CA AIX-EN-PROVENCE (15e ch. B), 4 décembre 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 743
CA AIX-EN-PROVENCE (15e ch. B), 4 décembre 2003 : RG n° 99/17763 ; arrêt n° 2003/666
(sur pourvoi Cass. civ. 2e, 13 juillet 2005 : pourvoi n° 04-13.678 ; arrêt n° 1159)
Extrait : « Attendu que selon les termes du contrat d'assurance « l'assuré est en état d'incapacité totale de travail lorsque, à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité, pour raison de santé, de 90 jours, il se trouve dans l'incapacité d'exercer une activité, professionnelle ou non, même à temps partiel du fait de son état de santé » ; Que les termes clairs et précis de cette clause quant à l'incapacité d'exercer une activité professionnelle ou non, même à temps partiel ne permettent pas de l'interpréter comme, selon les motifs du jugement auxquels l'intimé se réfère, à l'impossibilité de reprendre l'activité de maçon ou l'impossibilité totale de retrouver un emploi, compte tenu de la situation de l'emploi en France, de l'absence de qualification professionnelle de l'assuré et de son état de santé ; Que ces motifs d'équité n'autorisaient pas le premier juge à modifier la clause dépourvue d'ambiguïté du contrat ; Attendu que Monsieur X. ne démontre pas que cette clause a eu pour objet ou pour effet de créer au détriment de l'assuré un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; Attendu que l'intimé ne conteste pas les conclusions du rapport du Docteur Z. du 23 septembre 1997 qui a estimé que le pourcentage de son invalidité fonctionnelle était de 30 % et celui de son invalidité professionnelle de 100 % et que son état de santé lui permettait d'exercer une autre activité que celle pratiquée avant son arrêt de travail ; Que n'étant pas dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle même à temps partiel, Monsieur X. ne peut prétendre à la garantie de la compagnie d'assurance au delà de la période pendant laquelle des prestations lui ont été versées ».
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
QUINZIÈME CHAMBRE B
ARRÊT DU 4 DÉCEMBRE 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 99/17763. Arrêt n° 2003/666. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance DRAGUIGNAN en date du 5 août 1999 enregistré au répertoire général sous le n° 99/0616.
APPELANTE :
LA MMA VIE SA VENANT AUX DROITS DE LA CIE WINTERTHUR
demeurant [adresse], représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX, avoués à la Cour
INTIMÉS :
- Monsieur X.
né [date et lieu de naissance] demeurant [adresse] représenté par la SCP MAYNARD -SIMONI, avoués à la Cour
- [minute page 2] Madame Y.
désignée en qualité de curateur de Monsieur X. suivant jugement du tribunal d'instance de FREJUS du 25 octobre 1994 demeurant [adresse] représentée par la SCP MAYNARD -SIMONI, avoués à la Cour
- CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE COTE D'AZUR
demeurant [adresse] représenté par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour, assistée par Maître Jean Bernard GHRISTI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
[minute page 3] COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 2 octobre 2003 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Louis DURAND, Président, M. Jean-François CAMINADE, Conseiller, M. Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 4 décembre 2003 par Monsieur le Président DURAND. Signé par Monsieur Jean-Louis DURAND, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier présents lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] FAITS PROCÉDURES ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 28 avril 1988, Monsieur X. a souscrit un contrat d'assurance auprès de la CNP (Caisse Nationale de Prévoyance) pour assurer les mensualités d'un prêt contracté auprès de la Caisse d'Épargne au titre du risque décès, invalidité permanente et absolue et incapacité totale de travail.
Depuis 1994, Monsieur X. souffrant de graves affections cardio-vasculaires a demandé par l'intermédiaire de son curateur, Madame Y., l'application du contrat d'assurance aujourd'hui géré par la WINTERTHUR.
Monsieur X. s'est fondé sur le fait qu'étant actuellement en incapacité totale de travail dans sa profession, il convient d'interpréter le contrat le liant à la concluante, afin que celui-ci produise des effets à son avantage.
Il a estimé également qu'à plus de 45 ans, il ne peut reprendre une autre activité que celle de maçon.
Le Docteur Z. a estimé dans un rapport en date du 23 septembre 1997, que Monsieur X. était en invalidité professionnelle dans sa profession, mais qu'en revanche son état de santé lui permettait d'exercer une autre activité que celle pratiquée avant son arrêt de travail.
Monsieur X. a le 28 janvier 1999, assigné la Compagnie WINTERTHUR et la Caisse d'Épargne pour voir condamner la WINTERTHUR à assurer le paiement des échéances impayées auprès de la Caisse d'Épargne pour une somme de 107.096,15 Francs soit 16.326,70 € outre 50.000,00 Francs soit 7.622,45 € à titre de dommages et intérêts ainsi qu'à une somme de 20.000,00 Francs soit 3.048,98 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il a demandé en outre que l'assureur prenne en charge les échéances des prêts à compter du 5 août 1998.
La Compagnie WINTERTHUR s'est opposée aux demandes.
La Caisse d'Épargne s'en est rapportée à justice et en cas de condamnation de l'assureur à demandé que celui-ci lui verse directement les sommes dues.
Par jugement du 5 août 1999 le Tribunal a :
Déclaré le présent jugement opposable à la Caisse d'Épargne Côte d'azur ;
Condamné la SA WINTERTHUR à verser à la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de la Côte d'Azur la somme de 107.096,15 Francs soit 16.326,70 € avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 1998 ;
Condamné la SA WINTERTHUR à prendre en charge les échéances des prêts souscrits par Monsieur X. à compter du 5 août 1998
Condamné la SA WINTERTHUR à verser à Monsieur X. la somme de 10.000,00 Francs soit 1.524,49 € à titre de dommages-intérêts ;
[minute page 5] Ordonné l'exécution provisoire ;
Condamné la SA WINTERTHUR à verser à Monsieur X. la somme de 10.000,00 Francs soit 1.524,49 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
La Compagnie WINTERTHUR a relevé appel de cette décision.
Venant aux droits de la Compagnie WINTERTHUR la MMA VIE SA fait valoir que la clause dont Monsieur X. demande l'interprétation est claire et précise.
Qu'il n'a jamais été stipulé que l'assuré devait se trouver dans l'incapacité d'exercer son activité professionnelle de maçon ; que Monsieur X. ne démontre pas en quoi cette clause serait abusive et n'a jamais contesté les conclusions du rapport d'expertise.
Elle souligne qu'elle n'a jamais renoncé à invoquer une quelconque non garantie mais a fait bénéficier l'assuré d'une année supplémentaire dans un souci économique et humain qu'elle ne lui a jamais notifié les conclusions de son expertise du 22 avril 1996 et de son désir de suspendre sa garantie.
L'appelante conclut à la réformation du jugement et à titre subsidiaire à la désignation d'un expert.
Elle sollicite la somme de 2.287,00 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Monsieur X. assisté par sa curatrice Madame Y. conclut à la confirmation du jugement et sollicite la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il soutient qu'après l'examen du Docteur Z. du 22 avril 1996 la compagnie a continué à le garantir jusqu'au 31 août 1997 de sorte qu'ayant renoncé à invoquer une garantie elle ne pouvait revenir sur sa position sauf élément nouveau ; que les conclusions du rapport d'expertise du Docteur Z. du 23 septembre 1997 sont identiques à celles du 22 avril 1996.
Sur l'interprétation du contrat, l'intimé considère que la clause relative à l'ITT doit être apprécié in concreto et de bonne foi et dans le sens où elle peut avoir un effet utile et logique il soutient que cette clause est abusive puisqu'il existe un déséquilibre flagrant entre les droits et obligations des parties au contrat Monsieur X. fait valoir que l'action en répétition des sommes versées jusqu'au 31 août 1997 est prescrite.
La Caisse d'Épargne et de Prévoyance Côte d'Azur demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le point de savoir si la garantie de la Compagnie d'Assurances WINTERTHUR est due ou non.
En cas de condamnation de la Société WINTERTHUR et réformant partiellement le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Draguignan le 5 août 1999 :
- Condamner la Société WINTERTHUR à payer à la Caisse d'Épargne la somme de [minute page 6] 114.321,63 Francs soit 17.428,22 € correspondant aux échéances impayées et intérêts de retard arrêtés au 1er janvier 1999, outre intérêts au taux contractuel de 10,90 % l'an à compter du 1er janvier 1999 jusqu'à parfait paiement,
- Condamner la Société WINTERTHUR à prendre en charge et à payer directement à la Caisse d'Épargne les échéances des deux prêts souscrits par Monsieur X. à compter du 1er février 1999, outre intérêts de retard au taux contractuel de 11,46 % l'an à compter du 1er février 1999 jusqu'au parfait paiement,
- condamner la Société WINTERTHUR à payer à la Caisse d'Épargne la somme de 2.000,00 Francs soit 304,90 € au titre des frais irrépétibles de première instance,
Elle souligne que le quantum de la créance retenu par le Tribunal contient des erreurs matérielles.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que selon les termes du contrat d'assurance « l'assuré est en état d'incapacité totale de travail lorsque, à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité, pour raison de santé, de 90 jours, il se trouve dans l'incapacité d'exercer une activité, professionnelle ou non, même à temps partiel du fait de son état de santé » ;
Que les termes clairs et précis de cette clause quant à l'incapacité d'exercer une activité professionnelle ou non, même à temps partiel ne permettent pas de l'interpréter comme, selon les motifs du jugement auxquels l'intimé se réfère, à l'impossibilité de reprendre l'activité de maçon ou l'impossibilité totale de retrouver un emploi, compte tenu de la situation de l'emploi en France, de l'absence de qualification professionnelle de l'assuré et de son état de santé ;
Que ces motifs d'équité n'autorisaient pas le premier juge à modifier la clause dépourvue d'ambiguïté du contrat ;
Attendu que Monsieur X. ne démontre pas que cette clause a eu pour objet ou pour effet de créer au détriment de l'assuré un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
Attendu que l'intimé ne conteste pas les conclusions du rapport du Docteur Z. du 23 septembre 1997 qui a estimé que le pourcentage de son invalidité fonctionnelle était de 30 % et celui de son invalidité professionnelle de 100 % et que son état de santé lui permettait d'exercer une autre activité que celle pratiquée avant son arrêt de travail ;
Que n'étant pas dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle même à temps partiel, Monsieur X. ne peut prétendre à la garantie de la compagnie d'assurance au delà de la période pendant laquelle des prestations lui ont été versées ;
Attendu que Monsieur X. ne démontre pas qu'après le premier rapport du Docteur Z. la compagnie d'assurance l'a informé qu'elle poursuivait le paiement de ses prestations à la suite de ce rapport, dont l'assuré n'allègue pas qu'il lui a été notifié ;
Que le second rapport confirme selon les dires de l'expert que l'état de santé de [minute page 7] Monsieur X. est stabilisé ; qu'ainsi sans renoncer à invoquer une non-garantie la compagnie a pu, comme elle l’indique, « faire bénéficier à l'assuré une année supplémentaire de garantie dans un souci purement économique et humain, compte tenu du cas d'espèce » qu'elle a de fait renoncé à réclamer le remboursement des sommes versées à Monsieur X. jusqu'au 31 août 1997 ;
Attendu que dans ces conditions, les demandes de l'assuré seront rejetées ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à l'appelante et à la Caisse d'Épargne la charge des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
RÉFORME le jugement entrepris.
REJETTE les demandes de Monsieur X. assisté par sa curatrice Madame Y.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
CONDAMNE Monsieur X. assisté par sa curatrice Madame Y. aux dépens de première instance et d'appel avec pour ces derniers droit de recouvrement direct au profit de la SCP BOTTAI-GEREUX et la SCP de SAINT FERREOL - TOUBOUL, Avoués.
Le Greffier Le Président
- 5811 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Principes : loi en vigueur à la conclusion du contrat
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 6005 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Rédaction claire et compréhensible (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Clause générales
- 6008 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Articulation avec les clauses abusives
- 6010 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation à la date de conclusion
- 6364 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Obligations de l’assureur - Invalidité permanente