT QUARANTE ET UN MILLE SIX CENT QUATRE VINGT DIX SEPT FRANCS (141.697 Francs) au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation ;

[minute page 8] Ordonne l'exécution provisoire de la décision ci-dessus ;

Condamne la MJC X. à payer à la Société GESTETNER SERVICES SA la somme de TROIS MILLE FRANCS (3.000 Francs) au titre de l'article 700 du NCPC ;

Condamne la MJC X. aux dépens.

Jugement prononcé publiquement et signé par Monsieur SCHNEIDER, Vice-Président, et par Madame ARZ, Greffier Divisionnaire.