CA METZ (1re ch.), 17 mai 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7616
CA METZ (1re ch.), 17 mai 2018 : RG n° 17/0019 ; arrêt n° 18/00117
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG. Ainsi le point de départ est la date du contrat lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de l'erreur à l'emprunteur. […] Au vu de tout ce qui précède le point de départ du délai de prescription décennal prévu par l'ancien article L. 110-4 du Code est situé au 1er octobre 2007, date à laquelle la société civile FRAMATH a eu connaissance du montant des frais de gage qu'elle devait acquitter en plus des « frais de prise de garantie » pris en compte dans le TEG. Ce délai décennal n'était pas expiré à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. En vertu de l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 précité, le nouveau délai de prescription réduit à cinq ans était expiré à la date du 19 juin 2013. Or la société civile FRAMATH a fait assigner la CAISSE devant le Tribunal de Grande Instance en date du 30 décembre 2014, après l'expiration du délai de prescription, et la demande de la société civile FRAMATH tendant à voir constater le caractère erroné du TEG et à obtenir déchéance du droit aux intérêts conventionnels est irrecevable. »
2/ « En application de l'article 2224 du Code Civil précité, le délai de prescription de l'action en nullité des clauses du contrat court à compter de la date de la signature du contrat de prêt en date du 22 août 2007. La prescription des demandes en nullité des clauses était donc acquise le 19 juin 2013 par application de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, ainsi qu'il a déjà été observé plus haut. La société civile FRAMATH n'ayant assigné la CAISSE que le 30 décembre 2014, ces demandes sont irrecevables. »
3/ « La société civile FRAMATH se prévaut expressément de la qualité de non professionnel à l'occasion de la conclusion du prêt litigieux, ce que la CAISSE ne conteste pas, admettant en page 7 de ses dernières conclusions qu'il s'agissait d'un « consommateur - non-professionnel », et contestant uniquement le caractère abusif des clauses. »
4/ « En l'espèce, la clause « imposant à l'emprunteur de rembourser la contrevaleur en francs suisse » concerne l'objet principal du contrat parce qu'elle fixe une prestation essentielle. Elle est rédigée de manière claire et compréhensible pour la société civile FRAMATH, qui n'est pas un consommateur moyen, puisqu'il est indiqué : […]
Cette clause est d'autant plus claire et compréhensible pour la société civile FRAMATH que : - l'un des co-gérants de la société civile FRAMATH est un professionnel du chiffre, et que la société civile FRAMATH est un emprunteur averti, parfaitement à même de comprendre qu'elle s'exposait à un risque de change, et d'évaluer les conséquences de la clause sur les montants des échéances selon la dévaluation ou l'appréciation du franc suisse, - la société civile FRAMATH avait déjà contracté auparavant un prêt en francs suisses, - les deux cogérants ont signé le 20 juillet 2007, en même temps que l'acte de prêt sous seing privé contenant déjà la clause précitée, une notice d'information relative aux prêts en devise, précisant en gras que l'emprunteur de devises bénéficie d'un taux d'intérêts qui n'est pas lié au marché financier français, et ajoutant notamment « Mais attention, le taux n'est pas le seul élément qui intervient dans le coût de ce type de prêt. Selon que, au moment du paiement d'intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l’euro, la perte éventuelle est intégralement à la charge de l'emprunteur, de même que le gain éventuel est intégralement à son profit. »
Par ailleurs il n'est ni prétendu ni démontré que la CAISSE pouvait avoir connaissance au moment de la conclusion du contrat litigieux signé sous seing privé le 20.07.2007, des possibles variations du taux de change euros/francs suisses à venir plusieurs mois et plusieurs années plus tard.
La société civile FRAMATH a accepté en toute connaissance de cause le risque lié à l'évolution du taux de change du franc suisse par rapport à l’euro, qui pouvait lui être favorable ou défavorable. En outre la clause, qui instaure un aléa pouvant être favorable à l'une ou à l'autre des parties selon l'évolution du taux de change en cours d'exécution du prêt, ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat au détriment de l'emprunteur. Elle n'est donc pas abusive.
Il en est de même de la clause qui en découle, située en page 11 de l'acte de prêt stipulant « il est expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur », ce qui est clair et compréhensible, d'autant plus que l'emprunteur était averti et qu'il a reconnu en fin de clause, page 12, avoir reçu une notice du prêteur l'avisant du risque particulier lié à ce type de prêt. En tout état de cause cette clause ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat au détriment de l'emprunteur, l'une ou l'autre des parties pouvant profiter de l'évolution des cours. »
5/ « La société civile FRAMATH, dont l'un des co-gérants était un professionnel du chiffre, était un emprunteur averti, en mesure de réaliser les conséquences financières de l'évolution du taux de change en sa défaveur. La CAISSE n'était pas tenue d'un devoir de conseil à son égard lors de la conclusion du prêt et au en cours de son exécution, ce d'autant plus d'une part, qu'elle souligne que toutes les échéances ont été payées à bonne date, que d'autre part la société civile FRAMATH avait un patrimoine conséquent dont le bien immobilier de [ville A.] évalué à 1.813.982 euros au 29.03.2007, et le compte titre d'un montant initial de 980.000,00 euros constitué grâce au prêt litigieux. En tout état de cause il résulte des pièces 15 et 16 de l'intimée qu'elle lui a proposé la conversion du prêt en euros lors d'un entretien du 25.10.2011, et que M. X., gérant, l'a expressément refusée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 17 MAI 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/00196. Arrêt n° 18/00117.
APPELANTE :
SCI FRAMATH
société civile immobilière de droit luxembourgeois, prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître G., avocat à la Cour d'Appel de METZ
INTIMÉE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE
prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître R., avocat à la Cour d'Appel de METZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Monsieur HITTINGER, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame DUSSAUD, Conseiller, Madame FOURNEL, Conseiller
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame TOLUSSO
DATE DES DÉBATS : En application des dispositions de l'article 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 8 mars 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame DUSSAUD, Conseiller et magistrat chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour pour l'arrêt être rendu le 17 mai 2018.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE ANTÉRIEURE :
La société civile FRAMATH, dont les gérants sont M. et Mme X., a contracté le 20 juillet 2007, auprès de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE (la CAISSE) un prêt sous seing privé, puis le 22 août 2007 un prêt notarié in fine ayant pour objet le rachat d'un prêt à hauteur de 520.000 euros, ainsi que la souscription d'un compte titres à hauteur de 980.000 euros. Ce prêt était d'un montant correspondant à la contrevaleur en francs suisses de la somme de 1.500.000 euros au taux d'intérêt initial révisable de 3,375 % par an et remboursable en 14 échéances annuelles de la contrevaleur en francs suisses de la somme de 50.625 euros correspondant aux intérêts et à une échéance annuelle de la contrevaleur en francs suisses de la somme de 1.550.625,00 euros correspondant au capital et aux intérêts. Le contrat indiquait un taux effectif global de 3,7150 % par an.
Par acte d'huissier signifié le 30 décembre 2014, la société FRAMATH, se qualifiant de Société Civile Immobilière de droit Luxembourgeois, a fait assigner la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE devant le Tribunal de grande instance de Metz, au visa des articles 1134 et 1147 du Code Civil, L. 313-1 et suivants, L. 312-2 et suivants et L. 313-33 et suivants du Code de la consommation, afin de voir juger que le taux effectif global relatif au prêt souscrit par la SCI FRAMATH était erroné, que la CAISSE avait manqué à ses obligations de mise en garde à son encontre en lui faisant souscrire un crédit in 'ne en devise suisse sans l'aviser des risques de change liés à cette opération, que la CAISSE avait également manqué à son devoir de mise en garde en octroyant un prêt en ignorant les capacités de remboursement des associés de la SCI FRAMATH, ainsi qu'à son devoir de conseil en ne lui recommandant pas de [refinancer son crédit] en euros alors que le francs suisse avait évolué contre l’euro et en conséquence, de voir la Caisse déchue de ses droits à intérêts au titre du prêt et de voir juger que cette dernière ne saurait se prévaloir au titre du principal du prêt d'une somme supérieure au montant du prêt en euros au jour du contrat, soit 1.500.000 euros. La société FRAMATH sollicitait en outre la condamnation de la CAISSE à lui payer la somme de 241.749,69 euros en remboursement des intérêts indûment perçus et à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi et la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE a conclu à l'irrecevabilité et au mal-fondé des demandes de la SCI FRAMATH en soulevant, principalement, la prescription des demandes.
Par jugement en date du 22 décembre 2016, le Tribunal de grande instance de Metz a statué comme suit :
« DÉCLARE la demande en nullité de la stipulation des intérêts contractuels formée par la SCI FRAMATH irrecevable.
DÉBOUTE la SCI FRAMATH de ses demandes tendant à voir constater les manquements commis par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE à ses obligations de mise en garde, de conseil et d'information ;
DÉBOUTE la SCI FRAMATH de sa demande tendant à voir la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE déchue de son droit aux intérêts ;
DÉBOUTE la SCI FRAMATH de sa demande de dommages intérêts ;
DÉBOUTE la SCI FRAMATH de sa demande d'expertise ;
DÉBOUTE la SCI FRAMATH de sa demande tendant à voir assortir le présent jugement de l'exécution provisoire ;
DÉBOUTE les parties du surplus de ses demandes ;
Condamne la SCI FRAMATH à régler à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SCI FRAMATH aux dépens. »
Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action de la SCI FRAMATH en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels du contrat de prêt, et consécutivement la demande subsidiaire d'expertise afin de déterminer le TEG applicable au contrat, le tribunal a retenu que lors de la conclusion du contrat de prêt le délai de prescription applicable était de 10 ans mais que, suite à la réforme intervenue par la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, ce délai avait été réduit à 5 ans, de sorte qu'en application des dispositions transitoires de cette loi le délai de l'action de la SCI FRAMATH courait jusqu'au 19 juin 2013.
Le tribunal a retenu que ce délai courait à compter de la conclusion du contrat de prêt et non, ainsi que le soutenait la SCI FRAMATH, à compter du jour où elle soutenait avoir connu l'erreur du TEG, lorsqu'elle a pris connaissance des conclusions de M. Z. le 22 septembre 2014, dès lors que, eu égard aux compétences du gérant, M. X., qui exerçait la profession d'expert-comptable lors de la conclusion du contrat et possédait une expérience de longue date lui permettant d'apprécier le contrat proposé, la SCI FRAMATH disposait de tous les éléments nécessaires lors de la conclusion de la convention pour connaître l'erreur alléguée.
Le tribunal a ensuite écarté la demande de la SCI FRAMATH fondée sur un manquement de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE à son devoir de conseil en retenant que l'obligation de conseil, qui consisterait pour la banque à donner un avis susceptible de modifier la conduite du client, ne pouvait recevoir application en 1'espèce sauf à contrevenir à la prohibition de l'immixtion dans la gestion des affaires de son client.
Le tribunal a également écarté le manquement de la CAISSE à son devoir de mise en garde en retenant que le gérant de la SCI FRAMATH était expert-comptable au moment de la souscription du prêt, ce qui lui apportait la qualification, les connaissances et l'expérience pour apprécier l'intérêt économique et les risques du prêt et que, en outre, la SCI FRAMATH et à travers elle ses gérants, avait déjà contracté des prêts similaires au nombre desquels figurait notamment le précédent prêt objet du rachat par l'acte litigieux déjà contracté en franc suisse, et qu'elle disposait ainsi d'une expérience certaine en la matière.
Le tribunal a estimé que ces éléments suffisaient à caractériser chez la SCI FRAMATH la qualité d'un emprunteur averti en la personne de son gérant et que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE n'était donc nullement tenue à un devoir de mise en garde dont ne bénéficient que les emprunteurs profanes.
Le tribunal a également relevé que la SCI FRAMATH ne démontrait pas le risque d'endettement excessif lié à 1'octroi du prêt et que, compte tenu de la comparaison entre d'une part l'estimation du patrimoine net et d'autre part la mensualité courante du prêt et le montant du financement octroyé, le banquier dispensateur de crédit n'avait en l'espèce aucune obligation de s'interroger sur les risques d'endettement pris par sa cliente, pas plus que sur la compatibilité de son engagement avec ses propres capacités financières au regard de son patrimoine. Le tribunal en a déduit qu'il ne pouvait être fait grief à la banque, hors l'hypothèse d'une rétention par cette dernière d'informations décisives sur sa situation financière, ce qui n'était ni soutenu ni allégué, d'avoir accordé à la SCI FRAMATH le prêt qu'elle avait elle-même sollicité, en observant qu'il était dans ce contexte mal venu pour cette dernière de se qualifier de « victime d'une augmentation considérable des sommes dues » « dans le cadre de circuits commerciaux agressifs avec un système de distribution de prêts présentés comme très attractifs », le caractère spéculatif et risqué de 1'opération étant le corollaire de l'intérêt du prêt en devises contracté qui avait été recherché par la débitrice dans le cadre du rachat de son prêt.
Enfin, le tribunal a également écarté la demande tirée du manquement de la CAISSE à son obligation d'information au cours de l'exécution du contrat en relevant qu'il ressortait des pièces du dossier que l'information tenant à l'avertissement précis du débiteur sur l'évolution du cours du franc suisse, lui apportant par ce biais les éléments nécessaires à la mesure du risque financier, lui avait été donnée et que, en outre, des propositions alternatives lui avaient été apportées, en vain, au cours de réunions.
Par déclaration de son conseil enregistrée auprès du greffe de la Cour le 17 janvier 2017, la SCI FRAMATH a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 novembre 2017, la SCI FRAMATH demande à la Cour, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, des articles L. 132-1 ancien et L. 212-1 nouveau et suivants du Code de la consommation, des articles L. 313-1 et suivants du Code de la consommation, des articles L. 312-2 et suivants du Code de la consommation et des articles L. 313-33 et suivants du Code de la consommation de :
« RECEVOIR l'appel et le DECLARER bien fondé ;
INFIMER purement et simplement le jugement intervenu ;
Statuant de nouveau,
SOULEVER d'OFFICE l'ensemble des dispositions légales d'ordres public touchant au droit de la consommation, au droit bancaire et aux clauses abusives ;
DIRE ET JUGER que le taux effectif global relatif au prêt souscrit par la SCI FRAMATH auprès de la CAISSE RÉGIONALE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL LORRAIN est erroné ;
DIRE ET JUGER que la CAISSE RÉGIONALE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL LORRAIN a manqué à ses obligations de mise en garde à l'encontre de la SCI FRAMATH en lui faisant souscrire un crédit in fine en devise suisse sans l'aviser des risques de change liés à cette opération ;
DIRE ET JUGER que la CAISSE RÉGIONALE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL LORRAIN a manqué à son devoir de mise en garde en octroyant à la SCI FRAMATH un prêt en ignorant les capacités de remboursement des associés de ladite SCI ;
DIRE ET JUGER que la CAISSE RÉGIONALE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL LORRAIN a manqué à son devoir de conseil à l'encontre de la SCI FRAMATH en ne lui recommandant pas de [refinancer] son crédit en euros alors que le franc suisse a évolué contre l’euro ;
DIRE ET JUGER que les clauses du contrat imposant à l'emprunteur de rembourser « la contre-valeur en francs suisses » alors que l'opération ne concernait que des biens situés en Zone euros et que les gérants de la SCI familiale avaient des revenus en euros et stipulant que le risque de change sera supporté en totalité par l'Emprunteur » sont abusives et contraires à l'ordre public économique et en conséquence inopposables à la concluante ;
En conséquence,
DIRE ET JUGER que la CAISSE RÉGIONALE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL LORRAIN sera déchue de ses droits à intérêts au titre du prêt ;
DIRE ET JUGER que la CAISSE RÉGIONALE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL LORRAIN ne saurait se prévaloir au titre du principal du prêt d'une somme supérieure au montant du prêt en euros au jour du contrat, soit 1.500.000 euros, le différentiel du taux de change ne pouvant être imputé à la concluante ;
DIRE ET JUGER que le taux légal est substitué rétroactivement à l'intérêt conventionnel sur toute la durée du prêt ;
CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL LORRAIN à payer à la SCI FRAMATH la somme de 241.749,69 euros en remboursement des intérêts indûment perçus et à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi
Subsidiairement,
ORDONNER avant dire droit, une expertise comptable avec pour mission de :
- Déterminer le TEG réel du contrat de prêt souscrit en prenant compte des frais de garantie, d'information des cautions et autres frais accessoires mis à la charge de l'emprunteur dans le contrat litigieux
- Déterminer les conséquences de l'évolution de la valeur du Franc Suisse au cours du contrat sur les mensualités à rembourser par la SCI FRAMATH et sur le montant du capital à rembourser in fine
En toutes hypothèses,
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL LORRAIN à payer à la SCI FRAMATH une somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER l'intimée aux entiers dépens. »
La SCI FRAMATH soutient que ses demandes ne sont pas prescrites car la prescription en matière de TEG ne court à compter de l'acte que dans la seule hypothèse où la lecture de celui-ci permettrait de constater l'erreur et que, s'agissant de l'action en réparation contre la banque dans le cadre de prêt in fine, le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, soit à compter de la date de l'échéance finale du prêt in fine.
La SCI FRAMATH fait valoir que le tribunal a retenu que, s'agissant d'une SCI familiale, elle n'était pas un emprunteur professionnel mais a tout de même considéré que la prescription avait commencé à courir à la date de signature de l'acte car la SCI FRAMATH aurait été en mesure d'appréhender la véracité du taux, alors qu'avant de faire appel à des experts en la matière, la SCI et son gérant n'avaient pas connaissance précise des règles complexes régissant les emprunts souscrits en France, la simple lecture de l'offre de prêt ne permettant en rien de savoir que des frais qui faisaient pourtant partie du financement n'étaient pas inclus dans le calcul du TEG. La SCI FRAMATH précise que M. X., luxembourgeois aujourd'hui retraité, a effectivement exercé la profession de comptable au Luxembourg mais n'avait aucune connaissance en matière bancaire française, ni a fortiori en matière de calcul de TEG français, et que son épouse co-gérante de la SCI était femme au foyer, de sorte que cela ne leur conférait aucune compétence spécifique en la matière.
La SCI FRAMATH soutient que le TEG mentionné dans l'offre de prêt est erroné en se prévalant d'une attestation de M. Z. Expert-comptable et Expert près la Cour d'appel de MONTPELLIER en date du 22 septembre 2014, réalisée pour la SCI GIFRA, autre SCI familiale gérée par M. X., pour un contrat de prêt identique.
Elle fait valoir que sa propre offre de prêt fait état d'une caution solidaire, dont le coût d'information annuelle de cautions n'est ni stipulé, ni inclus dans le calcul du TEG, ainsi que d'une hypothèque conventionnelle dont le coût n'a pas été mentionné ni inclus dans le calcul du TEG et, enfin, d'un contrat de gage portant sur le compte d'instrument financier qui mentionne en article 3.5 des frais et taxes qui auraient dû être inclus dans le calcul du TEG puisqu'ils faisaient partie des conditions d'octroi du financement.
En réponse aux moyens soulevés par l'intimée, la SCI FRAMATH fait valoir qu'il n'existe pas, contrairement à ce qu'a prétendu la banque, de principe général selon lequel les frais d'information annuelle des cautions ne devraient pas être intégrés au TEG. Elle soutient que la banque a subordonné l'octroi du crédit à l'obtention d'un cautionnement et que les frais d'information annuelle de la caution, réglés par la SCI FRAMATH, devaient donc être pris en compte pour le calcul du TEG car les deux conditions exigées pour ce faire étaient réunies, à savoir qu'ils constituent une charge réelle pour l'emprunteur et que ce dernier se trouve dans l'obligation de les assumer pour obtenir son crédit.
Quant aux frais d'hypothèques, la SCI FRAMATH fait valoir qu'en première instance la banque ne contestait pas que ces frais n'aient pas été inclus dans le calcul du TEG mais indiquait que le contrat de prêt mentionnait l'existence des frais de prise en garantie pour un montant incluant les frais de constitution de l'hypothèque conventionnelle, alors que la banque soutient désormais, en se prévalant de calculs non contradictoires, que ces frais auraient été intégrés au calcul. La SCI FRAMATH en conclut qu'il doit être retenu que les frais n'ont pas été intégrés au calcul du taux, indépendamment du fait qu'ils ont été précisés dans le contrat, alors qu'il est constant que ces frais, déterminables à la date de l'acte en application des dispositions de l'article L. 313-1 du Code de la consommation, auraient dû l'être.
Enfin, s'agissant de l'intégration des frais de constitution de gages sur instruments financiers, la SCI FRAMATH fait valoir qu'en première instance la banque ne contestait pas que ces frais n'avaient pas été pris en compte dans le calcul du TEG mais précisait que ces frais étaient mentionnés dans le contrat de gage et que, eu égard à la faiblesse de la somme, celle-ci était insignifiante par rapport au montant du prêt, ce qui ne pouvait justifier la demande de nullité, alors que seul doit être apprécié si ces frais ont été mentionnés dans l'offre de prêt et pris en compte dans le cadre du calcul du TEG sans que la loi ne prévoie que la sanction de l'erreur de TEG soit soumise à une quelconque condition de gravité de l'erreur.
La SCI FRAMATH sollicite ensuite la condamnation de la banque à lui payer la somme de 241.749,69 euros en remboursement des intérêts indûment perçus et à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de la banque tant à ses obligations au moment de la souscription du prêt que pendant son exécution.
Elle soutient ainsi en premier lieu que s'agissant d'un prêt immobilier très spéculatif et indexé sur le taux de change du franc suisse, la banque était tenue dès la souscription de l'emprunt à un devoir de conseil renforcé, alors que la variabilité du taux d'intérêt n'avait pas été exposée de manière claire lors de la souscription des contrats et que ce prêt, contracté dans des conditions douteuses, a conduit l'emprunteur à accepter de rembourser dans une monnaie étrangère sans aucun lien avec l'opération et à supporter seul le risque de change, ce qui est manifestement contraire à l'ordre public économique.
Elle ajoute que le risque d'endettement excessif était d'autant plus grand que M. X. était au moment de la souscription du prêt proche de la retraite, que cette retraite avait entraîné une perte conséquente de revenus que la banque aurait dû anticiper et que cette dernière n'ignorait en outre pas que M. X. était déjà très endetté à travers une première SCI pour laquelle la banque avait déjà consenti un précédent prêt d'un montant de 2.500.000 euros.
Elle en conclut que les époux X. n'ont pas pu avoir conscience de la difficulté lors de la signature de l'acte mais l'ont découvert courant 2014, alors que la situation était compromise, et que le dommage résulte ainsi du manquement de la banque à son devoir de conseil et de la perte de chance de ne pas contracter un emprunt toxique.
En second lieu, la SCI FRAMATH fait valoir que la banque a manqué à ses obligations au moment de la variation des taux de change car la baisse du cours de l’euro en 2011 par rapport au franc suisse s'est traduite par une augmentation très importante du coût total du prêt alors que la banque était parfaitement en mesure d'informer la concluante au moment de cette variation et de l'inviter à procéder à une conversion de son prêt en euros, ce qu'elle n'a pas fait et a laissé l'emprunteur voir sa dette s'accroître et laissé prospérer l'emprunt toxique souscrit.
La SCI FRAMATH en conclut que ces manquements répétés de la banque à l'ensemble de ses obligations contractuelles et ses agissements frauduleux lui causent un préjudice devant être réparé par l'octroi de dommages intérêts équivalents au montant des intérêts contractuellement prévus et le remboursement des intérêts déjà réglés. Elle sollicite également qu'il soit jugé que la créance de la banque en principal ne saurait être supérieure au montant du prêt tel qu'il a été consenti en euros, soit 1.500.000 euros, sans que le coût du différentiel du taux de change, ayant conduit à une majoration de la contrevaleur en francs suisse de la somme de 1.500.000 euros à hauteur de 546.406,50 euros supplémentaires, ne lui incombe.
La SCI FRAMATH conteste ensuite les moyens soulevés par la banque selon lesquels le risque aurait été accepté par l'emprunteur qui aurait en outre été avisé.
Elle fait valoir sur ce point que la notice d'information en date du 20 juillet 2017 qu'elle a signée sous la pression d'employés de la banque ne peut valoir exécution de l'obligation d'information et de conseil due par la banque à l'emprunteur non professionnel dans le cadre d'une opération aussi risquée et que, en outre, la banque n'a pas alerté son cocontractant lors de la poursuite du contrat alors que l'évolution des taux de change aurait dû imposer un [refinancement] d'une opération devenue catastrophique.
La SCI FRAMATH conteste également avoir reçu les courriers d'informations invoqués par la banque au soutien de la bonne exécution de son obligation d'information et de conseil, et fait valoir que la banque ne démontre pas les lui avoir effectivement adressés et moins encore qu'ils aient été reçus, alors que les documents produits par la banque ne sont que des projets de courriers et, en tout état de cause, contiennent uniquement des informations qui ne font état que d'une simple évolution du taux du franc suisse d'une année sur l'autre sans la moindre analyse des conséquences pour les emprunteurs. Elle précise que les copies de courriers produits par la banque et qui auraient été adressés à une SCI « ATELAND » dont le siège est sis à CANNES sont sans aucun lien avec l'instance.
Enfin, la SCI FRAMATH soutient que les clauses relatives au remboursement d'une contrevaleur en francs suisse et faisant peser sur elle le risque de change sont abusives et en conséquence lui sont inopposables, et sont en outre contraires à l'ordre public économique et, dès lors entachées d'une nullité absolue.
Elle fait valoir qu'il s'agit d'un contrat conclu en France entre un professionnel et un non-professionnel, auquel s'appliquent les dispositions de l'article L. 132-1 ancien et L. 212-1 nouveau et suivants du Code de la consommation qualifiant d'abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Elle ajoute que les deux gérants de la SCI ont toujours perçu leurs revenus en euros, auprès d'une banque française, de sorte qu'aucun élément d'extranéité ne justifie que ce prêt soit remboursé par la contrevaleur en francs suisse de la somme empruntée.
Elle fait également valoir que la clause stipulant que « le risque de change sera supporté en totalité par l'Emprunteur » avait pour effet de faire peser exclusivement le risque sur l'emprunteur et ainsi de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et enfin que, s'agissant d'un contrat de droit interne, la fixation d'une créance en monnaie étrangère constituait une indexation déguisée. Elle conclut en indiquant que ces points peuvent être soulevés d'office par la juridiction en tout état de cause.
A titre subsidiaire, la SCI FRAMATH sollicite l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire et fait valoir que cette demande d'expertise ne sert pas à pallier une carence dans l'administration de la preuve dès lors que le préjudice est évident et connu de tous mais permettrait si la Cour l'estime nécessaire de chiffrer plus précisément son montant.
Par ses dernières conclusions en date du 16 janvier 2018, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE demande à la Cour de :
« DÉBOUTER la SCI FRAMATH de son appel et de l'ensemble de ses demandes, moyens et fins,
CONFIRMER le jugement entrepris, au besoin par substitution de motifs, notamment en constatant la prescription des moyens de la SCI FRAMATH,
DIRE et JUGER, y ajoutant, que la « clause d'indexation » (monnaie étrangère) n'est pas une clause abusive,
CONDAMNER la SCI FRAMATH à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la SCI FRAMATH aux entiers frais et dépens d'appel.
SUBSIDIAIREMENT, si la Cour estimait devoir reconnaître la qualification de clause abusive et/ou la nullité absolue de ladite clause,
DIRE et JUGER que « la clause d'indexation » (monnaie étrangère) qualifiée d'abusive porterait sur l'objet du contrat même et qu'elle ne pourrait qu'être seulement réputée non écrite,
DIRE et JUGER que la SCI FRAMATH sera condamnée à restituer la valeur du montant des CHF reçus au jour de la restitution et non au cours du jour de la mise à disposition des fonds, qui pourrait s'opérer par un paiement en euros grâce aux opérations de change scriptural, que la clause soit réputée non écrite ou si la Cour entendait prononcer la nullité de la convention en application de l'article L. 132-1 avant dernier alinéa du Code de la consommation, ou encore si elle prononçait la nullité absolue de la clause. »
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE soutient que l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel est prescrite dès lors que son point de départ doit être fixé au jour de la convention car l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur. Elle fait valoir que la SCI FRAMATH a pour associé et dirigeant M. X. dont la profession était expert-comptable et qui était parfaitement informé des affaires commerciales, économiques et immobilières et peut être regardé comme quelqu'un d'averti au sens économique.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE conteste le caractère erroné du TEG indiqué dans l'offre de prêt et fait valoir que le coût d'information annuelle de la caution a été porté à la connaissance de l'emprunteur, l'acte notarié indiquant clairement que celui-ci est susceptible d'évoluer et qu'il est à prendre en compte en plus des frais d'octroi du prêt pour le calcul du TEG, et que la jurisprudence actuelle retient qu'ils n'ont pas à être intégrés dans ce calcul.
S'agissant du coût de l'hypothèque conventionnelle, la CAISSE fait valoir que le contrat de prêt indique l'existence des frais de prise de garantie incluant lesdits coûts et que ces derniers ont été inclus dans le calcul du TEG.
S'agissant du coût des frais de constitution de gages sur instruments financiers, la CAISSE fait valoir que l'article 8.1 du contrat de gage financier fait mention des frais de constitution de gage de sorte que cette information a été valablement portée à la connaissance de l'emprunteur et est reprise dans l'acte de prêt en étant incluse dans les frais de prise de garantie, alors qu'en outre son montant, à hauteur de 500 euros, est insignifiant par rapport au montant du prêt et ne peut justifier la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel.
La CAISSE soutient également que, si en présence d'un TEG erroné, la sanction réside dans la nullité de la stipulation d'intérêt et la substitution du taux légal à l'intérêt conventionnel, en matière de crédit immobilier, une erreur de TEG expose à une déchéance du droit des intérêts dans la seule proportion fixée par le juge en application des articles L. 312-33 ancien et L. 341-34 par renvoi de l'article L. 341-37 du Code de la consommation et que la rigidité dans la sanction touchant les contrats de consommation n'est pas conforme au droit de l'Union Européenne qui impose que les sanctions soient proportionnées, de sorte que dans le domaine des contrats soumis au droit de la consommation dont les prêts immobiliers la jurisprudence retient qu'il y a lieu à tolérance et refuse toute sanction lorsque l'écart entre le TEG mentionné et le TEG réel n'excède pas une décimale et, en outre, écarte la demande de nullité lorsque l'erreur sur le TEG n'est pas préjudiciable à l'emprunteur.
La CAISSE en conclut que la demande de la SCI FRAMATH doit être écartée car l'erreur de calcul n'est pas rapportée par l'emprunteur, les points soi-disant non pris en compte l'ayant effectivement été. Elle conteste en outre la demande d'expertise judiciaire qui ne vise qu'à suppléer à la carence de la SCI FRAMATH dans la preuve qui lui incombe.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE conteste également avoir manqué à ses obligations et fait valoir que le prêt litigieux avait pour objet à la fois d'effectuer un placement et de solder un prêt antérieurement contracté auprès d'une banque concurrente déjà libellé en franc suisse, et que les clauses et notices annexées au contrat démontrent l'avertissement de l'emprunteur des risques de l'opération et son information de l'existence de la possibilité d'une couverture de change. Elle soutient également avoir continué à informer par des courriers réguliers son client qui n'a pas souhaité modifier le contrat.
Elle fait valoir que la SCI FRAMATH était un emprunteur averti, excluant toute méconnaissance d'un risque de change et l'exonérant de toute obligation de mise en garde. Elle conteste être redevable d'une obligation de conseil qui se heurterait au principe de non immixtion du banquier dans les affaires de ses clients. Elle soutient qu'en tout état de cause, l'exécution de l'obligation légale d'information et de doit être appréciée à la date de conclusion du contrat, soit le 22 août 2007, de sorte que toute demande fondée sur un manquement à cette obligation est prescrite.
La CAISSE conteste également avoir été tenue à une obligation d'information sur le risque de change et fait valoir que cette obligation qui n'existe que depuis le 1er octobre 2014 n'est pas applicable à ce contrat conclu antérieurement. Elle ajoute que l'article L. 312-3-1 du Code de la consommation ne prévoit cette information qu'au stade préalable, avant l'émission de l'offre du prêt, et non en cours d'exécution du prêt.
Elle fait valoir que, en tout état de cause, elle a informé l'emprunteur du risque de change, l'ayant mis en garde dès le début et même en cours d'exécution du contrat à ce sujet en se conformant par avance aux exigences à venir, notamment en fournissant une notice d'information rappelant qu'il est possible de conclure un contrat de couverture de risque de change.
Elle soutient encore qu'elle a régulièrement informé l'emprunteur, qui était averti, sur l'évolution du cours de change euros/CHF (et des taux d'intérêts) par les lettres d'informations générales et par les lettres adressées à l'occasion de chaque paiement d'intérêts.
Enfin, elle soutient que, en tout état de cause, la SCI FRAMATH ne rapporte pas la preuve d'un risque de surendettement qui ne peut s'apprécier qu'au moment de la souscription du prêt, date à laquelle les associés de la SCI FRAMATH disposaient d'un patrimoine conséquent, et ne justifie pas davantage d'une perte de chance, de sorte que ses demandes doivent être écartées.
La CAISSE conteste ensuite la qualification de clause abusive de la clause d'indexation et la nullité absolue alléguée de cette clause pour contrariété à l'ordre public économique, en faisant valoir que dans un prêt avec clause de monnaie étrangère, le droit de l'Union Européenne ne considère pas une telle clause comme étant abusive mais retient que l'article 4 § 2 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 doit être interprétée en ce sens que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s'entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d'autres clauses relatives au déblocage du prêt, afin que ce consommateur soit mis en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.
Elle en conclut qu'il n'y a pas lieu d'examiner le caractère abusif d'une telle clause, sauf à constater une absence d'information claire et intelligible du prêteur de deniers en examinant toutes les circonstances entourant la conclusion et l'ensemble des clauses du contrat passé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce car la SCI FRAMATH s'est investie dans un projet ayant intégré, en pleine connaissance de cause, le choix d'un prêt en CHF pour obtenir des taux d'intérêts plus bas que ceux de prêt en euros, alors que son associé gérant M. X. avait une activité professionnelle au-dessus de la moyenne en qualité de cadre et avait régulièrement fait des opérations de même nature et alors que la notice d'information, signée de l'emprunteur, lui apportait une connaissance éclairée des risques.
La CAISSE soutient ensuite que la demande de la SCI FRAMATH tendant à voir déclarer nulle car abusive la clause d'indexation en ce qu'elle serait contraire à l'ordre public économique est prescrite depuis le 19 juin 2013 car le point de départ de la prescription, d'un délai de 10 ans initialement puis réduit à 5 ans à compter du 19 juin 2008, est fixé au jour de la conclusion du contrat de prêt, date à laquelle l'emprunteur pouvait constater l'existence de la clause litigieuse.
Sur le fond, elle soutient que la SCI FRAMATH ne peut recourir à la sanction de « clause abusive » réputée non écrite pour sanctionner le grief invoqué et fait valoir qu'une telle clause définissant l'objet du prêt en devise étrangère est valable dès lors que des paiements en euros étaient également possible et ont été effectués par l'emprunteur, ainsi que le révèle l'historique du compte sur lequel peut être constatée l'absence d'écritures passées sur son compte dans la devise étrangère.
Elle précise que la jurisprudence n'a pas énoncé un principe général selon lequel un prêt dont l'objet porte sur une devise étrangère était illicite, la nullité ne pouvant résulter que de clauses du contrat de prêt prohibant tout paiement en euros, position qui est conforme au droit de l'Union Européenne et notamment à la directive 2014/17 du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, qui consacre expressément la possibilité d'accorder des prêts en devises étrangères.
A titre subsidiaire, la CAISSE soutient que le fait de réputer non écrite la « clause d'indexation » reviendrait à la rendre non contraignante alors même que la clause porterait sur l'objet du contrat, ce qui devrait conduire à l'annulation du contrat, entraînant l'obligation pour l'emprunteur de restituer le montant reçu, en CHF et ce, par un paiement en euros grâce aux opérations de change scriptural au cours du jour de la restitution, et non au cours du jour de la mise à disposition des fonds chez l'emprunteur, ce qui n'exclurait donc pas le risque de change pour ce dernier.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2018.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la recevabilité de l'action en reconnaissance du caractère erroné du taux effectif global et en déchéance du droit aux intérêts :
Selon l'article L. 110-4 du Code de Commerce, dans sa version en vigueur au 19 juin 2008, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a modifié les règles de prescription. Avant l'entrée en vigueur de cette loi, le délai de prescription de l'article L. 110-4 du Code de Commerce était décennal.
Conformément à l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les dispositions de cette loi qui réduisent la durée de prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée de la loi antérieure.
La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 est entrée en vigueur le 19 juin 2008 (lendemain de sa publication du 18.06.2008 conformément à l'article 1er du Code Civil), et la société civile FRAMATH disposait donc depuis lors d'un délai de prescription réduit à cinq ans.
Conformément à l'article 2224 du Code Civil le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG. Ainsi le point de départ est la date du contrat lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de l'erreur à l'emprunteur.
La société civile FRAMATH soutient que le taux effectif global est erroné au motif que le coût des garanties générant des frais de notaire et frais d'inscription, à savoir le coût d'information annuelle de la caution, le coût de l'hypothèque conventionnelle, et les frais relatifs à la mise en gage, auraient dû être intégrés dans le calcul du taux effectif global.
L'acte de prêt notarié explique en page 20 et 21 que pour la détermination du taux effectif global il y a lieu d'ajouter au taux d'intérêt conventionnel selon le cas, le montant des frais de dossier, la prime d'assurance décès, les frais fiscaux et le coût des garanties. L'acte de prêt impose en pages 5 à 7 à titre de garanties une affectation hypothécaire, un cautionnement solidaire des époux X. et un gage d'instruments financiers. Ainsi l'acte de prêt fournit en lui-même des indications sur les frais à inclure dans le TEG, qui sont compréhensibles indépendamment de la profession du gérant de la société civile FRAMATH et de sa nationalité.
L'article intitulé « INFORMATION DES CAUTIONS » situé en page 28 de l'acte de prêt hypothécaire du 22 août 2007, précise que l'information annuelle des cautions 'pourra donner lieu à une tarification à la charge de l'emprunteur, dont le montant figure aux conditions générales de banque. Il est précisé en pages 20, 32 et 33 que tous les frais sont à charge de l'emprunteur.
L'article intitulé « TAUX EFFECTIF GLOBAL », figurant en page 4 de l'acte notarié indique d'une part le taux d'intérêts annuel, d'autre part le montant des frais de dossier de 1.625 euros et montant des « frais de prise de garantie » de 56.238 euros, ainsi que le montant du taux effectif global. Il ressort de l'examen de l'acte de prêt notarié que les frais précités ont été pris en compte dans le calcul du TEG.
En revanche il n'y est pas précisé le coût de l'information annuelle des cautions, qui n'est d'ailleurs pas non plus indiqué ni même estimé en page 28.
Ainsi il ressort de l'examen du contrat de prêt que le taux effectif global précisé en page 4 n'incluait pas le coût d'information annuelle des cautions évoqué mais incertain et non chiffré en page 28. La société civile FRAMATH ne démontre pas avoir payé des frais relatifs à l'information annuelle des cautions, et n'indique pas même le montant de tels frais, de sorte qu'elle est mal fondée à prétendre avoir découvert après la conclusion du prêt que le taux effectif global était erroné au motif qu'il ne les incluait pas.
Par ailleurs la société civile FRAMATH soutient sans le démontrer avoir découvert le 22 septembre 2014 que la somme de 56.238 euros incluant les frais de constitution d'hypothèque n'aurait pas été intégrée dans le Taux effectif global. En effet la société civile FRAMATH ne produit pas d'élément objectif à cet égard, étant observé que l'attestation de M. Z. du 22 septembre 2014 dont il se prévaut est relative à un autre prêt consenti à la SCI GIFRA le 19.09.2008, pour un montant différent. La société civile FRAMATH ne produit pas d'analyse concernant le TEG relatif au prêt litigieux. A l'inverse la CAISSE produit en pièce n° 20 une simulation faisant apparaître que le taux effectif global de 3,7150 % l'an incluait non seulement les intérêts au taux de 3,375 % l'an, mais également les frais d'un montant de 1.625 + 56.238 = 57.863 euros, de sorte que, selon ce document, le TEG stipulé incluait les frais de constitution d'hypothèque. Alors que la lecture de l'acte de prêt indique que ces frais ont été pris en compte dans le calcul du TEG, que la pièce 20 de l'intimée, non contredite par une pièce de l'appelante, le confirme, et que la société civile FRAMATH ne démontre pas avoir eu révélation d'une erreur ultérieurement, celle-ci a connu ou aurait dû connaître à la date du prêt litigieux du 22 août 2007 les faits afférents à la prise en compte des frais de garantie d'un montant de 56.238 euros dans le calcul du TEG.
Enfin la société civile FRAMATH a signé le 1er octobre 2007 le contrat de gage, imposé par l'acte de prêt, précisant à l'article 8.1 que les frais de constitution de dossier à sa charge relatifs au gage représentaient 500 euros. La société civile FRAMATH a donc appris au plus tard à la date du 1er octobre 2007 qu'aux « frais de prise de garantie » de 56.238 euros indiqués en page 4 de l'acte de prêt notarié se rajoutaient des frais de mise en gage, et que dès lors le taux effectif global mentionné page 4 n'incluait pas ces frais d'un montant de 500 euros.
Au vu de tout ce qui précède le point de départ du délai de prescription décennal prévu par l'ancien article L. 110-4 du Code est situé au 1er octobre 2007, date à laquelle la société civile FRAMATH a eu connaissance du montant des frais de gage qu'elle devait acquitter en plus des « frais de prise de garantie » pris en compte dans le TEG. Ce délai décennal n'était pas expiré à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. En vertu de l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 précité, le nouveau délai de prescription réduit à cinq ans était expiré à la date du 19 juin 2013. Or la société civile FRAMATH a fait assigner la CAISSE devant le Tribunal de Grande Instance en date du 30 décembre 2014, après l'expiration du délai de prescription, et la demande de la société civile FRAMATH tendant à voir constater le caractère erroné du TEG et à obtenir déchéance du droit aux intérêts conventionnels est irrecevable.
Le jugement est confirmé sur ce point par substitution de motifs.
Sur la recevabilité de la demande en dommages-intérêts pour manquement au devoir de mise en garde :
La CAISSE soutient que l'action en responsabilité de la société civile FRAMATH pour manquement à un devoir de mise en garde et d'information est prescrite, le point de départ de l'action étant selon elle situé à la date de conclusion du contrat du 22 août 2007.
La société civile FRAMATH soutient quant à elle que le délai de prescription ne court qu'à compter de l'échéance finale du prêt in fine.
Conformément à l'article 2224 du Code Civil le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
La prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance. Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l'octroi du crédit, à moins que l'emprunteur ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage.
Il est constant que M. X., gérant de la société civile FRAMATH, exerçait la profession de comptable au Luxembourg, et est aujourd'hui retraité. Les statuts de la société civile FRAMATH indiquent qu'à l'époque de la constitution de la société, en 1992, il était réviseur d'entreprises. L'état patrimonial de M. et Mme X. produit par la CAISSE indique qu'au 2 mai 2007, date de ce document, ils étaient également déjà associés d'une SCI GILFRATHE dont ils détenaient 95 % des parts.
M. X., cogérant de la société civile FRAMATH était donc un professionnel du chiffre, gérant de sociétés civiles depuis de nombreuses années, rompu aux affaires commerciales et immobilières et à la gestion d'un budget, parfaitement informé des risques d'un crédit, et parfaitement apte à comprendre les indications relatives aux modalités de remboursement du crédit in fine en francs suisses litigieux.
Il ressort en outre des statuts de la société civile FRAMATH qu'elle a pour objet l'acquisition, la vente, la location et la mise en valeur de tous immeubles, et qu'elle peut faire toutes opérations mobilières, immobilières ou financières et plus particulièrement cautionner toutes opérations se rapportant directement ou indirectement à son objet ou susceptibles de le favoriser.
Enfin il n'est pas contesté que la société civile FRAMATH avait déjà contracté un prêt in fine en devises étrangères avant le crédit litigieux, pour financer l'acquisition d'un bien immobilier sis [...]. Il n'est pas non plus contesté que le prêt litigieux devait non seulement permettre de racheter ce prêt antérieur, mais également permettre à la société civile FRAMATH d'effectuer un placement de 980.000,00 euros sur un compte titre.
Dès lors la société civile FRAMATH était un emprunteur averti tout comme M. X. son co-gérant, et elle ne démontre pas avoir légitimement ignoré les risques du crédit in fine en francs suisses litigieux lors de sa conclusion, de sorte que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour éventuel manquement à un devoir de mise en garde doit être fixé à la date du prêt du 22 août 2007. L'assignation du 30 décembre 2014 est postérieure à l'expiration du délai de prescription qui date du 19 juin 2013 ainsi qu'il a déjà été observé plus haut. La demande en dommages-intérêts pour manquement allégué à un devoir de mise en garde de la banque est irrecevable.
Sur la recevabilité de la demande en dommages-intérêts pour manquement au devoir d'information :
La société civile FRAMATH soutient par ailleurs que la CAISSE a manqué à un devoir d'information en ne lui fournissant pas les informations adéquates concernant les risques associés aux prêts en devises.
La CAISSE soutient là encore que l'action en responsabilité de la société civile FRAMATH pour manquement à un devoir d'information est prescrite, le point de départ de l'action étant selon elle situé à la date de conclusion du contrat de prêt du 22 août 2007 (cf. ses dernières conclusions p. 10 et 27).
La société civile FRAMATH soutient quant à elle que le délai de prescription ne court qu'à compter de l'échéance finale du prêt in fine.
Il a déjà été observé que la prescription de l'action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.
Force est de constater que M. X. et Mme X.-Y., co-gérants de la société civile FRAMATH, ont signé le 20 juillet 2007, jour de l'acceptation du crédit sous-seing privé, une notice d'information relative aux prêts en devises, indiquant que le taux d'intérêts du crédit en question n'est pas lié au marché financier français, et précisant notamment « selon que, au moment du paiement d'intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l’euro, la perte éventuelle est intégralement à la charge de l'emprunteur, de même que le gain éventuel est intégralement à son profit. » (Cf. pièce 7 de la CAISSE).
La société civile FRAMATH ne démontre pas avoir légitimement ignoré les risques du crédit litigieux en devises à la date du crédit sous-seing privé du 20 juillet 2007 et de sa réitération devant Notaire en date du 22 août 2007, ce d'autant plus qu'elle était un emprunteur averti, qu'elle avait déjà souscrit antérieurement un crédit en francs suisses, et que ses cogérants avaient signé cette notice d'information évoquant le risque de perte dans l'hypothèse d'une variation du cours de la devise sur le marché des changes par rapport à l’euro. Le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour manquement allégué à un devoir d'information est là encore fixé à la date du prêt notarié du 22 août 2007, et la demande en dommages-intérêts sur ce fondement est irrecevable, pour les motifs exposés plus haut.
Sur la recevabilité des demandes afférentes à la nullité des clauses imposant le remboursement de « la contrevaleur en francs suisses » et stipulant que « le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur » :
En application de l'article 2224 du Code Civil précité, le délai de prescription de l'action en nullité des clauses du contrat court à compter de la date de la signature du contrat de prêt en date du 22 août 2007. La prescription des demandes en nullité des clauses était donc acquise le 19 juin 2013 par application de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, ainsi qu'il a déjà été observé plus haut. La société civile FRAMATH n'ayant assigné la CAISSE que le 30 décembre 2014, ces demandes sont irrecevables.
Sur la demande tendant à constater que les clauses imposant le remboursement de « la contrevaleur en francs suisses » et stipulant que « le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur » sont abusives :
Il résulte de l'arrêt du 30 mai 2013 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 30 mai 2013, Asbeek Brusse, C-397-11 et C-488/11), que c'est par référence à la qualité des contractants, selon qu'ils agissent ou non dans le cadre de leur activité professionnelle, que la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs définit les contrats auxquels elle s'applique, que ce critère correspond à l'idée sur laquelle repose le système de protection mis en œuvre par la directive, à savoir que le consommateur se trouve dans une situation d'infériorité à l'égard du professionnel, en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d'information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci.
Aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 1er (devenu L. 212-1, alinéa 1er) du code de la consommation, dans sa version en vigueur au jour de l'acte de prêt du 22 août 2007, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Cette disposition entre dans le champ d'application de la directive précitée, laquelle énonce, en son article 2, que le consommateur est défini comme toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle, et qu'est un professionnel toute personne physique ou morale qui, dans lesdits contrats, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu'elle soit publique ou privée, et, en son article 3, qu'est abusive la clause qui crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
La société civile FRAMATH se prévaut expressément de la qualité de non professionnel à l'occasion de la conclusion du prêt litigieux, ce que la CAISSE ne conteste pas, admettant en page 7 de ses dernières conclusions qu'il s'agissait d'un « consommateur - non-professionnel », et contestant uniquement le caractère abusif des clauses.
L'article 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 dispose :
1. Sans préjudice de l'article 7, le caractère abusif d'une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend.
2. L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation entre le prix et la rémunération, d'une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d'autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
L'article L. 132-1 du Code de la Consommation, dans sa version en vigueur à la date du contrat, transpose en ses alinéas 5 et 7 l'article 4 de la directive.
Par arrêt du 20 septembre 2017 (CJUE, affaire C-186/16) la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que :
1) L'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que la notion d'« objet principal du contrat », au sens de cette disposition, couvre une clause contractuelle, telle que celle en cause au principal, insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère, n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté, dès lors que cette clause fixe une prestation essentielle caractérisant ce contrat. Par conséquent, cette clause ne peut pas être considérée comme étant abusive, pour autant qu'elle soit rédigée de façon claire et compréhensible ;
2) L'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible suppose que, dans le cas des contrats de crédit, les établissements financiers doivent fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause. À cet égard, cette exigence implique qu'une clause selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement connaître la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières. Il appartient à la juridiction nationale de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard ;
3) L'article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle doit être effectuée par référence au moment de la conclusion du contrat concerné, en tenant compte de l'ensemble des circonstances dont le professionnel pouvait avoir connaissance audit moment et qui étaient de nature à influer sur l'exécution ultérieure dudit contrat. Il incombe à la juridiction de renvoi d'évaluer, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'affaire au principal, et en tenant compte notamment de l'expertise et des connaissances du professionnel, en l'occurrence de la banque, en ce qui concerne les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d'un prêt en devise étrangère, l'existence d'un éventuel déséquilibre au sens de ladite disposition.
En l'espèce, la clause « imposant à l'emprunteur de rembourser la contrevaleur en francs suisse » concerne l'objet principal du contrat parce qu'elle fixe une prestation essentielle. Elle est rédigée de manière claire et compréhensible pour la société civile FRAMATH, qui n'est pas un consommateur moyen, puisqu'il est indiqué :
* en page 3 de l'acte notarié que le montant emprunté est la contrevaleur en francs suisses (CHF) de la somme de 1.500.000 euros, soit à titre indicatif 2.480.550,01 CHF selon le cours de l’eurodevise à la date du 17 juillet 2007, que le taux d'intérêt initial révisable est de 3,3750 %, le taux d'intérêt révisable étant celui du taux du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds, augmenté du taux de marge de 0,750 points,
* en pages 4 et 5 de l'acte de prêt notarié, que le remboursement devra avoir lieu en :
- 14 échéances annuelles de la contrevaleur en francs suisses (CHF) de la somme de 50.625 euros, soit à titre indicatif 83.718,56 CHF selon le cours de l’eurodevise à la date du 17 juillet 2007, ce au titre des intérêts,
- 1 échéance de la contrevaleur en francs suisses (CHF) de la somme de 1.550.625 euros, soit à titre indicatif 2.564.268,57 CHF selon le cours de l’eurodevise à la date du 17 juillet 2007, ce au titre du capital et des intérêts,
* en page 5 que :
« Les montants des échéances ne sont qu'indicatifs. Ils ont été calculés sur la base du taux d'intérêt indiqué ci-dessus. Chaque révision du taux d'intérêt aura une incidence sur les montants théoriques des échéances.
Ce montant n'est qu'indicatif. Il a été calculé sur la base du taux d'intérêt initial précisé ci-dessus. Le montant de l'échéance constante définitive sera déterminé sur la base du taux du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds. »
Cette clause est d'autant plus claire et compréhensible pour la société civile FRAMATH que :
- l'un des co-gérants de la société civile FRAMATH est un professionnel du chiffre, et que la société civile FRAMATH est un emprunteur averti, parfaitement à même de comprendre qu'elle s'exposait à un risque de change, et d'évaluer les conséquences de la clause sur les montants des échéances selon la dévaluation ou l'appréciation du franc suisse,
- la société civile FRAMATH avait déjà contracté auparavant un prêt en francs suisses,
- les deux cogérants ont signé le 20 juillet 2007, en même temps que l'acte de prêt sous seing privé contenant déjà la clause précitée, une notice d'information relative aux prêts en devise, précisant en gras que l'emprunteur de devises bénéficie d'un taux d'intérêts qui n'est pas lié au marché financier français, et ajoutant notamment « Mais attention, le taux n'est pas le seul élément qui intervient dans le coût de ce type de prêt. Selon que, au moment du paiement d'intérêts et du remboursement en capital, la devise a monté ou baissé sur le marché des changes par rapport à l’euro, la perte éventuelle est intégralement à la charge de l'emprunteur, de même que le gain éventuel est intégralement à son profit. »
Par ailleurs il n'est ni prétendu ni démontré que la CAISSE pouvait avoir connaissance au moment de la conclusion du contrat litigieux signé sous seing privé le 20.07.2007, des possibles variations du taux de change euros/francs suisses à venir plusieurs mois et plusieurs années plus tard.
La société civile FRAMATH a accepté en toute connaissance de cause le risque lié à l'évolution du taux de change du franc suisse par rapport à l’euro, qui pouvait lui être favorable ou défavorable. En outre la clause, qui instaure un aléa pouvant être favorable à l'une ou à l'autre des parties selon l'évolution du taux de change en cours d'exécution du prêt, ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat au détriment de l'emprunteur. Elle n'est donc pas abusive.
Il en est de même de la clause qui en découle, située en page 11 de l'acte de prêt stipulant « il est expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur », ce qui est clair et compréhensible, d'autant plus que l'emprunteur était averti et qu'il a reconnu en fin de clause, page 12, avoir reçu une notice du prêteur l'avisant du risque particulier lié à ce type de prêt. En tout état de cause cette clause ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat au détriment de l'emprunteur, l'une ou l'autre des parties pouvant profiter de l'évolution des cours.
La demande tendant à reconnaître le caractère abusif des clauses précitées est rejetée.
Sur le manquement allégué à un devoir de conseil :
La société civile FRAMATH soutient que la CAISSE a manqué à un devoir de conseil renforcé dès la souscription du crédit, puis en cours d'exécution en ne lui recommandant pas de refinancer son crédit en euros alors que le franc suisse a évolué contre l’euro.
Le banquier dispensateur de crédit n'a pas de devoir de conseil envers son client sur l'investissement projeté ; il n'est tenu d'une obligation de mise en garde qu'envers un emprunteur non averti et en cas de risque d'endettement né de l'octroi du prêt.
La société civile FRAMATH, dont l'un des co-gérants était un professionnel du chiffre, était un emprunteur averti, en mesure de réaliser les conséquences financières de l'évolution du taux de change en sa défaveur. La CAISSE n'était pas tenue d'un devoir de conseil à son égard lors de la conclusion du prêt et au en cours de son exécution, ce d'autant plus d'une part, qu'elle souligne que toutes les échéances ont été payées à bonne date, que d'autre part la société civile FRAMATH avait un patrimoine conséquent dont le bien immobilier de [ville A.] évalué à 1.813.982 euros au 29.03.2007, et le compte titre d'un montant initial de 980.000,00 euros constitué grâce au prêt litigieux. En tout état de cause il résulte des pièces 15 et 16 de l'intimée qu'elle lui a proposé la conversion du prêt en euros lors d'un entretien du 25.10.2011, et que M. X., gérant, l'a expressément refusée.
La demande en dommages-intérêts pour manquement à une obligation de conseil est rejetée.
Le jugement est confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure de première instance sont confirmées.
Succombant en appel la société civile FRAMATH sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à payer à la CAISSE la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Toute autre demande fondée sur ces dispositions est rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déclare irrecevables les demandes de la société civile FRAMATH en dommages-intérêts pour manquement au devoir de mise en garde et manquement au devoir d'information ;
Déclare irrecevable la demande en nullité des clauses imposant le remboursement de « la contrevaleur en francs suisses » et stipulant que « le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur » ;
Rejette la demande tendant à constater que les clauses imposant le remboursement de « la contrevaleur en francs suisses » et stipulant que « le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur » sont abusives ;
Condamne la société civile FRAMATH à payer la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORRAINE la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société civile FRAMATH aux dépens de la procédure d'appel ;
Déboute les parties de toute autre demande.
Le présent arrêt a été prononcé par sa mise à disposition publique le 17 Mai 2018, par Madame DUSSAUD, Conseiller en remplacement de Monsieur Guy HITTINGER, Président régulièrement empêché, assistée de Mme TOLUSSO, Greffier, et signé par elles.
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5920 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Immeubles - Contrats immobiliers conclus par des sociétés immobilières
- 6011 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Principes généraux - Appréciation de la personne du consommateur
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6018 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Exceptions : clauses obscures
- 6619 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Taux d’intérêt et frais
- 6638 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Présentation générale
- 9742 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Monnaie étrangère