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CA AIX-EN-PROVENCE (10e ch. civ.), 14 mai 2002

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (10e ch. civ.), 14 mai 2002
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 10e ch. civ
Demande : 00 /15561
Date : 14/05/2002
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 12/07/2000
Décision antérieure : TGI GRASSE (1re ch. civ. sect. B), 13 juin 2000
Numéro de la décision : 331
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 749

CA AIX-EN-PROVENCE (10e ch. civ.), 14 mai 2002 : RG n° 00 /15561 ; arrêt n° 331

(sur pourvoi : Cass. 4 nov. 2003 : pourvoi n° 02-17970, non admission)

Publication : Juris-Data n° 211557 

 

Extraits : 1/ « Par la typographie de cette mention et son emplacement situé immédiatement au-dessus de la signature de l'adhérent, l'assureur administre la preuve qui lui incombe que les conditions générales ont été, non simplement portées à la connaissance de l'adhérent, mais à lui remises et qu'ainsi elles sont comprises dans le champ contractuel. Ladite mention est par ailleurs de formulation très claire et dénuée de toute ambiguïté, elle est totalement contemporaine de la souscription. Elle ne peut être considérée comme étant une clause abusive au sens des recommandations formulées par la Commission des Clauses Abusives. Toutefois, s'agissant d'une clause-type, reproduite dans chaque certificat d'adhésion, l'adhérent a toujours la possibilité de prouver contre elle, ce que ne fait pas en l'espèce X. Il y a donc lieu de retenir que les conditions générales de souscription de la police de groupe lui sont opposables. »

2/ « Il existe à l'évidence une contradiction entre les articles 13 et 20 contenus dans deux chapitres différents mais dont chacun d'eux fait référence à la notion d'invalidité totale. Or dans l'article 13 des conditions générales, l'invalidité totale doit être permanente, correspondre à un déficit fonctionnel de 100 % et empêcher toute activité rémunératrice, tandis que dans l'article 20, la garantie est acquise en totalité soit 100 % du capital souscrit dès que l'invalidité permanente atteint 66 %. Au visa des articles 1162 du Code Civil, et L. 133-2 du Code de la Consommation la Cour tire comme conséquence de la contradiction ainsi relevée entre les deux clauses que seule celle la plus favorable à l'adhérent doit lui être appliquée ».

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

DIXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 14 MAI 2002

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 00/15561. Arrêt n° 331.

Arrêt de la 10e Chambre Civile du 14 mai 2002 prononcé sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance GRASSE en date du 13 juin 2000, enregistré sous le n° 00263.

COMPOSITION LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Mme Elisabeth VIEUX.

Conseiller : M. Armand NAL - M. Philippe ALENDA

Greffier : Mme Geneviève JAUFFRES, présente uniquement lors des débats.

DÉBATS : A l'audience publique du 6 mars 2002, l'affaire a été mise en délibéré à l'audience du 14 mai 2002.

PRONONCÉ : A l'audience publique du 14 mai 2002 par Madame VIEUX, assistée par Mme Geneviève JAUFFRES, GREFFIERE.

NATURE DE L'ARRÊT : CONTRADICTOIRE AU FOND

[minute page 2]

NOM DES PARTIES :

APPELANT :

Monsieur X.

le […] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse], représenté par la SCP MARTELLY - MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour Plaidant par la SCP MARY-PAULUS, Avocats au barreau de NICE. APPELANT

CONTRE

INTIMÉE :

AGIPI (Association Générale Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Investissement)

Association sans but lucratif, prise en la personne de son Président en exercice domicilié audit siège [adresse], représentée par la SCP LISERAS - BUVAT - MICHOTEY, avoués à la Cour Plaidant par Maître Jean-Pierre ROSSI, Avocat au barreau de GRASSE. INTIMÉE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :

X. est titulaire auprès de 1'AGIPI d'une police d'assurance de groupe offrant différentes prestations, en fonction des options choisies, en cas d'incapacité totale de travail, d'invalidité ou de décès de l'assuré, sous forme d'indemnités journalières, de rente ou de capital.

Il est appelant, selon déclaration faite au greffe de la Cour le 12 juillet 2000, d'un jugement rendu le 13 juin 2000 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE qui l'a débouté de sa demande en paiement d'une somme de 1.358.500 Francs formulée contre l'assureur, à la suite de son accident du 21 février 1998 qui l'a laissé paraplégique.

Au soutien de son appel, il a fait valoir pour l'essentiel :

- que les conditions générales du contrat référencées 0003449/16 édition 1/96, qui définissent l'invalidité permanente totale, n'ont pas été portées à sa connaissance et n'ont de ce fait aucun caractère contractuel ;

- que leur prétendue communication après la formation du contrat, qu'il conteste au demeurant, est assimilée à une clause abusive par la commission des clauses abusives ;

- que, dès lors, il n'a pas donné un consentement pleinement éclairé sur les prestations souscrites, la mention de ce qu'il aurait eu connaissance des conditions générales, située au-dessus de sa signature, ne pouvant faire loi comme n'étant qu'une simple clause de style ;

- que l'article L. 112-4 du Code des Assurances, relatif à l'obligation de l'assureur de faire apparaître très clairement les clauses du contrat contenant des nullités, déchéances ou exclusions, n'a pas été respecté en l'espèce ;

- qu'à supposer même que les conditions générales soient considérées comme entrant dans le champ contractuel, la contradiction existant entre la formulation de l'article 13 A et celle de l'article 20 doit être retenue au bénéfice de l'adhérent.

Il a sollicité en conséquence la réformation du jugement, l'allocation du capital convenu (1.358.000 Francs) augmenté de l'intérêt au taux légal à compter du 10 mai 1999, date de la première réclamation.

[minute page 4] Compte tenu de la résistance manifestée, selon lui abusivement, par l'AGIPI pendant le cours de l'instance, à communiquer les conditions générales de la police, il a formulé en outre une demande de dommages et intérêts (8.000 €).

Pour ses frais irrépétibles, il sollicite en outre la somme de 5.000 €.

* * *

L'intimée a opposé :

- que les conclusions médicales amiables, acceptées par la victime, ont retenu un taux d'invalidité fonctionnelle de 100 % mais d'invalidité professionnelle de 90 %, ce qui exclut par application de l'article 13 A des conditions générales de la police que le capital, dû uniquement « en cas d'incapacité définitive de se livrer à la moindre occupation ou au moindre travail lui procurant gain ou profit », soit liquidé ;

- que les conditions générales référencées 0003449/16 édition 1/96, applicables au certificat d'adhésion ont été remises à l'adhérent.

Ainsi le jugement entrepris doit-il être confirmé et l'appelant condamné à lui verser une indemnité pour frais irrépétibles de 10.000 Francs.

* * *

La procédure a été clôturée le 6 mars 2002, jour de l'audience de plaidoiries.

L'intimée a fait parvenir une note en délibéré, datée à la Cour du 14 mars 2002, qui doit être rejetée comme n'ayant pas été autorisée à l'audience.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) SUR LE CARACTÈRE CONTRACTUEL DES CONDITIONS GÉNÉRALES RÉFÉRENCÉES 0003449/16 édition 1/96 :

Monsieur X. a adhéré le 16 janvier 1996, avec effet au 16 avril 1996, à une convention de prévoyance de groupe lui garantissant :

- des indemnités journalières pour perte de revenus accidentelle, dues du 31ème jour de l'événement au 1.095ème jour au plus tard ;

- une rente d'invalidité permanente trimestrielle dès 66 % d'invalidité et jusqu'à 65 ans ;

- une rente éducation pour ses trois enfants ;

- un capital décès de 1.330.000 Francs, à lui directement versé s'il restait atteint d'une invalidité permanente totale avant 60 ans.

Un nouveau certificat d'adhésion a été signé le 15 juillet 1997, avec effet au 1er juillet 1997, aux mêmes conditions générales (édition janvier 1996), avec suppression des garanties indemnités journalières et rente éducation et appréciation du capital-décès à la somme de 1.358.500 Francs.

Le 21 février 1998, X. a été accidenté au volant de sa voiture et il en est résulté une paraplégie définitive. Il était gérant salarié d'une société d'informatique et il a été contraint d'interrompre son activité.

Est en discussion entre les parties la seule clause relative au versement du capital en cas de décès ou d'invalidité définitive à 100 %.

Les conclusions médicales amiables, non contestées par le blessé, ont retenu un taux d'invalidité professionnelle de 90 %, sur la base desquelles l'assureur a refusé le versement du capital en application de l'article 13 A des conditions générales.

L'adhérent soutient ne pas avoir reçu un exemplaire desdites conditions générales à la souscription.

[minute page 6] Cependant, au-dessus de sa signature portée en page 2 du certificat d'adhésion daté du 15 juillet 1997, seul en vigueur, figure en lettres dactylographiées très lisibles la mention expresse selon laquelle les garanties sont acquises selon « les conditions générales de la convention d'assurance de groupe (référence 0003449/16 édition 01/96) dont l'adhérent reconnaît avoir reçu un exemplaire ».

Par la typographie de cette mention et son emplacement situé immédiatement au-dessus de la signature de l'adhérent, l'assureur administre la preuve qui lui incombe que les conditions générales ont été, non simplement portées à la connaissance de l'adhérent, mais à lui remises et qu'ainsi elles sont comprises dans le champ contractuel.

Ladite mention est par ailleurs de formulation très claire et dénuée de toute ambiguïté, elle est totalement contemporaine de la souscription.

Elle ne peut être considérée comme étant une clause abusive au sens des recommandations formulées par la Commission des Clauses Abusives.

Toutefois, s'agissant d'une clause-type, reproduite dans chaque certificat d'adhésion, l'adhérent a toujours la possibilité de prouver contre elle, ce que ne fait pas en l'espèce X.

Il y a donc lieu de retenir que les conditions générales de souscription de la police de groupe lui sont opposables.

Il est dès lors mal venu de soutenir que son consentement aurait été vicié, le vice s'appréciant à la date de la formation du contrat.

Enfin, l'article L. 112-4 du Code des Assurances relatif à l'obligation de faire figurer en caractères très apparents les exclusions, nullités et déchéances prévues au contrat d'assurance, n'est pas applicable au cas d'espèce.

La clause litigieuse (article 13 A des conditions générales) concerne uniquement la définition de la garantie capital-décès et ne vise aucunement une quelconque exclusion ou déchéance.

[minute page 7]

2) SUR LA PORTÉE CONTRACTUELLE DES CLAUSES RELATIVES AU VERSEMENT DU CAPITAL-DÉCÈS :

Au chapitre « Garanties en cas de décès et d'invalidité permanente totale » des conditions générales, figure un article 13 ainsi libellé :

« Article 13 : Invalidité Permanente Totale :

« A - Définition de la garantie

« En cas d'invalidité permanente totale de l'assuré avant la fin de l'année civile au cours de laquelle il atteint l'âge de 59 ans, 1’AGIPI verse à l'assuré, sur sa demande et par anticipation, les prestations prévues aux articles 9 A, 10, 11 et 12.

« Est considéré comme atteint d'invalidité permanente totale tout assuré reconnu définitivement incapable de se livrer à la moindre occupation ou au moindre travail lui procurant gain ou profit et dont le taux d'incapacité fonctionnelle est égal à 100 % par référence au barème des accidents du travail de la Sécurité Sociale […] »

En contemplation de cette disposition, et du rapport d'expertise médical amiable ayant retenu une capacité résiduelle de travail de 10 %, l'AGIPI s'est refusée à verser le capital de 1.358.500 Francs prévu au certificat d'adhésion du 15 juillet 1997.

La Cour relève cependant qu'au chapitre suivant des conditions générales intitulé « Garanties en cas d'incapacité de travail ou d'invalidité totale ou partielle » figure un article 20 « Capital en cas d'invalidité totale ou partielle » ainsi libellé :

« A - Définition de la garantie :

« Invalidité consécutive à une maladie ou un accident :

« Capital entier : un capital dont le montant est indiqué sur le certificat d'adhésion, est versé à l'assuré qui se trouve, par suite de maladie ou d'accident, atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 66 % […]

« B - […]

« C - Règlement des prestations :

« Le paiement du capital intervient dès consolidation de l'invalidité et fixation de son taux pondéré ».

Il a été vu ci-dessus que le taux pondéré avait été fixé contradictoirement à 90 % à dire d'expert.

[minute page 8] Il existe à l'évidence une contradiction entre les articles 13 et 20 contenus dans deux chapitres différents mais dont chacun d'eux fait référence à la notion d'invalidité totale.

Or dans l'article 13 des conditions générales, l'invalidité totale doit être permanente, correspondre à un déficit fonctionnel de 100 % et empêcher toute activité rémunératrice, tandis que dans l'article 20, la garantie est acquise en totalité soit 100 % du capital souscrit dès que l'invalidité permanente atteint 66 %.

Au visa des articles 1162 du Code Civil, et L. 133-2 du Code de la Consommation la Cour tire comme conséquence de la contradiction ainsi relevée entre les deux clauses que seule celle la plus favorable à l'adhérent doit lui être appliquée.

Il s'agit de l'article 20 des conditions générales ci-dessus rappelé, qui prévoit le versement de l'entier capital, soit 1.358.500,00 Francs soit 207.102 €, dès la consolidation intervenue.

Celle-ci a été acquise le 21 février 1999.

La première réclamation contentieuse, marquant le point de départ des intérêts en matière contractuelle, est non pas la lettre adressée le 10 mai 1999 par X. à l'AGIPI, mais l'assignation à jour fixe devant le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 3 janvier 2000, qui vaut mise en demeure. L'intérêt au taux légal sur la somme de 207.102 € sera computé à compter de cette date.

 

3) SUR LES AUTRES RÉCLAMATIONS :

Dès lors qu'il a été retenu que les conditions générales étaient opposables dès le début à l'adhérent, le défaut de communication au cours de l'instance d'appel ne saurait être considéré comme abusif et ayant pu générer un préjudice réparable.

L'équité conduit la Cour à allouer une indemnité à X. pour le couvrir de partie de ses frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 9] PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

* En la forme, reçoit l'appel,

* Au fond,

- Infirme le jugement déféré.

- Statuant à nouveau :

- Dit et juge que les conditions générales de la police d'assurance référencées 0003449/16 édition 1/96 sont opposables à l'adhérent X. ;

- Dit et juge que la contradiction existant entre les articles 13 et 20 des conditions générales de la police d'assurance de groupe doit bénéficier à l'adhérent.

- Déclare en conséquence celui-ci bien fondé à réclamer le paiement de l'entier capital prévu au contrat en cas d'invalidité définitive.

- Condamne 1'AGIPI à payer à X. la somme de DEUX CENT SEPT MILLE CENT DEUX EUROS (207.102 €), augmentée de l'intérêt au taux légal à compter du 3 janvier 2000 et la somme de HUIT CENT EUROS (800 €) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- Rejette le surplus des demandes.

- Condamne l'AGIPI aux dépens des deux instances et ordonne la distraction de ceux d'appel au profit de la SCP d'Avoués MARTELLY - MAYNARD - SIMONI sur son affirmation d'y avoir pourvu.

Magistrat rédacteur : Monsieur ALENDA