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CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch.), 3 février 1999

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch.), 3 février 1999
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), 11e ch.
Demande : 94/2500
Date : 3/02/1999
Nature de la décision : Infirmation
Date de la demande : 3/01/1994
Décision antérieure : TI DRAGUIGNAN, 30 novembre 1993, CASS. CIV. 1re, 26 février 2002
Numéro de la décision : 212
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 753

CA AIX-EN-PROVENCE (11e ch.), 3 février 1999 : RG n° 94/2500 ; arrêt n° 212

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 26 février 2002 : pourvoi n° 99-13912)

 

Extrait : « Attendu qu'aucun texte n'interdit à l'assureur de subordonner sa garantie « incapacité temporaire » à une période de franchise ; Que Monsieur X. ne peut soutenir que la franchise assortissant la garantie « incapacité temporaire » du contrat d'assurance-groupe souscrit par la société SOVAC auprès de la Compagnie VIE PLUS dénaturait, du fait de sa durée de douze mois, les garanties du contrat dès lors que le compte disponible qui lui a été consenti suivant offre préalable acceptée le 29 mai 1989 a fonctionné pendant près de quatre ans jusqu'au jour de la déchéance du terme en date du 30 avril 1993 ; Que la garantie offerte par l'assureur étant la prise en charge du solde utilisé restant dû à l'expiration du délai de franchise, sous déduction des éventuelles échéances impayées ou utilisations intervenues depuis le premier jour de l'arrêt de travail, le délai de douze mois prévu par le contrat d'assurance-groupe pour la garantie « incapacité temporaire » n'apparaît pas excessif ; Que c'est à tort que le premier juge a déclaré abusive et non écrite la clause intitulée A.L.D. du contrat d'ouverture de crédit souscrit par Monsieur X. auprès de la société SOVAC ».

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

ONZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 3 FÉVRIER 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 94/2500. Arrêt n° 212. Prononcé sur appel d'un jugement rendu le 30 novembre 1993 par le Tribunal d'Instance de DRAGUIGNAN.

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Conformément aux articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, sans opposition de la part des Avoués et Avocats des parties, Monsieur RUFF, Conseiller, qui en a rendu compte à la Cour en son délibéré

GREFFIER : Madame DARMON, Greffier, présente uniquement aux débats

LORS DU DÉLIBÉRÉ : Président : Madame CROZE, Conseillers : Madame VEYRE, Monsieur RUFF

DÉBATS : À l'audience publique du 25 novembre 1998, l'affaire a été mise en délibéré au 3 FÉVRIER 1999.

PRONONCÉ : À l'audience publique du 3 FÉVRIER 1999 par Monsieur RUFF, Conseiller, assisté de Madame DARMON, Greffier.

NATURE DE L'ARRÊT : CONTRADICTOIRE.

[minute page 2]

NOMS DES PARTIES :

SOCIÉTÉ ANONYME SOVAC

SA au capital de 420.000.000 de francs régie par les articles 118 à 150 de la loi sur les Sociétés commerciales, RCS PARIS […], Société de Financement, [adresse], APPELANTE, Ayant la SCP LIBERAS-BUVAT-MICHOTEY pour Avoué, Plaidant par Maître DRUJON D'ASTROS, Avocat au Barreau d'AIX EN PROVENCE

 

CONTRE :

Monsieur X.

le [date] à [ville] de nationalité française, [profession : directeur d’association], [adresse], INTIMÉ, Ayant la SCP AUBE MARTIN-BOTTAI-GEREUX pour Avoué, Plaidant par Maître DREVET, Avocat au Barreau de DRAGUIGNAN

 

ET :

COMPAGNIE D'ASSURANCES VIE PLUS

SA au capital de 75.000.000 de francs, immatriculée au R.C. NANTERRE sous le numéro [adresse], prise en la personne de son représentant légal en exercice, INTIMÉE, Ayant la SCP COHEN et GUEDJ pour Avoué, Plaidant par Maître Gilles DELORME, Avocat au Barreau de MARSEILLE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] Monsieur X. a conclu un contrat de crédit avec la société SOVAC et a adhéré à l'assurance de groupe souscrite par cet établissement de crédit auprès de la Compagnie VIE PLUS garantissant les risques décès, invalidité et incapacité temporaire totale de travail.

Monsieur X., le 16 octobre 1992, a été victime d'un accident de la circulation entraînant une incapacité temporaire totale de travail.

Les échéances du prêt ayant cessé d'être honorées, la société SOVAC a provoqué la déchéance du terme et a assigné Monsieur X. en paiement des sommes dues.

Par jugement rendu le 30 novembre 1993, le Tribunal d'Instance de DRAGUIGNAN a déclaré abusive et non écrite la clause intitulée A.L.D. imposant un délai de franchise absolue de douze mois de la garantie incapacité temporaire de travail complémentaire du contrat d'ouverture de crédit souscrit par Monsieur X. auprès de la société SOVAC, débouté la société SOVAC de ses prétentions et condamné celle-ci, outre aux dépens, à payer à Monsieur X. les sommes de 7.000 francs à titre de dommages-intérêts et 2.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société SOVAC a relevé appel du jugement suivant déclaration reçue au secrétariat-greffe de la Cour le 13 janvier 1994.

Elle demande à la Cour de mettre à néant le jugement entrepris et de condamner Monsieur X., outre aux dépens, à lui payer la somme de 112.293,60 francs (créance arrêtée au 31 août 1993) avec intérêts au taux conventionnel ainsi que la somme de 5.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faisant valoir :

- que l'adhésion à l'assurance est facultative et qu'une notice explicative distincte est remise au client qui peut à tout moment mettre fin à la garantie si les conditions proposées ne le satisfont plus

- qu'elle ne joue qu'un rôle d'intermédiaire entre l'assuré et sa compagnie d'assurances

- que la clause relevée par le premier juge n'est nullement abusive ; qu'elle n'a pas été soumise à la censure de la commission des clauses abusives et que le délai de franchise de douze mois n'est pas excessif

- que la garantie due par l'assureur n'a pas vocation à prendre en charge des mensualités de remboursement pendant une période de douze mois mais à solder la totalité de la dette restant au terme de la franchise absolue sous déduction des échéances impayées et des utilisations intervenues depuis le premier jour d'arrêt de travail.

Monsieur X. demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter la société SOVAC de ses prétentions et de condamner ladite société, outre aux dépens, à lui payer les sommes de 10.000 francs à titre de dommages-intérêts et 10.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faisant valoir :

- [minute page 4] que la société SOVAC a été informée de son arrêt de travail ; que la déclaration de sinistre ayant été effectuée le 9 novembre 1992, le paiement des mensualités devait être pris en charge par la Compagnie VIE PLUS saisie par la société SOVAC ; que cette dernière n'a pas respecté ses obligations contractuelles

- que la rédaction du contrat ne correspond manifestement pas à l'application de l'article L. 133-2 du Code de la Consommation qui précise que les clauses des contrats doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible

- qu'en application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, la clause relative au délai de franchise de douze mois doit être considérée comme une clause abusive ayant pour objet de créer entre un professionnel et un non-professionnel un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La Compagnie d'Assurances VIE PLUS demande à la Cour de mettre à néant le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré non écrite et abusive la clause de la police d'assurances imposant un délai de franchise absolue de douze mois de la garantie incapacité temporaire de travail, de statuer ce que de droit sur les demandes respectives de Monsieur X. et de la société SOVAC et de condamner Monsieur X. aux entiers dépens en faisant valoir principalement que l'adhésion à la police d'assurances de groupe est facultative ; que cette adhésion est donc bien un acte totalement volontaire de l'emprunteur qui reconnaît avoir noté la nature des garanties qui peuvent lui être accordées et pris connaissance de ce qu'un résumé des conditions d'assurance figure au verso de l'offre préalable ; qu'une notice est adressée à l'emprunteur lors de son acceptation à l'assurance, avec faculté de renonciation dans le délai d'un mois ; que contrairement aux allégations du premier juge, le délai de franchise absolue de douze mois est mentionné en caractères apparents dans la notice d'information. Que ce délai ne peut être considéré comme excessif dès lors que le compte disponible de Monsieur X. a fonctionné pendant près de quatre ans et que la garantie offerte est la prise en charge de la totalité de la dette restant due aux termes de la franchise.

La société SOVAC suivant conclusions déposées le 26 mai 1997 demande à la Cour de lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures et de débouter Monsieur X. de ses prétentions en faisant valoir principalement qu'un manquement à ses obligations de souscripteur de l'assurance groupe ne peut être invoqué par l'emprunteur alors qu'il résulte de l'offre préalable que Monsieur X. a apposé sa signature en-dessous de la mention imprimée suivante : « Accepter la présente offre préalable avec l'assurance complémentaire facultative à laquelle j'ai adhéré par signature séparée, après avoir pris connaissance de toutes les conditions figurant ci-dessus et au verso, et je reconnais rester en possession d'un exemplaire de cette offre dotée d'un formulaire détachable de rétractation ».

Monsieur X., suivant conclusions déposées le 7 octobre 1998, demande à la Cour de lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures, subsidiairement de condamner la Compagnie VIE PLUS à payer à la société SOVAC l'intégralité des sommes que celle-ci lui réclame, et de condamner la société SOVAC et la Compagnie VIE PLUS à lui payer les sommes de 15.000 flancs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée et 10.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 5] Il fait valoir que la société SOVAC a manqué à son devoir d'information et de conseil ; que ni la société SOVAC, ni la Compagnie VIE PLUS ne lui ont adressé une quelconque notice d'information pas plus qu'un contrat d'assurance ; que la clause invoquée par la société SOVAC insérée en fin de contrat sous les lettres « A.L.D. » a été à juste titre considérée comme une clause abusive et réputée non écrite ; qu'au-delà des dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978, il y a lieu de constater que ladite clause est nulle, le principe de l'application de limitation de garanties et de franchise ne se concevant qu'en matière d'assurance relative aux biens régie par l'article L. 121 du Code des Assurances.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu que l'appel, régulier en la forme est recevable ;

Attendu qu'aucun texte n'interdit à l'assureur de subordonner sa garantie « incapacité temporaire » à une période de franchise ;

Que Monsieur X. ne peut soutenir que la franchise assortissant la garantie « incapacité temporaire » du contrat d'assurance-groupe souscrit par la société SOVAC auprès de la Compagnie VIE PLUS dénaturait, du fait de sa durée de douze mois, les garanties du contrat dès lors que le compte disponible qui lui a été consenti suivant offre préalable acceptée le 29 mai 1989 a fonctionné pendant près de quatre ans jusqu'au jour de la déchéance du terme en date du 30 avril 1993 ;

Que la garantie offerte par l'assureur étant la prise en charge du solde utilisé restant dû à l'expiration du délai de franchise, sous déduction des éventuelles échéances impayées ou utilisations intervenues depuis le premier jour de l'arrêt de travail, le délai de douze mois prévu par le contrat d'assurance-groupe pour la garantie « incapacité temporaire » n'apparaît pas excessif ;

Que c'est à tort que le premier juge a déclaré abusive et non écrite la clause intitulée A.L.D. du contrat d'ouverture de crédit souscrit par Monsieur X. auprès de la société SOVAC ;

Attendu que l'offre de crédit résume de façon précise la garantie offerte par le contrat d'assurance en cas d'arrêt de travail ;

Qu'il est mentionné au recto de l'offre sous la rubrique montant des garanties et franchises et l'intitulé « A.L.D. » en caractères gras : « Après un délai de franchise absolue de douze mois ininterrompus d'arrêt total de travail pour maladie ou accident ou de dix-huit mois pour chômage, prise en charge du solde utilisé restant dû à l'expiration de ces délais, sous déduction des éventuelles échéances impayées ou utilisations intervenues depuis le premier jour de l'arrêt de travail. » ;

Que la durée de la franchise est indiquée en caractères gras et les caractères utilisés ne sont pas inférieurs à la hauteur du corps huit ;

[minute page 6] Que le titre de la garantie figure au recto de l'offre et traduit le caractère de longue durée de l'incapacité prise en charge en mentionnant « arrêt de travail de longue durée par maladie, accident ou perte d'emploi salarié » ;

Que Monsieur X. a été mis à même de connaître exactement la garantie de l'assureur par l'offre préalable de crédit ;

Qu'il ne peut exciper de son ignorance et se prévaloir d'un manquement de l'organisme de crédit ou de l'assureur à leur devoir d'information et de conseil ;

Que la circonstance que l'assuré n'a pas reçu un exemplaire du contrat ou la notice d'information prévue par l'article L. 104-4 du Code des Assurances est en l'espèce inopérante ;

Que Monsieur X. est mal fondé à contester la validité du contrat de crédit et de la clause « A.L.D. » y figurant ;

Attendu qu'il n'est pas établi que les conditions requises pour la mise en jeu de la garantie de la Compagnie VIE PLUS sont réunies ;

Que la société SOVAC est bien fondée à réclamer à Monsieur X. le paiement du solde inscrit au débit de son compte au 30 avril 1993, augmenté des intérêts, indemnité et prime d'assurance, à l'exclusion des frais de procédure taxables ;

Qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris et de condamner Monsieur X. à payer à la société SOVAC la somme de 105.307,52 francs avec intérêts au taux contractuel sur la somme de 97.026,97 francs à compter du 30 avril 1993 et avec intérêts au taux légal sur le surplus à compter du 14 juin 1993 ;

Attendu que Monsieur X. qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ;

Que l'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris ;

[minute page 7] Condamne Monsieur X. à payer à la société SOVAC la somme de 105.307,52 francs avec intérêts au taux contractuel sur la somme de 97.026,27 francs à compter du 30 avril 1993 et avec intérêts au taux légal sur le surplus à compter du 14 juin 1993 ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne Monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.