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TI ROUBAIX, 22 janvier 2004

Nature : Décision
Titre : TI ROUBAIX, 22 janvier 2004
Pays : France
Juridiction : Roubaix (TI)
Demande : 11-03-001608
Date : 22/01/2004
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 24/09/2003
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7030

TI ROUBAIX, 22 janvier 2004 : RG n° 11-03-001608

Publication : site CCA

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE ROUBAIX

JUGEMENT DU 22 JANVIER 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-03-001608.

À l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 22 janvier 2004,

Sous la Présidence de Ghislain POISSONNIER, Juge d'Instance, assisté(e) de Florence VILLE, Greffier ;

Après débats à l'audience du 4 décembre 2003, le jugement suivant a été rendu :

 

ENTRE :

DEMANDEUR(S) :

Société S.

[adresse], représenté(e) par Maître KEHR Paul Main, avocat du barreau de LILLE, d'une part

 

ET :

DÉFENDEUR(S) :

Madame X.

[adresse], non comparant, d'autre part

[minute page 2]

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon une offre préalable en date du 26 novembre 1999, la SNC S. a consenti à Mme X. un crédit par fractions (compte A.) portant sur un montant de découvert maximum autorisé de 5.000 Francs, au TEG de 16,56 %, et remboursable par mensualités au montant variant en fonction du niveau d'utilisation de découvert autorisé.

Par acte d'huissier en date du 24 septembre 2003, la SNC S. a assigné Mme X. devant le Tribunal d'instance de ROUBAIX afin de la voir condamner à lui payer les sommes de :

- 2.932 euros représentant, pour le contrat de crédit du 26 novembre 1999, le capital restant dû, les mensualités échues impayées et l'indemnité de 8 %, assortie des intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure,

- 305 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 305 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

A l'audience du 13 octobre 2003, où l'affaire a été évoquée une première fois, la SNC S. a confirmé ses demandes en faisant valoir que l'emprunteur s'était montrée défaillante dans le paiement des mensualités du prêt.

Citée à mairie, Mme X. n'a pas comparu.

Par décision du 13 novembre 2003, le Tribunal a soulevé d'office un moyen de droit tiré de la présence dans l'offre préalable d'une clause abusive, en ce qu'elle prévoit la possibilité pour le prêteur de résilier le contrat en cas de non-réception des rémunérations ou revenus de l'emprunteur sur un compte ouvert chez le prêteur.

En réponse, à l'audience du 4 décembre 2003, la SNC S. a sollicité du Tribunal qu'il fasse droit à sa demande en paiement en indiquant :

- à titre principal, que le non-respect du formalisme prévu par les articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation dans une offre préalable de crédit ne pouvait pas être constitutif d'une clause abusive et qu'ainsi conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le tribunal n'avait pas le pouvoir de se substituer au débiteur pour contester la régularité d'un contrat de crédit, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes reconnaissant au juge un pouvoir de relever d'office un moyen de droit ne s'appliquant qu'aux clauses abusives et non aux irrégularités formelles,

- à titre subsidiaire, que le Tribunal était forclos à émettre toute critique concernant la régularité de l'offre préalable de crédit litigieuse, le délai de forclusion de deux ans, qui commençait à courir à compter de la date de la formation du contrat, étant écoulé à la date de l'assignation,

- à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la clause serait déclarée abusive par le Tribunal, que la sanction appliquée soit celle du caractère réputé non écrit de ladite clause en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et non celle de la déchéance du droit aux intérêts, sanction extensive non prévue en pareille situation, mais uniquement en cas de non-respect du formalisme prévu par les articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation.

[minute page 3]

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La SNC S. réclame la condamnation de l'emprunteur à lui régler le solde demeuré impayé d'un crédit par fractions conclu le 26 novembre 1999, en principal, intérêts et frais.

Au vu des pièces fournies à l'audience (contrat de crédit en original, historique des paiements depuis l'origine, décompte des sommes réclamées, lettre de mise en demeure constatant la déchéance du terme), la demande en paiement de la SNC S. apparaît fondée en son principe.

Toutefois, s'agissant d'une demande en paiement ayant pour origine un contrat de crédit à la consommation soumis aux dispositions d'ordre public du Code de la consommation, il appartient au Tribunal de vérifier le droit du prêteur au paiement des intérêts et frais au regard de ces dispositions.

Or, l'offre préalable de crédit par fractions du 26 novembre 1999 soumise par la société requérante au Tribunal contient une clause figurant à l'article 6 relative aux conditions générales du compte renouvelable prévoyant que le prêteur a la possibilité de résilier le contrat en cas de non-réception des rémunérations ou revenus de l'emprunteur sur un compte ouvert chez le prêteur.

 

Sur le pouvoir du juge de soulever le caractère abusif d'une clause contenue dans un contrat de crédit :

Il est de principe que le juge d'instance peut, malgré l'expiration du délai de forclusion de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, relever d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans un contrat de crédit à la consommation, et ceci afin d'atteindre le résultat fixé à l'article 6 de la directive 93/13/CEE du Conseil concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, à savoir garantir que lesdites clauses ne lient pas le consommateur (CJCE, 21 nov. 2002, Cofidis SA c/ Jean-Louis Fredout, C-473/00, Contrats conc. consom., fév. 2003, n° 31 obs. G. Raymond).

Il convient sur ce point de rappeler que la solution dégagée par la Cour de Justice des Communautés Européennes s'impose à toutes les juridictions nationales (Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, Jacques Vabre, AJDA 1975. 567, note J. Boulouis et CJCE 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77, Rec. p. 629), la limitation de l'office du juge en matière de crédit à la consommation, retenue un temps par la Cour de cassation (Civ. 1ère, 15 fév. 2000, Bull. civ. I n° 49 ; 10 juill. 2002, Bull. civ. I n° 195) devant être écartée.

En l'espèce, le contrat conclu le 26 novembre 1999 entre les parties est un contrat de crédit à la consommation soumis aux dispositions d'ordre public du Code de la consommation. Malgré l'expiration du délai biennal de forclusion en date du 27 novembre 2001, soit deux ans après la formation du contrat, le juge d'instance avait bien le pouvoir de relever d'office, par décision du 13 novembre 2003 et en application des articles 12 et 16 du NCPC, le caractère abusif d'une clause insérée dans le contrat de crédit, dès lors que ce moyen a été soumis au débat contradictoire et peu important que le contrat litigieux soit antérieur à la loi n° 2001-[minute page 4] 1168 du 11 décembre 2001, la finalité de la directive de 1993 l'emportant sur la lettre du texte de l'article L. 311-37 du Code de la consommation. Ce pouvoir conféré au juge est cependant subordonné à ce que d'une part le caractère abusif de la clause litigieuse soit démontré et d'autre part que l'irrégularité de la clause soit de nature à influer sur la liquidation de la créance dont il est demandé le paiement.

 

Sur le caractère abusif de la clause contenue dans le contrat de crédit :

Il revient au Tribunal d'examiner si cette clause insérée dans un contrat de prêt peut être considérée comme abusive.

En l'espèce, cette clause résolutoire laissée à la discrétion du prêteur en fonction de la situation financière de l'emprunteur confère un avantage contractuel à l'établissement de crédit dont il peut se prévaloir.

Mais, elle n'apparaît pas de prime abord créer en soi et « au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

Toutefois, s'agissant d'un contrat de crédit à la consommation, la protection conférée par les dispositions mentionnées doit être combinée avec la protection assurée par les règles relatives au crédit à la consommation : en effet, « le droit de la consommation ne se limite pas à une simple compilation de divers dispositifs protecteurs étanches entre eux, mais constitue une matière cohérente où les textes doivent être combinés » (P. Florès, G. Biardeaud, note sous CJCE, 21 nov. 2002, Gaz. Pal. 4/6 mai 2003, p. 12).

Ainsi, il revient également au Tribunal d'examiner si cette clause insérée dans un contrat de crédit à la consommation ne présente pas un caractère abusif en privant le consommateur de droits conférés par les dispositions légales applicables en la matière et par le modèle type.

En application des dispositions des articles L. 311-13 et R. 311-6 du Code de la consommation, l'offre préalable de crédit soumise par le professionnel à l'emprunteur doit être conforme au modèle type applicable à l'opération de crédit envisagée et comporter toutes les mentions obligatoires prévues par la loi et le décret (Cass. civ 1ère, 25 avril 1989, pourvoi n° 87-15791). Dans le cas contraire, le juge peut prononcer la sanction de la déchéance du droit aux intérêts.

Il n'est cependant pas interdit au prêteur de faire figurer sur son offre d'autres mentions ou clauses. La Cour de cassation a ainsi rappelé que le prêteur pouvait présenter une offre contenant des clauses autres que celles d'origine légale ou réglementaire, dans la mesure où celle-ci n'avait pas à être « la copie servile de l'un des modèles types » (Cass. civ 1re, 1re déc. 1993, pourvoi n° 91-20895). A cette occasion, la Cour a cependant encadré ces adjonctions non prévues par le modèle type en précisant qu'elles ne doivent pas aggraver la situation financière de l'emprunteur.

En l'espèce, l'offre préalable de crédit par fractions du 26 novembre 1999 devait être conforme aux règles légales applicables et au contenu du modèle type n° 5.

[minute page 5] Il convient, par conséquent, de s'interroger sur la conformité de la clause litigieuse par rapport à ces dispositions.

Cette clause permet au prêteur de résilier le contrat en cas de non-réception des rémunérations ou revenus de l'emprunteur sur un compte ouvert chez le prêteur.

Cette clause est sans lien direct avec l'objet du contrat de crédit.

Surtout ni la loi, ni le modèle type ne lient spécifiquement la résiliation du contrat pour ce motif. La clause qui subordonne l'octroi du prêt à la domiciliation des salaires sur un compte de dépôt détenu par le prêteur, ou à l'ouverture d'un compte courant chez le prêteur, ne heurte aucune disposition du modèle-type et ne constitue donc pas une aggravation de la situation de l'emprunteur, ni même une clause abusive. L'emprunteur peut s'engager à ouvrir un compte courant dans une banque déterminée et/ou à y domicilier ses salaires, c'est-à-dire à les faire verser au compte qu'il ouvre dans cette banque. La domiciliation se double souvent d'une convention de prélèvement, par laquelle l'emprunteur autorise par avance le prêteur à prélever sur son compte les sommes nécessaires au remboursement du crédit. Comme les prélèvements mensuels suivent en général de peu le versement des salaires, le prêteur est assuré de trouver chaque mois les sommes nécessaires au remboursement du crédit.

La doctrine souligne que « le système est dangereux pour l'emprunteur, qui est à la merci de prélèvements abusifs » [J. Calais-Auloy, F. Steinmetz, Droit de la consommation, 6ème D. 2003, p. 382], mais il n'est pas illégal et ne semble pas pouvoir être qualifié de clause abusive en tant que telle. En revanche, assortir cette condition d'une clause résolutoire aggrave la situation de l'emprunteur, puisque les modèles types la limitent au seul cas de la défaillance [Voir en ce sens, TI Roubaix, 19 juin 2003, RG n°11-03-000200, Sogefinancement c/ Mme R., inédit jugement prononçant la déchéance du droit aux intérêts pour ce double motif].

Dans la mesure où cette disposition contractuelle prive le consommateur de certains des droits que lui confèrent le minimum légal fixé par la loi et par le modèle type, elle a pour effet, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, de créer, « au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », peu important que cette clause ne soit pas le fondement juridique de l'action en paiement ou que l'emprunteur n'ait pas souhaité rembourser son crédit de manière anticipée, la validité des stipulations du contrat devant s'apprécier au jour de sa formation.

L'article 6 des conditions générales du compte renouvelable présente donc un caractère abusif et constitue également une mention affectant la régularité du contrat de crédit de nature à influer sur la liquidation de la créance dont il est demandé le paiement.

 

Sur la sanction d'une clause abusive aggravant la situation de l'emprunteur :

La présence d'une clause déclarée abusive en ce qu'elle aggrave la situation financière de l'emprunteur par rapport aux dispositions légales et au modèle type applicable prévu aux dispositions de l'article L. 311-13 et R. 311-6 du Code de la consommation rend l'offre de crédit irrégulière. Sa présence est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, la Cour de cassation ayant approuvé une Cour d'appel qui avait prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour ce motif (Cass. civ. 1re, 1er déc. 1993, Daguerre, Bull. civ. I p. 247).

[minute page 6] S'agissant d'un contrat de crédit à la consommation, il doit être rappelé que la protection du consommateur conférée par les dispositions relatives aux clauses abusives doit être combinée avec la protection assurée par les règles relatives au crédit à la consommation.

Ainsi, les sanctions prévues par un dispositif de protection du droit de la consommation se combinent avec celles prévues par un autre dispositif, sans pour autant constituer une double peine civile pour le professionnel.

Il en résulte que :

- la sanction attachée à la présence de, la clause abusive figurant à l'article 6 des conditions générales du compte renouvelable sera le caractère réputé non écrit de cette clause prévu par l'article L. 132-1 du Code de la Consommation,

- la clause litigieuse ayant aggravé la situation de l'emprunteur et de ce fait affecté la

régularité du contrat de crédit, la déchéance du droit aux intérêts, conformément aux dispositions de l'article L. 311-33 du Code de la consommation, sera encourue par la SNC S.

 

Sur le montant de la créance :

L'article L. 311-33 du Code de la consommation prévoit que lorsque l'établissement de crédit est « déchu du droit aux intérêts », l'emprunteur n'est « tenu qu'au seul remboursement du capital ».

Les articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation sont applicables tant au crédit à titre onéreux qu'à titre gratuit. Or, ce dernier type de prêt n'ouvre droit qu'aux intérêts légaux à compter de son échéance ou de la déchéance du terme, de sorte que limiter la déchéance du droit aux intérêts aux seuls intérêts conventionnels, reviendrait à priver le crédit gratuit de la sanction prévue par l'article L. 311-33 du Code de la consommation.

Par ailleurs, dans la mesure où l'article L. 311-33 du Code de la consommation ne distingue pas entre intérêts légaux ou conventionnels, il n'y a pas lieu de distinguer entre les deux catégories d'intérêts. De surcroît, l'article L. 311-33 limite clairement l'obligation de l'emprunteur au seul remboursement du capital et déroge à l'article L. 311-30 du Code de la consommation qui prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard au taux conventionnel, le dit texte constituant une des exceptions prévues par l'article 1153 alinéa 3 du Code civil. Enfin, l'article 1153-1 du Code civil est inapplicable puisque le jugement ne porte pas condamnation à une indemnité. Il s'en déduit que la déchéance du droit aux intérêts est absolue et que la créance de la société de crédit ne produit aucun intérêt (Voir en ce sens, TI Niort, 15 mai 2002, SA Diac / Mme D., Contrats conc. consom., 2002 n° 115, obs. G. Raymond).

En l'espèce, le montant de la créance de la SNC S. sera fixé en déduisant le montant des règlements effectués par l'emprunteur depuis l'origine du contrat du montant du capital emprunté et ne produira aucun intérêt.

- Montant réclamé suivant historique au 5 décembre 2002 : 2.810 euros.

- Montant des intérêts et frais depuis l'origine du contrat (à déduire) : 1.372 euros.

- Acompte versé : 103 euros

Total restant à payer : 1.335 euros.

[minute page 7] Au vu des règlements effectués depuis l'origine, il convient de condamner M. X. à payer à la SNC S. la somme de 1.335 euros, au titre du contrat du 26 novembre 1999, sans intérêt aucun à compter de la date du présent jugement,

 

Sur la demande de dommage et intérêts :

La SNC S. n'apportant pas la preuve de l'existence d'un préjudice distinct de celui qui se trouve réparé par la présente condamnation, il convient de rejeter la demande faite à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

 

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SNC S. l'ensemble des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager dans la présente instance. Sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du NCPC sera donc rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement par défaut, en dernier ressort

- condamne Mme 1 à payer à la SNC S. la somme de 1.335 euros, au titre du contrat de crédit par fractions du 26 novembre 1999, sans intérêt aucun à compter de la date du présent jugement,

- rejette toute autre demande,

- condamne Mine aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et le Président a signé avec le Greffier.

Le Président                                                 Le Greffier