CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. A), 11 janvier 2008
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 715
CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. A), 11 janvier 2008 : RG n° 07/02824 ; arrêt n° 2008/22
Extraits : 1/ « Sur ce point la position de la compagnie d'assurance est pour le moins contradictoire puisque, d'une part, elle soutient que cette clause, parfaitement claire ne peut être interprétée par le juge sur le fondement de l'article 1157 du code civil, mais que, d'autre part, elle-même renonce à en appliquer une partie, puisqu'elle ne revendique pas la possibilité d'invoquer la reprise totale ou partielle d'une activité non professionnelle. L'appelante ne peut être admise à procéder à une interprétation par « retranchement » d'une clause, interprétation dont elle dénie au juge le droit d'y procéder. La clause doit être examinée dans son intégralité, c'est à dire en ce qu'elle exclut de manière claire et précise l'assuré de la garantie au titre de l'invalidité totale de travail s'il peut exercer une activité à temps partiel ou à temps complet, professionnelle ou non professionnelle. Cette clause de par son caractère clair et précis n'est pas soumise à interprétation. »
2/ « Cependant l'article L. 132-8 du code des assurances [N.B. conforme à la minute, lire sans doute Code de la consommation], dans sa rédaction applicable en la cause et issue de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978, applicable en la cause, considère que sont réputées non écrites les clauses relatives à la définition du risque assuré, lorsqu'elles apparaissaient imposées aux non professionnels ou consommateurs par un abus de puissance économique de l'autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif.En l'espèce et comme le soutient l'assuré, la clause telle qu'elle est rédigée ne peut assurer une garantie que dans des cas extrêmement rarissimes de maladies prolongées dans un coma profond, une activité étant toujours envisageable dans tous les autres cas de maladie. Une telle clause qui vide de sa substance la garantie de l'assureur par une limitation à l'excès de ses conditions de mise en œuvre et lui confère en conséquence un avantage excessif, notamment en lui permettant, comme il le fait dans la présente procédure, de décider que l'assuré n'est pas en incapacité totale de travail puisqu'il peut exercer une quelconque autre activité professionnelle ou non professionnelle, doit, dans sa partie relative à la définition du risque garanti, être considérée comme non écrite. En conséquence l'incapacité totale de travail de l'assuré doit être garantie. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
PREMIÈRE CHAMBRE A
ARRÊT DU 11 JANVIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 07/02824. Arrêt n° 2008/22. ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION. ARRÊT AU FOND.
Arrêt des chambres réunies en date du 11 janvier 2008 prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 13 juillet 2005, qui a cassé et annulé l'arrêt n° 666 rendu le 4 décembre 2003 par la Cour d'Appel d' AIX -EN-PROVENCE (15ème Chambre B).
DEMANDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION :
- Monsieur X.
né [date et lieu de naissance] demeurant [adresse] représenté par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour, assisté par Maître Céline CESAR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
- Madame Y. épouse Z.
prise en sa qualité de curateur de Monsieur X. née le [date et lieu de naissance], demeurant [adresse] représentée par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour, assistée par Maître Céline CESAR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN.
DÉFENDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION :
- SA MMA VIE venant aux droits de la Société WINTERTHUR aux droits desquelles vient la Société QUATREM
agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [adresse] représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, assistée par Maître Serge DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN.
- CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE COTE D'AZUR
prise en la personne de son représentant légal en exercice, [adresse] représentée par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour.
[minute page 2] COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 9 novembre 2007 en audience publique et solennelle Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, M. ELLOUET, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries devant la Cour composée de :
Monsieur Guy ROMAN, Président, 1ère Chambre A, Président l'assemblée des Chambres,
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller 2ème Chambre
Madame Roseline ALLUTO, Conseiller 6ème Chambre
Monsieur Gilles ELLEOUET, Conseiller 3ème Chambre
Madame Nicole GIRONA, Conseiller 1ère Chambre C
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2008.
ARRÊT : contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2008, signé par Monsieur Guy ROMAN, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
En 1988 et 1992, Monsieur X. a souscrit, auprès de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de la Côte d'Azur, deux prêts à l'habitat.
Pour garantir le remboursement de ces emprunts, il a adhéré, le 28 avril 1998, à un contrat d'assurances de groupe souscrit par la Caisse d'Épargne auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance.
Monsieur X. a été placé sous curatelle par jugement du tribunal d'instance de Fréjus du 25 octobre 1994 et, par l'intermédiaire de curatrice, Madame Z., il a demandé, dans la mesure où il souffrait, depuis 1994 de graves affections cardio-vasculaires entraînant une incapacité totale d'exercer sa profession de maçon, l'application du contrat d'assurance géré, à cette époque, par la compagnie WINTERTHUR.
L'assureur a initialement reconnu sa garantie en prenant en charge le remboursement des prêts entre le 15 juin 1994 et le 31 août 1997.
Mais à partir du 1er septembre 1997, il a refusé de prendre en charge les remboursements estimant, au vu de rapports de son médecin conseil, le Docteur A., qui le 23 septembre 1997 avait retenu que Monsieur X. était en invalidité professionnelle dans sa profession de maçon mais, qu'en revanche, son état de santé lui permettait d'exercer une autre activité que celle exercée avant son arrêt de travail.
Le 28 janvier 1999, Monsieur X., assisté de sa curatrice, a fait assigner la compagnie WINTERTHUR et la Caisse d'Épargne devant le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN pour voir condamner la WINTERTHUR à assurer le paiement des échéances de prêts exigibles à cette date auprès de la Caisse d'Épargne et voir dire que la compagnie d'assurance devrait prendre en charge les échéances postérieures.
Il demandait également la condamnation de la compagnie WINTERTHUR à lui payer une somme de 50.000,00 Francs, soit 7.622,45 €, à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 20.000,00 Francs, soit 3.048,98 €, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement du 5 août 1999, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a:
- déclaré le présent jugement opposable à la Caisse d'Épargne Côte d'azur
- condamné la SA WINTERTHUR à verser à la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de la Côte d'Azur la somme de 107.096,15 Francs, soit 16.326,70 € avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 1998
- condamné la SA WINTERTHUR à prendre en charge les échéances des prêts souscrits par Monsieur X. à compter du 5 août 1998
- condamné la SA WINTERTHUR à verser à Monsieur X. la somme de 10.000,00 Francs soit 1.524,49 € à titre de dommages intérêts
- condamné la SA WINTERTHUR à verser à Monsieur X. la somme de 10.000,00 Francs soit I.524,49 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Compagnie WINTERTHUR a relevé appel de cette décision le 16 septembre 1999, mais la SA MMA VIE est intervenue en ses lieux et place dans la procédure d'appel.
Par arrêt du 4 décembre 2003, la cour d'appel de ce siège, réformant le jugement déféré en toutes ses dispositions, a débouté Monsieur X. de ses demandes.
Par arrêt du 13 juillet 2005, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en retenant qu'en déboutant Monsieur X. de ses demandes au motif que la clause du contrat d'assurance relative à la garantie de son incapacité totale de travail n'avait pas eu pour objet ou pour effet de créer au détriment de l'assuré un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, la cour avait, à tort, fait application au contrat souscrit en 1988, de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction postérieure à la loi du 1er février 1995.
[minute page 4] Devant la cour de cassation, est intervenue la société QUATREM, déclarant venir aux droits de la société MMA VIE.
Par déclaration du 6 juillet 2005 formalisée au greffe de la cour, Monsieur X. et sa curatrice ont saisi la cour de renvoi.
Par ordonnance du 27 octobre 2006, le magistrat de la mise en état a radié la procédure pour défaut de diligences.
La procédure a été remise au rôle sur la demande de Monsieur X. et de Madame Z. le 19 février 2007.
Vu les conclusions du 11 octobre 2007, déposées par la SIS QUATREM ASSURANCES, déclarant venir aux droits des sociétés MMA VIE et WINTERTHUR tendant, par infirmation du jugement déféré, au débouté de Monsieur X. et de Madame Z. de l'ensemble de leurs demandes et à l'allocation d'une indemnité de 2.287 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Vu les conclusions du 8 octobre 2007 de Monsieur X. et de Madame Z. demandant la confirmation du jugement déféré avec l'allocation d'une somme de 8.000 francs à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et injustifiée et d'une indemnité de 8.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Vu les conclusions du 27 septembre 2007 de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de la Côte d'Azur.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 novembre 2007.
LES MOYENS DES PARTIES :
La société QUATREM venant aux droits de la société WINTERTHUR et de la société MMA VIE, expose :
- qu'à la suite de l'arrêt de travail survenu en mars 1993, pour une « cardiomyopathie survenant chez un sujet antérieurement éthylique » et un état dépressif profond, la compagnie WINTERTHUR avait mis en œuvre sa garantie au titre de l'incapacité total de travail, puisque conformément au contrat, Monsieur X. se trouvait, à l'expiration d'une période de 90 jours continue d'interruption continue d'activité, dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle ou non, même à temps partiel.
- qu'à la suite d'un premier examen médical, le 25 avril 1996, le Docteur A., avait conclu à une invalidité fonctionnelle de 30 % entraînant une invalidité professionnelle dans la profession de maçon de 100 %, précisant toutefois « compte tenu de l'examen de ce jour, Monsieur X. peut, très bien, avoir une activité professionnelle ne demandant pas d'effort, par exemple un travail de bureau »,
- qu'à la suite d'un second examen pratiqué en septembre 1997, le Docteur A. aboutissait à la conclusion que « l’état de santé de Monsieur X. lui permet d'exercer une autre activité que celle pratiquée avant son arrêt de travail », conclusions qu'il maintenait le 2 octobre 1997, après un dernier examen cardiaque,
- que c'est donc en l'état de ces rapports que la compagnie WINTERTHUR fit connaître à Madame Z. qu'elle cesserait ses prestations à compter du 31 août 1997,
- que c'est à tort que dans la décision du 5 août 1999, le tribunal de grande instance de Draguignan, a interprété le contrat en le dénaturant pour retenir que la garantie était due pour « toute cessation d'activité dans sa branche de travail »,
- qu'en effet, en application de l'article 1157 du Code civil, pour qu'une clause contractuelle puisse être interprétée par le juge, il faut qu'elle soit obscure et confuse ou puisse recevoir deux sens différents,
- qu'en l'espèce la clause contenue dans le bulletin individuel de demande d'admission signé par l'assuré le 28 avril 1998 indique : « Incapacité totale de travail : l'assuré est en état d'incapacité totale de travail lorsque, à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité, pour raison de santé, de 90 jours (dite délai de carence), il se trouve dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle ou non, même à temps partiel, du fait de son état de santé... »
- [minute page 5] que cette clause claire et précise n'est pas susceptible d'interprétation et doit conduire au débouté de Monsieur X. qui n'a jamais contesté les conclusions du rapport du Docteur A. et qui s'il ne peut plus être maçon peut néanmoins exercer une autre activité puisqu'il n'a que 45 ans,
- que l'argumentation de Monsieur X. qui entend aussi faire valoir que la définition contractuelle de la garantie incapacité de travail serait, de part sa définition, extensive, vide de sens et serait en conséquence abusive et devrait lui être déclaré inopposable, ne peut non plus être retenue,
- que bien que la clause le prévoit expressément, elle n'entend pas se prévaloir de la possibilité pour l'intéressé de reprendre une activité non professionnelle, le critère d'appréciation du caractère abusive d'une clause, au sens des articles L. 132-1 et suivants du Code de la consommation étant le « déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat »,
- qu'une clause définissant l'incapacité totale de travail comme l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle quelconque, et même à temps partiel, ne peut être considérée comme abusive et ce d'autant qu'en l'espèce, s'agissant d'un contrat d'assurance groupe, les conditions de tarification du risque sont très avantageuses du fait de sa mutualisation.
- qu'en outre, et contrairement à ce qui est soutenu par les demandeurs, il n'y a jamais eu renonciation de la part de la société WINTERTHUR à se prévaloir d'une non-garantie, car si elle n'a pas entendu se prévaloir du premier rapport du 22 avril 1996, qui n'a jamais été notifié à l'assuré, et a attendu un an pour invoquer sa non garantie, après un second rapport, c'est pour permettre à Monsieur X. de stabiliser son état de santé et de retrouver un travail, mais que ce dernier, à qui la société WINTERTHUR, n'a jamais notifié expressément sa volonté de poursuivre le paiement des prestations après le rapport de 1996, ne peut invoquer une renonciation à faire valoir une non garantie.
L'appelante demande, à titre subsidiaire, l'organisation d'une expertise sur l'état de santé de Monsieur X.
Monsieur X. et Madame Z. répliquent que l'assureur, qui connaissait son état de santé à la suite de l'examen pratiqué par le Docteur A. le 22 avril 1996, n'en a pas moins continué à garantir les échéances de prêts, renonçant ainsi à invoquer sa garantie.
Ils estiment que la compagnie d'assurances ne pouvait revenir sur son acceptation de garantir à partir du mois d'août 1997 qu'en démontrant une amélioration de son état de santé, ce qu'elle ne fait pas, et que d'ailleurs, cet état ne s'est pas amélioré, puisqu'en septembre 1998, il a été de nouveau hospitalisé puis admis au bénéfice de l'allocation adulte handicapé, après avoir été reconnu inapte à l'exercice de son activité professionnelle de maçon et qu'ainsi le jugement devra être confirmé.
Ils font aussi valoir, à titre subsidiaire, que la compagnie d'assurance ne peut être admise à se retrancher derrière une interprétation restrictive de la clause en renonçant à se prévaloir de la possibilité d'exercer une activité non professionnelle, cette clause devant être appréciée in concreto et de bonne foi, sous peine de vider de sa substance toute l'économie du contrat et être interprétée dans le sens où elle peut avoir un effet utile et logique.
Ils soutiennent qu'en vertu des dispositions de l'article L. 132-1 du Code des assurances [N.B. conforme à la minute, lire Code de la consommation], dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995, sont réputées non écrites les clauses relatives à la définition du risque assuré, lorsqu'elles apparaissent imposées aux non professionnels ou consommateurs par un abus de puissance économique de l'autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif.
Ils estiment qu'en l'espèce la clause litigieuse, alors que le contrat ne définit pas même la notion d'activité, ne pourrait assurer une garantie que dans les cas extrêmement rarissimes de maladie prolongée dans un coma profond, puisque sinon toute personne peut exercer une activité non professionnelle à temps partiel et que cette clause devra être réputée non écrite en ce qu'elle vide de sa substance la garantie de l'assureur par une limitation à l'excès de sa mise en œuvre.
La Caisse d'Épargne intimée demande la confirmation du jugement en son principe, sous réserve de rectification de certaines erreurs intervenues et la condamnation de la compagnie WINTERTHUR à lui payer directement :
- au titre du prêt n° 89 00XXX, dont les échéances ont cessé d'être réglées depuis juillet 1997, 10.595,78 €, outre 721,17 € au titre des intérêts de retard échus à la date de [minute page 6] l'assignation soit le 1er janvier 1999,
- au titre du prêt n° 88 00YYY, dont les échéances ont cessé d'être réglées en août 1997, 5.730,92 €, outre 380,35 € au titre des intérêts de retard échus à la date de l'assignation, somme, dont le total est de 17.428,22 €, et non de 16.326,70 €, comme retenu par le tribunal, et qui doivent être affectées d'intérêts au taux contractuel de 10,90 % et non légal, à compter du 1er janvier 1999,
La Caisse d'Épargne demande également la condamnation de la compagnie d'assurance à prendre en charge non pas à compter du 5 août 1998, mais du 1er février 1999, les échéances des deux prêts souscrits par Monsieur X. à compter du 1er février 1999 outre les intérêts de retard au taux de contractuel de 10,90 % l'an.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Il ne peut être retenu que l'assureur, en continuant à prendre en charge les mensualités des prêts postérieurement au premier rapport du Docteur A., rapport qu'il n'avait pas même notifié à l'assuré, ait renoncé à se prévaloir d'une non-garantie du risque invalidité temporaire totale.
Il convient donc d'examiner le problème posé par la clause définissant cette invalidité.
Sur ce point la position de la compagnie d'assurance est pour le moins contradictoire puisque, d'une part, elle soutient que cette clause, parfaitement claire ne peut être interprétée par le juge sur le fondement de l'article 1157 du code civil, mais que, d'autre part, elle-même renonce à en appliquer une partie, puisqu'elle ne revendique pas la possibilité d'invoquer la reprise totale ou partielle d'une activité non professionnelle.
L'appelante ne peut être admise à procéder à une interprétation par « retranchement » d'une clause, interprétation dont elle dénie au juge le droit d'y procéder.
La clause doit être examinée dans son intégralité, c'est à dire en ce qu'elle exclut de manière claire et précise l'assuré de la garantie au titre de l'invalidité totale de travail s'il peut exercer une activité à temps partiel ou à temps complet, professionnelle ou non professionnelle.
Cette clause de par son caractère clair et précis n'est pas soumise à interprétation.
Cependant l'article L. 132-8 du code des assurances [N.B. conforme à la minute, lire sans doute Code de la consommation], dans sa rédaction applicable en la cause et issue de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978, applicable en la cause, considère que sont réputées non écrites les clauses relatives à la définition du risque assuré, lorsqu'elles apparaissaient imposées aux non professionnels ou consommateurs par un abus de puissance économique de l'autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif.
En l'espèce et comme le soutient l'assuré, la clause telle qu'elle est rédigée ne peut assurer une garantie que dans des cas extrêmement rarissimes de maladies prolongées dans un coma profond, une activité étant toujours envisageable dans tous les autres cas de maladie.
Une telle clause qui vide de sa substance la garantie de l'assureur par une limitation à l'excès de ses conditions de mise en œuvre et lui confère en conséquence un avantage excessif, notamment en lui permettant, comme il le fait dans la présente procédure, de décider que l'assuré n'est pas en incapacité totale de travail puisqu'il peut exercer une quelconque autre activité professionnelle ou non professionnelle, doit, dans sa partie relative à la définition du risque garanti, être considérée comme non écrite.
En conséquence l'incapacité totale de travail de l'assuré doit être garantie.
Il résulte du rapport du Docteur A. que Monsieur X. est totalement incapable de reprendre sa profession de maçon, le pourcentage d'invalidité professionnelle étant de 100 %.
Le fait qu'il soit indiqué aussi dans ce rapport que Monsieur X. est capable de reprendre une autre activité salariée ne saurait, en l'état notamment des difficultés psychologiques de l'assuré qui ont donné lieu à une mesure de protection judiciaire, remettre en cause cette incapacité totale de travail.
[minute page 7] En conséquence, le jugement déféré sera confirmé par substitution de motif en ce qu'il a retenu que l'ensemble des échéances échues ou à venir des prêts souscrits par Monsieur X. devaient être prises en charge par la compagnie d'assurance WINTERTHUR ou les compagnies qui viendraient aux droits de cette dernière.
Cette décision sera réformée sur le calcul des sommes retenues conformément aux conclusions de la Caisse d'ÉPARGNE puisque l'assignation introductive d'instance est du 28 janvier 1999 et que les intérêts doivent porter un taux équivalent à celui porté dans les contrats de prêt.
Monsieur X. et Madame Z. demandent aussi que la somme allouée par le premier juge à titre de dommage et intérêts soit portée à 8.000 € invoquant les difficultés importantes auxquelles ils ont dû faire face en l'état du refus de garantie opposé par la compagnie d'assurance.
La décision du premier juge d'allouer à Monsieur X. des dommages et intérêts en l'état de l'attitude de la compagnie d'assurance qui avait cessé ex abrupto toute prise en charge financière et l'avait obligé à entreprendre de nombreuses démarches au mépris de sa condition personnelle délicate puisqu'il était invalide et placé en curatelle, doit être confirmée.
Cependant l'indemnité allouée sera portée compte tenu de la longueur de la procédure qui n'a pu qu'accroître les difficultés de l'intimé, à la somme de 3.000 €.
L'équité justifie en la cause l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de Monsieur X. et de la CAISSE D'ÉPARGNE DE LA COTE D'AZUR.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, en audience solennelle, après renvoi de cassation,
Confirme, par substitution de motifs le jugement déféré en ce qu'il a retenu que les contrats de prêt souscrits par Monsieur X. devaient être garantis,
Le modifiant sur les conséquences financières de cette décision,
Condamne la SIS QUATREM ASSURANCES, venant aux droits de la compagnie WINTERTHUR et de la SA MMA VIE à payer directement à la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE LA COTE D'AZUR :
- au titre du prêt n° 89 00104 et au titre du prêt n° 88 00159, une somme de 1.428,22 €, avec intérêts au taux contractuel de 10,90 % à compter du 1er janvier 1999,
- 304 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne en outre, la SIS QUATREM ASSURANCES, venant aux droits de la compagnie WINTERTHUR et de la SA MMA VIE à prendre en charge à compter du 1er février 1999, les échéances des deux prêts souscrits par Monsieur X. outre les intérêts de retard au taux de contractuel de 10,90 % l'an,
Condamne la SIS QUATREM ASSURANCES, venant aux droits de la compagnie WINTERTHUR et de la SA MMA VIE à payer à Monsieur X. assisté de Madame Z., sa curatrice :
- 3.000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,
- 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne la SIS QUATREM ASSURANCES aux entiers dépens recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 6005 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Rédaction claire et compréhensible (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Clause générales
- 6008 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Articulation avec les clauses abusives
- 6010 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation à la date de conclusion
- 6364 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Obligations de l’assureur - Invalidité permanente