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CA PARIS (pôle 5 ch. 8), 10 août 2017

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 8), 10 août 2017
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 8
Demande : 16/01224
Date : 10/08/2017
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 28/12/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6951

CA PARIS (pôle 5 ch. 8), 10 août 2017 : RG n° 16/01224 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'article L. 212-2 du même code prévoit par ailleurs que les dispositions ci-dessus sont également applicables dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels.

En l'espèce il n'est pas contesté que la société AFB n'est pas consommateur au sens de l'article L. 212-1 précité.

Par ailleurs, les contrats de crédits-bails souscrits pour l'acquisition des véhicules par la société, lesquels sont en rapport direct avec l'activité professionnelle de la société excluent que celle-ci soit qualifiée de non professionnelle au sens de l'article L. 212-2 précité.

Dès lors, outre qu'il n'appartient pas au juge de se substituer aux parties pour fixer le montant du prix de cession des véhicules même s'il le considère contestable, le code de la consommation ne lui permettant par ailleurs que de juger non écrite une clause qu'il jugerait abusive, il apparaît en tout état de cause que les dispositions du code la consommation relatives aux clauses abusives ne sont pas applicables en l'espèce. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 8

ARRÊT DU 10 AOÛT 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/01224 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 novembre 2015 - Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU - R.G. n° 14/00289.

 

APPELANTE :

SA INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG de droit helvétique, venant aux droits de la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE SA

Inscrite au RCS de ZUG (SUISSE) sous le numéro CH-020.3.020.910-7, Ayant son siège social : [adresse] Représentée par Me Sabrina D., avocat au barreau de PARIS, toque : PC 63

 

INTIMÉE :

Madame X.

demeurant : [adresse], N'ayant pas constitué avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 9 mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre, Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère, M. Laurent BEDOUET, Conseiller, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Mariam ELGARNI-BESSA

MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRÊT : - par défaut - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, président et par Mme Mariam ELGARNI-BESSA, greffière présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société Aménagement Finitions Bâtiments (AFB) a souscrit, le 19 mars 2011, un contrat de crédit-bail d'une durée de 48 mois, auprès de Mercedes Benz Financial Services portant sur un véhicule Mercedes Benz 511 CC73 Benne, d'une valeur de 22.000 euros, les loyers s'élevant à 445,21 euros par mois (contrat n° 1).

Mme X. s'est portée caution de AFB à hauteur de 30.551,66 euros en principal.

La société AFB a en outre souscrit un second contrat de crédit-bail le 26 août 2011, d'une durée de 60 mois, portant sur un véhicule Mercedes Vito d'une valeur de 18.000 euros, les loyers s'élevant à la somme de 282,09 euros, assistance comprise (contrat n° 2).

Mme X. s'est également portée caution de la société à hauteur de 24.525,07 euros en principal.

Les loyers d'août à septembre 2012 pour le premier contrat et d'août à octobre 2012 pour le second contrat, sont demeurés impayés pour un montant global de 9.190,74 euros.

La société AFB a été placée en redressement judiciaire par jugement du 3 septembre 2012.

Le crédit-bailleur a déclaré ses deux créances au titre des deux contrats pour un total de 33.522,16 euros.

Le 5 novembre 2012 le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire.

Les véhicules ont été restitués et recommercialisés.

Le 19 février 2013, une facture de cession et un nouveau décompte ont été établis pour chacun des contrats à hauteur respectivement de 9.598,16 euros et 6.880,60 euros.

Depuis lors, Mercedes Benz Financial Services France a cédé sa créance à la société de droit helvétique Intrum Justicia Debt Finance AG.

Par lettre recommandée en date du 3 septembre 2013, Mme X. a été mise en demeure, en vain, en sa qualité de caution, de régler la somme de 16.541,81 euros.

Par acte d'huissier en date du 24 février 2014, la société Intrum Justicia Debt AG l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Fontainebleau aux fins de voir celle-ci condamnée à payer la somme de 16.541,81 euros en principal outre les intérêts majorés et les accessoires, conformément aux clauses du contrat de crédit-bail.

Par jugement en date du 18 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Fontainebleau a fait partiellement droit aux demandes de la société.

Suivant déclaration d'appel en date du 28 décembre 2015, la société Intrum Justicia Debt Finance AG a relevé appel du jugement.

Madame W. n'a pas constitué avocat.

Suivant arrêt du 13 octobre 2016 à la lecture duquel il est renvoyé, cette cour (Chambre 5-8) a rouvert les débats et invité les parties à faire valoir leurs observations sur l'applicabilité de l'article L. 212-1 du code de la consommation au présent litige, compte tenu des stipulations des contrats de crédits-bails et notamment de leur article 7, de leur combinaison entre elles, de la recommandation de la commission des clauses abusives n° 86-01 du 17 janvier 1986, de la qualité du débiteur au regard de l'article L. 212-2 du même code, ainsi que sur les conséquences induites par une éventuelle application de ces textes aux circonstances de l'espèce.

Par conclusions signifiées sur le RPVA le 6 décembre 2016 et régulièrement signifiées à Mme X. par acte d'huissier du 5 décembre 2016, la société Intrum Justicia Debt Finance AG, demande à la cour :

à titre principal,

- de lui donner acte de ce qu'elle intervient dans les droits de la société Mercedes Benz Financial Services France SA,

- de rejeter l'ensemble des demandes de Mme X.,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme X. à lui payer la somme de 2.374,87 euros en principal, augmentée des intérêts, taxes en sus, à compter du 3 septembre 2013, avec anatocisme, et l'a déboutée de sa demande en paiement pour le surplus, et de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- de dire que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables à la cause,

- de condamner Mme X. à lui payer la somme de 16.541,81 euros en principal, augmentée des intérêts au taux légal majoré, outre les taxes, à compter du 3 septembre 2013, date de la mise en demeure, avec anatocisme,

A titre subsidiaire,

- de dire que la clause établissant le prix de revente des véhicules n'est pas abusive au sens des dispositions du code de la consommation,

- de condamner Mme X. à lui payer la somme de 16.541,81 euros en principal, augmentée des intérêts au taux légal majoré, outre les taxes, à compter du 3 septembre 2013, avec anatocisme,

A titre encore plus subsidiaire,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme X. à lui payer la somme de 2.374,87 euros augmentée des intérêts de droit, outre les taxes, à compter du 3 septembre 2013, avec anatocisme,

En toutes hypothèses,

- de condamner Mme X. à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner l'exécution provisoire.

Mme X. n'a ni conclu, ni constitué avocat suite à l'arrêt de réouverture des débats et la signification des conclusions de l'appelante.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

L'article 7 des contrats de crédits-bails souscrits par la société, pour lesquels Mme X. s'est portée caution, prévoit les modalités de la résiliation des dits contrats et ses conséquences quant aux sommes dont le locataire est redevable.

Il stipule qu'en cas de défaillance de ce dernier, si le matériel est revendu ou reloué, l'indemnité due par lui sera, dans la limite de son montant, diminuée des sommes effectivement perçues de l'acquéreur ou du nouveau preneur.

Il ajoute in fine qu'en application de ce qui précède, le locataire accepte par avance le prix ou les conditions de location négociées par le bailleur.

Madame W. a, dans ses conclusions de première instance, notamment contesté le montant de la créance et dénoncé le fait que Mercedes Financial Service France a cédé à Mercedes France les deux véhicules, objet du contrat des deux contrats de crédits-bails à un prix inférieur à celui de l'argus, au détriment de la débitrice principale et d'elle-même. Elle a également contesté le caractère excessif de l'indemnité de 10 % contractuellement réclamée.

Dans son jugement, le tribunal a considéré que la demande de la société Intrum Justicia Debt Finance AG est recevable et bien fondée en son principe.

S'agissant toutefois du montant de la créance réclamée, il a jugé que Mercedes Benz Financial Service a vendu le véhicule litigieux à la société Mercedes Benz France « dans des conditions n'apparaissant pas totalement transparentes ».

Il a considéré qu'il y avait lieu de retenir la valeur Argus des véhicules litigieux et non leur prix de vente tel qu'il ressort des factures de cession produites soit 12.586 euros pour le véhicule 511 CC37 Benne et 15.257 euros pour le Mercedes Vito.

Il a conséquence condamné Mme X. à payer la somme totale de 2.374,87 euros outre les intérêts et accessoires, le prix de cession retenu par le tribunal diminuant d'autant le montant de la dette due au titre de chacun des contrats.

Devant la cour, seul est en débat le montant de la créance réclamée, les autres moyens soulevés par Mme X. devant le tribunal et tranchés par celui-ci n'étant pas contestés.

L'appelante soutient qu'aucun fondement ne justifie de retenir la valeur Argus des véhicules et non leur prix de cession pour fixer le montant de la créance.

Elle ajoute que les dispositions du code de la consommation sont inapplicables à la société AFB puisqu'elle ne peut être qualifiée de consommateur de sorte que Mme X., qui ne peut elle-même être qualifiée de consommateur au sens du dit code, et qui s'est engagée selon les mêmes termes, modalités et conditions que ladite société, à procéder au paiement des sommes dues en cas de défaillance de la débitrice principale, doit en l'espèce, en sa qualité de caution, être condamnée au paiement de l'intégralité des sommes dues par la société.

Subsidiairement elle fait valoir qu'il n'existe aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties aux contrats de crédits-bails

Elle ajoute enfin que l'indemnité de 10 % réclamée, figurant dans les décomptes n'est nullement excessive.

Mme X., qui par application des dispositions de l'article 2313 du code civil selon lequel la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette, dénonce dans ses écritures de première instance le montant du prix de revente des véhicules consécutif à la résiliation des contrats de crédit-bail, soutient implicitement qu'est abusive la clause des dits contrats (article 7 in fine) qui laisse la possibilité, au crédit-bailleur, de revendre les véhicules aux conditions qu'il fixe.

[*]

Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'article L. 212-2 du même code prévoit par ailleurs que les dispositions ci-dessus sont également applicables dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels.

En l'espèce il n'est pas contesté que la société AFB n'est pas consommateur au sens de l'article L. 212-1 précité.

Par ailleurs, les contrats de crédits-bails souscrits pour l'acquisition des véhicules par la société, lesquels sont en rapport direct avec l'activité professionnelle de la société excluent que celle-ci soit qualifiée de non professionnelle au sens de l'article L. 212-2 précité.

Dès lors, outre qu'il n'appartient pas au juge de se substituer aux parties pour fixer le montant du prix de cession des véhicules même s'il le considère contestable, le code de la consommation ne lui permettant par ailleurs que de juger non écrite une clause qu'il jugerait abusive, il apparaît en tout état de cause que les dispositions du code la consommation relatives aux clauses abusives ne sont pas applicables en l'espèce.

Il convient dès lors d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le prix de cession des véhicules doit être fixé au prix de l'argus.

Dès lors le montant de la créance dont Mme X. est redevable sera, au vu des pièces versées au débat ainsi fixé :

- Au titre du contrat de crédit-bail n° 1037300 relatif au véhicule Mercedes Benz CC 37 Benne BA-096-MP :

* loyers impayés HT 1.335,63 euros,

* indemnités et intérêts sur loyers 134,57 euros

* loyers à échoir 12.465,88 euros

* indemnité de 10 % sur loyers 1.246,59 euros

soit 15.182,67 euros

* TVA 287,96 euros

* soit TTC 15.470,63 euros

à déduire : prix de cession 6.788,10 euros

à ajouter :duplicata de carte grise 94,36 euros

à ajouter :convoyage du véhicule 821,27 euros

TOTAL : 9.598,16 euros

- Au tire du contrat de crédit-bail n° 1048239 relatif au véhicule Mercedes Benz VITO Euros 5 110 CDI

* loyers impayés HT 1.080,12 euros

* indemnités et intérêts sur loyers 113,09 euros

* loyers à échoir 12.151,35 euros

* indemnité de 10 % sur loyers 1.215,14 euros

soit 14.559,70 euros

* TVA 233,66 euros

* soit TTC 14.793,36 euros

à ajouter : assurance sur impayés 48,24 euros

à déduire : prix de cession 8.782,27 euros

à ajouter : convoyage du véhicule 821,27 euros

TOTAL 6.880,60 euros

Mme X. sera par conséquent condamnée au paiement de la somme de 9.598,16 + 6.880,60 euros soit 16.478,76 euros avec intérêts au taux légal majoré de 5 points conformément à l'article 8 du contrat de crédit-bail, outre les taxes, à compter du 3 septembre 2013, date de la mise en demeure, étant observé qu'il n'y a pas lieu à réduction des indemnités de 10 % sur les loyers à échoir qui ne sauraient être qualifiées de clauses pénales excessives.

La capitalisation des intérêts pourra intervenir dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable au moment de la conclusion des contrats.

Il convient de confirmer les dispositions du jugement de première instance ayant condamné Mme X. à la somme de 1200 euros au titre des frais irrepétibles sans qu'il y ait lieu d'y ajouter en cause d'appel.

Elle sera condamnée aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement, sauf sur le montant des sommes dues par Mme X.,

Statuant à nouveau,

Dit que les dispositions des article L. 212-1 et suivants du code de la consommation ne sont pas applicables en l'espèce,

Condamne Mme X. à payer à la société Intrum Justicia Finance AG, la somme de 16.478,76 euros avec intérêts au taux légal majoré de 5 points conformément à l'article 8 du contrat de crédit-bail, outre les taxes, à compter du 3 septembre 2013,

Dit que la capitalisation des intérêts pourra intervenir dans les conditions fixées à l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable au moment de la conclusion du contrat,

Dit n'y avoir lieu à condamnation de Mme X. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT

Mariam ELGARNI-BESSA           Marie -Christine HÉBERT-PAGEOT