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CA ORLÉANS (ch. civ. 2e sect.), 29 septembre 1997

Nature : Décision
Titre : CA ORLÉANS (ch. civ. 2e sect.), 29 septembre 1997
Pays : France
Juridiction : Orléans (CA), ch. civ. sect. 2
Demande : 95/000022
Date : 29/09/1997
Nature de la décision : Infirmation
Date de la demande : 5/12/1994
Décision antérieure : TI ROMORANTIN-LANTHENAY, 25 octobre 1994, CASS. CIV. 1re, 7 décembre 1999
Numéro de la décision : 1525
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 701

CA  ORLEANS (ch. civ. 2e sect.), 29 septembre 1997 : RG n° 95/000022 ; arrêt n° 1525

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 7 décembre 1999 : pourvoi n° 97-21751)

 

Extrait : « Attendu qu'aux termes des stipulations de l'article 3, paragraphe 10 des conditions générales de l'offre de crédit souscrite, le 20 janvier 1989, par les époux X., il est prévu que le prêteur a la possibilité de se prévaloir de l'exigibilité immédiate du prêt, intérêts, frais et accessoires, par la seule survenance de divers événements, dont le « non-paiement des sommes exigibles du présent crédit comme de tous ceux consentis par le prêteur antérieurement ou postérieurement aux présentes » ; Attendu qu'il était encore précisé que la déchéance du terme ne supposait aucune formalité judiciaire, seul étant requis l'envoi aux emprunteurs d'une lettre recommandée avec accusé de réception, ce à quoi il fut satisfait, comme déjà indiqué ; Attendu que le contrat faisant la loi des parties, et les époux X. ayant accepté cette stipulation, il ne saurait être fait droit à leur critique de celle-ci, fondée sur des considérations fort générales, selon lesquelles cette stipulation contreviendrait au principe de divisibilité des conventions et constituerait une clause abusive ».

 

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE CIVILE SECTION 2

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 1997

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 95000022. Arrêt n° 1525. DÉCISION DE LA COUR : INFIRMATION. DÉCISION PREMIÈRE INSTANCE : TRIBUNAL D'INSTANCE DE ROMORANTIN EN DATE DU : 25 octobre 1994.

 

PARTIES EN CAUSE :

- CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL de VAL DE FRANCE

venant aux droits de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Loir-et-Cher [adresse], APPELANTE, REPRÉSENTÉE PAR SCP DUTHOIT - DESPLANQUES, Avoué, AYANT POUR AVOCAT MAÎTRE SEBAUX Yves-André du barreau de : BLOIS,

D'UNE PART

 

- Monsieur X.

[adresse]

- Madame X.

[adresse] [minute page 2]

- Madame Y.

[adresse]

INTIMÉS, REPRÉSENTÉS PAR SCP LAVAL-LUEGER, Avoué, AYANT POUR AVOCAT MAÎTRE CARIOU Sandrine du barreau de : BLOIS,

D'AUTRE PART

 

DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 05/12/1994.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12/02/1997.

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré : Monsieur TAY, Président de Chambre, Monsieur BUREAU, Conseiller, Madame MAGDELEINE, Conseiller,

Greffier : Madame MILLARD, lors des débats, Madame A.C. PELLE, lors du prononcé de l'arrêt,

DÉBATS : A l'audience publique du 17 mars 1997, à laquelle ont été entendus les avocats des parties.

Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 29 septembre 1997 par Monsieur le Président, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] Statuant sur l'appel interjeté par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LOIR ET CHER, devenue la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL VAL DE FRANCE (CRCAM) du jugement par lequel le tribunal d'instance de Romorantin-Lanthenay, le 25 octobre 1994, prononçait la nullité du cautionnement qu'avait souscrit Madame Y., le 28 janvier 1989, des engagements de ses enfants au bénéfice de ladite banque, déboutait cette dernière de l'ensemble de ses demandes dirigées tant contre les époux X.-Z., débiteurs principaux, que contre Madame Y., caution, et condamnait la CRCAM à payer aux époux X. et à madame Y. la somme de 3.000 francs à titre de dommages-intérêts et celle de 2.000 francs à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Par ses assignations des 3 et 16 juin 1994, la CRCAM poursuivait la condamnation solidaire des époux X. et de Madame Y. d'avoir à lui payer la somme de 62.812,56 francs outre intérêts au taux contractuel sur les échéances impayées et capital restant dû, ainsi que les intérêts au taux légal sur l'indemnité contractuelle, ce depuis l'arrêté de compte du 25 janvier 1994, la banque poursuivant encore la condamnation des défendeurs au paiement de la somme de 5.000 francs à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Le litige porte sur le remboursement d'un prêt de 70.000 francs, consenti par la banque aux époux X., remboursable en cent quatre vingt mensualités de 771,61 francs, dont la déchéance du terme aurait été prononcée en janvier 1994, madame Y. s'étant portée caution des emprunteurs.

Au soutien de sa décision, le tribunal a retenu :

* que l'instrumentum du cautionnement consenti par Madame Y. ne répondait pas aux dispositions des articles 9-1 et 9-2 de la loi du 13 juillet 1979, devenus L. 313-7 et L. 313-8 du Code de la consommation, en sorte que cet engagement était nul,

* qu'un problème se posait, la banque ne faisant preuve d'aucune rigueur quant à la date de la déchéance du terme, deux dates ayant été retenues par cet établissement bancaire, le 1er avril 1994 en ce qui concernait les emprunteurs, débiteurs principaux, et 1er décembre précédent, à l'endroit de la caution,

* que des extraits de compte produits, il ressortait que le compte ordinaire des époux X. présentait un solde créditeur tel que la banque pouvait [minute page 4] prélever les mensualités de remboursement du prêt de 70.000 francs.

Au soutien de son appel, qui tend à l'infirmation de ce jugement, à la condamnation solidaire des époux X. et de madame Y. à lui payer les sommes requises par son acte introductif d'instance sous réserve de la demande de dommages intérêts, qui n'est plus requise en cause d'appel, et de celle d'indemnité pour frais non taxables, portée à 5.000 francs, la CRCAM, le nouvelle Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Val de France ayant repris l'instance le 4 octobre 1995 :

* indique que la déchéance du terme, à l'égard tant des emprunteurs que de la caution fut acquise suite à leur défaillance après notification faite, le 8 janvier 1994, d'avoir à honorer leurs engagements.

* que le tribunal s'est trompé en faisant application à un cautionnement souscrit en janvier 1989, de dispositions légales du 31 décembre suivant, de surcroît applicables seulement à partir du mois de mars 1990,

* que l'acte de cautionnement établi par madame Y. correspond aux exigences des articles 1326 et 2015 du Code civil, en sorte que celui-ci est parfaitement valide et que la caution ne saurait être mise hors de cause,

* que, contrairement à la religion du tribunal, les époux X. ne disposaient pas sur leur compte de dépôt ordinaire de la provision suffisante pour honorer le remboursement de ce prêt de 70.000 francs car, outre ce prêt, elle leur avait consenti trois autres prêts, le premier de 350.000 francs et le deuxième de 160.000 francs, les 5 novembre et 27 décembre 1988 et le dernier, le 18 mars 1991, de 250.000 francs ; que ce dernier prêt avait été stipulé remboursable, à terme échu, en une fois, le 23 mars 1993 ; qu'il ne le fut pas ; que la somme des mensualités des deux autres emprunts s'élevait à 5.752,46 francs, en sorte que malgré des remises de 8.000 francs, le 3 décembre 1993 et de 5.000 francs, fin décembre 1993, après affectation du solde du compte au remboursement des prêts et intérêts de retard, il ne restait que 173,37 francs, ce qui ne permettait pas le remboursement de la mensualité du prêt de 70.000 francs.

Les intimés, Monsieur et Madame X. ainsi que Madame Y., poursuivent la confirmation du jugement entrepris, la condamnation de la CRCAM d'avoir à leur payer la somme de 50.000 francs à titre de dommages intérêts et encore celle de 10.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

[minute page 5] Ils se prévalent de la motivation du premier juge quant à la date « flottante » de la déchéance du terme. Ils reprennent également l'assertion selon laquelle le solde de leur compte de dépôt ordinaire permettait, la provision étant suffisante, le prélèvement par la banque des mensualités de 771,61 francs de remboursement de l'emprunt de 70.000 francs.

Ils exposent que le quatrième prêt, celui de 250.000 francs, accordé le 18 mars 1991, par la banque a été « détourné » de son objet par celle-ci, les fonds accordés en vertu ce prêt notarié, conclu au bénéfice des époux X., destinés à des besoins de trésorerie, ayant été virés au compte de la SARL LA MAISON DE […], exploitée par les époux, où elle servit, au lieu de constituer une avance en trésorerie, qui aurait permis la poursuite d'opérations commerciales, à apurer la situation débitrice de ce compte. Ils soutiennent que les sommes portées au crédit de leur compte de dépôt ordinaire servirent à rembourser, outre les deux emprunts de 360.000 et 160.000 francs, à rembourser ce quatrième emprunt.

Les époux X. indiquent avoir engagé devant le tribunal de grande instance de Blois une instance en responsabilité professionnelle contre la CRCAM, tendant à la réparation des conséquences de la faute qu'ils lui reprochent, l'utilisation faite de sa propre autorité et sans instruction de leur part de la somme prêtée, le 18 mars 1991, de 250.000 francs.

La banque appelante soutient inexacte l'argumentation des intimés, alors que le virement de la somme de 180.,000 francs, et non 250.000 francs, sur le compte de la société LA MAISON DE […], l'avait été avec le consentement des époux X., qui, pour surmonter les difficultés rencontrées par cette société, avait décidé de se réinstaller dans la région parisienne et, pour ce faire, de vendre le stock de la société ainsi que l'immeuble dont ils étaient propriétaires à [ville] ([département]) au prix de 1.500.000 francs, le prêt de 250.000 francs, « prêt à court terme entreprise », étant destiné à leur permettre de faire face, à l'époque dans l'immédiat, en attente de la vente de l'immeuble, aux remboursements des prêts qui leur avaient été consentis tant en nom propre qu'à la société ; qu'au demeurant les appelants ne remettaient en cause ce virement que plus de quatre ans après sa réalisation.

La CRCAM soutient qu'en tout état de cause la déchéance du terme du prêt de 70.000 francs est acquise, ne serait-ce que par application des stipulations de l'article 3-10 des conditions générales d'octroi de celui-ci qui prévoient que « le Prêteur aura la possibilité de se prévaloir [minute page 6] de l'exigibilité immédiate du présent crédit en capital, intérêts, frais et accessoires ..., après envoi aux emprunteurs d'une lettre recommandée avec accusé de réception, en cas de non-paiement des sommes exigibles du présent crédit comme de tous ceux consentis par le prêteur antérieurement ou postérieurement aux présentes ».

Les époux X. reprennent leur argumentation préalablement exposée. Ils répondent au dernier moyen soulevé par la banque que celui-ci est contraire au droit bancaire « du fait de la divisibilité naturelle et de l'autonomie respective des contrats de prêt ». Ils estiment également que la banque ne saurait tirer avantage de leur silence après l'affectation indue et fautive du prêt de 250.000 francs, ce défaut de protestation ne pouvant couvrir ses agissements fautifs.

Madame Y. se borne à faire écrire qu'il convient de confirmer le jugement en ce qui se rapporte à son engagement de caution.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Attendu qu'il ressort des pièces communiquées que, le 8 janvier 1994, la CRCAM avisait par lettre recommandée avec accusé de réception les époux X. qu'elle prononçait la déchéance du terme de tous ses concours et qu'elle les mettait en demeure de lui payer, suivant décompte joint, la somme de 886.279,46 francs ; qu'à la même date, elle en faisait tout autant envers la caution, lui demandant d'honorer son engagement ;

Attendu que, si des relevés du compte n° […] tenu au nom de Monsieur X. à la CRCAM, il ressort que, du fait d'une remise de chèques de 5.000 francs, le 30 décembre 1993, celui-ci présentait au 6 janvier suivant un solde créditeur suffisant pour avoir permis un virement, intitulé « prêt contentieux » de 7.700 francs, laissant, arrêté au 12 janvier 1994, un solde créditeur de 54,92 francs, il n'en demeure pas moins, les parties en convenant, que n'était pas remboursé le prêt de 250.000 francs, consenti, le 18 mars 1991 et qui l'aurait dû être le 23 mars 1993 ;

Attendu que le litige quant à l'affectation de ce dernier prêt est indifférent à la solution de la présente instance, le tribunal de grande instance de Blois étant par [minute page 7] ailleurs saisi de l'action des époux X. contre la CRCAM à ce sujet ;

Attendu qu'aux termes des stipulations de l'article 3, paragraphe 10 des conditions générales de l'offre de crédit souscrite, le 20 janvier 1989, par les époux X., il est prévu que le prêteur a la possibilité de se prévaloir de l'exigibilité immédiate du prêt, intérêts, frais et accessoires, par la seule survenance de divers événements, dont le « non-paiement des sommes exigibles du présent crédit comme de tous ceux consentis par le prêteur antérieurement ou postérieurement aux présentes » ;

Attendu qu'il était encore précisé que la déchéance du terme ne supposait aucune formalité judiciaire, seul étant requis l'envoi aux emprunteurs d'une lettre recommandée avec accusé de réception, ce à quoi il fut satisfait, comme déjà indiqué ;

Attendu que le contrat faisant la loi des parties, et les époux X. ayant accepté cette stipulation, il ne saurait être fait droit à leur critique de celle-ci, fondée sur des considérations fort générales, selon lesquelles cette stipulation contreviendrait au principe de divisibilité des conventions et constituerait une clause abusive ;

Attendu, en conséquence, que la déchéance du terme opposée par la CRCAM, concernant ce prêt de 70.000 francs consenti le 20 janvier 1989 aux époux X., n'est pas critiquable ;

Attendu que, contrairement à la religion du tribunal, parce que, eu égard à la date, 28 janvier 1989, à laquelle il fut consenti, le cautionnement de madame Y. ne saurait être soumis aux dispositions de la loi du 31 décembre suivant, relative au formalisme à observer en matière de cautionnement d'opérations soumises à la loi du 10 janvier 1978 ;

Attendu que les appelants ne critiquent pas en lui-même le montant des sommes, dont la CRCAM poursuit paiement du chef de la déchéance du terme de ce prêt de 70.000 francs ;

Attendu en conséquence qu'il convient de faire droit aux demandes de l'appelante, sous réserve de la date à partir de laquelle courront les intérêts, le dernier état fourni étant arrêté au 1° mai 1994 ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la CRCAM la charge des frais irrépétibles dont elle fit l'avance ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 7] PAR CES MOTIFS,

La Cour, en dernier ressort, publiquement, contradictoirement,

Donne acte à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL VAL DE FRANCE de ce qu'elle vient aux droits de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Loir et Cher,

Infirme le jugement déféré,

Condamne solidairement les époux X.­ et Z. et Madame Y. à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL VAL DE FRANCE la somme de SOIXANTE HUIT MILLE HUIT CENT DOUZE francs et CINQUANTE SIX centimes (62.812,56 Francs) avec, à compter du 1er mai 1994, intérêts au taux contractuel sur la somme de 58.250,17 francs et au taux légal sur celle du 4.562,39 francs,

Condamne les intimés à payer à l'appelante la somme de CINQ MILLE francs (5.000 Francs) à titre d'indemnité pour frais non taxables,

Condamne les intimés aux dépens de première instance et d'appel,

Accorde à la SCP DUTHOIT-DESPLANQUES, titulaire d'un office d'avoué, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,

Et le présent arrêt a été signé par le président et le greffier.